>Histoire

1 / 07 / 2023

Chronique des envahisseurs.

Marc Prévotel, militant anarcho-syndicaliste rédige de 1976 à 1989, ses « chroniques des envahisseurs ». Il y montre comment l’Eglise catholique, officiellement ralliée à la République prétend « infuser dans toutes les veines de l’Etat, comme une sève et un sang réparateur, la vertu et l’influence de la religion catholique ». (Pape Léon XIII, en 1895). Il met en évidence le rôle assigné à la CFDT et au courant personnaliste chrétien désormais installé – par « effraction », certes – à la tête de la Vème République. (Voir, Marc Prévotel : « cléricalisme moderne et mouvement ouvrier »).

André Henry, le retour.

Il ne servait plus à rien depuis quarante ans. Le revoilà. Qui ? L’unique et donc incomparable ministre du « Temps libre » du gouvernement dit d’union de la gauche de mai 1981 à mars 1983 ; un gouvernement marqué CFDT-PCF.

André Henry fut secrétaire général de l’ex Fédération de l’Education Nationale (FEN) qui rassemblait encore jusqu’au début des années 80, la grande majorité des personnels enseignants ou pas de l’EN.

Sous l’ère Alain Savary, ministre de l’Education nationale de mai 1981 à juillet 1984, André Henry a ingurgité bien des couleuvres. Il n’était pas obligé.

Refusant la collaboration FEN-gouvernement, par dizaines de milliers les syndiqués de la FEN ont déserté les rangs de ce drôle de syndicat. La prise en charge de toutes les contre-réformes, de l’austérité budgétaire qui n’a jamais cessé et, cerise sur le gâteau, l’augmentation comme jamais vue des crédits publics aux établissements privés confessionnels, ont provoqué son éclatement.

André Henry prétend modestement avoir été choisi parce que : « j’étais, depuis déjà plus de 6 ans, le seul leader syndical capable de réunir tous les syndicats qui se faisaient la gueule. Le seul lieu où se réunissaient les syndicats, c’était à la FEN, dont j’étais le secrétaire général » (1). Un rassembleur ? Ou plutôt l’un de ceux qui a accéléré le processus de décomposition de la FEN ?

FO a construit ses syndicats dans l’enseignement ; la FNEC-FP-FO est maintenant une fédération incontournable … en attendant de prendre la place qui lui revient : la première.

« Une réforme des retraites mal faite … »

André Henry s’exprime dans les colonnes du POINT. Chacun est libre de sexprimer où il veut. Le plus important, c’est le contenu.

Titre de l’interview : « Il faudra abandonner l’idée du dimanche comme un jour de repos sacré ». N’est-ce pas un début intéressant pour les « employeurs » ? Voici quelques extraits parmi les plus réjouissants.

À Question : Vous avez été le seul ministre du Temps libre, mais il y a eu d’autres ministres avec des intitulés fantaisistes, comme ministre de la Cohésion des territoires, ministre de l’Identité nationale, ou ministre de la Réforme de l’État… Comment fait-on pour incarner une idée quand on hérite d’un ministère qui n’existe pas vraiment ?

On se dépatouille ! J’ai échoué dans ma mission pour deux raisons. La première était mon incompétence : j’étais un syndicaliste, sans expérience politique. Or le militantisme politique et le militantisme syndical n’ont rien à voir entre eux. Dans un syndicat, on respecte des motions, alors qu’en politique on a pour préoccupation de voir son mandat renouvelé. La seconde raison, c’est que le ministère du Temps libre n’est pas arrivé au bon moment, il aurait été mieux avec Martine Aubry, lorsqu’elle a fait passer la semaine de trente-cinq heures, ce que nous n’avons pas pu faire en 1981, à cause de l’inquiétude des Français devant le chômage »

Les 35 heures ….

35 heures avec à la clé une politique ininterrompue de suppression massive de lits, de services, voire d’hôpitaux. Même la Cour des comptes doit admette que « la création de postes n’a pas permis de compenser intégralement la RTT ». Et pour cause ! Faut-il rappeler que la politique de saccage de l’hôpital – avec la politique de l’enveloppe fermée, le budget global – fut inaugurée par un ministre « communiste », Jack Ralite ? Cette politique s’applique toujours sous une autre forme, aggravée, avec l’ONDAM. Certains voudraient nous faire croire maintenant que la construction d hôpitaux neufs implique automatiquement la suppression de postes. L’erreur- à moins qu’il ne s’agisse d’autre chose – est grossière. Notons qu’en visite à Marseille, le chef d’état-du-coup-d’état-permanent a annoncé la construction d’un nouvel hôpital. Pas de quoi se réjouir trop vite. Il s’agit d’un hôpital militaire, en prévision de nos prochaines guerres « de haute intensité ». Gouverner, c’est prévoir…Avec les 35 heures, la « maîtrise des dépenses de santé » et le budget global, ce n’est pas vraiment « les jours heureux ».

(« L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est un objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville et d’hospitalisation dispensés dans les établissements privés ou publics, mais aussi dans les centres médico-sociaux. Il a été créé par ordonnances du 24 avril 1996. Il est fixé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) » (Source : site « Vie publique »). Il ne peut y avoir un ONDAM acceptable (2).

De tout cela A. Henry ne veut pas entendre parler. Ce serait de la faute « des français » s’il n’y a pas eu du temps de son ministère de réduction sérieuse du temps de travail. Difficile de faire plus simpliste. Les 35 heures à l’hôpital, sans la création des dizaines de milliers de postes que cela nécessitait fut une des plus grandes arnaques de la « gauche ». Tous les gouvernements de la Vème république ont utilisé cette « réforme » pour poursuivre la politique de démantèlement de l’hôpital public, notamment madame Touraine.

Quant au « respect des motions » à la FEN … Les plus anciens se rappellent de Yannick Simbron (dit, Saint-Bron) qui sévit d’abord en Loire-Atlantique avant d’être propulsé patron de la FEN nationale. Il voulait la « recomposition syndicale » … derrière la CFDT (3) ; il était partisan du « travailler autrement » opposé aux revendications ; d’autres disent maintenant : « travailler mieux ». C’est peut-être plus hypocrite encore. Les jésuites et leurs hommes de main y excellent. L’art de recycler les escroqueries !

Un autre secrétaire général de la FEN, Jacques Pommateau que presque tout le monde a oublié, fort heureusement, s’écriait peu après le renvoi d’Henry de l’éphémère ministère : « qu’il ne manifestait pas pour la défense du “confort des enseignants”», autrement dit pour les revendications des personnels enseignants, mais pour la «défense de l’école».

Les gouvernements de la Vème république ont su appliqué avec zèle le fameux : « travailler plus, avec moins de moyens » … mais, en « équipes », c’est-à-dire travailler « autrement ».

Et logiquement, cette caricature de bureaucrate de Simbron estimait comme ses « camarades » Pommateau et Simbron que « le syndicat ne doit pas être une caisse de résonnance des aspirations de la base ». Peut-on faire pire ?

Q : Que feriez-vous aujourd’hui si vous étiez ministre du Temps libre de Macron ?

Je préfère l’appeler monsieur Macron, et je tiens à dire « monsieur », car je suis un vieux démocrate, c’est ma culture de Vosgien né dans les bois, élevé par une grand-mère, sans papa, que de dire « monsieur Macron » ou « président Macron ». Donc, si monsieur Macron me demandait d’être ministre du Temps libre aujourd’hui, je donnerais priorité à l’éducation au civisme. Nous sommes dans une société de défiance, à l’égard de tout et de tous. La méfiance envers la classe politique est un drame pour la société française.

La « méfiance » envers un pouvoir (et Macron plus particulièrement) qui utilise toutes les ficelles de la constitution anti-démocratique de la « république du coup d’état permanent » (Mitterrand) serait donc illégitime ou injuste ?

Q : Que pensez-vous de la réforme des retraites du président Macron ?

Je pense que cette réforme a été trop brutale, mal faite, et mal exposée. La réforme Touraine a été mieux réussie dans la méthode, et a d’ailleurs été mieux acceptée par les Français, qui ont besoin de temps pour être convaincus. Là, le président Macron a été brutal, il a braqué Laurent Berger, le secrétaire général du premier syndicat de France, seul homme capable de faire un lien entre un mouvement social dur et un camp social-démocrate. C’était une erreur politique de se le mettre à dos. Cela me pose aussi problème, car quand je vois l’âge plus élevé de départ à la retraite de nos voisins européens, je me demande si l’on pouvait encore tenir longtemps économiquement. Je fais d’ailleurs le pari que, lorsque la gauche reviendra au pouvoir dans quelques années, elle se réjouira de cette réforme, car elle n’aura pas à la faire elle-même ! »

Touraine-Macron.

En voilà un qui ne manie pas la langue de bois !

« J’étais un syndicaliste sans expérience politique » ; en somme une sorte de perdreau de l’année ? Allons donc !

André Henry fait partie de cette génération de militants qui a accompagné la destruction de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) au profit du nouveau néo-parti socialiste constitué en 1971 à Epinay autour du futur « 1er président socialiste de la Vème république » – c’était la 1ère étape – la seconde étape étant aux assises du socialisme, celle de l’entrée en force des militants CFDT en 1974 (fraction Rocard-Maire-Delors). C’est à ce moment qu’André Henry adhère au néo-parti « socialiste ». Il aurait pu y adhérer pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être. Mais non. Ce fut l’inverse.

Dix ans à peine après la tenue du concile Vatican II, la stratégie cléricale de pénétration des organisations ouvrières (syndicats et partis) trouvait un premier aboutissement.

La CFDT avait intégré le Comité National d’Action Laïque (CNAL), Comité où les militants syndicalistes ouvriers de FO (de la CGT-FO) et ceux de la CGT militaient côte à côte malgré toutes les difficultés, tous les obstacles, espérant qu’un jour, un gouvernement vraiment « progressiste » mettrait en application le serment de Vincennes.

Des militants de la Ligue de l’enseignement et de la Libre pensée ont réalisé ce document de 30 minutes qui rappellera bien des souvenirs aux plus anciens et qui instruira utilement les plus jeunes :

https://www.youtube.com/watch?v=mxK0nznsHDM  

Maintenant, l’ex « syndicaliste » Henry nous dit que pour la réforme des retraites, la méthode n’était pas la bonne. Pour enfumer (pour être poli) les travailleurs, il faut du doigté. Et là, notre homme se pose en expert, en corps intermédiaire compétent (4).

Il nous parle de Touraine – madame Touraine – une experte celle-ci. Mais il pourrait citer tout aussi bien Valls, El Khomri, oubliés (5) peut-être par distraction.

Non merci ! Plus jamais ça !

Pour en savoir plus :

La loi Savary contre l’école publique.

Loi Aubry, loi scélérate

Et raconté de l’intérieur par un secrétaire général départemental du Sni, syndicat des instituteurs affilié à la FEN, comment les militants cléricaux ont « mis la main » sur les organisations syndicales.

Dans l’enseignement, l’ « autonomie » de la FEN (l’autonomie n’est pas l’indépendance) a grandement facilité l’opération.

CHRONIQUE DES ENVAHISSEURS (1/2)

CHRONIQUE DES ENVAHISSEURS 2/2

1- Le poste de ministre de la Fonction publique lui avait été proposé. Finalement, c’est le « communiste » Ancet le Pors qui le récupère. Il doit mettre en œuvre les premières mesures découlant de la sacro-sainte décentralisation. Il fallait bien, comme à la santé, un ministre PCF pour discipliner les fonctionnaires et notamment, ceux de la CGT.

2- En février 2022, la fédération FOsanté évalue à 200 000 le nombre d’emplois à créer dans le secteur hospitalier. C’est « un minimum » explique Didier Birig, secrétaire général de la fédération. Les coupes budgétaires frappent partout (y compris pendant le COVID) à tel point que la fédération évalue à entre « 18 et 20 % le nombre de personnels hospitaliers  en risque élevé de burn out ». « La pénurie de personnels est organisée ». FO santé et Didier Birig ont raison. Pas question de lâcher sur les revendications ! Pas question de se laisser entrainer sur le « terrain sociétal » qui conduit à tous les renoncements … et à toutes les dérives.

3- Au congrès de la Confédération européenne, Laurent Berger a fait adopter une « Charte des valeurs » inspirée des statuts de la CFDT. Toutes les confédérations l’ont adoptée. Sauf FO.

4- Le président des banquiers a évoqué une « grande conférence sociale » pour fêter les cent jours. Presque tout le monde a dit oui. L’important, c’est le « presque ». FO a dit NON. Du coup, on ne sait pas bien ce que devient cette grand’messe. FO n’est pas un corps intermédiaire.

Notons aussi que la nouvelle secrétaire générale de la CFDT a émis cette plainte, après sa nomination : « Pas de son, pas d’image ». « Le président ne l’a pas félicitée pour son élection », note la presse. Il semblerait qu’au-delà des interminables opérations de com du petit Bonaparte, celui-ci continue d’afficher son parfait mépris pour un des corps intermédiaires pourtant sans conteste parmi les plus compréhensifs. On verra comment tout cela se terminera. La SG se montre pourtant « confiante » : « Il n’y a pas de raison que le président de la République surtout si, comme il le dit est ouvert à la concertation, ne parle pas avec la avec la secrétaire générale de la 1ère organisation syndicale française ». Tant qu’il s’agit de causer …

5- Dernière minute : miracle de l’extrême-droite bolloriste, on vient de retrouver sa trace, cosignataire d’une curieuse tribune où figure toute la « crème » des individus associés – dans le cadre stricte de » la Vème république – à toutes les politiques réactionnaires de ces quarante-deux dernières années. Sauf encore, Valls, « monsieur Valls » comme dirait Henry.

JM. 1 juillet 2023

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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