9 / 01 / 2022
Lorsque les militants syndicalistes organisent une manifestation, une grève, ils attendent de la presse des reportages honnêtes. Il y en a parfois. Pas si souvent. Ce qui fait qu’on les remarque.
Le quotidien le MONDE fait partie de ceux qui sont habitués à travestir la vérité, soit par le mensonge, soit en masquant les informations les plus importantes ; ou, le plus souvent, par la combinaison des deux méthodes.
On se souvient de certaines caricatures ignobles de Plantu à l’encontre de Marc Blondel …
Le sieur Noblecourt, apôtre du « syndicalisme rassemblé » … derrière la CFDT y tient la vedette depuis de longues années.
En 1982, Noblecourt quitte la CROIX pour Le Monde et y suivre la « question syndicale ». En 2005, il estime que « les syndicats doivent gagner en maturité » autrement dit, doivent accepter les contre-réformes du MEDEF.
En octobre 2018, l’illustre « journaliste » constate, dépité : « FO a survécu ». Eh oui ! même si Noblecourt et ses employeurs ne le veulent pas, on est toujours là …
Le quotidien des « élites de rayonnement » se veut un journal d’informations. Alors, pourquoi cette attitude haineuse ?
Il faut pour le comprendre, revenir à l’origine.
Le fondateur du Monde dont le 1er numéro sort le 19 décembre 1944 s’appelle Hubert Beuve-Méry (HBM), dit : Sirius. Le parcours de l’individu explique bien des choses.
Un journaliste du Monde, Laurent Greilsamer a publié un pavé de 700 pages à la gloire d’ HMM. Rien de ce qu’il écrit n’a pour fonction de jeter la moindre ombre sur l’action publique d’HBM. Et pourtant …
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Quelques extraits. « Sirius réussit à faire de son journal le bréviaire de la classe politique sous la IVème et sous la Vème République ». « Un rêve typiquement « beuve-mérien » s’esquisse : « le retour à une Europe inspirée, celle du Moyen-âge, des frères défricheurs, de la chrétienté combattante, porteur des valeurs morales qui sont à la source de notre civilisation ». 1940 :« Il faut à une révolution nationale un chef … la révolution nationale a son chef (Pétain) mais elle cherche ses cadres … » HBM en appelle « à la fin du règne de l’argent ». Et voilà un autre adversaire « de la finance » ! |
L’enfance.
Greilsamer écrit : HBM est issu « ( … ) d’une famille qui offrit son contingent de prêtres et de religieuses à l’Eglise, d’officiers à l’armée et de commerçants au négoce … »
Sur recommandation d’un prêtre, la vicomtesse de la Redorte prend en charge le petit Hubert.
Adolescence.
« La religion l’enveloppe ». Il se destine à la prêtrise. « Tout le fascine et en particulier une gravure montrant le dominicain, (Lacordaire), une fois descendu de chaire, se faisant fouetter pour se faire pardonner on ne sait quel pêché … il s’impose des mortifications en signe de pénitence éparpillant du houx dans ses draps … » On sait que son futur mentor, le prêtre Emmanuel Mounier s’adonnait au même type de pratiques. Bien sûr, ce n’est pas drôle.
Le bon père Janvier.
Le bon père Janvier qui « suit » HBM est de ceux qui « s’opposent aux mécréants comme une digue de granit ». L’individu, monarchiste, est « proche de l’Action française ». La république, la révolution de 1789 serait l’œuvre de Satan. En chaire, le bon père blanc déclare :
« Aujourd’hui, le bien demande que l’on réprime les abus du Capital ; demain, il interdira de favoriser les revendications excessives des prolétaires … »
Greilsamer nous apprend que le bon curé « fustige les danses modernes empruntées aux nègres (1). Il est d’un « racisme paternaliste », d’un « anti sémitisme non haineux, mais raisonné, distingué », il dénonce les « dangers de l’islamisme » et « la Russie communiste ». Et pour faire bonne mesure, « la jeune Italie fasciste et le Duce ont droit pour leur part aux honneurs avant que la revue (une revue dirigée par ce Janvier) ne se ressaisisse ».
On sait que l’Eglise catholique, loin de se « ressaisir » a accompagné les turpitudes de l’Italie fasciste du début à la fin. (Voir : « le bal des domestiques »).
HBM partage tout ceci. Erreurs passagères de jeunesse ? Pas vraiment.
Journaliste au TEMPS.
HMM est embauché au TEMPS. Le « grand » quotidien de l’avant-guerre est financé par le patronat. Certains y voient l’ancêtre du Monde; le TEMPS, c’est bien la « bourgeoisie faite journal ».
En 1932, HBM commence à fréquenter les milieux personnalistes chrétiens de Mounier.
Il se rend en URSS. Voici sa conclusion : « le peuple russe, un peuple de primitifs enclins au mysticisme (sic) qui se transforme lentement en un peuple de primaires plus ou moins fanatisés … »
Il s’inquiète de « la décadence morale des démocraties » et des « excès » du national-socialisme. Il distribue dans les colonnes du TEMPS d’innombrables leçons de morale.
Ils sont nombreux les « non conformistes » des années 30 à partager les préoccupations d’HBM.
L’historien Jean-Noël Jeanneney résume l’attitude de ce fleuron de la pensée bourgeoise en 1940 : « Le TEMPS fut raisonnablement vichyste ». Mais, trop mou, trop fade pour HBM, le « révolutionnaire ».
Il est à 37 ans, titulaire des insignes de la Légion d’honneur.
Jusqu’en décembre 1942 …
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HBM s’emploie à Uriage à former des « chefs » pour Vichy. La chose est désormais assez connue. Le 25 janvier 1941, il écrit dans le FIGARO : « L’école d’Uriage est un centre laboratoire en même temps que source de vie, première ébauche peut-être de l’Université nouvelle ». Sirius décède en 1989. L’hommage est unanime. Un présentateur de JT particulièrement zélé déclare, la mine sombre : « Uriage, un des creusets de la Résistance ». (Archives INA). |
Son modèle, c’est le corporatisme de Salazar (tandis que De Gaulle penchait pour celui de Franco). Greilsamer ne cache pas qu’il « salue les principes humains et chrétiens qui animent l’œuvre et la pensée de Salazar ». Il se rend d’ailleurs au Portugal mais ne semble pas voir « les manifestations et les grèves (un gréviste risque plusieurs années de prison) qui accompagnent des marches de la faim ». En effet la dictature salazariste expédie à l’Allemagne d’importantes fournitures alimentaires et « elle est obligé en compensation de rationner sévèrement la population ». (Cité par Jacques Georgel, le salazarisme, 1926-1974).
Fin 1942, sentant le vent tourner, HBM cherche le contact avec certains secteurs de la résistance, notamment le mouvement de H. Frenay dont la doctrine sociale rejoint la sienne. La doctrine est immuable. HBM sait s’adapter aux rapports des forces et aux circonstances.
La divine naissance.
Greilsamer note : « La libération a placé bon nombre de ses amis à des postes stratégiques … » C’est exact. Ainsi un dénommé Paul Reuter, cheville ouvrière d’Uriage est embauché par Jean Monnet pour établir le fameux PLAN (plan rataplan) qui doit relancer l’économie (capitaliste). Reuter mais il y en a bien d’autres … souvent inconnus du grand public.
De Gaulle lui demande : « refaites-moi le TEMPS ».
Conseiller surtout par ses « amis dominicains » qui parrainent « ses » nouveaux « journalistes », HBM se lance dans l’aventure du Monde.
Il s’adresse « aux élites de rayonnement » selon « la terminologie mise au point à Uriage » (Greilsamer). Il veut prolonger Vichy mais en plus « révolutionnaire » :
Il écrit : « La victoire militaire ne servirait à rien … si le chef d’entreprise et l’ouvrier ne se sentaient enfin réconciliés dans leur commun labeur, le juste partage des responsabilités communes et du commun profit ».
C’est très précisément le fondement de la doctrine dite sociale de l’Eglise, socle de la doctrine sociale de Belin et des néos syndicalistes, doctrine aujourd’hui véhiculée tout naturellement par la CFDT-CFTC (2) et quelques autres … qui voient dans le salarié un « salarié-collaborateur » des « actionnaires-décideurs ».
« Uriagistes » d’hier et d’aujourd’hui.
Pour conclure. Greilsamer cite l’un des rédacteurs du Monde, recruté comme il se doit, par les bons pères :
« Nous formions une sorte de chevalerie, l’esprit d’Uriage était présent dans l’atmosphère ». Greilsamer confirme : « Le Monde ? une manière d’énorme Uriage concentré ».
Le Monde, c’était ça du temps de HBM. Comment dès lors s’étonner du manque d’objectivité lorsqu’il s’agit d’informer honnêtement le lecteur ? Mais, on pourra peut-être objecter que tout ceci, c’est du passé. Le Monde n’est peut être plus ce qu’il était ?
Bien sûr, l’air du temps n’est plus aux « chevaliers d’Uriage ».
D’HBM a Xavier Niel.
En 2021 ; ce sont des milliardaires proches, très proches du pouvoir qui sévissent à la direction du Monde. Eux aussi sont respectueux de l’ORDRE qui assure de bonnes affaires. Notamment, Xavier Niel : « Xavier Niel repreneur naturel des journaux de Bernard Tapie. Alors que l’administrateur judiciaire, nommé lorsque les sociétés de l’homme d’affaires ont été placées en liquidation, souhaiterait attendre la fin des procédures pour enclencher une vente éventuelle, Xavier Niel paraît le mieux placé pour jouer les repreneurs. (Source : le Monde, 4 octobre) »..
Xavier Niel vient de recevoir la LEGION d’HONNEUR. C’est mérité.
HBM disait « ne pas aimer l’argent ». Ce genre de professions de foi ne change rien sur le fond. L’honorable quotidien défend toujours l’ORDRE, l’ordre capitaliste et son cortège d’abominations. C’est pour cela que ses « informations » peuvent être utiles lorsqu’elles annoncent les coups tordus des gouvernements … d’un bord ou de l’autre.
Mais le mieux est de lire chaque mois, l’OS, l’Ouest-syndicaliste, le journal de l’UD-CGT-FO de Loire-Atlantique.
1- Il y a toujours quelques « bon pères blancs » mais, depuis la conversion de l’Eglise à l’ « écologie intégrale », il y a surtout beaucoup de bons pères verts.
2- Durant les années 1970, il était de bon ton chez les « élites de rayonnement » de se précipiter en septembre sur la pleine page d’Edmond Maire, (le SG de la CFDT) dans le Monde. Il rédigeait modestement la feuille de route des gouvernements. Edmond Maire, co-décideur, « co-constructeur de consensus », co-législateur naturel … anti syndicaliste de toujours.
