>Histoire

18 / 09 / 2021

Le bal des domestiques

A l’initiative de notre Union Départementale, l’intersyndicale CGT-FO et CGT, finalement rejointe par FSU et Solidaires avaient organisé un rassemblement devant la préfecture le 14 septembre contre l’obligation du passe « sanitaire » pour aller travailler.

Les médias domestiqués ont tous soigneusement évité de mentionner nos appels à être aux côtés de toutes celles et ceux, en particulier le samedi, qui refusent le « pass sanitaire ». Notre Union départementale a pris ses responsabilités dès le début en étant avec ceux pour qui le mot « liberté » conserve un sens.

Le traitement par les médias de ce qu’il est convenu d’appeler « la crise sanitaire » continue de susciter de nombreuses interrogations ; pour le moins.

Ainsi les manifestations contre le passe sanitaire-passe licenciements ont provoqué de toutes parts une avalanche de commentaires peu objectifs, voire venimeux (1).

A quoi bon s’en indigner ? On sait qui finance les « grands » médias « d’informations ». 

Drôle de régime

Les manifestants ont été qualifiés : « d’homophobes, d’antivax, d’obscurantistes, de climato-sceptiques, d’agents de QAmon (de trumpistes ») de populistes, de gens d’extrême droite, de bouseux ignares et bien d’autres choses abominables encore … et bien sûr, de fascistes.

Il arrive que certains « syndicats », plus soucieux de la prise en charge de « l’intérêt général » que de la défense des intérêts particuliers des salariés, participent à la campagne médiatique, parfois insidieusement, peut-être un peu honteux, parfois ouvertement.

Bien sûr la caractérisation de « fascistes » mérite qu’on s’y arrête.

 Qu’est-ce que le fascisme ?

 Benito Mussolini a construit un parti fasciste. Il a pendant plus de vingt ans été le chef de l’Etat fasciste. Qui l’a soutenu, qui l’a combattu ?

Les militants syndicalistes qui ont refusé de prendre en charge « l’intérêt général », ou encore le « bien commun » ont été pourchassés, déportés, voire assassinés.

Le parti fasciste a été financé par les gros capitalistes et soutenu par l’Eglise catholique.

L’Etat fasciste (pas seulement Mussolini) a interdit les syndicats libres. Il a promulgué une Charte du Travail pour tenter d’imposer l’association Capital-Travail ; il a signé un CONCORDAT avec le Vatican pour s’assurer de son soutien plein et entier ; il a instauré une Chambre des corporations – une Chambre du futur comme on dit maintenant – pour intégrer les « syndicats » fascistes autorisés à « co-construire » les lois fascistes ; il a mené des guerres pour reconstituer « l’Empire » romain.

La liste de ses méfaits est infinie.

L’Etat fasciste, ce n’était pas seulement un Etat autoritaire, c’était un Etat totalitaire.

Août 1920. Les ouvriers occupent les usines. Toute la presse se déchaîne. Il faut mater les rebelles. Mussolini, ex syndicaliste, ex socialiste, avait commencé à construire des « syndicats » fascistes, n’hésitant pas à tenir des discours très « de gauche ». Dans le même temps, il organise des bandes armées chargées de perturber les manifestations ouvrières, de saccager les locaux syndicaux. La bonne presse y voit très vite le « Sauveur », « l’homme de la Providence ». (Pape Jean XXIII).

Quelle a été la réaction des « démocrates » ?

La lecture de la presse de l’époque est édifiante. La plupart des journaux, financés par certains secteurs du patronat, ont aujourd’hui disparu. Le TEMPS, « la bourgeoisie faite journal », l’ancêtre du Monde : disparu. La multitude de publications pro-corporatistes, fascistes : Candide, Gringoire etc. ? Il n’en reste rien.

Quelques titres ont survécu. ; le FIGARO et la CROIX qui ont gaillardement traversé la période vichyste, sans encombre … et pour cause !

Le journal du parti socialiste (SFIO) a disparu ; il y a belle lurette que le parti « socialiste » n’a plus de presse.

Quant à lHumanité, journal de Jaurès, puis du PC puis de la fraction stalinienne du PC, il faudrait y consacrer un article particulier.

Les articles de presse sont extraits de l’ouvrage de Pierre Milza : le fascisme italien et la presse française (1920-1940). Un document très intéressant et surtout, tellement révélateur et riche d’enseignements pour le présent.

Notons que Pierre Milza ne mentionne pas la revue des personnalistes chrétiens Esprit. En 1935, son chef de file, Emmanuel Mounier s’était rendu en Italie. Il en était revenu enchanté. Peut-être un sujet qui reste tabou, d’autant que l’actuel chef de l’Etat a écrit dans la revue dont il a été membre du Conseil d’administration.

Milza ne s’intéresse pas non plus aux publications syndicales.  Il faudrait y consacrer une étude particulière.

Voilà un ouvrage que devraient lire ceux qui parlent abondamment du fascisme sans savoir de quoi il s’agit.

 Par le choix de ses extraits de coupures de presse, Milza montre bien que les journaux classés à « l’extrême droite » ne sont pas les seuls à assurer la promotion de l’Etat fasciste.

Le FIGARO affirme que Mussolini est le meilleur homme d’Etat que l’Italie ait possédé.  Le TEMPS, l’ancêtre du Monde implore Mussolini « partisan de l’ordre de se mettre au service de l’Etat, en lui laissant la tâche des répressions nécessaires ».

Daudet, de l’Action française (monarchiste) admire Mussolini et exècre « les deux juifs boches Marx et Lasalle … » On pourrait poursuivre … Tout ce petit monde se retrouve uni sur la ligne de l’acceptation du corporatisme incompatible avec l’existence d’organisations ouvrières indépendantes.

En 2021, les partisans d’une forme moderne, XXIème siècle, de l’association Capital-Travail sont toujours nombreux et ne manquent pas de ressources.

Certains sont convertis au « Vatican III, intégralement vert », d’autres pas. C’est entre autres choses, ce qui les distingue.

Il sera le plus souvent ici question des deux journaux rescapés, le FIGARO et la CROIX.

Le 4 septembre 2021, le FIGARO dénonçait la présence chez les manifestants anti passe « de l’extrême droite, des complotistes et des anti sémites … » Le terme fasciste n’est pas employé à cette occasion. L’article est rédigé de telle sorte qu’on ait l’impression que les centaines de milliers de manifestants sont sous l’emprise de ces gens-là.

La CROIX notait le 21 août : « la présence d’anti vax, anti passe, néo-fascistes … » dans les manifestations. Là encore, même manipulation. Les manifestants seraient ou bien consciemment d’accord avec les « néos fascistes », ou bien manipulés.

Même démarche douteuse des journalistes domestiqués de la plupart des chaînes de télévision, le service public ne se distinguant guère des télés des milliardaires.

Bref, la bonne presse d’ « informations » met l’accent sur quelques farfelus, très minoritaires pour se livrer à des amalgames nauséabonds. Classique.

« Les domestiques, ceux qui sont domestiques dans l’âme, sont toujours plus ignobles que leurs maîtres » (Léonardo Sciascia).

1 / Les débuts du Fascisme.

Le FIGARO, 28 mars 1921 : « On assiste en Italie à une sérieuse réaction du pays à la tyrannie socialiste ».

Le ton est donné. Les bandes fascistes de plus en plus violentes vont sauver l’Italie du « péril rouge ».

La CROIX, le 7 avril 1921 bénit déjà les bandes fascistes contraintes de riposter « aux forfaits anarchistes ».

Les fascistes ? « Ce sont des groupes, compagnies de jeunes hommes qui prennent possession de la rue ; la foule les acclame alors, et, comme à Alexandrie, ville socialiste s’il en fût, leur jette des fleurs … »

Le divin quotidien se réjouit : « les défilés socialistes qui naguère occupaient toute la rue se font rares … » et conclut : « la bravoure (des jeunes fascistes) est une de leurs caractéristiques indiscutables ».

Mais alors, comment peut-on ne pas être fasciste ?

La CROIX s’inquiète malgré tout de certaines manifestations anti cléricales d’éléments incontrôlés. Pierre Milza note : « cette hostilité sera sans lendemain ». Hostilité ? le terme est un peu excessif.

La CROIX du 14 novembre 1922 annonce : « Sans doute, elles sont presque (prudence !) d’hier les manifestations anti cléricales de Pise et de Florence » (2).

« Les jeunes gens courageux » vont concentrer tous leurs coups contre le mouvement ouvrier organisé : syndicats et partis.

Même soulagement du côté du FIGARO et de presque toute la presse (sauf, le POPULAIRE (SFIO) et l’HUMANITE qui n’est pas encore placée sous tutelle de l’appareil stalinien.

2 / La victoire du fascisme.

Le FIGARO, 1er décembre 1922 : « Ce n’est point que nous ayons besoin d’un dictateur ni de tout bouleverser chez nous, bien loin de là. Pourtant comme la vie deviendrait meilleure si quelque surministre et qui ne badinerait pas prescrivait en France tout simplement ceci : A partir d’aujourd’hui, ordre à chacun d’observer la discipline et d’accomplir sa besogne exactement ! »

Au boulot ! et comme dit l‘autre : assez de chamailleries, sinon …

Concernant ce journal, Milza indique : « Avec les objectifs à longs termes du fascisme, il n’y a pas (au Figaro) de réelle opposition ». C’est exact.

La CROIX, 28 novembre 1922 : « Comme tous les amis de l’ordre, les catholiques français avaient vu avec plaisir la digue infranchissable que l’organisation fasciste avaient su opposer aux progrès si alarmants du socialisme et du communisme en Italie … »

Le 28 décembre 1922 : « L’Etat s’était dérobé, l’Etat avait abdiqué Il fallait bien que quelqu’un l’arrachât à des mains débiles ».

Blum écrit dans le POPULAIRE du 31 octobre 1922 : « le fascisme a pour lui l’opinion ». Autrement dit, on n’est pas loin de la « responsabilité collective du peuple italien » qui n’aurait que ce qu’il mérite. Quant à Marcel Cachin, future gloire de l’appareil stalinien, il assène dans l’HUMANITE du 1er novembre 1922 : « bientôt viendra l’heure de la fin de l’aventure mussolinienne ». Cachin, un génie !

Marcel Cachin et Jules Guesde (ministre d’union sacrée) avait tout fait pour faire basculer le Parti socialiste italien dans l’acceptation de la guerre impérialiste. C’est Benito Mussolini, longtemps situé à l’aile « gauche » du PSI qui répond à leurs attentes, après il est vrai, quelques financements. Il entraine à sa suite des militants syndicalistes. Il est exclu du PSI le 29 novembre 1914. On voit ici Cachin sur l’estrade paradant au congrès de Tours. Un personnage peu ragoûtant …

En conclusion de cette seconde partie, on peut prendre en considération les « inquiétudes » d’une partie de la presse. Un journal, le RADICAL du 28 octobre 1922  commentant le « redressement fasciste » explique : « il est un peu brutal, peut-être, et légèrement exagéré ». Et, le 31 octobre : « nous souhaitons que cette révolution soit couronnée par des actes de sagesse ». L’OUEST-ECLAIR du 29 octobre 1922 s’inquiète de ce que certains « excès » du fascisme ne provoquent « un danger révolutionnaire comme une réaction naturelle aux excès du fascisme ». L’OUEST-ECLAIR conseille au DUCE de mieux tenir ses troupes.

3 / L’installation du régime.

La si prestigieuse Revue des Deux Mondes (qui existe toujours) (3) du 15 décembre 1922 souligne « Les premiers actes de monsieur Mussolini sont rassurants … ce mouvement n’a rien de réactionnaire au sens étroit que les partis ont attaché à ce mot … » Le DUCE a su rétablir « la paix sociale ».

Le FIGARO du 17 juin 1924 s’inquiète encore des possibles « excès » du régime. Fort heureusement, le CHEF veille : « L’équité commande de rendre à monsieur Mussolini cette justice qu’il a vu depuis longtemps les dangers où l’entraîneraient les éléments violents de son parti ».  C’est que le modéré Mussolini n’est pas un perdeau de l’année ! D’ailleurs, « même ses adversaires reconnaissent en lui l’étoffe d’un homme d’Etat, le meilleur que l’Italie ait possédé depuis longtemps … » (28 juin 1924).

4 / Culte de la personnalité.

La bonne presse rivalise de servilité.

Le FIGARO du 2 novembre 1926 : « Qui veut-on frapper en monsieur Mussolini ? L’homme ? Il est de ceux pourtant qui forcent le respect. Tenant tête à la meute déchaînée de la Chambre après l’assassinat de Matteotti (dirigeant du Part socialiste italien), dans un discours émouvant, le chef du parti fasciste le 3 janvier 1925, revendiquait trois qualités : une intelligence lucide, un grand courage et un mépris souverain de l’argent   » Ne mériterait-il pas d’être canonisé ?

Voici le point de vue de la CROIX du 11 septembre 1927 : « ( … )  N’enlevons pas à cet homme (Mussolini) d’une si extraordinaire trempe, d’une lucidité si admirablement latine et d’une volonté de fer, la gloire d’avoir refait en mieux sa race, sa race étoffée (?) mais étourdie, abusivement fine et quelquefois vantarde ». Là, même si on ne comprend pas pleinement le mystère du message, on devine quand même qu’on a affaire à un grand homme. « Un don de la Providence » comme dira plus tard le bon pape « progressiste », pas fasciste pour deux sous, l’illustre Jean XXIII, l’homme de Vatican II.

5 / Les accords du Latran.

Les régimes corporatistes, le fascisme italien, le régime national-socialiste NAZI ont tous signé avec l’Eglise catholique des CONCORDATS qui scellent dans le marbre la collaboration entre l’Etat totalitaire et la sainte institution ecclésiale (4).

L’instruction religieuse est rendue obligatoire dans toutes les écoles. De quoi faire saliver nos évêques gaulois.

L’article 1 indique : « la religion catholique est la seule religion d’Etat » (5).

L’accord signé en 1929 suscite un article de la CROIX (le 16 février 1929).  C’est écrit Pierre Milza « un éloge quasi délirant du dictateur ». Il faudrait en effet citer tout l’article, beaucoup trop long. Voici quelques brefs extraits :

« Il a fallu par-dessus tout la coïncidence providentielle de deux hommes, la conjonction de deux astres ». Il s’agit du pape et de Mussolini. « La providence réservait Mussolini pour le règlement de la question romaine … ce sera le plus grand évènement du siècle ».

Même ton admiratif du côté du FIGARO 14 février 1929 : ( … ) L’Italie, pleine de vie et qui veut jouer son rôle dans le monde se rapproche de l’Eglise, gardienne des esprits et mère des traditions morales qui constituent la civilisation occidentale ». Ou encore le 12 février : « Bonaparte disait : il me faut un pape qui rapproche au lieu de diviser. Monsieur Mussolini a réalisé ce désir qui est aussi le nôtre ».

Léon Blum écrit cette bêtise dans le POPULAIRE du 10 février 1929 : « Ce qui est inquiétant pour nous, c’est que la papauté après avoir mené une lutte sourde et tenace (contre le fascisme) … le consolide aujourd’hui… » Lutte sourde et tenace ? Pauvre Blum qui s’interroge gravement : « L’Eglise va-elle jeter le poids si lourd de son crédit spirituel au service des régimes de dictature ? » Pauvre Blum.

6 / Laval et Mussolini, « deux astres » ? encore en 1935 ?

Le 19 décembre 1934, la CROIX proclame fièrement : « quelques soient les réserves que l’on doive faire sur certains aspects de son caractère totalitaire, on ne peut nier que le fascisme a apporté au monde une nouvelle formule politique ; des pays comme l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, le Portugal et les Etats-Unis ont appliqué plus ou moins les doctrines de la troisième Rome, et, en France même, l’organisation corporative trouve une réelle faveur chez d’authentiques démocrates ».

Pourquoi ces « réserves ». C’est que l’Etat fasciste entend contrôler les organisations de jeunesse et de femmes, ce que lui conteste le Vatican.

La référence aux EU est hasardeuse. S’il est incontestable qu’il y a deux méthodes à l’époque pour tenter de sauver, ou de prolonger l’agonie du capitalisme, d’une part la méthode des régimes corporatistes et fascistes ou et d’autre part la méthode du New Deal, la seconde ne peut s’appliquer qu’aux pays « riches ». On imagine mal le pauvre Portugal du dictateur Salazar, préconiser des augmentations de salaires pour relancer la consommation et l’économie en crise.

En 1935, les appétits impérialistes de la dictature s’affichent plus fortement. L’Etat fasciste lorgne sur la Savoie, la Corse, la Tunisie, d’où des bisbilles avec l’Etat « démocratique » français, l’Ethiopie d’où des bisbilles avec la grande « démocratie » britannique … l’engouement churchilien pour Mussolini et son régime est mis en veilleuse (6).

Pierre Laval se rend à Rome pour chercher un accord avec Mussolini. Les deux prédateurs, l’un déjà gorgé de colonies, l’autre impatient d’un nouveau partage pourront-ils faire affaire ? Un accord boiteux est conclu : la « France » cède à « l’Italie » 114 000 KM2 de désert au sud de la Tripolitaine ainsi que quelques petits territoires en Erythrée et une participation dans le chemin de fer Djibouti, Addis-Abeba. Les italiens de Tunisie,  protectorat français, voient « leur situation spéciale » prise en considération. Les deux maquignons semblent satisfaits.

 En avril 1935, le « démocrate » Laval déclare sa flamme au pas démocrate du tout Mussolini d’une façon inattendue : « Les anglais (le gouvernement) sont comme des chiens châtrés ; les chiens châtrés empêchent les autres de faire l’amour. Nous ne demandons qu’à faire l’amour avec Mussolini ». (Source : JP Cointet, « Laval » ; selon une confidence du secrétaire général à la présidence du Conseil, Léon Noël.).

Janvier 1935 : signature de l’accord Laval-Mussolini.

La « grande presse toujours bien intentionnée envers le DUCE note ceci. Le Figaro du janvier 1935. :

« Tous deux s’apercevront qu’ils ne sont pas seulement des entités politiques mais aussi des hommes très proches l’un de l’autre par l’origine terrienne et la formation d’esprit » une formulation qui reste bien vague.

Léon Blum dans le POPULAIRE du 5 janvier 1935 est plus précis : « Les deux hommes d’Etat se reconnaîtront du premier coup d’œil. … Ils n’auront qu’à échanger leurs souvenirs, Ils ont à peu près la même histoire, tous les deux sortent de nos rangs  » C’est vrai, tous les deux sont d’anciens hommes de gauche, mais lorsque deux représentants de deux impérialismes concurrents, se rencontrent pour un repartage bien hypothétique du butin, les choses ne sont pas simples et les « accords » bien fragiles.

Georges Bidault, qui sera bien plus tard président du Conseil national de la Résistance résume la profonde pensée des médias, côté « démocratie » ; dans l’AUBE du 7 janvier 1935 : « Pour la paix, il n’y a pas de honte à s’entendre avec un dictateur ». Et voilà comment le « sauveur », l’ « astre » l’ ultime rempart contre « les rouges », devient tout à coup un « dictateur », certes fréquentable … ça c’est pour la « droite ».

Et côté « gauche » ? Blum écrit dans le POPULAIRE du 5 janvier 1935 « Nous approuvons nos gouvernants (donc Laval) lorsqu’ils travaillent à éteindre les causes particulières de litige ».

L’HUMANITE du 9 janvier nous dit que « un barrage supplémentaire est posé devant les projets d’aventures de l’hitlérisme ». Autrement dit, l’impérialisme fasciste de Rome ne toucherait pas trop à « notre » Empire et ça, c’est bien; par contre celui de Berlin ? on ne sait pas trop.

6 En attendant la guerre …

L’Etat fasciste italien envahit l’Ethiopie. La faute à qui ? Au fascisme ? A l’impérialisme ? Aux appétits immodérés des capitalistes italiens ? Bien sûr que non. Léon Blum s’en prend une fois de plus au « peuple qui accepte la dictature et ne remet pas seulement entre les mains du tyran sa liberté, mais la vie des autres peuples ». (Le POPULAIRE, 22 septembre 1935).

L’HUMANITE du 19 juillet 1935 plaide pour le respect « des traités qui concernent les peuples d’Afrique » et se pose en gardien scrupuleux des intérêts de l’Empire français. Voilà pour la « gauche ».

A « droite », il y a une certaine gêne. Comment chanter les louanges du DUCE qui ne pense qu’à tailler des croupières à notre cher Empire ?

Si à Rome, le Vatican approuve la mission civilisatrice de Mussolini à Paris, la CROIX livre son embarras, le 26 octobre 1935 : « On comprend les rancoeurs de l’Italie … mais « il  y les intérêts supérieurs de l’humanité ». Sans doute pour ne pas trop indisposer les patrons de Rome, l’article se conclut par ce passage savoureux. ;un « journaliste » du sacré quotidien s’est rendu à Rome, au musée de la révolution fasciste. Il en fait ce compte rendu époustouflant :

«  Ici, tout est ferveur et recueillement. ( … ) Je me suis attardé longuement dans la rotonde où brûlent les lampes voilées de crêpes dans un silence que ne troublent pas même les pas du visiteur.  Le décor est sobre et infiniment émouvant.  Vous suivez là pas à pas le martyrologue du fascisme et son évolution … Que de morts déjà sont tombés pour l’idée … Je songeais ces jours-ci avec mélancolie que certains de ces jeunes gens  rencontrés naguère à Rome dans des familles amies … sont peut-être déjà là-bas, loin de leurs foyers, sur une terre ingrate … » (en Ethiopie). Quant aux massacres des populations civiles bombardées, gazées, déportées, pas un mot …

Bombardiers italiens prêts pour le décollage. L’armée utilise du gaz d’ypérite.

Après la victoire Mussolini déclare : « L’Italie possède enfin son empire. Empire fasciste, parce qu’il porte les signes indestructibles de la volonté et de la puissance du licteur romain 

Le titre d’empereur d’Éthiopie est attribué au roi d’Italie et à ses successeurs ».

En guise de conclusion. Ne voit-on pas clairement au travers de ces quelques coupures de presse – on pourrait y consacrer des centaines de pages – que les « fascistes » ou « néo fascistes » ou partisans pluriels du fascisme ne sont tout à fait là où certains voudraient nous faire croire qu’ils sont.

Pierre Milza cite les propos de Paul Faure dans le POPULAIRE. Aujourd’hui illustre inconnu. P. Faure fut  longtemps considéré comme un successeur possible de Léon Blum. En 1940, il se convertit à la « révolution nationale » de Vichy ; Après -guerre, l’individu a écrit ses « mémoires » : « de Munich à la Vème République ». Il y explique que les peuples sont responsables des guerres : « L’une des causes des guerres est sans contredit l’ignorance et la quiétude des peuples ».

 Paul Faure rappelle ce courrier qu’il a adressé à Pétain en 1941 : « Depuis juin 1940, notre préoccupation constante a été de souhaiter que tout soit mis en œuvre  pour éviter à notre malheureux pays des troubles sociaux et la guerre civile toujours possibles après des défaites militaires  … Il serait tout à fait imprudent  de croire que le calme et le silence  présents de l’opinion, observés dans tous les milieux, signifie que tout danger est à cet égard écarté. En réalité, un mécontentement profond, d’origine multiple, règne partout. 

Une étincelle, un jour ou l’autre, pourrait faire jaillir des foyers d’incendies … »

«Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs». (Déclaration des droits de l’homme.1793)

 

(1)    C’est le cas de Laurent Berger qui ne veut pas manifester contre le pass sanitaire parce qu’on y trouve des « gens infréquentables ». Au moins, on est certain de ne pas croiser le chemin de Berger. C’est déjà ça !

(2)     Mussolini jeune s’était spécialisé dans les diatribes anti cléricales virulentes.

(3)    On n’a pas oublié l’affaire Pénélope Fillon.

(4)    Sous le régime de Vichy, il n’y avait pas eu de COCORDAT. Pour autant Monseigneur Gerlier avait parfaitement résumé la position de l’Eglise : « Pétain, c’est la France, la France, c’est Pétain ».

(5)    Les accords du Latran sont suivis de l’encyclique quadragesimo anno (1931) qui bénit le régime fasciste. En mars 1947, le chef démcrate-chrétien De Gasperi et le chef du PCI, Palmiro Togliatti s’accordent pour inclure les accords du Latran dans la nouvelle constitution de la République.

(6)     Churchill, fan de Mussolini :

Churchill comme d’autres champions de la Démocratie, n’a pas hésité a marqué publiquement son soutien au régime fasciste. Ainsi, en janvier 1926 devant un auditoire de hauts fonctionnaires : « L’Italie est un pays qui sait faire face aux réalités de la reconstruction. Son gouvernement dirigé avec fermeté par le SIGNOR Mussolini ne se dérobe pas face aux conséquences logiques de la situation économique présente et il a le courage d’imposer les remèdes financiers nécessaires si l’on veut en effet garantir et stabiliser une reprise nationale ».

En janvier 1927 (source Churchill, prophet of truth, 1922-1939) ; il s’adresse à Mussolini : « Si j’avais été italien, je suis sûr  que je vous aurais apporté un soutien total à toutes les étapes de votre combat triomphant contre les passions et les appétits bestiaux du léninisme. En grande -Bretagne, nous n’avons pas encore dû faire face à ce danger de la même façon. Nous appréhendons ces questions d’une manière qui nous est propre ».

En somme, Churchill explique : parce que vous italiens, vous êtes pauvres, vous avez l’obligation de recourir à un Etat totalitaire pour discipliner la classe ouvrière et détruire ses organisations. Nous, britanniques, qui sommes riches, grâce à l’Empire, nous pouvons conserver une apparence de démocratie tant que la lutte des classes ne remet pas en cause notre domination.

Faut-il rappeler que la grande grève générale de 1926 contre laquelle Churchill est monté au front a été trahie par la bureaucratie de l’internationale communiste ou  « communiste » en voie de stalinisation et par ses relais dociles britanniques. Mais de cela, Churchill préfère ne pas parler.

En 1935, Churchill s’inquiète de la tendance un peu trop expansionniste à son goût de l’impérialisme italien sur le continent africain. Le « démocrate » Churchill et le totalitaire Mussolini chassent sur les mêmes terres. La concurrence est alors acharnée.

 JM septembre 2021.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

>Suite

Calendrier de l’UD : cliquez sur les jours

<< Avr 2024 >>
lmmjvsd
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 1 2 3 4 5