>Histoire

2 / 09 / 2023

Les syndicats et la guerre (suite).

Une première partie est parue sur ce site, ici :    http://force-ouvriere44.fr/les-syndicats-et-la-guerre/ 

« Tandis que les Etats-Unis exigeaient avec la doctrine Monroe et par la force des armes, que le marché chinois soit totalement ouvert au commerce, ils insistaient en revanche pour que l’Amérique latine reste un marché fermé, fermé à tous, sauf aux Etats-Unis évidemment ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces lignes de l’historien H. Zinn, conservent une certaine actualité.

Dans son « histoire populaire des Etats-Unis » Howard Zinn montre que les guerres, notamment celles des Etats-Unis n’ont jamais pour fonction de défendre la démocratie ni de protéger les peuples contre les appétits de tel ou telle tyrannie. Bien au contraire.

Il met aussi en évidence cette autre terrible réalité : les guerres de conquête menées au nom de la démocratie ou de la « civilisation » s’accompagnent toujours d’une véritable guerre des classes.

Le cynisme et l’arrogance des chefs de guerre n’ont pas fini de nous étonner. Rappelons qu’en 1941, Churchill et Roosevelt font adopter une « charte », dite la « charte de l’Atlantique » qui proclame « le droit des peuples à décider du gouvernement sous lequel les peuples veulent vivre ».

Pourtant, en Inde, 400 millions sont maintenus en esclavage, même si officiellement l’esclavage n’existe plus. En 1942, éclate une grève générale. L’armée britannique réprime. C’est un massacre.

1942-1943, Churchill supervise personnellement la destruction à une échelle gigantesque de millions de tonnes de riz qui ne devaient pas tomber aux mains du concurrent japonais. C’est la famine, méthodiquement, scientifiquement organisée. Selon les spécialistes, elle fait au Bengale trois millions de morts. C’est la barbarie. La guerre impérialiste, c’est la barbarie, toujours.

Un syndicaliste digne de ce nom peut-il se comporter d’une façon ou d’une autre en auxiliaire de cet ordre barbare ? C’est pourtant ce que les gouvernements très démocratiques des Etats-Unis et de Grande-Bretagne ont exigé des syndicats.

La famine au Bengale, organisée par Churchill, ce n’est pas au programme des écoliers, lycéens et étudiants britanniques.

Les syndicats dans le viseur.

 A chaque fois que se déchaine la guerre, les militants syndicalistes devraient rentrer dans le rang, marcher au pas, applaudir les leaders, prêcher la soumission à leurs adhérents, multiplier les courbettes ; fournir des ministres, leurs « élites », bref, se comporter en dociles « corps intermédiaires » méprisés de tous : des employeurs capitalistes d’une part, des travailleurs trahis d’autre part.

Résistance ouvrière.

Cette politique se heurte aux Etats-Unis à la résistance de nombreux travailleurs.

Lorsqu’il se sent menacé, l’Etat, qu’il soit « démocrate » ou « républicain » a pour fonction principale, avec sa police, son armée, éventuellement ses bandes armées – milices patronales  – de briser toute forme de résistance. On peut s’en plaindre, demander courtoisement des « réformes », voire une « réforme » des forces de répression (la police), tout ceci n’est-il pas dérisoire ? Autant demander à un loup de bien vouloir par « humanité » renoncer à la viande crue.

Howard Zinn explique :

« Malgré l’atmosphère générale de patriotisme, malgré les engagements à ne pas faire la grève par les responsables de l’A.F.L. et du C.I.O. de nombreux travailleurs américains, mécontents du gel des salaires – alors que les profits des entreprises battaient des records – se mirent néanmoins en grève. Pendant la guerre, il y eut quatorze mille grèves impliquant quelque 6 700 000 travailleurs, bien plus qu’à n’importe quelle autre période comparable de l’histoire des Etats-Unis ».

Bien sûr, les historiens de cour, c’est-à-dire beaucoup d’entre eux, n’en disent pas un mot. Dans les lycées et universités, c’est le silence complice. Dans les écoles, certains Etats préfèrent abrutir les gamins de « théories » créationnistes. Mais les faits son têtus. H. Zinn précise :

« Pour la seule année 1944, un million de travailleurs se mirent en grève dans les mines ».

Leurs camarades mineurs exploités en France, en Grande-Bretagne, et jusqu’au Congo soi-disant belge avaient agi de même.

( … ) dans les aciéries, dans l’industrie et dans les transports … »

Les ouvriers du secteur automobile dont le patron, Ford, se sent si proche du IIIème Reich – le business, ça rapproche ! – savent que leurs intérêts n’ont rien à voir avec les va-t-en guerre patriotes, la plupart chrétiens jusqu’au bout des ongles.

Le capitaliste Henry Ford – on ne dit pas « oligarque » pour un américain – reçoit la plus haute distinction du régime nazi pour un non aryen : la Grande Croix de l’Aigle allemand. Un grand moment d’émotion pour les démocrates et « progressistes » du monde entier. Même PIE XII ne l’a pas eue !              

Howard Zinn pas patriote pour deux sous, note dans son livre « le pouvoir des oubliés de l’histoire » :

« Dans les années 1930, quand les ouvriers (et non pas les « collaborateurs » !) de l’industrie automobile ont fait grève contre Ford et General Motors, rares ont été les observateurs qui ont parié sur leur victoire … » Ils ont pourtant eu l’armée, la police et les milices patronales du New Deal sur le dos. Mais eux, ont bloqué la production et même parfois, ils ont élu des comités de grève … plutôt que de manifester leur mécontentement toutes les trois semaines … « dans la durée » …

Ils utilisent la meilleure arme à leur disposition, la grève, pas pour témoigner dans le siècle, mais pour bloquer la production et taper là où ça fait mal : les profits. Jusqu’à présent, on n’a pas trouvé d’autres moyens pour faire céder les exploiteurs*.

Diviser pour mieux régner.

Les classes dirigeantes bellicistes doivent trouver des minorités coupables de tous les maux : ici, les juifs, là les musulmans, ailleurs les races qualifiées d’inférieures ou « pas évoluées », les slaves ou les Noirs selon les besoins … et dans tous les cas, les syndicalistes qui revendiquent sans se soucier de l’ « intérêt général ».

Minorité coupable.

Aux Etats-Unis, les citoyens d’origine japonaise furent désignés à la vindicte populaire. Evidemment tout syndicaliste comprend qu’un travailleur japonais ou d’origine japonaise a exactement les mêmes intérêts que son camarade de travail américain, qu’il soit blanc, noir, métis, d’origine mexicaine ou autre.

« Un des aspects de la politique américaine semblait directement s’inspirer du fascisme. Il s’agit du sort réservé aux américains d’origine japonaise de la côte Ouest. Après l’attaque de Pearl Harbor, une hystérie anti japonaise éclata au sein du gouvernement. Un membre du Congrès déclara : Je suis pour que l’on se saisisse de tous les Japonais en Amérique, de l’Alaska à Hawaï, et qu’on les mette dans des camps de concentration … qu’ils aillent au diable ! Qu’on s’en débarrasse ! » C’était le début de la constitution d’un « arc raciste ».

Un citoyen américain d’origine japonaise membre de l’AFL ou du CIO, c’était devenu presque inconcevable ; ça relevait du complotisme. Exiger une augmentation du salaire en pleine guerre, et qui plus est, si on a les yeux bridés ! Oh, my god !

Enfants d’origine japonaise déportés dans un camp de concentration. Le gouvernement fédéral s’est excusé en 1988 et a accordé des « dédommagements » aux rescapés. Les militants syndicalistes pourchassés, licenciés, emprisonnés … n’ont pas reçu de petit mot d’excuse.

On sait par ailleurs que, malgré la suppression officielle de l’esclavage, des millions de citoyens Noirs ou métis n’étaient toujours pas les bienvenus dans les syndicats … pour formuler la chose de façon mesurée.

« Franklin D. Roosevelt ne partageait pas cette hystérie, mais il signa tranquillement le décret 9066, en février 1942, donnant à l’armée le pouvoir d’arrêter sans mandat, tous les américains d’origine japonaise de la côte Ouest – cent mille hommes femmes et enfants (c’est que les petits pouvaient eux-aussi nuire gravement aux intérêt de la grande Démocratie américaine) de les expulser de chez eux, de les regrouper dans des camps au plus profond des Etats-Unis … les trois quarts d’entre eux étaient des nisei, nés sur le sol américain de parents japonais, ils étaient en conséquence citoyens américains ».

L’ordre barbare ne laisse rien au hasard**.

En France, la police de Vichy rafle les juifs, aux Etats-Unis, ce sont les « japonais ».

L’ambassadeur des Etats-Unis à Vichy, un amiral du 1er cercle de Roosevelt, noue des liens d’amitié avec Pétain. Sa politique l’enchante.

L’ordre barbare Béni par l’O.N.U.

Pour conclure cette courte note, citons ce rappel de Zinn :

« La création des Nations unis pendant la guerre fut présentée au monde comme une coopération internationale visant à prévenir les guerres futures ».

En réalité après l’apocalypse nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki, les guerres n’ont jamais été aussi nombreuses avec toujours, globalement les même enjeux : le contrôle par une minorité exploiteuses des richesses de ce monde.

Zinn fournit le détail.

Décidément, les militants syndicalistes ne doivent jamais se comporter en subsidiaires de ces intérêts là … même si l’O.N.U. le demande. Surtout si …

* Les manifestations « dans la durée » sans le « blocage » de l’économie, pour l’abandon de la contre-réforme des retraites, ont permis au MEDEF et ses serviteurs-mercenaires gouvernementaux de faire passer leurs plans destructeurs. L’ancien secrétaire général de la C.G.T. devait défendre cette orientation devant le récent congrès confédéral. Il a été mis en minorité. Sa candidate préférée a été mise en minorité.

** Aujourd’hui encore, des « progressistes » – certains rêvant d’occuper de très hautes fonctions tout au sommet de la Vème république – chantent depuis le QG des jésuites, les louanges de la politique rooseveltienne et de son « économie de guerre », qu’ils rêvent de « verdir » pour la rendre plus conforme aux directives de monsieur Bergoglio et intégrer à part entière, à « gauche », un « arc néo corporatiste » en gestation.

 Processus inachevé …

JM 2 septembre 2023.

chaud ! chaud ! chaud !

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