>Histoire

29 / 01 / 2022

« Est-ce que ce monde est sérieux ? » (L’OS décembre 2021).

L’OS de décembre 2021 note que la direction de l’hôpital de Brive a embauché des comédiens pour jouer le rôle de faux patients COVID. Il s’agissait d’évaluer les « performances » des soignants locaux.

Ce genre de pratique a une longue histoire. Les patrons, les « tauliers » et leurs domestiques, les « décideurs » comme on dit aujourd’hui, sont prêts à tout pour rendre les salariés responsables de tous les maux.

La méthode n’est pas nouvelle. Elle continuera tant que l’exploitation du plus grand nombre par une infime minorité n’aura pas disparu.

Prenons le cas des « grands magasins » à Paris en juin 36. Les informations qui suivent sont pour la plupart, extraites d’un livre de Georges Lefranc, « JUIN 36, l’explosion sociale ». Lefranc était partisan avec René Belin de « l’association Capital-travail », un « co constructeur de consensus » comme on dit aujourd’hui dans certains milieux domestiqués par le pouvoir macroniste.

« Dans un grand magasin de la rive droite ».

Autant être concret. Marcel Brient, membre de la CA de la Chambre syndicale des Employés CGT (1) de la région parisienne explique : Il parle de la Samaritaine  mais ses remarques s’appliquent à tous les grands magasins ; ce sont des dizaines de milliers de travailleurs surexploités qui sont concernés :

« Son chiffre d’affaire atteignait en 1929 près de deux milliards de francs … le personnel, environ 10 000 personnes, était réparti dans les magasins Rivoli, Samaritaine de luxe sur les grands boulevards … ce personnel, soigneusement sélectionné était encadré fermement par une armée d’inspecteurs, chefs de rayons ou de sections, souvent hautains et rogues ».

Après 16 ans de fermeture et des travaux de réaménagement d’un coût de 750 millions d’euros, la Samaritaine rouvre ses portes le mercredi 23 juin 2021. L’inauguration a lieu en présence du président de la République, E. Macron et de Bernard Arnault, président du groupe LVMH. (Source : wikipédia).

 Les employeurs serinent sur tous les tons : l’entreprise qui travaille pour le « bien commun » serait une « communauté de destins ». L’employé et l’employeur seraient unis par une volonté inébranlable commune d’assurer la prospérité de l’ entreprise, gage du bien être de chacun. Les employés seraient les « collaborateurs » de leurs employeurs … Le MEDEF vient de rendre ses 60 propositions « pour faire réussir la France ». On y lit cette bêtise mille fois répétée :

« La crise a fait prendre d’avantage conscience à nos concitoyens du rôle moteur des entreprises mais aussi de leur capacité à agir pour le bien commun … une entreprise est une communauté qui créée de la cohésion… »

Est-ce bien sérieux ?

Brient explique : «  La crise économique (celle de 1929) avait suscité la hantise du chômage et un durcissement des cadres » invités à agir toujours plus en « flics de l’ordre social ».

« On vivait dans une atmosphère de peur, d’humiliation, de soumission pleine de  rancune ».

Autrement dit, les ingrédients pour une « explosion sociale » s’accumulent.

Comme toujours, les « décideurs » les propriétaires des moyens de productions, les « apporteurs de capitaux » selon l’expression consacrée des encycliques sociales, voient partout la main d’un épouvantable « complot ». Un employé râleur est un individu suspect. Tout est bon pour le mettre à la porte.

Les « apporteurs de capitaux » ne font pas de sentiments. Ces gens-là vivent dans leur bulle. Ce sont des partisans de L’ORDRE, l’ordre qui rapporte gros.

Exposés à toutes les humiliations, les salariés doivent subir et se taire, trop heureux de ne pas pointer à la soupe populaire. Brient explique : « Trois retards d’une seule minute par mois entrainaient le renvoi ; Un arrêt de travail, même pour maladie et c’était la suppression de la participation aux bénéfices … le soir du réveillon, le personnel était tenu jusqu’à onze heures du soir. Défense de s’assoir, pas de strapontin pour les femmes enceintes, défense de parler entre employés » de peur de diffusion du virus de la révolte.

Comment s’étonner que dans ces conditions, le camarade Brient ne connaisse aux établissements Saint-Jacques que trois syndiqués CGT alors qu’il y a  3500 employés ?

Puisqu’ils ont à ce moment là le rapport des forces, les richissimes patrons font régner la terreur. Et ils amassent un pognon de dingues.

Brient nous dit que « même la vie privée des salariés était surveillée». Il est vrai cependant que les classes dirigeantes n’avaient pas encore imaginé la possibilité d’un « pass sanitaire » ou « vaccinal »  pour être autorisé à percevoir un salaire … misérable.

Le capitalisme – le « libéralisme » comme disent certains – n’a pas fini de nous réserver des surprises.

« La mafia ». L’étincelle qui met le feu aux poudres ?

Aux GALERIES LAFAYETTES comme partout : grève et occupation.

Nous voici replongés dans l’univers enchanté de l’hôpital de Brive : le temps des comédiens … véritables chiens de garde de la direction. Brient explique :

« La direction avait inauguré un système appelé LA MAFIA : une organisation privée qui envoyait un soi-disant client faire des achats, éprouvant le vendeur en lui faisant perdre du temps … le harcelant de demandes. Malheur au vendeur signalé par elle au chef de rayon, il était sûr de son renvoi ». (Notons qu’à l’époque, les salariés n’étaient pas tenus d’arborer une étiquette avec leur nom et prénom.)

Il était facile dans ces conditions de mener toutes les provocations nécessaires au renvoi des syndiqués CGT ou de certaines employées réfractaires aux conditions particulières de recrutement …

Ces pratiques ont duré des décennies. Ont-elles d’ailleurs vraiment disparu ?

(Actuellement, L’article L.1222-1 du Code du travail ) et l’exigence de loyauté dans les relations de travail interdisent à l’employeur d’utiliser des dispositifs cachés de contrôle et d’évaluation des salariés). « Loyauté » ? Est-ce bien une caractéristique des employeurs ?

Le rejet, le dégoût qu’ont inspiré ces pratiques de voyous ont contribué, avec les salaires de misère à la grève générale dans les grands magasins à la stupéfaction de tous les « constructeurs de consensus » (2).

En juin 36, la grève générale a permis la généralisation de conventions collectives ; Celles-ci n’ont pas supprimé l’exploitation ; elles en ont limité les pires abus, ce qui est déjà beaucoup.

L’une des caractéristiques de la grève de juin 36, c’est que des couches de travailleurs parmi les plus exploitées – et les moins syndiquées – sont sorties de leur torpeur (3).

Et aujourd’hui ?

Ce n’est pas un hasard si le déchaînement contre les acquis ouvriers contenus dans le code du travail en 2016 fut l’œuvre des « socialistes » très particuliers El Khomri (promue Chevalier, ou ChevalièrE ? de la Légion d’honneur en 2021) et Valls (promu Grand-croix de l’ordre d’Isabelle la catholique, adepte de l’inquisiteur Torquemada, bourreau-fou des protestants, des juifs, des musulmans, des « mécréants … ) tous deux excités par le sémillant ministre de l’économie de l’époque, le pourfendeur « d’emmerdeurs ».

L’affaire est assez récente pour que la mémoire soit restée intacte.

Le Monde nous informe.

Le monde enchanté de l’entreprise.

L’illustre quotidien d’ «informations »  vient de consacrer un article à la société SMICE, spécialisée dans le « mystery shopping ». (En France, 30 000 « visites » menées par 5 000 « experts … »)

« Le but ? Recruter des observateurs anonymes et scrupuleux (qui pourrait en douter ?) pour tester la qualité de service dans les magasins à la demande des marques …  cette bonne vieille méthode développée par McDonald’s dans les années 1950 …

« Des audits secret-défense ».

L’illustre quotidien poursuit :

« A une époque où ces dernières (les marques) peuvent être dézinguées en quelques secondes par les avis Google, TripAdvisor et les réseaux sociaux, elles font de plus en plus appel à ces audits secret-défense  pour éviter le désastre ».

Il s’agirait donc d’une œuvre charitable : protéger la « communauté de destins-entreprise » des mauvaises appréciations qui peuvent circuler sur le net.

D’ailleurs, le fondateur et directeur général de SMICE le dit bien :

« Les rapports argumentés de nos clients mystère servent d’outils de management au sein des entreprises ».

Yes. On avait compris.

  • La CGT est alors réunifiée. Pour faire court, disons que la CGT-FO qui continue la CGT historique et la CGT forment alors une seule confédération syndicale. Notons que la dernière version d’une « histoire de la CGT » publiée par les soins de la direction de la CGT (en 2015) consacre quelques lignes à juin 36 sans parler, bien sûr, de la grève générale. D’ailleurs, les centaines de milliers de salariés surexploités du commerce ne sont pas du tout mentionnés. Ce sont toujours, les « invisibles ».
  • Des salaires si bas ! « Comment avons-nous pu laisser faire » s’était exclamé le patron des patrons, un certain Lambert Ribot. Plus inquiétant, nombre de dirigeants syndicaux avaient avoué tout ignorer de la réalité de la condition ouvrière.
  • Dans leur livre, JUIN 36, Jacques Danos et Marcel Gibelin écrivent :

« Le 8 juin, la grève est quasi-totale dans les grands magasins … ces grèves sont particulièrement sympathiques à la population qui apprend avec stupeur  par les affiches apposées à la porte des magasins les salaires de famine imposés par les sociétés … les employées font preuve d’une discipline admirables. Ils se pressent aux réunions de la CGT ». La peur change de camp. Le pouvoir « mobilise ses gardes mobiles … » prêt à parer à toute éventualité.

Pour la première fois, la grève déferle aussi dans les hôtels, café et restaurants …

C’est la guerre des classes.

En 1942, au procès de Riom, Léon Blum explique précisément comment il a tiré d’affaire un patronat bien mal embarqué.

Voir à ce sujet :

RIOM, FÉVRIER 1942, LÉON BLUM EN PROCÈS … ? OU LE PROCÈS DES ACQUIS DE LA GRÈVE GÉNÉRALE ?

 JM   Janvier 2022.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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