>Histoire

22 / 11 / 2021

Conseils d’école : il faudra bien en finir.

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Dans le journal national du SNUDI FO, l’école syndicaliste N°438 de septembre 2021, un article est consacré aux évaluations d’école. La loi Blanquer dite de « l’école de la confiance » a instauré un conseil de l’évaluation de l’école qui définit le cadre et l’évaluation des établissements scolaires. Il s’agit d’évaluer les performances des écoles comme on évaluerait les performances d’une start-up. Sans revenir sur le détail du dispositif, notons, avec nos camarades du SNUDI de Gironde, ceci :

« L’IA-DASEN a présenté son projet d’évaluation d’école en CTSD. L’objectif serait d’améliorer les conditions de réussite collective des élèves ». Pour l’IA, cela ne passe pas – surtout pas ! – par une baisse significative du nombre d’élèves par classe.

« L’auto-évaluation participative serait conduite par le directeur d’école ». Et voilà pour le directeur une tâche supplémentaire, ou plus précisément, une corvée de plus. Nos camarades expliquent :

« Après avoir analysé le contexte de l’école, les enseignants devraient répondre à des questionnements et rédiger un rapport d’auto évaluation » qui devrait être présenté au conseil d’école et communiqué aux autorités académiques et à la collectivité de rattachement.

Ce n’est pas tout. Survient la seconde phase de l’évaluation dite, « évaluation externe ».

« Quant à l’évaluation externe conduite par des personnes extérieures à l’école elle serait le prolongement de l’auto-évaluation ».

Le SNUDI FO 33 poursuit : « Après visite sur site et entretiens avec les personnels, un pré rapport serait rédigé et co présenté en conseil d’école par le directeur et les évaluateurs internes, avec validation par les autorités académiques » qui communiqueraient le rapport définitif au directeur, au conseil d’école et aux collectivités de rattachement ! 

Comme tous les ministres de la Cinquième république, le ministre Blanquer utilise le conseil d’école pour tenter de placer les enseignants sous tutelle, pour tenter de briser les résistances aux « réformes ». On ne pouvait pas s’attendre à autre chose.

Les « syndicats » (corps intermédiaires) qui accompagnent, voire « co construisent » les contre réformes réclament toujours plus de « participation », toujours plus de pouvoir pour les conseils d’école. C’est logique.

Fo a évidemment voté CONTRE ce projet de destruction de l’école publique.

La résistance continue avec FO.

Connaître le passé pour mieux s’organiser.

Les professeurs des écoles de 2021 n’ont connu que cela : les sempiternelles réunions interminables autant qu’inutiles – inutiles dans le meilleur des cas – des conseils d’école.

Jusqu’en 1989 et la loi dite d’orientation du ministre Jospin, ces réunions étaient largement boycottées par les instituteurs, et pas seulement dans les rares départements (notamment en Loire-Atlantique) où les militants syndicalistes de feu le SNI (syndicat national des instituteurs) appelaient clairement au rejet de ces structures à caractère néo-corporatiste. (Voir document en fin de texte).

Jospin a imposé d’y participer. Après des décennies de combat pour échapper à la tutelle de la paroisse, des dames patronnesses, des féodalités locales, des groupes de pression de toutes natures – surtout cléricaux – Jospin a claironné : ce temps-là, celui de l’indépendance, de la liberté pédagogique, c’est fini. Désormais, vous, instituteurs, que ça vous plaise ou pas, vous devez compter avec la volonté des « usagers » et vous soumettre à la doxa néo-socialiste de la sacro-sainte gestion tripartite imposée par la cléricale CFDT et ses subsidiaires, SNI et aujourd’hui, UNSA.

Qu’un ministre « socialiste » soit à l’origine de l’offensive brutale contre le statut de fonctionnaire d’état, c’était pour les partisans de tous bords de la dénaturation de l’école publique, comme une nouvelle « divine surprise ».

Le premier ministre « socialiste » de l’Education nationale de la Vème République, le chantre du grand service public unifié et décentralisé, Alain Savary avait bien tenté, dès 1981, de s’attaquer, sous couvert de « modernisation » à l’école laïque. Sans grand succès.

Pour marquer leur opposition, les instituteurs avaient commencé à déserter massivement les rangs de la courroie de transmission « syndicale » des ministres de « gauche », l’ex FEN (Fédération de l’Education Nationale) ouvrant la phase de sa lente décomposition.

Avant 1981, il y avait pourtant eu quelques ébauches avant l’offensive néo-socialiste.

En voici un bref aperçu.

Les premiers comités de parents.

Edgar Faure avait donné le ton dès après mai 1968 en lançant l’offensive de la participation. Les universités étaient les premières visées.

Presque dix ans plus tard, en 1977, le ministre René Haby (Raymond Barre est premier ministre) présente une réforme (1) visant à la modernisation » du service public.

Il s’agissait « d’ouvrir l’école sur la vie », de « promouvoir une rénovation pédagogique ».

Les inspecteurs de circonscription les plus zélés – il y a en a toujours de plus zélés que la moyenne, organisaient, parfois en collaboration avec certains dirigeants du SNI (notamment ceux de la tendance unité et action contrôlée par le PCF),  (2)  la chasse aux instituteurs rebelles aux « innovations ».

Pour contraindre les enseignants à se soumettre René Haby lance la grande idée des comités de parents.

Les attributions des comités de parents.

Elles restent modestes. Mais pour Haby et les « rénovateurs », l’essentiel est, à cette étape, d’installer la structure.

Le comité de parents peut quand même, contre ou sans l’avis des enseignants, faire modifier par l’inspecteur de circonscription les heures d’entrée et de sortie ; il a son mot à dire pour ce qui concerne l’organisation d’activités de soutien aux élèves en difficulté ; il peut organiser des garderies.

Mais, l’autogestion de l’école publique se heurte à l’hostilité du plus grand nombre. Les instituteurs continuent de privilégier les relations individuelles avec les familles, ce qui convient parfaitement à l’immense majorité des parents qui n’adhèrent ni à la FCPE, de « gauche », ni à la PEEP, de « droite », toutes deux partisanes de la gestion tripartite. D’ailleurs, aux élections aux conseils d’école, les électeurs ne se bousculent pas.

Le SNI regimbe puis se couche.

 Sa première réaction ne manque pas d’intérêt. Le secrétaire général Guy Georges qualifie la contre-réforme Haby « de plus grave attaque contre l’école publique depuis Pétain ». Il a raison. Cette caractérisation indique qu’au sommet du syndicat qui rassemble à l’époque environ 80 % des instituteurs, on n’est pas dupe. Il suffirait donc que le SNI (en lien avec la FEN et les deux confédérations ouvrières, CGT-FO et CGT) organisent la résistance pour que les projets de monsieur Haby soient abandonnés.

Seulement voilà, l’autonomie de la FEN et du SNI favorise les desseins des cléricaux de la CFDT  « déguisés en socialistes », selon l’heureuse expression d’un responsable SNI de Loire-Atlantique de l’époque. Les néos syndicalistes imposent au Comité National d’Action Laïque, leur conception de la gestion tripartite.

Il faut dire aussi que le néo parti « socialiste » constitué à Epinay en 1971 dicte désormais sa ligne à nombre de responsables – ou plutôt, irresponsables  – dirigeants de la FEN. (Voir à ce sujet :

Chronique des envahisseurs (1/2)

Après Haby, c’est le tour de Christian Beullac. (1er ministre Raymond Barre).

L’échec relatif de la « réforme » Haby ne désespère pas les rénovateurs.

Dès juin 1978, le ministre Beullac remet le couvert. Il s’appuie sur les deux fédérations d’usagers pour étendre les compétences du conseil d’école. Il peut compter sur une large campagne de  presse des « domestiques » des médias de tous bords contre l’école publique et ses maîtres accusés d’être repliés sur eux-mêmes, protégés par un statut qui leur garantit « l’emploi à vie ». Les démagogues – impossible de les citer tous – s’en donnent à cœur joie. (Ce sera l’objet d’un article séparé).

Manifestation de lycéens en 1978 contre les réformes Beullac. : « Contre les classes bourrées, nous voulons des profs ». Au premier plan, le futur ministre de l’intérieur et 1er ministre, Manuel Valls .. à l’époque scolarisé au lycée … Charlemagne. « L’histoire est pleine de sarcasmes », journal : le parisien.

Désormais, le conseil d’école pourra être consulté sur la gestion matérielle et financière de l’école, le nombre et la composition par niveau des classes, les conditions d’intégration des élèves handicapés, l’organisation des classes de découverte, le choix des manuels scolaires.

Les dirigeants du SNI n’en finissent pas de décevoir leur base.

A titre d’exemple entre mille, cet extrait d’article de « l’école libératrice », journal plus très syndical du SNI, intitulé : « gestion démocratique du service d’éducation ».

L’auteur dénonce « cette mascarade que représente les conseils d’école qui n’ont rien à gérer, qui ont l’impression de moudre du vent …  notre cogestion ne peut pas ignorer une réflexion sur la nature des modifications à apporter au rôle étriqué qu’on a attribué aujourd’hui au conseil d’école » (3).

Le SNI, comme syndicat, est mort, mais sa capacité de nuisance sera utilisée de nombreuses années encore par les ministres suivants.

Conclusion.

Haby, Beullac … et les autres se heurtent toujours à une difficulté incontournable : la résistance majoritaire des personnels.

Tant que le statut n’a pas été suffisamment entamé, les collaborateurs, le « co-constructeurs » des contre-réformes, les « zélites » modernistes n’avancent guère.

Il faudra plus d’une décennie pour que le sieur Jospin porte un nouveau coup en rendant obligatoire la participation aux conseils d’école.

Mais bien sûr, l’offensive de Lionel Jospin ne met pas un terme à la résistance qui a impérativement besoin, pour être efficace d’une puissante fédération FO de l’enseignement. Bien au contraire, elle persuade nombre d’enseignants jusque là hésitants, de retrouver le chemin des Bourses du travail et le syndicalisme confédéré.

 1 La « réforme » entend donner la priorité à l’expression orale ; il est interdit de parler d’histoire, de géographie, de sciences, mais d’activités d’éveil, un fatras indigeste ; l’enseignement systématique de la langue devient quasiment une faute professionnelle ; enfin le ministre entend dégager du temps pour d’autres activités que l’enseignement, ce qui ouvre la porte à n’importe quoi et surtout au pire.

2 En 1978, c’est la parution d’un brûlot édité par le GFEN (groupe français pour l’éducation nouvelle) qui s’attache à démontrer que l’école publique est tout juste bonne à être jetée aux ortie. On y lit : « Il faudrait que dans les écoles le pouvoir soit réellement  exercé par les parents eux-mêmes, les parents et leurs diverses associations les parents mais aussi les collectivités locales … » Cette orientation vient tout droit du « programme » du PCF.

3 Si le conseil d’école occupe une place décisive dans les plans des destructeurs du service public, il n’est pas le seul. On voit fleurir à l’époque toute une série de « bidules » ayant vocation à « contourner » les syndicats, du moins, ceux qui restent sur le terrain syndical, revendicatif, autrement dit, les syndicats FO. Citons : l’institution de l’équipe éducative, chère aux « curés déguisés en socialistes », le Conseil de secteur et le Conseil de l’éducation, ce dernier ayant vocation à mettre un terme aux Comités techniques paritaires où les militants syndicalistes défendent les intérêts des personnels et, par voie de conséquence, l’existence même d’une école publique non dénaturée.

Document :

Déclaration commune de l’E.E–F.U.O (Ecole Emancipée pour le Front Unique Ouvrier) et de l’U.A.S (Union des Anarcho-Syndicalistes) de Loire-Atlantique contre les conseils d’école, le 14 octobre 1977. La déclaration est signée des deux camarades André Cardinal (EE-FUO) et Serge Mahé (UAS).

 

L’EE-FUO et le groupe UAS de Loire-Atlantique dénoncent les conseils d’école, déjà prévus dans la réforme gaulliste d’Edgar Faure et mis en œuvre par Haby, comme une structure néo-corporatiste qui remet en cause :

  • Les droits des enseignants garantis par le statut de la fonction publique et notamment leur indépendance par rapport aux habitants du quartier ou de la commune.
  • La laïcité de l’école publique directement soumise à l’ingérence des groupes de pression.
  • L’unité de l’enseignement public au bénéfice d’un enseignement « diversifié » (sous couvert d’ « autonomie pédagogique », ou de « rapprochement des cultures régionales ») en fait particulièrement perméable aux idéologies les plus réactionnaires. 

Cette agression sans précédent contre l’école laïque justifiait la mobilisation de toutes les organisations politiques et syndicales traditionnellement attachées à la défense de la laïcité. Les responsabilités respectives des dirigeants qui, par leur silence ou leur approbation, se sont faits complices de cette forfaiture doivent être dénoncées comme un scandale.

L’EE-FUO et l’UAS condamnent en particulier, l’attitude du bureau national du SNI, dont le secrétaire général déclarait en mars 1977 alors qu’il se devait d’alerter les amis de l’école publique :

« Sans s’opposer au principe de l’existence de ces conseils qui rappellent l’idée de gestion tripartite du service public d’éducation (Guy Georges) conteste la façon de les installer et de les faire vivre prévue par le ministre ».

Reprochant à Haby de ne pas donner assez de  pouvoir aux conseils d’école :

« Notons simplement que le conseil d’école n’est qu’une instance consultative qui n’est donc doté d’aucun pouvoir réel et qui n’a aucun moyen financier … » école libératrice, 11 mars 1977.

Aujourd’hui, au moment de la mise en place des conseils d’école, l’éditorial de l’école libératrice du 7 octobre conclut :

« ( … ) Nous devons participer à l’élection des comités de parents. Mobilisons-nous pour la gagner… »

Le spécialiste des questions laïques, M. Lasserre, précisait au BN du 7 septembre :

« Il convient d’assurer la représentation maximale de la FCPE dans ces comités par un travail militant … »

Et le secrétaire général commente :

« Dans cette logique, nous avons revendiqué non des allègements de service pour les directeurs non déchargés, mais la vacance des classes sur deux demi-journées. Dans cette bataille difficile, à la responsabilité individuelle, nous avons préféré la responsabilité collective» offrant ainsi à Haby les services bénévoles de tous les instituteurs adjoints, et transformant par cette démarche le syndicat en organe d’exécution de la réforme … 

En Loire-Atlantique, à la suite d’une réunion de 250 instituteurs … le bureau départemental du SNI-PEGC demande aux instituteurs de refuser de siéger dans les conseils d’école, parce que nous sommes résolument contre ces conseils et pour leur abrogation ».

JM 19 novembre 2021.

 

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