>Histoire

23 / 08 / 2022

Allemagne, 1933. Le bal des domestiques  (2). 1ère partie

« Les domestiques, ceux qui sont domestiques dans l’âme, sont toujours plus ignobles et stupides que leurs maîtres ». (Leonardo Sciascia : « mort de l’inquisiteur »).

Lorsque les gilets jaunes descendent dans la rue, occupent les ronds-points et formulent leurs revendications, ils sont l’objet d’un déchaînement de fureur de la part des classes possédantes, haineuses vis-à-vis des gueux, des vilains, des manants, de ceux qui ne sont rien, des pauvres, des « sans Rolex », des sans dents, des sans cravates, des trop paresseux pour traverser la rue pour trouver le petit « job » qui pourtant les occuperait un peu …  Ce n’est pas nouveau. « Les « fureurs de la populace » (selon l’expression d’Adolphe Thiers, le massacreur des communards) ont toujours terrorisé les classes privilégiées et parasites.

Des « domestiques », journalistes, éditorialistes, philosophes, sociologues de salon … et tous les courtisans du moment, tous grassement rémunérés, même s’ils sont nuls et ignorants (surtout …) ont été mis à contribution. Il fallait tenter de discréditer tous ces insoumis à l’ordre établi.

On ne peut citer tous les calomniateurs, ils sont trop nombreux. On en oublierait fatalement et ce serait injuste.

Comme toujours en de telles circonstances, tous les moyens sont bons pour discréditer :

Calomnions, calomnions toujours, il en restera bien quelque chose …

L’une des calomnies, une des plus odieuses, aura été l’accusation d’antisémitisme qui faisait des gilets jaunes des nazis en puissance.

La méthode a d’ailleurs été reprise à l’Assemblée nationale cet été. Les héritiers politiques des adversaires de Dreyfus, les héritiers de Thiers et des Versaillais ont placé haut la barre de l’ignominie.

Le gilet jaune, le mal absolu.

Des journaux, des chaînes d’ « informations » privées, même le service public y sont allés de leurs basses œuvres.

Tous ces gens avaient peur pour leurs petits privilèges.

Il y a donc eu cette accusation de frayer avec le nazisme. Tous les amalgames, toutes les provocations, tous les mensonges étaient permis. Certes tous les gilets jaunes n’étaient pas touchés nous assurait-on, mais, certainement, tous étaient contaminés ou risquaient de l’être.

Ce qui présentait l’avantage de justifier toutes les répressions., les yeux crevés, les mains arrachées …

National-socialiste, nazi ? Cette caractérisation s’applique au régime hitlérien de 1933 à 1945.

Voici brièvement rappelées les conditions dans lesquelles ce régime totalitaire s’est imposé en 1933 et quelles ont été les comportements des « domestiques » de l’époque.

Quelques points de repères.

1929 : début aux Etats-Unis de la crise économique mondiale.

4 janvier 1933 : Hjalmar Schacht, financier et banquier, ex président de la Reichsbank, lié aux grands industriels organise une rencontre entre Franz von Papen, (Parti catholique, le ZENTRUM, le Parti dit, du Centre) et Adolphe Hitler pour un accord prévoyant l’accession de Hitler à la chancellerie.

30 janvier : Hitler est chancelier avec l’appui des 70 députés catholiques.

3 Février : Hitler confirme sa volonté de s’emparer de territoires à l’est de l’Allemagne. (« Espace vital »).

27 février: les sept jours fériés du calendrier catholique sont reconnus fête légale du national-socialisme.

27 février : incendie du Reichstag. Commencement de la traque des communistes.

4 mars : Roosevelt est investi président des EU. Il déclare que « la confiance dans l’économie de marché est ébranlée » et que « l’éventualité d’une révolution aux EU est, pour la paix du monde, une menace plus immédiate que la récente accession de Hitler au pouvoir ». (Cité par son biographe, Yves-Marie Péréon dans : « F.D. Roosevelt »).

5 Mars : élections législatives. Le NSDAP nazi recueille 43 % des voix.

20 mars : ouverture des camps de Dachau, Buckenwald … les premiers occupants sont des militants ouvriers.

23 mars : vote des pleins pouvoirs.  (441 pour ; 94 contre, les  sociaux-démocrates votent : contre).

28 mars : déclaration des évêques : soutien au nouveau régime.

1er avril : 1ère campagne de boycott des magasins juifs.

20 avril : le président-prêtre du Parti catholique adresse au chancelier Hitler ses « vœux sincères et l’assurance de son indéfectible collaboration pour la grande œuvre entreprise … »

1er mai : « fête du travail », préparatoire à l’instauration du Front du travail.

2 mai : emprisonnement des militants syndicaux de l’ADGB, la grande confédération syndicale allemande.

10 mai : autodafé gigantesque.

14 juillet : instauration du Parti unique nazi.

20 juillet : signature d’un concordat qui scelle l’accord politique entre le national-socialisme et le Vatican.

3 août : l’organisation des enseignants catholiques se fond dans la Ligue des enseignants nazis…

Introduction.

L’année 1933 est une année charnière qui marque un tournant dans l’histoire de l’humanité. Avec la victoire du national-socialisme, La plus grande défaite du mouvement ouvrier pourrait bien être suivie d’une seconde guerre généralisée pour un repartage du monde. Lors de la conférence de Munich qui devait « organiser la paix », Hitler résume les enjeux : « En dehors de la question coloniale, l’Allemagne n’exige rien ».

Les conditions seront-elles réunies pour provoquer une seconde « der des ders »  entre impérialismes concurrents d’une part, mais aussi une nouvelle guerre contre l’URSS, pour le rétablissement du régime de la propriété privée des moyens de production ?

Aux EU qui ont pourtant pour ambition de devenir en même temps que la première puissance économique le gendarme du monde, la crise économique exerce ses ravages. Howard Zinn explique dans son « histoire populaire des EU » : « La guerre des classes se poursuivait dans cette prétendue société sans classes qu’étaient les EU … » Le New deal de Roosevelt « visait avant tout à stabiliser l’économie et secondairement à venir suffisamment en aide aux classes les plus défavorisées pour les empêcher de transformer une simple révolte en révolution ».

Le national-socialisme affiche ses ambitions.

Herbert Backe, ministre, général de la SS, planificateur en chef du ravitaillement à l’Est … auteur d’un « Plan Famine » avait pour objectif de transformer l’Ukraine et la Russie (l’URSS) en colonies, ce qui signifiait « à moyen terme » l‘extermination de 30 millions de slaves jugés « inutiles ». (Source : Johann Chapoutot : « libres d’obéir »). Il n’y avait rien de secret. Tout était planifié, annoncé. Contre les juifs, les nationaux-socialistes avaient envisagé une déportation massive à … Madagascar, colonie française, ce qui impliquait de fait, la  conquête de cette partie de l’ « Empire » français.

On sait que la presse des « démocraties » avait soutenu voire fait l’éloge du régime mussolinien jusqu’à au moins 1935, année de conquête de l’Ethiopie.

Voir à ce sujet. : Le bal des domestiques. 1ère partie : http://force-ouvriere44.fr/le-bal-des-domestiques/ (Publié par l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique).

Qu’en sera-t-il cette fois ?

On verra qu’il y a pour le moins, une certaine continuité.

Ce sont essentiellement les commentaires et analyses de la CROIX et du FIGARO qui sont repris ici.

Des questions d’actualité.

Les lecteurs du FIGARO-Histoire auront peut-être pris connaissance d’une vidéo édifiante consacrée à la guerre d’Espagne où il est expliqué :

« ( … ) Le général Franco accepte enfin de se joindre au coup d’état qu’il avait d’abord refusé … parce que Franco préférait une voie légale, préférait que ce soit le gouvernement qui rétablisse l’ordre … enfin, il décide de se soulever plutôt avec les gens qui refusent le chaos social, la violence, les persécutions religieuse … » (mis en ligne en août 2022).

Des historiens ont fait part de leur stupéfaction, de leur indignation. C’est bien légitime. Mais ce soutien du FIGARO affiché ouvertement à la dictature franquiste appuyée militairement par l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler (alors que les « démocraties » étaient complices par leur inaction), avec la bénédiction enthousiaste du VATICAN, est-il si surprenant ?

L’année où tout a basculé.

1933, Les militants syndicalistes qui veulent rester libres, qui restent attachés à l’indépendance de leurs syndicats sont pourchassés. Ils sont les premiers occupants des camps.

Pourtant, certains syndicalistes font le choix de la co-construction de l’ « Allemagne nouvelle ». Eux-aussi se retrouveront dans les camps, le 2 mai après la « grand’messe » de la  fête du travail où ils ont communié aux côtés des soutiens naturels du régime, notamment Mgr Orsenigo, l’envoyé du Vatican.

En France,  dans les salons bien pensants, on ne cache pas ses préférences plutôt Hitler que le socialisme ! Hitler et ses bandes de SA et SS, même s’ils sont un peu frustres, ne nous protègent-t-il pas du virus du bolchévisme, du judéo-bolchévisme ? N’est-ce pas l’essentiel ?

Comment la presse « démocratique » a-t-elle présenté l’affaire ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les historiens habituels préfèrent éviter le sujet.

Une exception notable quand même. Alain Fleury a consacré plus de 400 pages à : « LA CROIX (quotidien officieux du Vatican) et l’Allemagne, 1930-1940 », préfacé par René Rémond, avocat en toutes circonstances – et surtout les pires – des politiques des « démocraties », et plus particulièrement celles qui s’efforcent d’appliquer la doctrine sociale de l’Eglise.

Une expérience périlleuse …

Les quelques notes qui suivent concernent essentiellement la première moitié de l’année 1933.

L’auteur montre dans toute la première partie de l’ouvrage  comment se sont disposées certaines forces réputées favorables à la Démocratie, en soutien au national-socialisme.

Juste avant la catastrophe.

14 janvier 1933 : LA CROIX et les « nouvelles poussées ouvrières ».

 

Le correspondant à Berlin du quotidien des démocrates chrétiens croit que : « l’hitlérisme meurt ».

On sent poindre une inquiétude :

« Un moment, les masses ouvrières allemandes s’arrêtèrent à écouter les promesses du IIIème Reich ».

Mais, (à moins que ce ne soit : hélas !)

« Mais Hitler est battu sur son propre terrain : au IIIème Reich s’oppose la formule plus précise du quatrième Etat, le prolétariat organisé d’après le style des socialistes bolchévisants ».

Autrement dit, pour LA CROIX, le cauchemar.

Et l’honorable correspondant fait frémir ses lecteurs en pointant du doigt un « Hitlérisme agonisant » impuissant  à contenir « une nouvelle poussée des masses ouvrières. »

Le ton est donné.

Certes les méthodes de l’hitlérisme  sont un peu particulières – agressions et meurtres – mais après tout, nous dit le saint quotidien, ne sont-elles pas tirées des « artifices de la rhétorique marxiste » ? De ce point de vue, « bruns » et « rouges », ce serait bonnet blanc et blanc bonnet. Encore que …

« Monsieur Hitler met fin aux intrigues … » 

Fin janvier, LA CROIX se plaint des « intrigues » qui paralysent l’action politique gouvernementale, quand, enfin :

« M. Adolphe Hitler est nommé chancelier. La constitution du cabinet Adolph Hitler résout une phase importante de la crise politique intérieure en Allemagne ».

Un bonheur n’arrivant jamais seul, voici qu’en prime le Zentrum « reprend ouvertement cette fois son rôle d’arbitre ». (LA CROIX,  le 28 janvier). Il semble bien que tout s’arrange.

Une messe à la campagne pour les soldats de la Wehrmacht.

« Monsieur Hitler » au pouvoir.

Sitôt après l’accession de Hitler à la Chancellerie,  le Reichstag (parlement) est dissous. Les nationaux-« socialistes » espèrent obtenir une majorité aux élections législatives qui suivent, le 5 mars. (Les bandes de SA se livreront à toutes sortes d’exactions).

La toute première réunion du gouvernement avait été consacrée à la principale préoccupation du nouveau pouvoir : la dissolution des organisations ouvrières. 

Cette question, pourtant essentielle est généralement passée sous silence par les historiens plus ou moins officiels.

Il y a au niveau de l’ « appareil » national-socialiste deux positions :

Les prudents :

Le ministre de la défense von Blomberg met en garde les nazis radicaux : « la dissolution (immédiate) pourrait provoquer une grève générale ». La prudence s’imposerait d’autant « qu’on ne pourrait sans doute pas utiliser l’armée pour la briser ».

C’est qu’il y a à ce moment encore, des millions de syndiqués adhérents à l’ADGB, prêts, si « on » les y appelle à se mobiliser pour défendre leur organisation de classe. Que ferait l’armée face à  l’armée des syndiqués ?

Les pressés :

D’autres chefs nazis sont plus « radicaux ». Le préfet de police de Berlin affirme le 10 février : « Nous refusons aux ouvriers le droit de s’organiser en parti de classe … si une grève générale éclate, nous vaincrons ».

Des grèves surgissent quand même, mais en ordre dispersé. La classe ouvrière privée d’un état-major tout occupé à donner des gages de bonne conduite au nouveau pouvoir doit se débrouiller seule.

Pourtant, elle n’est pas encore battue. Par exemple, les élections aux conseils d’usines de l’électricité et du gaz de Berlin donnent 90 % des voix aux organisations ouvrières contre 10 % aux nationaux-socialistes.

D’une manière générale, les nationaux-socialistes peinent à s’implanter dans la classe ouvrière. Les travailleurs restent massivement attachés à leurs organisations.

Comme l’avaient noté les militants syndicalistes ‘Allemagne les plus lucides, tant que les nazis agissaient en tant que parti et non en tant que pouvoir d’Etat, l’accès à la classe ouvrière leur était pratiquement fermé.

Le national-socialisme faisait par contre recette auprès de la petite bourgeoisie déclassée, enragée, sans perspectives sinon celle de la « sous prolétarisation ».  Ceux-là « s’enivraient de contes sur les mérites particuliers de leur race ».

Mais pour gagner, pour mettre fin à, la progression nazie,  il fallait organiser le combat, de façon méthodique.

Il fallait l’unité des organisations de classe ; pas en paroles, mais en actes.

La presse française commente les évènements d’un ton badin.

LE TEMPS  (plus ou moins ancêtre du Monde) où sévit déjà Hubert Beuve-Méry, (1) estime que le nouveau chancelier, confronté aux dures réalités du pouvoir devra bien s’ « assagir », ce qui ne doit pas signifier mettre un bémol à ses diatribes anti socialistes et anti syndicales. Surtout pas …

taper sur les organisations ouvrières ? Oui, bien sûr, mais avec prudence et discernement …

Dans LE POPULAIRE (journal de la SFIO, socialiste) qui avait prédit la déconfiture prochaine du national-socialisme, Léon Blum est contraint à un rétropédalage méritoire …

(On peut consulter sur le site de la BNF tous les exemplaires du POPULAIRE de la période).

Comment diable anéantir les organisations ouvrières ?

L’édition du 5 février de LA CROIX indique on ne peut mieux les préoccupations du quotidien clérical:

« ( … ) On se demande comment le gouvernement actuel de l’Allemagne prétend pouvoir anéantir le communisme. Par quelles mesures autoritaires, si violentes soient-elles, on pourra supprimer du jour au lendemain cette idéologie tenace et si bien enracinée dans une grande partie de la population allemande ». 

On voudrait bien croire aux promesses hitlériennes, mais le doute subsiste. Et comme on ne peut plus compter sur les tenailles de l’inquisition pour convaincre, contraindre et éliminer ceux qui ne se soumettent pas à l’ordre de la Providence, comme aux temps bénis de Torquemada …

L’article se conclut par cette remarquable prévision :

« L’extrême gauche en Allemagne a toutes les raisons d’être optimiste ».

Il faut croire qu’à LA CROIX, on accorde du crédit aux rodomontades des chefs de la IIIème internationale du petit Père des peuples (J. Staline) qui voient à chaque progression du national-socialisme un pas décisif vers la « révolution ».

C’est la PRAVDA (c’est-à-dire : la vérité) qui passe les consignes et fournit l’ « argumentaire » aux chefs staliniens locaux. En voici un échantillon :

« Le fascisme allemand … ne brisera pas notre force … » ceci pour rassurer les militants, mais les Izvestija (« les nouvelles ») du 4 mars affirment que : « L’URSS n’a aucune hostilité vis-à-vis de l’Allemagne,  (peu importe) la forme et la composition du Reich ».  Comment les militants peuvent-ils s’y retrouver ?

LA CROIX : conciliation, consensus, collaboration …

Alain Fleury affirme que Le maintien du Parti catholique à l’écart de la nouvelle équipe ministérielle « est  perçu par les catholiques comme un nouveau coup bas ». « Pas sans nous ! »  disent-ils en chœur.

Est-de l’humour noir façon jésuite, LA CROIX s’indigne :

« Malgré des efforts nombreux qui témoignaient d’un noble esprit de conciliation  nationale, le grand parti catholique est frappé d’ostracisme ». Une injustice assurément. La CROIX nous en révèle la cause :

« Parce que le Centre catholique est un parti social ». Bon dieu ! Mais c’est bien sûr !

Aveu partiel.

Alain Fleury constate : « Les catholiques allemands comptent dans leurs rangs de fervents supporters du nouveau régime » ; c’est une évidence. Il poursuit : « Des prélats séduits tant par l’antisémitisme que par le nationalisme de l’idéologie nouvelle ne cachent pas leur soutien aux dirigeants racistes ». C’est vrai, à cette nuance près que c’est l’ensemble de la hiérarchie catholique qui se rallie avec délectation au nouveau régime comme l’atteste la déclaration des évêques à Fulda.

Est-il étonnant que  le Parti catholique « soit prêt – comme le martèle LA CROIX à accorder son appui au gouvernement hitlérien ? ». Mais « monsieur Hitler » dédaigne l’appui du Zentrum ! Comment comprendre ? Peut-être fait-il partie de ceux qui pensent pouvoir se passer des « corps intermédiaires » ?

Alain Fleury ne peut que constater cette évidence (mais il a le mérite de le faire) :

« Au-delà du dépit et de l’amertume, la bonne volonté des catholiques du Zentrum ne fait pas de doute ; leur désir de collaborer avec les nazis est évident ».

Ce constat étant acquis, quelques remarques …

L’antisémitisme, ce « socialisme des imbéciles » vient de loin. Dès 1215, le concile de Latran impose aux juifs (et aux musulmans) le port d’un signe distinctif (la rouelle) qui annonce une politique de discriminations systématiques, d’inquisition, de massacres, de spoliation des biens pendant des siècles dans toute l’Europe ; le « bon roi Saint-Louis » que tous les petits écoliers sont toujours tenus d’admirer a tenté d’appliquer cette doctrine « séparatiste ». Pour convaincre les hérétiques de ne plus l’être, Louis IX (Saint Louis) avait imaginé des mesures radicales : le percement de la langue au fer rouge … il avait aussi ordonné de brûler les TALMUD …

Une statue de l’auguste roi trône toujours au sénat.

Et puis l’affaire Dreyfus n’est pas si ancienne.

A ce stade, on voit bien qu’il y a entre « démocrates », entre « grands hommes » et « démons » totalitaires, quelques « porosités » … pour le moins.

Les idéologues du national-socialisme ont beau jeu de rétorquer à leurs détracteurs et concurrents « démocrates » :

–          vous nous accusez d’être antisémites mais vous l’êtes aussi.

–          Vous nous accusez d’être racistes ; vous l’êtes tout autant et depuis bien avant l’adoption du Code noir (1685). Regardez ce que vous faites dans vos colonies. Regardez la législation raciste aux EU…

–          Vous nous accusez d’être « impérialistes » (l’ « espace vital ») ; vous vous êtes partagés le monde et les peuples en 1885 à la conférence de Berlin.

–          Vous nous accusez, (parfois), d’être capitalistes ; ne l’êtes vous pas, vous aussi ?

–          Surtout, vous ne nous accusez pas d’être hostiles, viscéralement, à l’organisation indépendante de la classe ouvrière …

et pour cause !

Des objections bien modestes et très sélectives.

Les « critiques » fort modérées, presque bienveillantes de la CROIX envers la « révolution » nationale-socialiste oublient, peut-être un miracle ? de dénoncer les plans liberticides de l’Etat fort national-socialiste pourtant clairement affirmés depuis plus de 10 ans  et plus particulièrement, l’interdiction de toute représentation politique indépendante de la classe exploitée au profit d’un soi disant Front du travail réunissant sur la base d’une prétendue « communauté du sang» propriétaires des moyens de production et travailleurs.

Pourquoi ce silence ? N’est-ce pas parce que la doctrine sociale du national-socialisme n’est qu’une variante de la doctrine sociale de l’Eglise ?

En se focalisant sur l’hystérie antisémite du régime, beaucoup de partisans divers d’un corporatisme à visage peut-être moins barbare que le corporatisme nazi, ne cherchent-ils pas, consciemment ou pas, à masquer la réalité des rapports de classes ?

Berlin 1933. La crise économique de 1929 est toujours bien présente. Ici chômeurs à la soupe populaire.

Que deviennent les syndicats ouvriers ?

Rappelons la doctrine catholique exposée depuis l’encyclique rerum novarum, sur la condition des ouvriers » (Léon XIII, 1891) :

Si les circonstances l’exigent, la doctrine peut tolérer des syndicats ouvriers séparés des patrons. Bien sûr dans ce cas, le « syndicat » promeut toujours la doctrine immuable : bien commun, subsidiarité, classes solidaires, tous « collaborateurs » dans l’entreprise  ; Le syndicat se garde bien de mettre en avant des revendications « excessives » de nature à mettre en péril la bonne marche de l’entreprise. …

Le mieux, c’est tout de même : tout le monde : patrons, techniciens, ouvriers dans le même syndicat … ou plutôt, « syndicat ». Dans l’entreprise, on est tous « dans le même bateau » !

Le national-socialisme pousse la logique à son terme : plus de syndicat du tout ! seulement un Front du travail englobant tous les allemands, du moins ceux qui sont assez aryens pour être (presque) citoyens à part entière, un Front du travail dont la gestion sera confié à un semi analphabète, abruti et alcoolique notoire …

Qui peut penser un seul instant que les milliardaires qui financent presque tous les journaux de l’époque – le FIGARO, le TEMPS … – mais aussi nombre de feuilles d’extrême droite, pourraient même faire semblant de prendre quelques distances vis-à-vis de la doctrine « sociale » des nazis ?

Non seulement ils ne le font pas, mais le « modèle » nazi les fait saliver.

Leur seul souci se résume par cette interrogation : Les nationaux-socialistes seront-ils aussi efficaces qu’ils l’affirment pour mater une fois pour toute la classe ouvrière ? 

LE FIGARO. Un article paru en 2018 note :

 « (Le parti nazi) est devenu aux yeux des dirigeants allemands, le seul rempart contre le bolchévisme ». Toujours cette obsession du « bolchévisme », du « judéo bolchévisme ».

« Le vieux maréchal Hindenburg ne porte pourtant pas le chef du parti national-socialiste dans son cœur ».

On comprend bien que chez les démocrates ou supposés tels confrontés au national-socialisme – on pourrait dire aujourd’hui, les « progressistes » – on n’est pas plein d’enthousiasme, on fait la moue, on prend même, si nécessaire, une mine dégoûtée, mais en fin de compte, le réalisme politique ne doit-il pas primer toute autre considération ?

«  Deux membres du parti nazi seulement sont autorisés à participer au gouvernement ». Deux seulement ? Et il faudrait en faire toute une histoire !

« Mais il suffit de donner l’Intérieur et la Prusse, aux fidèles Wilhelm Frick et Hermann Göring pour tenir les rênes du pouvoir. Le chemin vers la mise en place de la dictature est alors tracé »

Une dictature dans quel but ? Contester aux Empires français et Britannique leur suprématie ? – ça, ce n’est pas bien – ou se contenter de faire obstacle aux « rouges » leurs partis et leurs syndicats ? ça, ce serait parfait !

Autodafé. Mai 1933. Le régime fait brûler des dizaines de milliers de livres. Il n’est pas le premier. « Tous les livres hérétiques … devront être brûlés ou expédiés hors de toutes les provinces du Royaume… » (Ignace de Loyola, 1491-1556 : fondateur de la Compagnie de Jésus).

On entend les cris indignés : comment oser comparer ?! Ce n’est pas comparable. Anachronisme ! Laissons les indignés s’indigner … 

Le FIGARO rappelle ensuite l’édition historique du 31 janvier 1933 :

 

« ( … ) Cette fois, la Constitution de Weimar et le parlementarisme reçoivent le coup mortel. M. von Hindenburg, jusqu’à présent, s’était efforcé de concilier le maintien d’un Reichstag fantôme avec des méthodes de gouvernement dictatoriales; il y avait là une contradiction qui ne pouvait se prolonger et qui rappelait les monstres hybrides exhibés dans les foires. La nomination de Hitler met fin à cet état de choses paradoxal: elle signifie, en effet, que devant l’impossibilité de faire coexister le régime autoritaire et le régime constitutionnel, c’est ce dernier qui va devoir céder la place.

Il reste à savoir ce que va faire le Centre catholique. Se résoudra-t-il à tolérer, voire à soutenir le nouveau cabinet? C’est peu probable ».

L’honorable journaliste est-il à ce point ignorant des intentions du Parti catholique ? 

« ( … ) Au point de vue extérieur, l’avènement de Hitler constitue sans nul doute un grave danger. D’abord du fait du programme même du parti national-socialiste … »

Le journaliste se souvient qu’il y a un programme. Que dit-il ? Programme du NSDAP de 1920 :

Article 1er « Nous exigeons la constitution d’une Grande Allemagne, réunissant tous les allemands sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Tous les impérialismes, qu’ils soient totalitaires ou « démocratiques » bavardent sur le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Le cynisme n’a pas de limite. 

Article 3 « Nous exigeons de la terre et des colonies pour nourrir notre peuple et résorber notre surpopulation ».

Tous les impérialismes, qu’ils soient totalitaires ou « démocratiques » ont cette même exigence. Seules la façon de la formuler est différente.

Cette prétention affichée en premier point dans le « programme » inquiète nos « démocrates » de France, de Grande Bretagne … c’est bien normal ; Dans le business, on n’aime pas la concurrence.

Ce programme signifie inévitablement la guerre pour un repartage du monde. 

Personne ne sera surpris d’apprendre qu’à aucun moment, LE FIGARO ne conteste, même du bout des lèvres, les mesures liberticides en préparation contre les organisations syndicales et politiques de la classe ouvrière. Et pour cause …

Du point de vue « intérieur », rien à redire …

« Bienheureuse jeunesse » ! Sous la plume de Wladimir d’Ormesson, le FIGARO ne fait pas dans la nuance : « Les dirigeants nazis ont fait preuve de tant d’ingéniosité dans l’invention, ils ont créé une telle mystique de solidarité, ils ont apporté un élan si généreux pour organiser toutes sortes d’oeuvres d’assistance, de prévoyance et d’hygiène physique et morale pour tout dire, ils ont substitué à la vieille bureaucratie syndicale socialiste qui était hiérarchique, poussiéreuse, rouillée, une conception si jeune et si dynamique du travail en commun, que là s’est réellement accompli le miracle. La jeunesse allemande a retrouvé sa foi. » Vont-il exporter leur « révolution » ? Le comte d’Ormesson doit en rêver.

Deuxième partie : de l’incendie du Reichstag, 27 février, au concordat : 20 juillet.

JM. Août 2022.

chaud ! chaud ! chaud !

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