>Histoire

21 / 09 / 2015

« À gauche de la barricade » 2/7

La victoire électorale du Front populaire – PCF, SFIO (PS) et radicaux* – s’accompagne de la multiplication de grèves qui aboutissent à la grève générale. Le pays est bloqué. Le néo-socialiste Delmas s’en inquiète. Il écrit :

« Le gouvernement Léon Blum avait été constitué officiellement le 4 juin dans la soirée. Le lendemain, par une déclaration radiodiffusée de Léon Blum, ce gouvernement avant même de se présenter devant les Chambres, « prenait contact avec le pays ».

Delmas écrit :

Il suffit de relire ce document, très bref et rédigé de façon hâtive, pour se rendre compte de la nature des préoccupations qui assaillaient à ce moment précis le président du Conseil. (Il s’agit de Léon Blum).

Léon Blum
Léon Blum (deuxième en partant de la gauche). Dans son journal de captivité le radical Daladier confie : « Blum était heureux d’être appelé camarade par ces farceurs du syndicat des métaux qui refusaient des heures supplémentaires à la Défense nationale, jusqu’au jour où je mis un terme à leurs occupations d’usine et à leurs grèves. ( … ) Nous avons créé le FP contre La Rocque et ses Croix de Feu ». La Rocque était bien incapable de briser la grève générale …

Parmi les projets dont le gouvernement annoncera le dépôt immédiat et qu’il demandera aux deux Chambres de voter avant leur séparation figurent :

  • La semaine de quarante heures,
  • Les contrats collectifs,
  • Les congés payés,

c’est à dire les principales réformes réclamées par le monde ouvrier.

L’action du gouvernement pour être efficace, doit s’exercer dans la sécurité publique. Elle serait paralysée par toute atteinte à l’ordre, par toute interruption dans les services vitaux de la nation. Toute panique, toute confusion serviraient les desseins obscurs des adversaires du Front populaire … »

Ces préoccupations recoupent pour l’essentiel celles de Delmas et plus largement celles des néos.

Dans ce 1er communiqué gouvernemental le mot grève – qui fait figure d’épouvantail – n’est pas mentionné ; on comprend bien qu’à « gauche », comme à « droite » (ou à « l’extrême droite »), il n’y a qu’une seule et unique obsession : que cesse la grève, que l’ordre soit rétabli.**

C’est ce que Blum indique fortement devant ses accusateurs vichystes lors du procès de Riom en mars 1942 :

« ( … ) Ce qui étaient menacé, je le répète, c’étaient les formes de respect dû à la propriété et à l’autorité patronale ».

Les formes de respect ? seulement ; comme si les millions de grévistes ne réclamaient rien de plus que la cogestion de « leur » entreprise. En réalité, la grève générale pose la question de l’expropriation, donc des nationalisations, sans indemnité. (Ce que ne prévoit pas le Plan de la CGT).

Blum l’admet au détour d’un long exposé :

« Il y avait violation du droit de propriété, cela ne fait aucun doute. Je n’ai jamais fait de difficulté à le reconnaître ».

Tout est là. Les patrons, affolés comptent sur Blum et les staliniens dont les postions dirigeantes sont considérables dans la CGT pour rétablir la « légalité républicaine », autrement dit, les conditions habituelles d’exploitation du plus grand nombre par une infime minorité.

Blum revendique le mérite d’avoir su, en évitant l’affrontement direct avec les travailleurs en grève, sauver la « démocratie ». « Nous n’avons pas hésité, nous avons fait respecter le droit de propriété ». (Audience du 11 mars 1942).

Pour être tout à fait objectif, encore faut-il insister sur ce point : sans l’aide efficace des staliniens, la tâche eût été sans doute insurmontable.

 

« Quelques fanatiques … »

« L’agitation sociale » (Delmas) n’en finit pas d’épouvanter les « élites ».

Delmas note que « quelques fanatiques continuaient de parler dans leurs harangues quotidiennes de lutte des classes ».

Blum s’attarde le 11 mars 42 sur ces « fanatiques » que sont sans doute les garçons de cafés et employés de restaurants en grève à l’ouverture du salon de l’automobile. Ceux-là font partie des catégories les plus exploitées : des journées de travail interminables, des salaires de misère, des brimades quotidiennes. A « droite » comme à « gauche », on s’tonne ; on ne connaissait pas l’existence de ces quelques centaines de milliers de salariés surexploités.

Pourtant, Blum se vante devant ses juges vichystes de leur avoir envoyé la police …

On ne badine pas avec l’ordre.

 

Les occupations d’usines …

Delmas souligne :

« On peut se demander ce qui se serait produit si les centaines de milliers de grévistes que comptait la région parisienne dans les premiers jours de juin 36, au lieu de rester dispersés dans des milliers d’entreprises, s’étaient agglomérés dans de formidables rassemblements ou cortèges déferlant à travers Paris ».

Bonne question.

Il y répond à sa façon :

« En fin de compte, l’ordre social établi a peut-être été le bénéficiaire de l’emploi par les ouvriers de cette tactique des occupations d’usines qui a tant épouvanté les défenseurs de la propriété ».

occupation d'usineLes historiens ont souvent noté le caractère « débonnaire » des occupations d’usines. Juin 36, ce serait la « fête ». Les mêmes oublient le plus souvent que la fête aura été de courte durée. Les grèves de 37 et 38, alors que le gouvernement impose « l’arbitrage » obligatoire » contre le droit à la libre négociation, sont beaucoup moins « festives » …

Ici se pose le problème de l’organisation de la grève. Face aux millions de grévistes, il y a un état -major : le patronat bien sûr – et la presse qu’il finance – et, en cette douloureuse période « d’agitation sociale », mais aussi ceux qui, parlant au nom des intérêts du « peuple », s’ingénient à rétablir le cours ordinaire des choses.

Les grévistes ne disposent pas de l’outil – le comité de grève – qui permet de centraliser leur force.

Malgré ses faiblesses, la grève générale a imposé les réformes sociales. Ce n’est pas rien. Mais faute « d’état-major », la classe ouvrière, les millions d’exploités n’ont pas eu la possibilité de mettre en cause les bases du système capitaliste d’exploitation.

3ème partie : La CGT en Juin 36.

*Les staliniens bavardent beaucoup sur le thème des « 200 familles ».  Ce sont les mauvais patrons par opposition aux « patrons patriotes » susceptibles d’intégrer un large « Front des français ».

**Dès le 7 juin, patronat et CGT signent les accords Matignon. Les 11 et 12 juin, la Chambre des députés vote les congés payés, les conventions collectives et la semaine de quarante heures. Pour ne pas tout perdre, le patronat multiplie les concessions.

J M. Septembre 2015

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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« À gauche de la barricade » 1/7

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