>Histoire

7 / 09 / 2015

« À gauche de la barricade » 1/7

Tous « antifascistes » ?

Avertissement :

André Delmas, secrétaire du Syndicat national des instituteurs a joué dans la période 1933-1940 un rôle non négligeable au sein de la CGT. Il fait partie des « pacifistes » munichois, c’est un anti « communiste » acharné. Pour lui, stalinisme et communisme sont frères jumeaux. Il appartient à la mouvance « néo-socialiste » de René Belin (CGT)* et Marcel Déat (SFIO), le 1er à l’origine rédacteur de la Charte du travail, le second, dernier ministre du travail de Vichy.

 

Un homme de gauche.

Dans son ouvrage publié après-guerre, « à gauche de la barricade », il se définit comme un homme de gauche. Assurément, en 1933, Delmas n’est ni pétainiste, ni fasciste mais ses conceptions politiques, l’entrainent sur un terrain étranger au mouvement ouvrier. Et puis, c’est l’engrenage …

Après l’émeute du 6 février 34, où quelques milliers de monarchistes de l’Action française et du mouvement Croix de feu manifestent aux côtés des staliniens, il suit avec amusement et sympathie la constitution du Comité de Vigilance des intellectuels antifascistes dont il décrit ainsi la 1ère réunion :

« ( … ) Qui n’a pas assisté à cette assemblée ne peut pas imaginer à quel point les intellectuels français étaient inaptes à créer une organisation. ( … ) Ces savants professeurs se montraient plus indisciplinés que des collégiens échappés de l’étude. Et cela, sous les regards étonnés, amusés, un peu méprisants même des militants ouvriers ».

Bien sûr,  quelques militants syndicalistes avaient été invités, « Jouhaux lui-même était venu ».

Un manifeste fut adopté qui proclamait fièrement :

« Nous ne laisserons pas l’oligarchie financière exploiter comme en Allemagne le mécontentement des foules gênées ou ruinées par elles ». (Mars 1934).

Il suffisait pour cela de bien voter.

C’est le temps des discours, des proclamations indignées, toutes plus radicales les unes que les autres.

Lorsque deux ans plus tard, en juin 36, les « foules » – la classe ouvrière, les salariés, les exploités, la jeunesse – … se mêlent, par leurs propres méthodes, par la grève générale, de régler son compte au « fascisme », les « intellectuels antifascistes » se retrouvent tous, dans le camp de ceux, qui, effrayés, en appellent à la « sagesse », au respect de la propriété, des institutions et de  « l’ordre », l’ordre capitaliste que les fascistes ont sauvé de la banqueroute en Italie, en Allemagne …

Comment d’ailleurs ne pas noter que ces braves intellectuels suivis de quelques syndicalistes fourvoyés, voient le fascisme menaçant dans les organisations d’anciens combattants, ou de nostalgiques du roi mais absolument pas dans les thèses pourtant déjà nettement fascisantes des néos ? Faut-il rappeler que les néos s’étaient rassemblés au congrès SFIO de 1933 autour du triptyque : « ordre, autorité, nation » et que Blum s’était déclaré, effrayé.

Tous unis ?
Les radicaux et les néos se rallient au programme du front populaire qui n’a rien, il est vrai d’ « effrayant » comme dirait Blum. Les staliniens restent à l’extérieur du gouvernement pour mieux contrôler les grèves.
Les dirigeants de la CGT sont fortement sollicités pour participer à l’action gouvernementale. Delmas demande que le Plan de la CGT s’applique.

« Pour un large rassemblement ».

Delmas en appelle dans l’école libératrice, organe du syndicat des instituteurs, à la constitution d’un large front associant « communistes, socialistes, syndicalistes, ligueurs des Droits de l’Homme, radicaux ouverts aux problèmes nouveaux, républicains sans nuance opposés à l’injustice, aux privilèges, à la dictature … »

Tous ces braves gens se tiennent par la main et font la ronde en attendant le miracle des urnes. « Front populaire, Front de la liberté, front démocratique, l’appellation importe guère ».** Ce qui importe, on le voit, c’est de découvrir la recette magique d’une combinaison parlementaire capable d’intégrer la CGT à l’Etat dont le « Front » se pose en gardien vigilant.

Les antifascistes du Comité de vigilance n’oublient pas de préconiser la dissolution des « ligues factieuses ». Ils finissent par obtenir une loi qui va en ce sens. Mais ce sont les militants indépendantistes algériens, regroupés autour de Messali Hadj au sein de l’ENA (Etoile nord-africaine) qui en font les frais. Il est vrai que le programme du front dit populaire consiste en autre à assurer la pérennité de « l’empire » colonial français.

Messali fait ce commentaire le 1er mars 37 :

« Nous avons adhéré au Rassemblement du Front Populaire, nous avons été fidèles au Serment et, malgré la dissolution, nous restons au Front Populaire. Cependant, la dissolution de l’Etoile, que rien ne justifie et qui a soulevé un grand mécontentement dans les masses arabes, peut être exploitée par les fascistes pour tenter d’enrôler dans leurs rangs les aigris et les mécontents… » Les « anti fascistes » officiels, tous ensemble, restent silencieux.

En Indochine aussi, les organisations ouvrières, syndicats clandestins ou organisations politiques non soumises à l’ordre du Front populaire subissent la répression menée sur place et avec zèle par une poignée de colons fascisants.

Le piège de « l’antifascisme » : les militants syndicalistes devraient « pour ne pas effrayer les classes moyennes » renoncer à revendiquer et se soumettre aux procédures d’arbitrage que le gouvernement de « gauche » entend imposer. Le philosophe Alain, à l’origine du Comité de vigilance considère en 1940 que Vichy, « c’est un moindre mal ». Mieux vaut ne pas oublier les leçons du passé … tant il est vrai qu’on nous fait régulièrement le coup … de l’unité contre le fascisme.

* Il rejoindra la tendance syndicats des néos de la CGT réunifiée qui rassemble en 1938 environ 1 /3 des mandats.

** En avril 36, le secrétaire général du PCF, Maurice Thorez, réclame un, « Front français ». Il s’adresse plus particulièrement aux catholiques, aux Croix de feu … Duclos, N° 2 du PCF, parle de « réconciliation nationale ». Le parti devient plus « patriote » que les patriotes d’extrême droite. Cette brutale conversion découle du pacte Laval-Staline ; Staline qui déclare : « Je comprends et j’approuve pleinement les crédits militaires nécessaires pour élever et hisser la défense nationale de la France au niveau de ses besoins ». Pour les dirigeants staliniens de la CGT, c’est la douche froide. Mais il leur faut obéir sans rechigner aux ordres du petit père des peuples, et vanter les mérites … de Jeanne d’Arc !

J M septembre 2015.

chaud ! chaud ! chaud !

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