>Histoire

3 / 04 / 2022

1947 : vers la constitution de la CGT-FO.

1ére partie : Les grèves de novembre et décembre 1947 et leurs conséquences.

2ème partie : Extraits d’interventions des délégués mandatés FORCE OUVRIERE en décembre 1947, salle des  horticulteurs.

3ème partie : intervention du délégué de Loire-Inférieure, Vaillant, suivi de l’article d’Alexandre Hébert : « le mythe de l’unité ».  (Il s’agit bien sûr du mythe de l’unité organique et non du combat indispensable pour rassembler les travailleurs sur des revendications communes conformes à leurs intérêts particuliers).

Première partie.

Mai 1947 : c’est la grève totale des usines Renault. Les ouvriers, français et algériens aux coudes à coudes, imposent à l’appareil stalinien qui exerce un contrôle que l’on pouvait pourtant penser absolu sur la C.G.T. la grève totale pour l’augmentation des salaires.

Les dirigeants CGT tentent de briser la grève en y opposant des primes à la production. C’est le fameux « produire d’abord, revendiquer ensuite », c’est à dire jamais. Sans succès.

La mobilisation par la grève contraint les ministres « communistes » à sortir du gouvernement d’union nationale.

Depuis deux ans, l’Humanité martèle : « la grève, c’est l’arme des trusts ».

Le CCN de la CGT du 12 novembre 1947.

Le Comité Confédéral National C.G.T. qui réunit les secrétaires des Unions départementales et de fédérations établit ce constat accablant :

« Nous ne pouvons plus vivre ! ».

En effet, la classe ouvrière a supporté tout le poids de la reconstruction. Les prix s’envolent. Les salaires stagnent.

Dans les organismes du PLAN de l’ « américain » Jean Monnet », « on » co-construit des mesures qui visent à la reconstruction d’une économie « saine » … en réalité, capitaliste.

Voir à ce sujet LE PLAN CONTRE LA CGT. (1ÈRE PARTIE).

LE PLAN CONTRE L’INDÉPENDANCE SYNDICALE. 2ÈME PARTIE.

Pourtant, le CCN où les staliniens occupent désormais une position largement dominante décide … de ne rien décider.

Un autre CCN est prévu le 19 décembre. Le 19, et puis viendront les « fêtes » …

Le 12 novembre, indifférents au calendrier d’en « haut », la classe ouvrière se mobilise. Des grèves partielles éclatent ; à Marseille le 12 novembre, en plein CCN et ensuite dans les mines du Nord.

Le gouvernement Ramadier prévoit des hausses considérables des prix des produits de première nécessité et une hausse de 45 % du prix du gaz et de l’électricité.

C’est le début de quatre semaines de grèves multiples mais disloquées que la direction de la C. G. T. tente de chapeauter et d’instrumentaliser au compte des intérêts très particuliers du PCF.

Rappelons que c’est le début de la guerre froide, que les directives du PCF découlent des consignes du Kremlin que les militants PCF de la C. G. T. sont tenus d’appliquer à la lettre.

Du 19 au 26 novembre, les grèves partielles se multiplient.

Les métallos de la région parisienne entrent en ordre dispersé dans la grève. L’Humanité du 19 novembre donne les directives :

« Tous derrière les métallos de la région parisienne ! ( … ) bataille des 25 % contre la politique de famine du parti américain ! ».

Six mois plus tôt, les plumitifs de « l’Huma » n’avaient pas de termes assez violents pour dénoncer à la police les  grévistes « provocateurs » de Renault … alors que la grève était massivement suivie.

Un bien curieux « comité national de grève ».

C’est encore l’Humanité (du 28 novembre) qui annonce fièrement la constitution d’un « comité national de grève ».

A quoi devrait servir un comité national de grève ? Certainement à coordonner les « mouvements » éparpillés, à éviter l’émiettement, à centraliser tout ce qui doit l’être pour dresser la force du mouvement ouvrier organisé, la force du nombre contre l’Etat, l’Etat garant des intérêts particuliers de la minorité exploiteuse. Ici, rien de tel ; bien contraire.

L’appareil organise soigneusement, méthodiquement, on pourrait dire, scientifiquement, l’organisation de la dislocation.

C’est pour l’ « appareil » syndical C.G.T. un petit jeu dangereux parce que « La création du comité national de grève est perçu par les grévistes comme un signal pour renforcer l’action ». (Selon les termes de Robert Menchérini dans : Guerre froide, grèves rouges, les grèves « insurrectionnelles » de mai 1947.

« Guerre froide, grèves rouges », 350 pages.

1ère édition : 1998.

Menchérini écrit : « Pendant le dernier trimestre de l’année 1947, deux réunions du comité central du PCF, critiques et autocritiques … sont nécessaires pour réussir à appliquer enfin la ligne définie par Moscou et rompre définitivement avec l’orientation de l’Union nationale également souhaitée par Staline, mais (désormais) indésirable.

Un appareil déstabilisé ?

Thorez, le secrétaire général du PCF revient de Moscou le 29 novembre. Le ton est alarmiste : « ce qui a été fait en mon absence est absurde ». (Cité par Menchérini).

Les « scissionnistes de Force-ouvrière » semblent bien être sa principale préoccupation.

Les virages successifs imposés à l’appareil sèment le trouble. Les consignes sont mal appliquées ou avec retard. « Il faut céder du terrain, dit Thorez, il faut essayer d’obtenir des avantages, mais faire que le travail ne reprenne pas partout ». Un vrai travail d’orfèvre.

Ce plan cynique doit empêcher « le triomphe des scissionnistes de Force-ouvrière ».

L’incomparable Marcel Cachin, autre gloire du « grand parti de la classe ouvrière » en rajoute une couche le 3 décembre : « on a forcé les PTT (à entrer dans la grève). Ce fut une erreur. Alors il y a un peu de démoralisation ». Mais n’est-ce pas le but recherché ?

Benoît Frachon, secrétaire général en binôme avec Léon Jouhaux fait part de son inquiétude le 1er décembre :

« Demain, quand les prix augmenteront de 3O, 40, ou 50 % et que les salaires n’augmenteront pas, les ouvriers diront : nous avons été roulés par vous ».

Voilà qui est bien résumé par un expert en trahison des intérêts ouvriers (1).

En ordre dispersé, jusqu’au bout.

Une fois de plus, c’est l’Humanité qui annonce le 2 décembre la proclamation de la « grève totale » … dans dix départements.

Puis vient le tour des fonctionnaires, et ainsi de suite.

Les militants syndicalistes qui s’opposent à ce travail de sape sont non seulement dénoncés verbalement mais souvent agressés physiquement.

Le ministère de l’Intérieur se réjouit de l’insuccès » des grèves. Il faut dire que les revendications syndicales passent largement après la mise en avant des objectifs politiques du PCF.

« Pour que l’opération réussisse … »

Cet étrange Comité national de grève proclame le 9 décembre :

« Il est opportun d’envisager le mot d’ordre de retraite générale se traduisant par une reprise générale du travail à partir de demain ». Mais attention « pour que l’opération réussisse, il faut qu’elle soit générale et la plus rapide ».

Cette résolution sans faille du CNG surprend ceux qui sont encore en grève, notamment à Marseille où la répression s’abat sur les militants laissés sans défense. Le 10 décembre, un jeune maçon de 23 ans, Sylvain Bettini, est abattu par la police …

La classe ouvrière n’a rien gagné. L’appareil dirigeant de la C.G.T caporalisé par la fraction la plus stalinienne du PCF a rempli son office ce qui remplit de joie un certain Monmousseau, autre dirigeant en vue :

« La plus grande défaite que nous aurions jamais subie au cours de l’histoire du mouvement ouvrier eut été de ne pas combattre. Ce combat en lui-même, c’est une grande victoire ».

Pour permettre aux chefs du PCF une sortie honorable, le gouvernement a consenti à lâcher quelques primes vite « mangées » par l’inflation.

Benoît Frachon, le deuxième « petit père » du « peuple de France » avoue dans une longue tentative de plaidoyer au titre évocateur, « servir la France » paru en janvier 1948 : « ( … ) sur la revendication essentielle : les mesures assurant la garantie du pouvoir d’achat des salaires, le gouvernement refusait de s’engager formellement et se limitait à de vagues promesses. Il était impossible de tromper les ouvriers et leur dire que ces dispositions (les primes) étaient satisfaisantes ».

Très bien. Mais alors, pourquoi conclure par : « On peut donc considérer que cette grève a eu des résultats très positifs ».

On peut donc considérer qu’un chef stalinien en difficulté, ça ose tout …

La palme revient peut-être cette fois encore à Ambroise Croizat, ex syndicaliste (métallo) promu ministre du gouvernement d’union nationale, mais il n’y a pas de sot métier :

« Nous saluons plus particulièrement …. ceux qui ont participé aux 1300 grèves de la métallurgie … » Question éparpillement, peut-on faire mieux ?

Bothereau et ses camarades, Alexandre Hébert, organisent la résistance.

Ils sont certes très minoritaires dand cette C.G.T. colonisée. Les perspectives sont pour le moins sombres. On évoque fréquemment une « possible troisième guerre mondiale ». La mise sous tutelle de la C.G.T. semble presque totale.

Les plus anciens ont en mémoire toute la difficulté de diffuser un simple tract, d’organiser une réunion.

Action commune ? ! OUI. Sur des revendications communes.

Fort heureusement, les choses ont bien changé ; les rapports de force aussi. Le combat commun contre les innombrables contre réformes de tous les gouvernements de la Vème République ont incité les militants des deux confédérations C.G.T-F.O et C. G. T. a travaillé ensemble pour construire le rapport de force qui permet de gagner sur les revendications, en particulier à partir du plan Juppé-Notat ou plutôt Notat-Juppé de 1995.

Voir :

13 novembre 1995 : un CCN FO historique

Le programme de guerre sociale de Macron nous laisse-t-il d’ailleurs d’autre choix que de travailler à élaborer des revendications communes et de discuter fraternellement des moyens pour les faire aboutir ?

En conclusion de cette partie …

En janvier 2016, Mathieu Laprand et Evelyne Salamero publient sur le site de notre confédération une brève histoire des débuts de FO : « l’âge mûr, le vrai réformisme. Les 120 ans de la CGT-FO ». . Extrait :

1947  La grande scission
Le 19 décembre 1947, Léon Jouhaux et les syndicalistes « confédérés » démissionnent du bureau confédéral de la CGT. Depuis la Libération, au sein de la CGT, « la machine à broyer communiste était en marche », selon les termes d’André Viot, premier rédacteur en chef de Force Ouvrière. En septembre 1946, alors que les communistes contrôlent près de 80 % de la CGT, les confédérés s’organisent en fondant « Les amis de FO », puis en délivrant des cartes à ce nom. Les confédérés quittent la CGT. Pour Robert Bothereau, « Nous n’avons pas accepté le rôle d’otages que l’on voulait nous assigner. “ La CGT continue ”, ont dit ceux qui se sont installés à son siège. Nous qui avons dû en partir, nous disons : “ Nous continuons la CGT ”. »

 

  • Frachon : contre les journées d’action saute-moutons.

Source : « mémoires de luttes, Frachon, 1902-1939, page 89).

« En 1919, pour la direction de la CGT, ce qui importait, c’était de désamorcer la poussée du mouvement ouvrier ( … ) ; ils recoururent à une honteuse tactique. Puisqu’ils ne pouvaient pas empêcher les grèves, ils les feraient échouer. Ce fut la tactique des grèves « par vagues d’assaut ». Elle consistait à lancer dans la grève les Fédérations les unes après les autres, à les isoler dans le combat et à les faire battre séparément. Cette tactique suscita chez les travailleurs une colère qui dans les meetings, s’exprimait avec virulence ».

En 1947, Frachon est chargé de « désamorcer la poussée du mouvement ouvrier ». Il exécute les consignes sans rechigner.

Document :

Des 1945, les militants qui veulent conserver une confédération libre et indépendante s’organisent autour de Résistance Ouvrière.

Le journal RESISTANCE OUVRIERE publie un article consacré au rapport de Georges Buisson sur la Sécurité sociale.

Conférence des Groupes Force ouvrière, salle des horticulteurs. Les 18, 19 et 20 décembre 1947.

Les militants qui combattent pour une CGT libre, indépendante et démocratique se réunissent ces trois jours. Il n’est pas question ici d’en faire un compte rendu complet. Il faudrait y consacrer un article particulier mais de simplement voir ce que disent les militants des grèves de novembre et décembre. Y sont présents, notamment Jouhaux, qui hésite à s’engager dans la reconstruction d’une vraie confédération ouvrière, Robert Bothereau, André Bergeron …

La Loire-inférieure est représentée par Vaillant, du bâtiment.

Deuxième partie.

Quelques paroles de délégués.

Les délégués sont mandatés par les Unions départementales. En rentrant dans leur département, ils rendent compte du mandat qui leur a été confié. Le mandat : c’est la démocratie syndicale.

Vedrenne de Limoges.

« ( … ) Le mouvement de grève a été suivi à peu près à 10 % dans la Haute-Vienne. ( … ) A Limoges, il y a deux grosses industries, la chaussure et la porcelaine. La chaussure : c’était un militant communiste. Il a décrété la grève par son conseil syndical, de par sa volonté et non pas par la volonté des militants. Le résultat pratique, c’est que la grève n’a pas été suivie … »

Babau : Bouches-du-Rhône.

« La deuxième union départementale de France. L’UD est colonisée à 98%.  Nous n’accepterons jamais qu’on confonde l’action de travailleurs avec celle de troupes de choc et d’hommes de main qui n’ont jamais travaillé de leur vie, pour la plupart ».

« Il est à craindre que nous voyions se former des syndicats autonomes … si demain Force Ouvrière hésitait, nous aurions un grand découragement chez les travailleurs … »

Menghi : Var.

« ( … ) La confiance est morte envers ceux qui ont enfreint les décisions du dernier CCN et déclenché des grèves contraires aux désirs exprimés par la bases … il est nécessaire et essentiel pour les travailleurs que Force-Ouvrière apparaisse non plus seulement comme un rassemblement de propagande et d’exaltation d’indépendance et de liberté syndicale, mais un organisme de force décidé à prendre en mains, d’ores et déjà, sur tous les plans, locaux, départementaux, national, les revendications des travailleurs … »

« Le pourcentage de grévistes dans l’arsenal qui compte 11 000 camarades a été de 11%. »

« Nous assistons non pas à du syndicalisme mais à de vraies scènes de gangstérisme ».

« Si la Conférence ne prend pas une décision ferme, nous risquons dans le Var, comme partout ailleurs de voir se créer un peu partout des syndicats autonomes ».

Cucuel : voyageurs.

« ( … ) Déjà, dans certaines villes, nos camarades ont quitté les locaux de la Bourse du travail. C’est très grave, car si nous n’agissons pas énergiquement … ils seront perdus pour la CGT pendant de longues années … »

Zébert : employés.

 « Je suis de ceux qui lors de la dernière Conférence Force-Ouvrière, ont pris position pour la scission. J’appartiens à cette Chambre Syndicale des Employés de la région parisienne qui n’a pas connu les mouvements de grève … Nous regrouperons sous notre drapeau ceux qui ont déjà quitté la CGT pour former des syndicats autonomes … »

Barbat : Puy-de-Dôme.

« ( … ) On a galvaudé la CGT comme on a galvaudé la grève, on en a fait une fille soumise au nom du parti communiste et aujourd’hui, les travailleurs ne veulent plus marcher … nos camarades ne venant plus aux réunions, il n’y aura plus que les fidèles au parti … »

« Il faut que nous partions car le mouvement ouvrier s’en sentirait affaibli si nous restions, car l’ensemble des travailleurs sont tentés d’aller aux syndicats autonomes … »

Decottigny : Métaux.

« Je représente surtout ici la Régie Renault. ( …) J’ai un mandat impératif ; la question posée est celle de la scission. Voilà les résultats : sur 914 votants, il n’y a eu que 21 camarades qui se sont prononcés contre la scission.

« ( … ) C’est l’émiettement total en ce moment. C’est la fissure de la CGT, c’est l’organisation de mouvements sporadiques n’ayant aucune liaison entre eux … la scission est faite. Le seul problème à discuter, c’est de savoir si elle est faite en groupe ou si elle est faite individuellement … »

Bergeron : Belfort.

«  Dans le département, sur 70 syndicats, nous en avons environ 60 à 65. Si l’on veut examiner le point de vue de la base, une très forte majorité se manifeste pour la scission. A côté de cela, il y a l’opinion des vieux militants qui, eux, ont de la peine à quitter la CGT … l’écrasante majorité du Territoire de Belfort demande la scission et si elle ne se fait pas, ils quitteront la CGT. »

Carpentier : Pas-de-Calais.

«  ( … ) L’organisation confédérale, ce sont les communistes au sein de la CGT qui l’ont tuée … »

Favier : Ain.

( … ) Dans mon département, il y a eu 6 ou 7000 grévistes sur 25 000 syndiqués … le désarroi règne … les syndicats autonomes se multiplient, la désagrégation est un fait …

« ( … ) Le redressement est-il possible ? Personnellement, je réponds non. Le mythe de l’unité, car c’est un mythe est-il un obstacle au départ ? Je réponds non … »

Irénée : personnels du trésor.

« ( … ) Il faut déterminer notre comportement en fonction des réalités et tous, les uns et les autres, nous sommes victimes d’un sentimentalisme tout à notre honneur mais qui ne doit pas nous faire perdre de vue la tâche qui nous est assignée … et en reculant l’échéance inéluctable, nous disons à nos amis du Bureau confédéral qu’ils risquent de devenir des généraux sans troupe … »

« Il faut dire aussi avec vigueur que Force Ouvrière ne représente pas une tendance syndicale au service d’un autre parti politique … »

Fabre : mineurs.

 « J’espère que nous partirons d’ici avec une unanimité pour recréer notre mouvement syndical libre et indépendant de toute politique et capable de lutter contre n’importe quel gouvernement, quel qu’il soit ».

Abadie, de la Haute-Garonne.

( … ) En ce qui concerne la position des Cheminots de la région toulousaine, la position est claire et nette. ( … ) Partout, entendez-moi bien, partout je n’ai entendu qu’un seul son de cloche : à aucun prix nous ne voulons plus cohabiter avec des gens qui n’ont même plus la pudeur de s’abriter derrière la façade d’un syndicalisme revendicatif. Nous ne voulons plus d’un syndicalisme d’arrivistes.

Béraud (Nord):

( … ) Les premiers briseurs de l’unité ont été les Benoît Frachon et ses amis,  eux qui ont brisé la grève des postiers …. camarades responsables du Groupe Central «Force Ouvrière», je comprends votre inquiétude et je comprends aussi votre souci de ne pas apparaître comme les diviseurs de la classe ouvrière. Mais vous ne devez pas méconnaître la volonté de la base, des camarades comme chez nous, dans le Nord, chez les mineurs, que ce soit Douai, Valenciennes ou Lille, que vous le vouliez ou non les groupes de «Force Ouvrière» se sont déjà transformés en syndicats «Force Ouvrière»,

Marchez (Hautes-Pyrénées):

( … ) sur 20.000 ouvriers syndiqués, environ 12.000 ont fait la grève ….

Laroque (Mineurs de Carmaux):

( … ) On nous a chanté tous les hymnes que vous savez: élevez la production et retroussez vos manches. Mais si ceux qui ont disparu pouvaient revenir, ils trouveraient des chemises et des vestes sans manches. Il faut en finir avec ces gens-là et avec ces méthodes. Il faut en finir, car à Carmaux on a employé des moyens ignobles, infects, des moyens qui n’appartiennent qu’à des gens du Moyen-Âge. Il faut avoir le courage de dire qu’on en a assez – je regrette que le camarade Jouhaux ne soit pas là pour le lui dire – c’est la base qui doit commander, ce sont les ouvriers qui doivent dire ici, à nos chefs: nous voulons cela, nous voulons que le syndicalisme soit libre (applaudissements).

Gilbert (Ardennes):

( … )Pour les vieux militants dont je fais partie, qui ont adhéré à l’organisation syndicale après la scission de 1920, nous considérons que, pour nous, c’est douloureux de quitter une organisation telle que la C.G.T., d’abandonner les créations que Jouhaux a toujours défendues dans le monde, toutes ces institutions. Mais nous considérons actuellement que la classe ouvrière, la masse, nous pousse vers une organisation indépendante des partis politiques, et les Ardennes sont décidées à se débarrasser de l’emprise des «moscoutaires».

Deprès (Mineurs du Pas-de-Calais):

( … ) Je ne sais comment les staliniens se sont comportés dans vos départements, mais dans le Pas-de-Calais, nous étions en état de siège, les communistes menaçaient de rien moins que de pendre les responsables de «Force Ouvrière», et quelques-uns de nos camarades ont dû être hospitalisés, avec du poivre dans les yeux ou des coups de matraques.

La plupart des interventions rejoignent celles rassemblées ci-dessus. Il serait fastidieux de les citer, toutes.

Troisième partie.

Celle du délégué de Loire-Inférieure tranche avec l’état d’esprit général.

Vaillant : (intervention complète).

Vaillant (Loire-Inférieure): « Camarades, je vais être bref, après tout ce qui a été dit. Je tenais, cependant, à apporter le point de vue de nos camarades de la Loire-Inférieure, et plus spécialement de la région nantaise, concernant la décision qui pourrait être prise aujourd’hui.

Pour notre part, nous avons manifesté une certaine inquiétude à voir se créer cette scission.

Pour l’instant, nous n’avons pas à épiloguer, je connais les résultats. Seulement, nous avons parlé de cassure et nous avons, en somme, accepté depuis ce matin ici le pluralisme syndical, parce que c’est presque ainsi qu’il faut le considérer après la décision que vous prendrez; il n’est plus question de refaire, d’ici quelque temps, l’unité.

Si nous considérons que nous devions briser aujourd’hui avec les éléments adhérents au parti communiste, comme il y aura toujours des éléments au parti communiste, comme ils arriveront sans doute à maintenir une organisation syndicale inféodée à leur parti, il faut donc qu’en principe nous acceptions de dire: nous ne recommencerons pas ce que nous avons fait en 1936. Il est inévitable cependant qu’à certains moment, dans certaines industries, et particulièrement la mienne, dans le Bâtiment, nous avons été dans l’obligation de procéder et de faire certaine unité d’action quand il y avait des revendications assez importantes à arracher, des mouvements de grève à déterminer, nous étions dans l’obligation de procéder, avec ces camarades, à l’unité d’action pour arriver à obtenir satisfaction. Que se passera-t-il demain, si les deux organisations étant, dans une localité, aussi puissantes l’une que l’autre, nous soyons dans l’obligation de nous unir pendant quinze jours ou trois semaines, de pratiquer des embrassades, que se passera-t-il? Le mouvement terminé, chacun de nous ira sur son plateau et dira aux camarades: c’est moi qui t’ai fait obtenir satisfaction.

Ce que nous craignons, c’est de voir ce que nous avons vécu avant 1936: les uns et les autres clamant aux travailleurs que c’est eux qui avaient raison; on voyait une masse de salariés se détacher de l’une et de l’autre organisation, et c’est ce qui a créé, avant 1936, un appauvrissement de nos organisations, de la C.G.T. comme de la C.G.T.U. Il faut savoir aujourd’hui si, d’ici quelque temps, d’ici quelques années, nous ne serons pas contraints devant des mouvements semblables ou devant des mouvements dans le genre du 6 février 1934, à nouveau poussés par les événements ou de nouvelles menaces, poussés par des jeunes qui, pour l’instant, sont encore à l’école, mais qui, dans dix ans, seront dans nos groupes, si nous ne serons pas poussés à reconstituer cette unité que nous détruisons aujourd’hui. Nous aurions préféré de beaucoup que nos camarades réservent le dynamisme qu’ils déploient aujourd’hui à l’extérieur de l’organisation, qu’ils le réservent pour bagarrer à l’intérieur pour les empêcher de s’étendre comme ils l’ont fait et pour essayer de reprendre les rênes que nous avions perdues (applaudissements). Camarades, nous en sommes là. Il est presque inévitable, et la vie est un perpétuel recommencement, il est presque inévitable que nous serons obligés, d’ici quinze ou vingt ans, de procéder de la même façon qu’en 1936, de nous regrouper à nouveau et nous aurons, à ce moment, le regret de dire: pendant dix, quinze ou vingt ans au cours desquels nous nous sommes battus, nous avons été divisés, nous avons fait le jeu du capitalisme, le jeu des traîneurs de sabres et peut-être aurons-nous à nous plaindre et à nous reprocher, à la suite de cette division, d’être responsables de l’agrandis sement de la force du capitalisme actuel. C’est la position de nos camarades de Nantes. Soyez persuadés que la décision qui sortira d’ici – et je vous ai dit, je la connais – nous l’appliquerons, comme nous avons toujours appliqué les décisions prises par nos camarades, et nous aurons peut-être, d’ici dix, quinze ou vingt ans, à épiloguer sur le geste que nous accomplissons aujourd’hui ».

Alexandre Hébert poursuit la discussion avec cet article paru en 1949 : « le mythe de l’unité ».

LE MYTHE DE L’UNITÉ!

Il se trouve encore des Camarades pour nous reprocher d’avoir «brisé l’unité». Nous ne parlons, évidemment pas des syndicalo-staliniens, dont les mots d’ordre et slogans ne correspondent nullement à ce qu’ils seraient en droit de considérer comme vrai, mais sont seulement fonction de la tactique et des besoins immédiats d’un Parti politique.

Nous pensons seulement à un petit nombre de syndicalistes qui croient encore que l’Unité Syndicale est la condition indispensable de la puissance ouvrière.

Nous voulons tout d’abord faire observer qu’une organisation, quelle qu’elle soit, vaut non seulement par la puissance réelle ou apparente qu’elle représente, mais surtout par les objectifs qu’elle se propose. Les Travailleurs d’un certain nombre de Pays ont vécu, ou vivent encore des expériences unitaires – l’Arbeitsfront (Front du travail qui « rassemble » les patrons qui financent le national-socialisme et ouvriers qui en sont les premières victimes) en Allemagne et les «Syndicats russes» pour ne citer que celles-là. Bien audacieux qui oserait affirmer, que ces expériences furent bénéfiques pour les salariés! En France même, personne n’a oublié les années qui suivirent la «libération».

Incontestablement, c’est en 1945 et 1946 que les organisations syndicales groupées dans le cadre de la C.G.T. furent numériquement les plus puissantes. Qu’en est-il advenu? On peut bien dire que c’est pendant cette période que le sort des salariés fût le moins enviable.

Nous persistons à penser que l’unité organique, pour être souhaitable, doit répondre à un certain nombre de conditions. Parmi celles-ci, citons deux d’entre elles qui nous paraissent essentielles. Tout d’abord, on ne peut rassembler dans une organisation syndicale unique que des personnes ayant des intérêts communs. C’est évidemment le cas de la plupart des salariés. Puis, et c’est là où le problème devient grave, il convient également de ne rassembler, dans les mêmes conditions, que des Travailleurs qui ont sur les moyens de défendre leurs intérêts et sur les objectifs à atteindre un minimum de communauté de vue. Il est bien évident que rassembler, au sein d’une organisation commune, des Travailleurs se proposant des objectifs différents, voire même opposés, ne saurait conduire qu’à l’incohérence et à l’impuissance pour l’organisation elle-même.

 Pour celui qui s’efforce d’étudier objectivement la situation des organisations syndicales et dont le jugement n’est pas faussé par des considérations sentimentales, peut-être respectables, mais qui ne sont pas de mise quand c’est le sort de la classe ouvrière qui se trouve être en jeu: JAMAIS il n’y eut, parmi les salariés, ce minimum de communauté de vue sur les MOYENS et sur les OBJECTIFS, dont nous faisons une des conditions essentielles de l’opportunité de l’unité organique. De tout temps, le mouvement ouvrier s’est trouvé divisé entre deux tendances inconciliables.

D’une part, ceux qui croient à l’efficacité de l’action politique et qui sont fatalement amenés à considérer les syndicats comme une armée de réserve des Partis politiques; d’autre part, ceux pour qui l’action syndicale reste le seul moyen valable de défense de leurs intérêts et qui ne sauraient admettre sa subordination à un Parti politique, QUEL QU’IL SOIT.

Entre les partisans de ces deux conceptions, la cassure est nette. Il serait vain d’espérer pouvoir les faire cohabiter dans une même organisation. Cependant, l’attachement sentimental d’un certain nombre de Travailleurs à la vieille notion de l’unité demeure – les politiciens ne l’ont jamais ignoré et n’ont pas manqué de l’utiliser pour tenter de domestiquer le mouvement syndical.

Fernand Pelloutier, à qui nous devons les Bourses du Travail et qui reste une des plus belles figures du mouvement syndical, n’avait pas manqué de le souligner. En 1899, commentant les travaux du Congrès Général du Parti Socialiste Français (placé sous le signe de l’unité ouvrière), il exprimait ses craintes en ces termes: « Nous savons l’enthousiasme, un peu puéril, avec lequel a été accueillie cette unité de nombre… Je crains donc qu’un enthousiasme pareil ne s’empare également des syndicats et des agglomérations de syndicats et ne détermine une partie d’entre eux à se remettre inconsidérément sous le joug politicien ». Avec le recul du temps, ces paroles apparaissent comme étant véritablement prophétiques. PELLOUTIER avait raison, l’unité n’est qu’un leurre. Il faut détruire le mythe de l’unité. Alexandre HEBERT

 Le journal Force ouvrière daté du 25 décembre 1947 explique :

 « Les membres minoritaires de la CGT groupés sous l’égide de FO, ont au cours d’une conférence nationale réunie à Paris les 18 et 19 décembre 1947, décidé de demander aux camarades Lèon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Pierre Neumeyer et Georges Delamarre de démissionner du Bureau confédéral. En militants disciplinés, les camarades ont remis leur démission vendredi après-midi au deuxième secrétaire général de la CGT, Benoît Frachon ».

Les militants FORCE OUVRIERE continuent la CGT.

JM  2-04-2022.

 

chaud ! chaud ! chaud !

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