>Histoire

10 / 04 / 2021

Sénégal. « Syndicalisme et participation responsable ».

« ( … ) être soudé comme un seul bloc … pour un nouveau contrat social » ; Président du Sénégal, Macky Sall. Allocution télévisée au « peuple sénégalais », le 4 avril 2021.

Le corporatisme, marque de fabrique de la Vème République s’est exporté, notamment au Sénégal lorsque que le président Léolpold Sédar Senghor y était président de la République, (de 1960 à 1980). Le variant africain du corporatisme est-il tout aussi nocif que les souches européennes ?

Margatte Lô a publié en 1987 « « syndicalisme et participation responsable ». (Mémoires africaines, l’Harmattan, 150 pages), un document édifiant.

Margatte Lô, ancien ministre de Senghor aura été Ministre du Travail de la fonction publique et des Lois Sociales, puis secrétaire aux Relations syndicales de son parti, l’UPS (Union progressiste sénégalaise. C’est lui qui est chargé de mener à bien l’intégration de La confédération ouvrière, l’UNTS à la « gouvernance ».

Membre de la direction du parti unique, dit, « socialiste », Margatte Lô préconisait la sujétion totale de la confédération ouvrière à l’Etat prétendument garant de « l’intérêt général ».

Mamadou Seyni Mbengue écrivain et ancien ambassadeur explique dans l’introduction : « pendant près de trente ans, il a conduit les destinées de notre pays … il parle sans complexe, sans chercher à se donner bonne conscience des tentatives du parti au pouvoir pour exercer un contrôle efficace sur la turbulente Union Nationale des Travailleurs Sénégalais ; pour neutraliser surtout ses velléités de revendications, en bridant son élan au moyen d’une stratégie nouvelle, originale : la participation responsable qui, comme son nom le suggère, se propose d’associer désormais les syndicats à l’exercice du pouvoir ».

Au moins l’objectif est-il clairement affiché.

Le parcours de M. Lô.

Pendant la guerre M. Lô a connu l’apartheid au Sénégal. Il se rappelle qu’il y avait « les zones réservés aux blancs, et les zones réservées aux nègres et aux chiens … les légionnaires semaient la terreur », il y avait le « travail forcé » et « l’indigénat, illustration la plus indigne du fameux principe de colonisation : diviser pour mieux régner ». 

En 1945, M. Lô adhère à la CGT. Il note : « A l’époque, nos syndicats n’étaient que les prolongements directs, en Afrique, des organisations métropolitaines ».

 

1947-1948 : grève des cheminots du Dakar-Niger. L’ordre colonial craque de toutes parts.

En 1946, il y a deux lois importantes. Celle de l’abolition du travail forcé et celle de la fin du code de l’indigénat, signifiant une citoyenneté d’Empire (et non pas une égalité avec la citoyenneté française, métropolitaine). En fait, cette seconde Loi, dit loi Lamine Guèye, aurait dû impliquer que le Code du travail métropolitain s’applique dans les colonies, ce qui ne fut pas le cas… 

En 1947, c’est la grande grève des cheminots « qui dura cinq mois et dix jours ».Les travailleurs revendiquaient les mêmes droits et les mêmes salaires que les travailleurs européens. L’ordre colonial des partisans de « l’Union française » défendue par les gaullistes, la SFIO et le PCF s’exerce ainsi :

« Lorsque nous nous rassemblions régulièrement en meetings pour entendre les comptes rendus, l’armée française envoyait des escadrilles nous survoler à basse altitude et des chars de combat se déployer tout autour de la Bourse du Travail ».

Le régime colonial entend terroriser et affamer la population qui soutient massivement les grévistes. (1).

« L’ordre fut donné aux boulangeries de ne vendre du pain qu’aux seuls non grévistes … le pain de la honte … mêmes consignes furent données concernant le riz et le sucre … le brave peuple préférait la faim à la honte … »

Le protocole de fin de grève signé le 19 mars 1948 consacre une augmentation des salaires de 20 %. Il est reconnu le principe d’un cadre statutaire unique que la Régie tentera de contourner. Les grévistes sont unis dans les AG et soudés par l’action des comités de grève. Même si toutes les revendications ne sont pas entièrement satisfaites, la grève va marquer durablement les esprits. (Ousmane Sembene a raconté sous forme romancée les grèves des cheminots de l’AOF dans : « les bouts de bois de Dieu »).

La grève des cheminots apporte un démenti cinglant à ceux qui affirment que le continent africain serait « un monde à part » où il n’y aurait pas d’affrontements de classes.

 Le syndicalisme s’organise et se renforce avec l’UNTS. En 1952, un vrai Code du Travail est arraché par la grève générale de novembre 1952, un Code du travail que le ministre des colonies va s’efforcer de saboter.

C’est l’époque où « les politiciens se disputaient les faveurs des syndicalistes qui jouissaient d’une très grande popularité ». (Source : l’historien sénégalais Omar Guye dans : Sénégal, histoire du mouvement syndical, juin 2018, l’Harmattan, 380 pages).

Trahison.

L’année 1959 marque un tournant décisif dans la trajectoire de M. Lô : «  Après mon élection à l’Assemblée territoriale, je devais me consacrer à la vie de mon Parti et à mes fonctions de parlementaire, m’éloignant ainsi du mouvement syndical ».

L’indépendance du Sénégal est proclamée le 20 août 1960. Elle fait suite à une scission, celle de la Fédération du Mali, qui était le premier territoire (hormis la Guinée) à accéder à l’indépendance, le 20 juin 1960 (et qui regroupait le Sénégal et l’actuel Mali – ex-Soudan Français, qui est donc devenu le Mali). 

En France de Gaulle rêve d’appliquer sa doctrine sociale résumée dans cette fameuse formule : «  La politique sociale de Vichy n’était pas sans attraits … »

Senghor et de Gaulle en 1968. Deux régimes menacés. (4)

 

Senghor est ministre-conseiller de De Gaulle en 1959. Quand de Gaulle meurt en 1969, Senghor décrète une semaine de deuil national. « Senghor était un inconditionnel d’une France qui n’a proposé aux africains que l’assimilationnisme ». (Stanislav Adotevi). (2) Chantre de la « négritude », Senghor « provoque la suspicion sinon de l’hostilité dans le reste de l’Afrique. (Elikia M’Bokolo) (3)  « La négritude », c’est « le soporifique du nègre, … c’est l’opium du bon nègre … » (S. Adotevi).

Les comités d’entreprises.

« Eloignement » du mouvement syndical ? éloignement seulement ? Il devient ministre de Senghor et mène l’offensive contre l’indépendance du syndicat. (5)

Il écrit : « La création des comités d’entreprises répondait à la volonté du parti de s’implanter dans le monde ouvrier … il était un important moyen de propagande et de diffusion de notre idéologie. D’autre part, en cas de grève jugée « subversive » par la Parti, celui-ci s’appuyait sur ses comités pour neutraliser les grévistes. Leur fonction de contrôle social et politique était très importante ». Peut-on être plus clair ? Les syndicalistes sont priés de placer leur action « sous l’autorité du gouvernement », de « faire bloc ».

Et au cas où un doute subsisterait quant à la fonction du comité d’entreprise: « ( … ) Le comité d’entreprise(constituait) une structure de premier plan  pour la défense de notre idéologie dans le monde du travail » (6).

Mais qu’en pensent les militants syndicalistes ?

M. Lô se lamente : « Même les secrétaires généraux qui se sont succédés à la tête du syndicat affilié (sic) au parti (la CNTS) n’ont jamais admis de gaîté de cœur, l’existence des comités d’entreprise, véritable contre poids à leur influence en milieu ouvrier ».

Avec l’UNTS, les relations sont souvent orageuses.  M. Lô  ne se gêne pas pour leur écrire brutalement le 1er mai 1968 :

« La Centrale syndicale est effectivement associée par ses représentants dûment mandatés, tant à la concertation qu’à l’exécution de notre politique sociale » et, menaçant : « Le gouvernement assumera, en tout état de cause, son rôle d’arbitre … »

Mais, pour jouer au Bonaparte, encore faut-il en avoir les moyens.

Mai 68  et mars 1969 au Sénégal : « la houle étudiante » (page 35).

En 1968, les étudiants sénégalais excédés de subir la chape de plomb d’un régime haï se révoltent. Ils déposent leurs revendications spécifiques. ((Voir le détail avec Omar Guèye : « Mai 68 au Sénégal, Senghor face aux étudiants et au mouvement syndical ». Octobre 2017, 300 pages, Karthala).

Le pouvoir, sûr de lui, réprime :

– Instauration de l’état d’urgence.

 – Couvre-feu de 21 heures à 6 heures.

– Fermeture de tous les établissements ouverts au public, cinémas, théâtres, restaurants …

– Interdiction des bals publics, réunions sportives, chants religieux, tam-tams, et tous rassemblements de plus de cinq personnes sur la voie publique …

Les parents sont tenus de convaincre leurs enfants « de rester chez eux ».

Le remplacement de certains éléments de l’armée nationale par des forces françaises provoque l’indignation générale. (Source : Pape Dialo Diop, « spécial mai 68 » dans, « reflet éducatif », 2009).

La jeunesse étudiante fer de lance.

L’UNTS se déchire.

 L’UNTS se déchire sur la marche à suivre ; il y a les syndicalistes qui se placent du côté des étudiants quand d’autres imaginent un bien improbable compromis avec le régime. M. Lô admet :

« Globalement, la population dakaroise avait choisi de s’allier à la classe ouvrière … les forces de l’ordre : armée, police et gendarmerie partout présentes sont pourtant débordées ». Senghor qui crie au « complot de l’étranger » – classique – invite un général, Jean-Alfred Diallo, à s’emparer du pouvoir pour rétablir « l’ordre républicain ». Refus du général, du moins, à cette étape.

L’Union Démocratique des Etudiants Sénégalais (UDES) avait appelé à la grève illimitée à compter du 27 mai. L’université est occupée et ne rouvrira ses portes qu’à la mi-septembre. Les négociations imposées par la grève ont permis d’obtenir que :

–          les bourses seront revalorisées.

–         Les examens seront organisés avec pour règle l’admission automatique de l’ensemble des candidats.

–      Une partie des étudiants étrangers expulsés est autorisée à revenir au Sénégal.

Extraits :

Le 29 mai 1968, « de nombreux militants de base étaient venus réclamer le déclenchement immédiat de la grève générale lors de la réunion du BN de l’UNTS » en soutien aux étudiants.  « Les dirigeants, sur le point d’être débordés, firent paraître une déclaration destinée à gagner du temps … » (page 55). Le lendemain, « Dakar donnait l’impression d’une ville morte : les marchés étaient vides, sans aucun transport en commun … les quelques entreprises périphériques qui avaient ouvert leurs portes pour travailler, reçurent l’ordre de la police de fermer. En ville également, des magasins, bureaux, entreprises qui travaillaient, stoppèrent dès le déclenchement de l’action, vers 9 heures … » En France, de Gaulle prépare les élections pour mettre un terme à la grève générale et … « sauver la République », la Vème.

Le président-poète Senghor s’improvise chef de guerre  … de classes.

Les militants syndicalistes de l’UNTS sont arrêtés, les meetings sont interdits. Pourtant Senghor, soutenu par « la France » doit lâcher du lest. Certaines revendications sont satisfaites, les syndicalistes sont libérés (le 9 juin). Le vent du boulet est passé tout prêt.

Mais ce recul temporaire ne règle rien. En mars 1969, tandis que de Gaulle tente à froid par son référendum l’intégration des deux confédérations ouvrières, CGT-FO et CGT, Senghor poursuit la même politique.

C’est à nouveau selon M. Lô un « mouvement véritablement insurrectionnel ». Le corporatisme craque de toutes parts.

Le Président la République ordonne « aux forces de sécurité et à l’armée de tirer à vue sur toute personne prise en flagrant délit d’accès de vandalisme, de pillage ou de sabotage ». Le poète-président, nourri de personnalisme chrétien aime l’Etat fort. Pourtant,

Le régime vacille.

Pour se sauver, alors que les forces de l’ordre s’avèrent impuissantes, il doit compter, impérativement avec la collaboration, la « co construction » comme on dit aujourd’hui, de dirigeants syndicaux. Doudou Ngom, co secrétaire national de l’UNTS, démissionne de son poste et crée un nouveau « syndicat ». L’acte de naissance est enregistré dans le bureau de Margatte Lô.

Ce nouveau « syndicat » s’inspire de la vieille doctrine sociale de l’Eglise, de l’association Capital-Travail.

Margatte Lô la résume ainsi :

« Les salariés doivent dépasser … les intérêts propres de leurs groupes. ( … ) Les syndicats feront leur, le programme de politique générale du parti majoritaire et des gouvernements … chacun doit prendre sa part de l’effort commun … »

Les « missions » du syndicalisme devraient changer, radicalement.

« Notre syndicalisme doit se reconvertir dans la direction fixée par le Parti ».

Revoilà les « corps intermédiaires »

M. Lô en appelle à la « collaboration  des corps intermédiaires, en particulier, des syndicats ».

Il faut dit-il que « l’Etat moderne renforce ses pouvoirs … (il doit) associer (les corps intermédiaires) dans les comités et commissions d’études, à l’élaboration des programmes économiques. Ce serait même une « obligation » pour les syndicats-corps intermédiaires que de prendre en charge l’intérêt général.

« Obligation » : le terme est tout droit tiré des encycliques sociales (7).

 Notons d‘ailleurs que le père Lebret, (8)  idéologue de l’école de formation des « cadres » de Vichy et cheville ouvrière du concile d’ouverture à « gauche », Vatican II, suit de très près avec ses amis jésuites, le parcours de son poulain : Senghor.

La tâche s’avère certes ardue car M. Lô déplore « l’indiscipline des travailleurs »  mais aussi « l’indiscipline des délégués du personnels » qui met en péril « la paix sociale » et « la stabilité des entreprises ».

D’où la multiplication de bidules intégrationnistes. « L’association du mouvement syndical à l’élaboration, à l’exécution et au contrôle de l’exécution des plans de développement économique et social doit se traduire par la participation des représentants des travailleurs désignés par les organisations syndicales, à la Commission nationale du Plan et au Conseil économique ». Là, les nouvelles élites devront renoncer à toute revendication, mais pourront formuler en toute liberté des « avis » afin « d’assister le Gouvernement ». Là, ils seront libres de bavarder aussi longtemps qu’ils le souhaitent de ce que le pouvoir voudra bien.

Conciliation et arbitrage obligatoire.

Selon M. Lô, les procédures d’arbitrage obligatoire permettent d’effectuer le tri entre les revendications qu’il « est équitable et possible de satisfaire » et les autres. Ces procédures doivent mettre un terme au « recours anarchique à la grève. ( … )  Les revendications abusives sont à proscrire absolument ». Il s’agit encore d’une simple reprise de l’encyclique rerum novarum de 1891 : les travailleurs ne doivent pas prendre le risque par des revendications « exagérées » de mettre en difficulté le patron qui a la lourde charge d’administrer au mieux l’entreprise, « communauté de destins ».

La tâche est compliquée. C’est que les syndicalistes, prévient M. Lô « manquent de formation syndicale ». Résultat, ils continuent obstinément d’opposer leurs cahiers de revendications aux appels désespérés à la collaboration et encore plus à l’arbitrage obligatoire, procédure dont ils se méfient.

Il faut dire que l’histoire récente leur a donné des raisons d’être méfiants. Omar Guye raconte (page 122 de son : histoire du mouvement syndical) :

« La grève des cheminots du 10 octobre 1947 au 19 mars 1948 fut générale … sur 17 000 travailleurs africains, seuls 18 furent à leur poste ». On imagine la panique chez les partisans pluriels de l’Union française d’autant que « Les sentences de la procédure de conciliation, d’arbitrage et de surarbitrage (décret du 20 mars 1937) donnant toutes raisons à la Régie, furent ignorées par les grévistes ». Les grévistes savent qu’avec le soutien de la population, il peuvent bâtir le rapport des forces pour gagner. Et, c’est ce qu’ils ont fait.

 « Camarades ministres » !

 L’acceptation du cadre de la « participation responsable » conduit nombre de militants aux pires compromissions.

 Elle inclut l’octroi à des dirigeants syndicaux de postes ministériels, de sièges à l’Assemblée nationale et dans les sociétés nationales. Un syndicaliste explique:

« Le dispositif d’intégration à l’Etat, sous Senghor, va très loin. A l’Assemblée nationale, il y avait 120 députés. Le syndicat avait droit à douze représentants. Il fournissait au parti « socialiste » – les guillemets s’imposent – une liste de 24 militants. Le parti en retenait douze. Même logique pour le gouvernement où le quota dit « syndical » était de deux ministres  « syndicalistes ».

Bien sûr, il serait stupide de vouloir plaquer la Charte d’Amiens à toutes les situations, sans tenir compte des traditions, de l’histoire des relations sociales, des rapports de force etc.

Mais tout de même, le régime de Senghor qui se veut le « meilleur élève de la France » n’emprunte-t-il pas l’essentiel des orientations néo corporatistes de la Vème République, en poussant il est vrai très loin le curseur de l’intégration ?

En conclusion de son « histoire … » Omar Gueye pointe du doigt « le risque de voir l’Etat issu du mouvement d’émancipation  phagocyter le syndicalisme au nom de la construction nationale. Les syndicats ont toujours refusé toute idée de domestication de leurs organisations, de sorte que des conflits sporadiques interviennent  toujours avec l’Etat aussi bien colonial que postcolonial, qui à son tour manifeste toujours une velléité de tutelle ».

Des conflits « sporadiques » à la révolte généralisée, il n’y a parfois qu’un pas. En mai 2018, la jeunesse étouffant sous un régime toujours aussi autoritaire, jeunesse privée de toute perspective d’avenir est descendue dans la rue, comme en mai 68.

Mai 2018. Manifestation d’étudiants suite au meurtre d‘un étudiant par les forces dites,  de l’ordre. Une mobilisation qui annonce celles de février-mars 2021.

En février-mars 2021, malgré l’Etat d’urgence permanent, les travailleurs et la jeunesse redescendent dans la rue pour leurs revendications, pour la Démocratie, pour la libération des militants emprisonnés.

Un ministre zélé a dénoncé l’action de « forces occultes » qui ne penseraient qu’à déstabiliser le Sénégal réputé pourtant « iîlot «  de stabilité ». Ces gens-là ne voient pas la misère qui s’étale sous leurs yeux.

Les vieilles formules de « participation responsable » ou plus récentes de « co construction » ne mèneraient cette fois encore qu’à l’impasse.

« L’amitié » franco-sénégalaise ! Il est vrai qu’en 2014, d’importantes réserves de pétrole pour l’instant inexploitées, ont été découvertes au large du Sénégal ; ça aide à créer des liens. Les « émeutiers » de février-mars 2021 s’en sont pris à Total (et Auchan) symbole de la Françafrique. Du coup, Total a suspendu 2000 emplois. (Et Auchan a viré les contractuels), c’est-à-dire les travailleurs sénégalais. Le chef de l’Etat, Macky Sall et à sa suite, le patronat, l’Eglise catholique et quelques autres exhortent le « peuple » à être « solidaire de l’Etat » ; «  solidaire » à défaut d’être libre.

Le 4 avril, jour du 61ème anniversaire de l’indépendance, le Président M. Sall a exhorté le « peuple »  à « renforcer le contrat social qui nous lie les uns aux autres » et à rester « soudés comme un seul bloc ».

Sous couvert de « crise sanitaire », le pays est sous cloche. En réalité, la tuberculose et le paludisme sont deux des maladies endémiques perpétuelles que le système de soins sénégalais est bien incapable de gérer. Quant à l’enseignement, le COVID providentiel vient justifier la fermeture des établissements scolaires.

Macky Sall est Grand officier de la Légion d’honneur ; une distinction française, ça se mérite !

Notes :

(1)    La « France » n’ose pas employer au Sénégal les méthodes de répression les plus sauvages employées la même année à Madagascar : au moins 89 000 malgaches massacrés par l’armée française pour une population de 3,8 millions d’habitants.

(2)    Stanislav Adotevi : philosophe béninois

(3)    Elikia M’Bokolo : historien congolais ; auteur de « l’Afrique au XXème siècle. Le continent convoité ».

(4)    Peu avant sa mort, après son échec au référendum, de Gaulle avait rendu visite au vieux dictateur Franco.

(5)    En France aussi, d’ex syndicalistes abandonnent régulièrement le syndicalisme pour prendre en charge ce qu’ils croient être « l’intérêt général ». Sous Vichy : Belin et Lagardelle, sous les IVeme et Vème République, quelques autres …. l’affaire tourne parfois à la farce comme avec ce ministre du « temps libre », éphémère ministre, issu de l’ex Fédération de l’Education Nationale.

(6)    Dans le préambule du texte qui institue les comités d’entreprise, le pouvoir gaulliste mettait les points sur les I. il ne pouvait s’agir que d’une structure intégrationniste dans le prolongement des comités sociaux de Vichy. Les comités d’entreprises du régime de Senghor s’inspirent de cette même logique.

(7)    Encyclique PACEM IN TERRIS : pape Jean XXIII (avril 1963) : « Tous les individus et tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l’ensemble ».

(8)    A noter que Jean Kanapa (correspondant de l’Humanité à Moscou en 1963) note dans son livre « la  doctrine sociale de l’église et le marxisme » (paru en 1962) : « On relèvera que le père Lebret  qui est depuis de nombreuses années un véritable militant de cette façon de corporatisme  qu’est « l’organisation professionnelle » occupe aujourd’hui de hautes fonctions d’ « organisateur » auprès du très autoritaire gouvernement de Senghor. Ce détail soit dit en passant éclaire la véritable nature du « socialisme africain » dont il arrive à M. Senghor de se réclamer ».

En 1963, Senghor expliquait en effet : « Nous essayons d’élaborer une voie originale du socialisme pour l’Afrique … en intégrant notamment les valeurs religieuses » ; une sorte de « troisième voie … » entre dit-il « l’individualisme démocratique du capitalisme et le grégarisme totalitaire du communisme ». Senghor et Lebret ont pu se » recueillir utilement dans la cathédrale de Dakar, loin de l’agitation des foules, cathédrale « conçue comme une sorte de Panthéon colonial, sur les murs de laquelle sont inscrits les noms de tous les coloniaux tombés en Afrique ». (Source J. Suret-Canale, « l’ère coloniale ».

Lebret, l’homme qui murmure à l’oreille du pape élabore la politique économique du régime de Senghor. Il est chargé de coordonner l’élaboration du 1er PLAN de développement. Selon ses aficionados de la revue Développement et civilisations, « la planification de Lebret visait la recherche d’un optimum pour des hommes et des femmes, qui, se mettant d’accord, participent à l’élaboration d’un bien commun : santé, éducation, culture … » En réalité la politique de soumission aux intérêts économique de la France », la soumission aux plans dits d’ajustement structurel de la Banque Mondiale ont enfoncé un peu plus la plus grande partie de la population dans la plus grande misère. Selon un bidule pompeusement intitulé Haut Conseil du Dialogue Social, « malgré les nombreux efforts réalisés au Sénégal, 9 travailleurs sur 10 occupent un emploi informel et 97 pour cent des entreprises sont dans le secteur informel », une triste réalité qui remplit d’aise les investisseurs : Total, Vinci, Bolloré … qui certainement préfèreraient 10/10.

Pour conclure, il faut savoir que Lebret, faisait partie de l’équipe d’Uriage qui, autour du fondateur du Monde, Beuve-Méry, a publié au 3ème trimestre 1945 « vers le style du XXème siècle ».

On y lit (page234) :

« Le colonialisme répond à un phénomène naturel des supériorités spirituelles ou politiques, économiques ou militaires ; elle traduit la vitalité d’un peuple et se légitime par ce que le peuple colonisateur apporte au peuple colonisé. Si la vocation impériale française est ainsi un droit et une nécessité, il n’en est pas moins vrai que le statut général des colonies devra être adapté aux conditions nouvelles des pays colonisateurs » pour continuer à piller en toute bonne conscience. N’était-ce pas la fonction de l’Union française bénie par les amis de Kanapa ?

JM 10 Avril 2021

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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