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Juridique 15 / 11 / 2018

SALAIRE: Quel avenir pour le principe d’égalité de traitement ?

Selon le principe « à travail égal, salaire égal », une personne exerçant les mêmes fonctions (notamment même coefficient, même qualification) qu’un autre salarié doit bénéficier du même salaire. L’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre les salariés dès lors qu’ils sont placés dans une situation identique.

Ce principe vaut pour le salaire de base mais également pour les primes et les avantages.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse(Cass. soc., 6-7-10, n°09-40021).

Toutefois, l’employeur ne méconnait pas le principe « à travail égal, salaire égal » lorsqu’il justifie par des raisons objectives, pertinentes et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. C’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare (Cass. soc., 4-4-18, n°16-27703).

Il incombe ensuite à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Si cette preuve n’est pas rapportée, l’employeur doit verser un rappel de salaire.

Parmi les exemples de différences justifiées, on trouve entre autres des différences de niveau de responsabilité, la précarité de l’emploi ou la pénurie de main d’œuvre, le travail de nuit, la localisation et le coût de la vie, l’expérience professionnelle, les différences de performance, de comportement ou de notoriété.

La Cour de cassation a tendance, ces derniers temps, à restreindre, de plus en plus, le principe d’égalité de traitement réduisant ce principe à peau de chagrin…

En ce qui concerne les régimes de prévoyance et la distinction cadres/non cadres, la Cour de cassation a jugé : Qu’en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, qui prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle (Cass. soc., 13-3-13, n°11-23761).

Pour ce qui est des accords collectifs et la distinction cadres/non cadres, la Cour de cassation a considéré que : Les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Cass. soc., 27-1-15, n°13-23818).

Dans les faits, la présomption est très difficile à renverser. L’article L 2263-13 du code du travail, issu des ordonnances « Macron », indique d’ailleurs qu’il appartient à celui qui conteste la légalité d’une convention ou d’un accord collectif de démontrer qu’il n’est pas conforme aux conditions légales qui le régissent.

A côté de la distinction cadres/non cadres, une multitude de situations justifie désormais qu’une atteinte au principe d’égalité de traitement soit apportée. Il ne s’agit pas ici de faire un catalogue de toutes ces justifications mais il est bon de citer quelques arrêts frappant démontrant que la tendance est à la limitation de l’application du principe d’égalité de traitement.

Dans le cadre de PSE successifs, la chambre sociale a par exemple estimé que les salariés licenciés, lors des deux procédures distinctes, étaient placés dans des situations différentes (Cass. soc., 29-6-17, n°15-21008 et n°16-12007).

En ce qui concerne l’exercice du droit d’opposition, la Cour de cassation a considéré que les effets de l’exercice du droit d’opposition, qui entraîne l’anéantissement de l’accord justifie ainsi la différence de traitement par rapport à d’autres salariés bénéficiant d’avantages nés d’un accord distinct non frappé d’opposition (Cass. soc., 30-5-18, n° 16-16484).

Dans un arrêt remarqué en date du 28 juin 2018, la Cour de cassation a considéré que : Les salariés engagés postérieurement à l’entrée en vigueur d’un accord de substitution ne peuvent revendiquer, au titre du principe d’égalité de traitement, le bénéfice des dispositions prévues par l’accord collectif antérieur (Cass. soc., 28-6-18, n°17-16499).

Auparavant, la Cour de cassation jugeait que la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l’entrée en vigueur d’un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre eux (Cass. soc., 21-2-2007 n°05-43136). Dans ce cas, il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il existe des raisons objectives à la différence de traitement entre les salariés.

Avec l’arrêt du 28 juin 2018, la Cour de cassation va plus loin : désormais, nul besoin pour l’employeur de justifier l’inégalité de traitement, le juge interdit directement aux salariés de revendiquer, au nom de ce principe, les avantages prévus par l’accord applicable avant leur embauche.

Un autre arrêt a considéré que les salariés d’une entreprise ne peuvent prétendre, au nom de l’égalité de traitement, au bénéfice d’avantages que d’autres tiennent d’un usage en vigueur dans l’entité dont ils relevaient lorsque celle-ci fait l’objet d’un transfert soumis aux dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail (Cass. soc., 30-5-18, n° 17-12782).

En cas de transfert conventionnel (ex : changement de prestataire), la Cour de cassation a jugé qu’une différence de traitement était justifiée lorsque les salariés changeant d’employeur en application d’un tel accord continuent à bénéficier des droits dont ils jouissaient antérieurement, alors que le personnel de ce nouvel employeur ne peut y prétendre, parce que cette disparité n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle (Cass. soc., 30-11-17, n° 16-20532).

Des avantages différents peuvent être accordés à des salariés relevant d’établissements distincts, soit par des accords d’établissements séparés (Cass. soc., 3-11-16, n°15-18444), soit par un même accord d’entreprise (Cass. soc., 4-10-17, n°16-17517). Un protocole de fin de conflit peut justifier une différence de traitement : Des différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou des établissements distincts, opérées par voie d’un protocole de fin de conflit ayant valeur d’accord collectif, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Cass. soc., 30-5-18, n°17-12782).

Le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l’entrée en vigueur d’un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l’avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu’ils ne bénéficient à aucun moment d’une classification ou d’une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire (Cass. soc., 17-10-18, n°16-26729).

On assiste in fine à une lente agonie du principe d’égalité de traitement. Le principe est devenu clairement l’exception…

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