>Histoire

5 / 02 / 2023

Revendications contre consensus : 3ème partie et fin.

Prenons un exemple qui concerne tout le monde : l’hôpital et la politique de santé publique.  

L’hôpital dans le viseur.

Ce gouvernement prétend « réformer » l’hôpital pour le « sauver » en vertu de quoi, il ferme des lits, des services, des maternités voire des hôpitaux entiers et chassent des milliers de soignants sous prétexte de crise sanitaire. Bienvenu au monde enchanté d’UBU !

La destruction du système de soins ne se négocie pas, ne se « co-construit pas », ni au CESE, ni dans les CNR décentralisés, elle se combat. A Mayenne 3000 manifestants à l’appel de FO, avec le soutien de l’interpro.

 Mais cela ne leur suffit pas ; pour « changer » l’hôpital « en profondeur », ils prétendent associer les « acteurs de terrain ».., d’où une grand messe organisée au C.E.S.E. en octobre 2020, en pleine pandémie.

Un document a été adopté avec à la clé 18 préconisations. (Source : site CESE). Notons que le document C.E.S.E. a été « co-construit » avec la participation de l’appareil confédéral de la C.G.T.

Avant d’en dire quelques mots, rappelons-nous :

Continuité des politiques de destruction-privatisation du service public hospitalier.

1 / Bachelot fait voter la loi HPST de « restructuration de l’hôpital » pour accélérer les fermetures de lits et services et tenter de casser le statut.

2 /  2015 : Touraine remplace Bachelot. Notre camarade Didier Bernus, secrétaire général de la Fédération des services publics et de santé rappelle que la loi Touraine dite «de « modernisation du système de santé » en préparation, « c’est la continuation de la loi Bachelot » et conclut : « il faut préparer la grève interprofessionnelle pour établir le rapport de force » et obtenir l’abandon de la nouvelle contre-réforme, se battre « contre la suppression de 22 000 postes et la suppression de 16 000 lits ».

Bachelot, Touraine … continuité … Mention spéciale pour Touraine qui a largement contribué à la politique de saccage de l’hôpital ; rocardienne ralliée au « macronisme » ; en 2012, secrétaire nationale du P « S », chargée de la « Solidarité nationale », elle est l’invitée d’honneur des jésuites du collège des Bernardins (précédant de » peu son futur collègue-ministre, Olivier Véran, qui lui aussi présente toutes les garanties) sur le thème : « les socialistes et la santé ». Tout un programme … Elle vient de rendre publique son opposition – de façade – à la dernière contre-réforme Borne-Macron. Ces gens-là osent tout …

Surfant sur les attentats odieux de 2015, Touraine en appelle à la « concorde nationale ». Il ne faudrait plus revendiquer. Elle déclare sur France inter : « Je ne crois pas qu’on puisse se passer des corps intermédiaires, même s’ils doivent aussi se renouveler et se moderniser »  et dans une interview au journal de la finance les échos, elle précise :

« Toucher au cœur de notre pacte social sans les syndicats serait une erreur ».

La corporatiste de gauche Touraine avant d’être macroniste affiche ses ambitions. Les échos ne s’y trompent pas et titrent : « Et si Touraine avait raison ? » et lui donnent raison. Evidemment.

3 / Touraine débarquée, surgit Buzyn avec son « plan d’économies et de stratégie de transformation du système de santé » (STSS), baptisé « CAP 22 ».

C’est la fédération FO qui rend public un document du ministère qui prévoyait 1,2 milliards d’économies supplémentaires sur la masse salariale des personnels médicaux et non médicaux des hôpitaux publics pour la période 2018-2022. Cette décision s’inscrivait dans  le plan ONDAM II, qui, sur la même période prétendait économiser 5,6 milliards supplémentaires … pour « sauver » l’hôpital. En rendant public un document qui ne devait pas l’être, nos camarades brisent le consensus. Au risque d’être taxés de syndicalistes « ringards », mais avec l’avantage d’être appréciés des salariés qui donnent par exemple +9 % aux FO santé en Pays de Loire.

Mais la politique criminelle de Touraine, Bachelot et ceux d’avant se poursuit et s’accélère.

Janvier 2019 : Le 28ème congrès SANTE FO appelle à résister et à se mobiliser.

Le rapport préparatoire est clair et net :

« Après avoir imposé par ordonnances sa réforme du code du travail, le gouvernement Macron-Buzyn … entend mettre en œuvre la casse du service public, en particulier la Fonction publique territoriale et Hospitalière et liquider le statut des fonctionnaires et le système de retraite par répartition en supprimant les 42 régimes particuliers ».

C’est certainement mérité.

La Fédération dénonce la prétention du gouvernement d’imposer  « un nouveau contrat social entre l’Etat et ses agents ».

Ce grand « chantier de la transformation », FO n’y a pas participé.

 « La Fédération a refusé en avril 2018 de participer à la co-rédaction (« co-construction ») de cette stratégie » et elle a bien fait.

Le congrès de la fédération a martelé conformément aux mandats confédéraux: « NON à la réforme systémique du système de santé ! » que veulent imposer les « co-constructeurs » de tous bords et y a opposé ses revendications.

Rappelons qu’en 2020, les trois derniers secrétaires de la fédération FO-SANTE, Didier Bernus, Denis Basset, et Didier Birig s’adressent solennellement à Macron (courrier publié sur le site de l’UD 44 et dans l’OS) pour rappeler notamment : « Nous savons qu’un système de santé calqué peu ou prou sur l’entreprise est mortifère … il n’y a eu aucune évaluation du principe de l’enveloppe fermée en matière de financement de la sécurité sociale et des hôpitaux ». Et pour cause ! A « droite » comme à « gauche », on entend poursuivre cette politique « mortifère ».

 Avec l’accord tacite ou pas des « corps intermédiaires », tel est l’enjeu des « conférences sociales » et de tous les « bidules » imaginés par les gouvernements.

N’en déplaise à Macron,  FO SANTE n’est pas un « corps intermédiaire ».

4 / Buzyn exfiltrée à l’OMS et décorée de la LEGION d’HONNEUR (comme Touraine), survient l’incomparable Véran.

En pleine pandémie, les politiques précédentes se poursuivent au mieux à l’identique, peut-être même aggravées à coup sûr avec un cynisme jamais égalé.

Avec la pandémie, les plus optimistes – à moins que ce ne soit, les plus naïfs – ont pu croire un instant : « ils » vont comprendre et changer de politique.

Dans un document diffusé le 15 septembre 2020 à l’occasion du congrès du syndicat FO du CHU de Nantes, on lit ceci :

« ( … ) Il est évident que le gouvernement prépare déjà d’autres contre-réformes et qu’il tentera, inévitablement d’y associer les syndicats. On nous dira qu’il y a « urgence », mieux, ou plutôt, pire ! « Il y a urgence parce qu’il y a la pandémie », que c’est « pour « sauver l’hôpital » qu’il faut renoncer aux  revendications corporatistes. Rien ne nous sera épargné. Qui peut raisonnablement en douter … ? »

Notons que ce document rappelait que « les mesures anti hôpital public de la Vème République correspondent aux objectifs affichés par l’Union Européenne mais que ce sont bien les gouvernements subsidiaires qui ajustent le détail.

Préconisation N° 7 du C.E.S.E. « restructurer » l’O.N.D.A.M.

Qu’est-ce que l’ONDAM ?

L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie est un objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville et d’hospitalisation dispensés dans les établissements privés ou publics, mais aussi dans les centres médico-sociaux. Il a été créé par ordonnances du 24 avril 1996. Il est fixé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) » selon des considérations qui n’ont rien à voir avec les besoins réels en matière de santé.

Le CESE a donc adopté en octobre 2020 un avis en 18 points. Certes il est préconisé de redonner de « l’attractivité et du sens aux métiers de la santé en procédant aux recrutements nécessaires ». De même, il est préconisé de décider d’un « moratoire sur les suppressions de lits, les fermetures et les réorganisations de services et d’établissements… 

Mais comment ceci serait-il possible sans remettre en cause l’existence même de l’ONDAM et non le « restructurer » comme le propose le CESE ?

 Dans sa résolution générale la Fédération des SPS/FO en janvier 2019 avait posé les objectifs en la matière :

En demandant «  qu’il soit mis un terme au principe de l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) qui s’inscrit dans une logique de rigueur en imposant un budget contraint par une enveloppe. Le Congrès réitère son opposition au principe même de toute enveloppe fermée et limitative. »

En revendiquant  « le retour au financement de l’hôpital public par le prix de journée ».

En condamnant « tous les dispositifs de maîtrises budgétaires comme les mesures de rigueur décidées au nom de la réduction des dépenses publiques. Il réaffirme l’opposition de FO aux lois et politiques inscrivant l’assurance maladie dans un budget contraint ».

En « réaffirmant son attachement au service public et à l’hôpital public en tant que pivot de l’organisation des soins.

Le Congrès s’oppose à toutes fermetures d’hôpitaux, de services hospitaliers et de suppressions de lits, ainsi qu’à la « territorialisation de l’offre de soins », introduite par les lois Bachelot (2009) et Touraine (2016), logique que l’on retrouve aussi dans d’autres «réformes» comme l’enseignement ou l’organisation territoriale.

Pour le Congrès, cette organisation, marque un pas supplémentaire vers la régionalisation/privatisation créant les conditions d’un pouvoir sans limites des ARS qui favorisent une ouverture au secteur privé. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation des lois HPST et santé, ainsi que la fermeture des ARS. »

Le 1er février 2022, 355 militants de la fédération FO SANTE avaient adopté une déclaration qui indiquait à juste titre :

« ( … ) Il y a maltraitance dans les EHPAD et le nom des maltraitants, nous les connaissons : Bachelot, Touraine, Buzyn, Véran, tous ministres de droite comme de  gauche qui ont patiemment construit et protégé ce ratio de 0,6 agent pour un résident avec le maintien d’une enveloppe budgétaire fermée … »

C’est clair, cette politique criminelle a été organisée, méthodiquement, mais sans notre collaboration, bien au contraire. Nous n’avons pas affaire à une bande d’incompétents à qui il conviendrait de distiller d’avisés conseils pour qu’ils ne commettent plus d’ « erreurs ».

   

« La revendication, c’est le moteur du progrès ». (Bothereau).

FO SPS revendique la création de 200 000 postes au minimum pour la fonction publique hospitalière et les Secteurs de la Santé et elle a raison.

Mais alors, pourquoi se compromettre au C.E.S.E. avec tous ces corps intermédiaires », subsidiaires du patronat qui assurent le service après-vente de la politique gouvernementale ?

S’agit-il de revendiquer une place dans la « nouvelle gouvernance » ?

L’urgence est bien au contraire de rester sur le terrain strictement syndical, revendicatif rappelé par la résolution SANTE-SPS de janvier 2019.

Toute autre attitude mettrait en cause l’existence même de nos syndicats et de notre confédération.

L’école publique aussi dans le viseur.

Pour ne pas trop rallonger cette contribution, notons brièvement que parmi les « co-constructeurs » réguliers de « consensus », figure en bonne place, un certain Thierry Cadart, ex secrétaire général du SGEN-CFDT. Ses rapports et préconisations sont fort éloignés de nos préoccupations syndicales. C’est le moins que l’on puisse dire. Pourtant, ils sont adoptés sans opposition.

Au C.E.S.E.R. pays de Loire, les corporatistes ont tenté d’associer « tout le monde » à la mise en œuvre des projets gouvernementaux. On ne peut pas le leur reprocher, c’est leur raison d’être.

Voici quelle a été la réponse de la délégation FO :

« CESER pays de Loire : le NON de la CGT-FO.

Compte rendu de mandat.

CESER, Séance plénière du 13 décembre 2022 Intervention du groupe CGT-FO sur le projet d’avis sur la Stratégie régionale en faveur du dialogue sciences-société 2023-2028.

«  L’approbation des orientations politiques de la Région ne relevant pas de notre mandat syndical au CESER, le Groupe FO ne participera pas au vote de cet avis.

Néanmoins, notre organisation tient à faire part de quelques observations qui recoupent les préoccupations de nos adhérents. Sur l’objectif recherché de « Développer la diffusion de la culture scientifique auprès des jeunes et du grand public », FO observe que celui-ci s’inscrit dans une situation particulière, celle d’une attaque sans précédent, au plus haut niveau de l’Etat, contre le système républicain d’instruction publique. En effet, par la loi dite « Pour une école de la confiance » une rupture de continuité entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur a été opérée en 2019, qui a fait disparaître le Bac comme premier grade universitaire et instauré le dispositif ParcoursSup qui exclut des milliers de jeunes de l’accès aux études supérieures. Une rupture à laquelle il faut ajouter maintenant la plate-forme « Trouver mon master » pour les détenteurs de licence. En parallèle, il a été décidé la fin de la gratuité des études universitaires, en particulier pour les formations professionnelles.

D’autre part, cet avis du Ceser s’inscrit « dans le cadre des mesures issues de la Loi de Programmation de la Recherche » du 24 décembre 2020. Une loi qui, sous la pression d’intérêts économiques et politiques particuliers, favorise la « professionnalisation » des universités, principalement par le recours obligatoire à des appels à projets. FO revendique l’abrogation de ces deux lois qui contribuent à faire disparaître la tradition universitaire du libre accès aux études et du libre choix des recherches. En ce qui nous concerne, notre organisation se bat pour obtenir les moyens humains et matériels qui permettraient de rétablir une véritable université publique, financée à 100 % par l’argent public, la seule à même de garantir à tous les talents l’égalité d’accès aux études supérieures et la liberté intellectuelle indispensable au développement des sciences ».

La délégation FO ne participe pas au vote. Elle a raison.

Conclusion :

Revenons-en à René Belin. Après-guerre, il s’interroge : « Qu’est-ce qu’un homme de gauche allait faire dans cette galère » (Vichy) ? Belin n’est pas né partisan du corporatisme. Il l’est devenu parce qu’il l’a choisi. Bothereau a choisi la voie inverse en refusant d’être le conseiller du vieux sénile et de ses soutiens pluriels.

Belin disait : on ne peut pas faire autrement que d’ « accompagner » les « réformes ». Quand on explique qu’il n’y a pas d’autre choix que ceux qui sont mis en œuvre, cela relève d’une certaine forme de totalitarisme ou y conduit.

Quand Belin a déposé son fessier sur le toboggan de l’ORDRE NOUVEAU de Vichy, la chute était inévitable et rapide.

Belin fut l’homme de la dissolution de la CGT.

Ceux qui aujourd’hui seraient tentés  de « co-construire des consensus » – de conseiller le petit Prince (qui d’ailleurs s’en moque éperdument), devront renoncer aux revendications et, ce faisant, ne pas respecter le mandat.

Ils seront tout juste autorisés à discuter de la  longueur de la laisse qui tient les travailleurs en état de servitude « sanitaire » ou autre. Ce n’est pas notre choix, aussi pouvons-nous affirmer avec le camarade Yves Veyrier :

« ( … ) Nous croyons à la force de la négociation collective pour obtenir l’augmentation des salaires, nous croyons à la force de la manifestation, à la force de la grève quand elle est nécessaire … »

 ce qui pose la question : comment établir le rapport des forces pour gagner sur nos revendications ?

Pour conclure :

En 1964, dans « le coup d’état permanent », F. Mitterrand écrit ses lignes savoureuses :

« Il y a en France des ministres, on murmure même qu’il y a encore un premier ministre. Mais il n’y a plus de gouvernement. Seul le président de la République ordonne et décide.  ( … ) Les ministres ( … ) comme les chérubins de l’ancien testament n’occupent qu’un rang modeste dans la hiérarchie des serviteurs élus et ne remplisse leur auguste office qu’après avoir attendu qu’on les sonne ». C’était en 1964.

En 2021, le chef de l’Etat du coup d’état permanent écrit :

« Il manque à la France la Figure d’un roi … » puis, vantant les mérites des pensées de Thomas d’Aquin : « La multitude est mieux gouvernée par un seul que par plusieurs … » ; puis en janvier 2022, vantant les mérites du général de Gaulle : « Les 75 ans qui se sont écoulés (depuis le discours de Bayeux) n’ont cessé de confirmer ce propos, notamment la nécessité que l’Etat soit incarné  non par une multiplicité de représentants mais par un chef ». Comme ça, le chef n’est pas emm… mais il peut, lui tout seul emm … tous les autres … enfin, vantant les mérites de Napoléon : « Napoléon sut incarner l’ordre ».

D’ici qu’il nous rétablisse l’esclavage !

Et c’est dans le cadre de ce régime pour le moins autoritaire que les représentants syndicaux sont conviés à co-construire du consensus ?!

 Le temps n’est pas au consensus ; tel est le message on ne peut plus clair de Soubie, Raymond, un « spécialiste » du dossier retraite et partisan convaincu de la « réforme » :

«  C’est une réforme nécessaire. Elle s’inscrit dans la lignée d’une série de réformes initiée en 1993 avec Édouard Balladur et qui toutes ont eu pour effet d’allonger la durée de cotisations, comme ce fut le cas avec les réformes Balladur, François Fillon en 2004 et Agnès Touraine en 2014 et/ou de repousser l’âge de départ, comme avec la réforme Nicolas Sarkozy en 2010 et celle d’aujourd’hui ».

Pas de consensus

JM    6 février 2023

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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