>Histoire

15 / 11 / 2016

Référendum d’entreprise, une vieille histoire.

La loi travail Berger-Valls-Gattaz prétend imposer le référendum d’entreprise. Faute de pouvoir détruire les confédérations ouvrières, CGT-FO et CGT, rassemblées pour résister au nouvel ordre corporatiste, ils tentent de les contourner. L’idée n’est pas nouvelle. Le 15 novembre 1900, le « socialiste » Alexandre Millerand (1) dépose un projet de loi en ce sens.

D’autres avant lui…

Il faut remonter à 1875 pour voir apparaître une 1ère expérience de « communauté-entreprise », celle de la filature de laine Harmel-frères, dite du Val des Bois, dans la Marne, fondée sur la base de la doctrine sociale du comte Albert de Mun (2). Le « syndicat mixte » (ouvriers et patrons réunis comme dans le Front du Travail national-socialiste) établit un règlement d’usine censé mettre un terme aux antagonismes de classes.
Certes, les frères Harmel ne mettent pas encore en avant l’organisation du référendum. Mais leur logique y mène tout droit.
Est d’abord institué un Conseil corporatif, puis un Conseil professionnel lui-même transformé en Conseil d’usine. Selon les conceptions très paternalistes des chrétiens sociaux de l’époque il est clair que ce sont les « classes élevées », les patrons, qui dirigent l’affaire.

L’article 7 du règlement intérieur donne le ton :

« Le Conseil d’usine établit une réelle coopération des ouvriers à la direction professionnelle et disciplinaire de l’usine, Il a pour but de maintenir entre patrons et ouvriers une entente affectueuse, basée sur une confiance réciproque … » Le Conseil « étudie les réformes qui pourraient faciliter le travail et le rendre plus lucratif … »
Comme l’avoue un peu naïvement l’article 7, il s’agit de tenter de « canaliser » les mécontentements et les colères « dans un sens favorable aux intérêts de l’entreprise » c’est-à-dire de la classe des exploiteurs.
Mais l’autogestion des années 1870 n’a pas plus de succès que l’autogestion des années 1970 et, bien vite, la communauté-entreprise vole en éclats.

L’avertissement des grèves aux entreprises Schneider.

Souplesse et flexibilité. La loi travail de l’entreprise stipule (article 2) : la durée de la journée sera fixée selon les besoins des travaux ; (article 4) : tout ouvrier en entrant doit déposer son livret (parcours individualisés) ; article 10 : tout ouvrier que l’Administration ne pourra conserver sera prévenu au moins 10 jours à l’avance. Au diable les contraintes !

En mai-juin 1899, une 1ère grève de l’usine du Creusot impose la constitution d’un syndicat CGT. La grève est victorieuse. Le patronat s’alarme. Il va s’appuyer sur une revendication ambiguë du syndicat ouvrier pour le casser. Le cahier de revendications préconise « qu’afin d’éviter les causes de conflits, nous puissions, tous les deux mois, hors les cas d’urgences, avoir une entrevue, avec vous (le patron) pour exposer les revendications … »
Schneider saisit la balle au bond. Il favorise l’instauration de « délégués d’ateliers » choisis par lui-même et constitue son syndicat d’entreprise, son syndicat jaune, ancêtre de la CFTC-CFDT. Il provoque une nouvelle grève. Le syndicat CGT est marginalisé puis détruit. Deux mille ouvriers syndiqués sont licenciés et doivent quitter Le Creusot. Schneider, tirant le bilan des évènements déclare :
« L’instauration des délégués (jaunes) nous a fait gagner 30 ans de paix sociale ». Il est vrai que même en juin 36, il n’y a pas eu de grève aux usines du Creusot.

C’est arrivé un 15 novembre.

La décision de Millerand de participer à un gouvernement d’union nationale provoque d’intenses polémiques dans les rangs socialistes.

Les militants syndicaux qui dans des conditions périlleuses s’acharnent à constituer leurs syndicats de classe se trouvent confrontés à une situation inédite : faire face à un gouvernement d’union sacrée.

C’est dans ce contexte que surgit l’idée, alors novatrice, du référendum d’entreprise. Le patronat redoute la force de la classe ouvrière qui avec la CGT se dresse toujours plus puissante. Il lui faut donc, pour conserver son pouvoir, pour conserver le contrôle de l’appareil d’état, peaufiner son dispositif anti ouvrier.
Il reviendra à un « socialiste », Alexandre Millerand, le soin de proposer une loi Travail supposée « substituer un régime légal à l’anarchie » qui règne dans les relations du travail.
Que dit le projet Millerand ?
Le ministre du Commerce organise l’élection de délégués du personnel dans tous les établissements de plus de cinquante salariés. En cas de désaccord, il est prévu une procédure d’arbitrage. En clair, si les ouvriers réclament 20% d’augmentation des salaires mais que le patronat, au nom de l’intérêt supérieur de l’entreprise refuse, ou propose 3 % ou propose une augmentation liée à un plan de licenciements, c’est l’Etat qui tranche. Mais pas plus en 2016 qu’en 1899, l’Etat n’est neutre. L’Etat défend toujours en régime capitaliste les intérêts de la classe « supérieure », même lorsque certains « socialistes » font mine de l’ignorer.
Si le conflit persiste – et c’est inévitablement presque toujours le cas – et qu’une grève est en préparation, alors celle-ci doit être votée à la majorité par référendum.
Ainsi, le gouvernement, qu’il soit à majorité « socialiste » ou plus directement l’émanation des cercles capitalistes, espère-t-il « contourner » le syndicat ouvrier pour imposer une décision conforme à « l’intérêt général », c’est-à-dire au « bien commun » clérical.

En guise de conclusion…

Mais bien sûr, référendum ou pas, les revendications ouvrières ne disparaissent pas comme par enchantement.
Bien au contraire ; en renforçant son organisation syndicale, en arrachant de nouvelles conquêtes, celles de juin 36, celles de 1945, la classe ouvrière contraint la classe des exploiteurs, incapable de passer en force, de tenter de nouveaux stratagèmes pour imposer ses mesures. Toujours les mêmes vieilleries …
C’est le quotidien le Figaro qui se lamente :
Après avoir dénoncé un code du Travail « Rigide, complexe, formaliste, anxiogène même »,  le journal pro-« réforme » écrit :
« ( … ) les relations du travail doivent être négociées et décidées le plus possible au niveau de l’entreprise ( … ) il convient de négocier un dialogue direct entre la direction et les salariés, notamment par la voie consultative ou référendaire, le monopole de représentation syndicale ayant montré ses limites ».
Sans illusion, le journal pro patronal note :
« Code du travail : la commission de refondation s’installera en 2017 » et « la loi Travail prévoit que la commission soit composée, à parité, d’hommes et de femmes (ouf !) et qu’elle associe à ses travaux les organisations syndicales et patronales en s’appuyant sur les travaux du Haut Conseil du dialogue social ».
Mais tout ça, c’est du vent ! Dans leur nouveau bidule corporatiste les patrons et leurs domestiques de la CFDT seront confrontés à l’axe de la résistance mené par notre CGT-FO. Ils le savent.

(1)

Personnalité socialiste incontournable, Millerand intègre le gouvernement de « défense républicaine » en 1899. Il y côtoie le général de Galliffet, le « massacreur de la Commune ». En 1914, il est « patriote » puisélu président de la République le 23 septembre 1920. Une brillante carrière !

(2)

Le comte est directement à l’origine de l’encyclique rerum novarum, de 1891, sur la condition des ouvriers.

J.M Novembre 216.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

>Suite

Calendrier de l’UD : cliquez sur les jours

<< Avr 2024 >>
lmmjvsd
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 1 2 3 4 5