>Histoire

12 / 02 / 2022

Quarante ans. (quadragesimo anno).

Nous sommes en 1982, le gouvernement d’union de la gauche prépare « la parenthèse de la rigueur » dont nous ne sommes jamais sortis.

Le premier ministre, Pierre Mauroy, tente de convaincre André Bergeron, secrétaire général de la confédération de faire preuve de toute la compréhension nécessaire. Bergeron le remet à sa place. Un premier ministre de la Vème république, premier ministre du coup d’Etat permanent, ce n’est pas grand-chose : 

Bergeron : «  Lors de nos récents entretiens, nous lui avons rappelé qu’il n’est pas dans la vocation du mouvement syndical de participer à la politique économique d’un pays. Il n’est pas inutile de rappeler que d’autres autrefois avaient imaginé non seulement d’associer le mouvement syndical à l’élaboration de la politique générale, mais l’avait finalement totalement intégré à l’Etat. Et c’est ainsi qu’est né par exemple le corporatisme dans l’Italie de Mussolini et l’Espagne de Franco ». (Propos rappelés par notre regretté camarade Joachim Salamero.) Bergeron a raison.

Notre confédération n’est pas à vendre.

L’UD CGT-FO  prend ses responsabilités.

Le 15 juin 1982, Alexandre Hébert propose à la CA de l’UD une motion qui se conclut par :

« La CA déclare par avance nul et non avenu tout consensus aboutissant à la remise en cause de la pratique contractuelle ».

Les « réformes » de la CFDT.

En 1982, le gouvernement pluriel prétend :

  • remettre en cause les conventions collectives par la grâce de l’une des lois Auroux-Aubry. Auroux dit s’être largement inspiré de l’encyclique Laborem Exercens de Jean Paul II, une encyclique qui développe longuement sur le rôle des « corps intermédiaires ».
  • Evincer notre confédération des organismes de gestion de la sécu. L’opération se retourne contre ses initiateurs. FO gagne les élections à la SECU. La CFDT prend « un bouillon ».
  • Ouvrir un second front contre l’hôpital public. A la traditionnelle politique d’étranglement budgétaire, le ministre PCF Marcel Rigout rajoute la logique du budget global, logique conservée par tous les gouvernements et prolongée en 1996 par l’ONDAM, l’objectif national de dépenses maladie, financé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS).

Bien sûr, l’école publique n’échappe pas à la frénésie contre-réformiste des idéologues de la CFDT et de leurs soutiens « communistes ».

Comme pour l’hôpital, il s’agit de poursuivre et amplifier la politique d’étranglement budgétaire. Les subventions accordées à l’ « enseignement » privé confessionnel battent d’ailleurs tous les records et,  dans le même temps, le gouvernement pluriel engage la « transformation-modernisation » du service public.

C’est ce que nous allons voir, brièvement au travers de quelques articles de presse de l’époque, pieusement conservés.

A tout seigneur, tout honneur et parce qu’il faut bien prendre le problème par un bout, commençons par l’inévitable : le Monde.

« E. Maire (SG de la CFDT) n’est pas ministre, pourtant … »

L’illustre quotidien a cette fois le mérite de la franchise. C’est rare chez les jésuites.

En novembre, le Monde nous informe :

« Monsieur Edmond Maire n’est pas ministre de l’Education nationale. Pourtant, à écouter son discours d’Epinay (1), on ne pouvait s’empêcher de penser que ce texte ressemble assez à ce que les français qui ont voté il y a dix-huit mois pour le changement peuvent espérer attendre sur l’avenir de l’éducation ».

Le journaliste-jésuite poursuit :

« Modérée. La CFDT ne demande la mort de personne, mais la remise en cause de tout le monde ». Traduction : « Si les traits précis de cette nouvelle école ne sont pas définis, des voies sont ouvertes : négociations décentralisées, contrats … « bassins de formation », (on n’oublie pas les « revendications » patronales), assouplissement du statut de la fonction publique  … »

Assouplissement ! Qu’en termes galants ces choses-là sont dites !

Pour y parvenir, le gouvernement essaie d’associer les syndicats.

Pour FO, c’est NON !

Le Monde, le 1er décembre.

Edmond Maire dispose d’une page entière. Le titre ? « L’unification de l’école passe par sa transformation ».

L’ennemi, l’obstacle aux « réformes », c’est d’abord l’enseignant. Le quotidien des jésuites  « progressistes » n’hésite pas :

« Monsieur Edmond Maire n’hésite pas à lâcher le mot d’incompétence.

« L’école dit-il, apparait incompétente pour les milieux défavorisés », les « pauvres » dont se préoccupe beaucoup le « syndicat » clérical et qui sont appelés à se «multiplier », puisque  les pauvres sont les première victimes de la politique d’austérité de Maire et ses complices.

Après avoir rappelé que « la CFDT dit OUI à la reconnaissance de l’identité religieuse assortie de moyens propres à la faire vivre  … » – qui pouvait en douter ? – le « syndicat » insiste : «  la négociation décentralisée et le contrat ont autant d’importance que le cadre législatif … » Le Monde est aux anges :

« Le statut devra évoluer pour sortir des contraintes actuelles, de la « rigidité » (E. Maire) sur la notion de temps de service … » et bien d’autres choses encore.

En clair, il faudrait bosser plus avec des salaires bloqués.

Le Monde conclut (les termes de Maires sont en italiques) : « Monsieur Edmond Maire n’a pas manqué de rappeler l’insistance de son organisation pour que les lieux de décisions dans le service public soient décentralisés. L’échelon régional est trop vaste. C’est dans les districts et chaque établissement, dans  les bassins de formation liés aux bassins d’emploi que les élus du personnel, les usagers et les collectivités territoriales devront établir des rapports contractuels avec chaque école ».

Comment ne pas noter la grande proximité de projet politique avec l’opération menée à Marseille par le pouvoir actuel qui prétend, quarante ans plus tard, exploser le statut avec la bénédiction des « corps intermédiaires » locaux ? (Voir à ce sujet, les prises de position de la FNEC et du SNUDI).

La CROIX du même jour bénit Edmond Maire…

… et élève les enjeux au niveau de la sacro sainte « Europe ». Extrait :

« La meilleure formule n’est pas d’imposer des exigences de façon monolithique à toutes les écoles, mais de laisser chaque établissement moduler et adapter ces exigences nationales de façon originale (sic) dans le cadre d’un projet éducatif tenant compte des réalités locales et des préoccupations des familles.

« En effet, en Europe, il est de plus en plus anachronique d’avoir un projet scolaire et pédagogique auquel les parents ne seraient pas associés de très près ». En somme, l’échelon pertinent, c’est la paroisse. De la paroisse à la communauté européenne …

Ah ! Chère Europe vaticane !

L’édition du 10 décembre se focalise sur le « modèle » du Québec :

« Au Québec, explique Paul Tremblay, ancien président du Conseil catholique du Conseil supérieur de l’éducation, l’école a toujours été reliée de très près au village et à la paroisse … »  La CROIX commente :

« Ici, les Commissions scolaires qui datent de 1841 forment des espèces de gouvernements locaux, très décentralisés, proches du village et du peuple. Il est normal que ces gouvernements locaux que sont les Commissions scolaires aient été fortement influencés par les autorités religieuses locales ».

C’est logique en effet (2).

Ouest-France du 1er décembre se réjouit :

« Le ministre de l’Education nationale (il s’agit d’Alain Savary) lance une consultation-réflexion  sur l’enseignement primaire. Elle est destinée à faire le bilan de la réalité du système aujourd’hui, recenser l’ensemble des besoins dans l’école et hors de l’école par tous les acteurs et partenaires du système éducatif, recueillir au plus près possible du terrain de façon très décentralisées des propositions ». Ce n’est qu’une déclinaison du principe de subsidiarité : laisser bavarder à la base, et puis, trancher au sommet.

Alain Savary, ministre  de l’Education nationale.

Le gouvernement veut un « grand service public unifié, rénové, décentralisé » ce qui est contradictoire avec le maintien d’un statut national de la fonction publique.

Ouest-France du 22 décembre note avec satisfaction les réactions de certains « partenaires ».

L’APEEC : association pour l’évolution de l’enseignement catholique : « Les déclarations de M. Savary nous apparaissent positives ».

La FEN : « s’interdit au stade actuel de porter une appréciation sur la teneur des propositions gouvernementales ». Autrement dit, les enseignants les plus lucides et combatifs peuvent se préparer à rejoindre les syndicats FO.

La CGT : « apprécie les propositions du ministre » et s’aligne sur la direction du PCF.

Le CNAL : (Comité national d’action laïque) y voit « une base de négociations ».

Notre confédération, André Bergeron en tête, n’est pas tentée par le consensus et le fait savoir.

Dès lors, le projet gouvernemental a du plomb dans l’aile.

Et, comme si cela ne suffisait pas se lamente le Monde du 23 décembre, « la base de l’enseignement catholique » ne comprend pas l’intérêt de s’engager dans la voie de la « transformation ».

C’est une grossière erreur s’insurge Nicole Notat dans les colonnes du Matin ce 23 décembre : « Se cramponner au statu quo, c’est jouer la politique du pire ». Notat toujours au service exclusif du patronat, de l’Eglise catho et des gouvernements qui les servent ! D’ailleurs Ouest-France nous apprend que : « Notat est le leader syndical le plus populaire chez les chefs d’entreprise, avec 71 % d’opinions favorables ; ils ont même une meilleure opinion d’elle que de Jean Gandois, patron du CNPF (patronat) qui n’obtient que 50 % ». C’est mérité.

Son confrère, le père Henri Madelin, provincial des jésuites français, partage à 100 % le point de vue du « syndicat » de Notat : « Si le grand service public, unifié et laïque permet le pluralisme, je suis d’accord » ;  le Monde du 28 décembre.

Le même jour, Ouest-France publie deux lignes – un évènement ! – du SNUDI-FO :

Le SNUDI-FO « s’inquiète de projets qui pourraient conduire à la privatisation de l’enseignement public et au démantèlement de l’école laïque. Il s’élève notamment contre les projets d’établissement qui se traduiraient par une mise en concurrence des écoles et une remise en cause du caractère national des programmes et objectifs de l’enseignement public ».

Au plan national, autour d’André Bergeron, la confédération partage pleinement ce point de vue et ne se laisse pas impressionner par les professions de foi « unitaires » et consensuelles de l’époque.

En guise de conclusion :

Le snudi 13 a publié cette petite caricature.

Suivront toute une série de manœuvres visant à enfumer les citoyens attachés à l’école publique, à sa mission, instruire, et à la préservation de la loi de séparation.

« L’école de la réussite », l’école « du futur » de JM Blanquer ne ressemble-t-elle pas étrangement aux projets communs de la CFDT et d’une fraction de la hiérarchie catholique d’il y a quarante ans ?

Comme en 1982, nous ne les laisserons pas faire ! et nous continuerons inlassablement de défendre nos cahiers de revendications.

1- C’est à Epinay que F. Mitterrand fonde le néo parti dit, « socialiste ».

2- Au Québec, les cours obligatoires intitulés « éthique et culture religieuse », viennent d’être supprimés.

Quarante ans plus tard L’Opinion du 9 février, journal de la finance, titre : « Comment Emmanuel Macron drague la CFDT ».  On saura tout.

« A deux reprises, en janvier, Laurent Berger a rencontré le chef de l’Etat à l’approche de l’élection présidentielle. L’heure est à la co-construction. Un terme que le syndicaliste apprécie ». De quoi rendre jaloux d’autres « syndicalistes » co-constructeurs de consensus ?

JM 11 février 2022

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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