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France 23 / 07 / 2018

Le projet de réforme du Cese neutralise l’indépendance syndicale

Photographie de alainalele (CC BY 2.0)

Alerte. Le projet de loi constitutionnelle visant à réformer les institutions de l’État français, pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, est en discussion au Parlement depuis le 10 juillet.

Parmi toutes les mesures prévues (réduction du nombre de parlementaires, accélération du processus d’adoption des lois…), figure une réforme en profondeur du Conseil économique, social et environnemental, le Cese, au sein duquel les organisations syndicales sont représentées.

La Confédération FO refuse d’endosser le rôle que le gouvernement voudrait leur y faire désormais jouer, celui de co-législateurs.

Selon le projet du gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental devrait désormais s’appeler la Chambre de la société civile.

Que contient ce changement sémantique ? L’actuel Cese deviendrait ainsi une troisième chambre, aux côtés de l’Assemblée nationale (chambre basse du Parlement) et du Sénat (chambre haute ).

Il serait désormais –systématiquement– saisi par le gouvernement pour rendre des avis sur –tous– les projets de lois à caractère économique, social et environnemental, alors que pour l’instant cette obligation se limite aux lois de programmation portant sur ces trois domaines et non aux lois ordinaires. Il devrait le faire avant même que le texte soit transmis au Parlement par le Conseil des ministres.

Conseiller n’est pas co-élaborer

Il s’agit d’une évolution majeure qui inscrit la future Chambre de la société civile dans le processus d’élaboration de la loi et lui donne ainsi un rôle incontournable, se félicite la présidence du Cese, dans un communiqué en date du 9 mai dernier, jour de présentation du projet de loi au Parlement par le gouvernement.

La Confédération FO, elle, ne se réjouit pas du tout de cette évolution, la jugeant à l’inverse extrêmement dangereuse. Les mots ont un sens, passer de Conseil à Chambre, veut dire passer d’un rôle qui consiste à alimenter la discussion parlementaire à celui de co-législateur, et il y a là une vaste différence, explique Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO et président du groupe FO au Cese.

FO refuse d’être co-législateur et exige le respect stricto sensu de l’Article L.1 du Code du travail sur l’obligation de négociation

Si les organisations syndicales étaient impliquées dans l’élaboration des lois dans le cadre d’une Chambre de la société civile, à quoi servirait l’obligation qu’a aujourd’hui le gouvernement de négocier avec les organisations syndicales tout projet de réforme envisagé [par lui] qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, en vertu de l’article L1 du Code du travail ?

On peut craindre que la volonté politique du gouvernement soit justement de court-circuiter la négociation, alerte FO. Il vient ainsi, alors même que la réforme du Cese n’est pas encore adoptée, de le saisir pour qu’il rende un avis sur l’évolution du statut de la Fonction publique dans le cadre de CAP22 au plus tard à l’automne. Cela va avoir pour conséquence inédite que le Cese discute de cette question au moment même où les organisations syndicales vont se retrouver à la table des négociations. déplore Serge Legagnoa. Cela est totalement nouveau, souligne-t-il, le travail du Cese n’est jamais venu jusqu’ici percuter la négociation ou la concertation.

FO refuse de contribuer à garantir le niveau d’acceptabilité sociale d’une réforme

Certaines déclarations n’ont pu qu’aviver les craintes de FO.

Patrick Bernasconi, président du Cese, a ainsi expliqué le 2 mars dernier, à Athènes, à l’occasion d’une conférence sur le thème « L’avenir de la démocratie en Europe », que l’une des missions des Conseils économiques et sociaux est de faire savoir le degré d’acceptabilité d’une réforme.

Et de préciser, dans le quotidien Le Parisien : « On est là pour déminer le terrain […] On doit être un pré-filtre pour les deux autres assemblées, à condition d’avoir des instruments institutionnels et de peser davantage dans l’écriture de la loi.

Un point de vue logiquement partagé par les employeurs français qui considèrent plus précisément encore que le Conseil Economique, social et environnemental doit « garantir » le niveau d’acceptabilité sociale d’un projet de réforme. (Journal spécial des sociétés, 11 juillet 2018)

L’enjeu n’est pas nouveau

Comment au nom d’une plus grande démocratie, intégrer les organisations syndicales à l’appareil d’État pour mieux les ligoter et canaliser le mécontentement social ? L’enjeu n’est pas nouveau.

En 1969, un an après les événements de mai 68, le Général De Gaulle poursuivant déjà cet objectif a été jusqu’à vouloir fusionner le Conseil économique et social avec le Sénat, dans le cadre de la réforme institutionnelle qu’il a soumise à référendum. Un référendum qui a conduit à sa démission puisque une majorité de Français s’est prononcée pour le « Non ».

Signe de la gravité de l’enjeu, il s’est alors produit un fait majeur dans l’histoire de la Confédération FO. Pour la première et seule fois au cours de son existence, FO a donné une consigne de vote, en appelant les travailleurs à un Non salutaire parfaitement légitimé par les principes fondamentaux du syndicalisme libre. De fait, il ne s’agissait pas de choisir une représentation politique, ce qui aurait compromis son indépendance, mais justement de refuser une nouvelle forme d’intégration de l’organisation syndicale aux institutions, qui aurait détruit cette même indépendance.

En 2015, la proposition de fusionner le Cese avec le Sénat a été reprise par Claude Bartolone, alors président de l’Assemblée nationale, dans un rapport intitulé « Refaire la démocratie » et commandé par le Parlement.

Aujourd’hui, l’attaque n’est pas aussi frontale. Elle n’en est pas inoffensive pour autant.

La réduction du nombre de conseillers : un risque de dérive technocratique

La deuxième modification majeure prévue par le gouvernement réside dans la réduction du nombre de conseillers. « Cette logique impacte aussi les parlementaires et à mon sens c’est le signe d’une dérive autocratique, c’est une limitation de la démocratie de la possibilité d’être en lien direct avec la population. Et si le Sénat a réussi à limiter la casse, ce n’est pas le cas du Cese. Avec la réduction de 233 à 155 conseilleurs, il n’est plus possible de préserver les grands équilibres de représentativité des différentes parties au sein du Cese. » commente Serge Legagnoa.

De plus, sachant que cette diminution du nombre de conseillers va coïncider avec une multiplication des missions, notamment avec la mise en place d’une plateforme citoyenne, « il y aura beaucoup moins de temps pour construire les avis, et cela risque d’entraîner un amoindrissement du rôle politique des conseillers, et donc une dérive technocratique », souligne le président du groupe FO.

Et si le Cese devenait un Forum ? Pas mieux, répond FO

À ce stade du parcours législatif, les députés ont préféré le terme « Forum » à celui de Chambre de la société civile et amendé le projet du gouvernement en ce sens. Faut-il s’en féliciter ?

Non, répond FO. La notion de Forum fait référence au forum citoyen et cela risque de diluer la parole des conseillers. La seule bonne décision en la matière est de maintenir le nom de Conseil, explique Serge Legagnoa.

La dilution de la parole des conseillers et par conséquent du rôle du Conseil a commencé en réalité il y a quelques années déjà. Créé à l’initiative notamment de la Confédération FO et d’ailleurs présidé par le secrétaire général de celle-ci, Léon Jouhaux, de 1947 à 1954, le Conseil économique et social est devenu le Conseil économique, social et environnemental en 2010.

Cette transformation du CES en Cese a permis d’y intégrer le monde associatif, au sens large du terme, alors que, rappelle le président du groupe FO, la « société civile » se limitait aux organisations syndicales et d’employeurs et à des personnalités qualifiées expertes dans les grandes questions économiques et sociales.

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