Zones grises pour une année blanche
L’année 2017 sera une année blanche, c’est-à-dire sans fiscalisation des revenus. Le contribuable recevra un avis d’imposition qui notifiera un Crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) qui annulera l’imposition des revenus. En 2017 toutefois, les salariés ne seront pas exemptés de l’impôt sur le revenu puisqu’ils s’acquitteront de celui portant sur leurs revenus de 2016. Par ailleurs, un revenu exceptionnel (vente d’un bien immobilier…) perçu en 2017 sera imposable.
Les crédits d’impôt pour des dépenses réalisées en 2017 (travaux d’habitation…) seront pris en compte mais de manière décalée. Ils ne seront restitués au contribuable que plus d’un an après, soit au milieu de l’année 2018. Pour se prémunir contre l’optimisation fiscale (déclarer un maximum de dépenses), l’État a prévu par ailleurs d’allonger le délai de prescription de ces contrôles.
L’administration pourra ainsi demander des justificatifs sur les revenus de 2017 pendant quatre années. Actuellement, la prescription pour le contrôle est de trois ans.
Le salarié perd le contrôle de son impôt
Dès 2018, « le contribuable salarié n’a plus la main sur le paiement de l’impôt puisque celui-ci est prélevé directement sur le salaire », explique Frédéric Liautaud, chargé de la mission fiscale au syndicat FO de la DGFIP (finances publiques). Le système de prélèvement d’un acompte sur le salaire contraindra en parallèle le contribuable à réaliser des démarches supplémentaires auprès de l’administration afin de régulariser sa situation.
L’assiette qui coûtera cher
L’assiette de la retenue du prélèvement à la source sera constituée du montant net imposable sur les salaires versés, ainsi que des « avantages accordés », par exemple des crédits d’impôt ou abattements spécifiques. L’assiette de l’acompte sera calculée avant application des mesures relatives aux frais professionnels et de l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites… « Pour le contribuable, cela revient à faire une avance de trésorerie à l’État car les frais et l’abattement seront remboursés a posteriori », explique Frédéric Liautaud.
Des restitutions renvoyées aux calendes grecques
À partir de 2018, l’application des réductions, exonérations ou autres déductions fiscales va se compliquer en cas de changement de situation en cours d’année. Le contribuable devra attendre sa déclaration d’impôts pour informer l’administration de ces changements, laquelle transmettra alors un nouveau taux de prélèvement à l’employeur.
« La régularisation vis-à-vis du contribuable interviendra plus d’un an après. Par ce règlement a posteriori, l’État détiendra une trésorerie abusive », s’irrite Frédéric Liautaud. Ce décalage dans la régularisation pourra porter sur les déclarations de cotisations syndicales, de dons à des associations, de travaux d’amélioration d’une habitation…
- Pour FO DGFIP, ce système complexifie les démarches des contribuables. © HAMILTON / REA
Néanmoins, le contribuable pourra informer en cours d’année l’administration de ces changements et lui demander de baisser le taux de prélèvement. Attention toutefois, cette modulation à la baisse du taux devra être supérieure à – 10 % pour un montant minimum de 200 euros de moins à prélever.
Attention encore, une modulation à la baisse « trop importante » sera sanctionnée, ainsi que les demandes abusives de modulation. En revanche la modulation à la hausse « sera encouragée » par l’administration pour éviter une importante régularisation ultérieure. « Le système du prélèvement à la source complexifie ces démarches, notamment par l’étape supplémentaire de la transmission des modifications à l’employeur », constate FO DGFIP.
Un sale coup pour les jeunes et les précaires
Le projet indique que le salarié devra s’acquitter du paiement de l’impôt dès sa première année d’activité et non plus l’année qui suit. « Cela aura un impact financier important sur ces jeunes salariés et/ou précaires », s’indigne FO DGFIP.
Cerise sur le gâteau, « en l’absence de taux transmis par l’administration », puisque ce jeune est inconnu de l’administration fiscale, c’est « le collecteur », c’est-à-dire l’employeur, qui « appliquera un taux proportionnel sur la base d’une grille de taux par défaut [fournie par l’administration, NDLR] dépendant du montant de la rémunération versée ». Ce même système sera appliqué notamment aux salariés effectuant un contrat court. La mission de l’employeur va donc bien au-delà de la collecte de l’impôt. En affectant un taux de prélèvement à la source au salarié-contribuable, il se substitue à la mission régalienne de l’État.
Les taux qui informent l’employeur
Un couple aux niveaux de salaires très différents pourra opter pour une individualisation du taux d’imposition du foyer fiscal. Pour autant il ne sera pas maître de son choix. « Le taux et l’option étant respectivement calculés et proposés par l’administration », précise le projet.
Selon les modalités choisies, ce système apporta des informations à l’employeur, lequel connaît déjà des éléments d’état civil du salarié. Pour tenter de masquer sa situation personnelle (revenus autres que salariaux…), un salarié pourra demander aussi que son taux de prélèvement ne soit pas transmis à son employeur. C’est l’employeur qui affectera alors à ce salarié un taux « neutre » de prélèvement correspondant, selon la grille de l’administration, au niveau d’imposition des salaires perçus.
« Pour un employeur, cela signifiera qu’il y a anguille sous roche. Que le salarié cherche à cacher un revenu autre que son salaire », indique FO DGFIP. Plus largement, ces indications fournies sur un plateau à l’employeur ne pourront que compliquer l’exercice de revendications, salariales notamment.