25 / 01 / 2021
Le gouvernement presse les français de puiser dans leur bas de laine et de dépenser leur argent pour le grand bien de l’Économie. Mais si la consommation est essentielle à la relance et donc à la croissance, reste que les ménages pauvres, très impactés par la crise, n’ont, en majorité pas de bas de laine. Pour faire face aux dépenses essentielles, ils sont plutôt contraints à s’endetter, voire à se surendetter.
Certes sur l’ensemble de l’année 2020, le nombre de dossiers déposés pour surendettement (108 000) a reculé de 24% indiquait à la mi-janvier la Banque de France. La période du confinement du printemps dernier, en est la raison principale. Pour autant, depuis, les dépôts sont revenus à leur niveau de 2019 et en décembre ils étaient « un peu au-dessus » indiquait la BdF. Celle-ci ne note pas pour l’instant d’emballement dans les dépôts mais se dit « attentive ».
Et pour cause, la crise n’a pas dit son dernier mot au plan de ses conséquences, à commencer par la capacité très amoindrie des plus modestes à consommer, et pour des achats essentiels (alimentation, énergie…). Et si en novembre 2020, la consommation des ménages chutait de près de 19% (sur un an, de 17,1%), ce recul conjoncturel était certes lié aux mesures de restriction de circulation, aux fermetures de commerces mais aussi d’achats moindre. Les consommateurs les plus modestes redoutent légitimement en effet des difficultés financières à venir (risque de perdre son emploi, une partie du salaire, ses allocations chômage, de solidarité…). Plus largement, si la crise a aggravé la situation, avant son arrivée, la capacité à consommer traduisait déjà les inégalités, en lien bien sûr avec les revenus des ménages.
L’Insee dans une étude conjointe avec la BdF, en 2019, indique ainsi que le surendettement en France (208 dossiers pour 100 000 habitants) avait reculé depuis 2014. La raison de ce recul « tient en partie aux évolutions de la législation, en particulier à la loi Lagarde du 1er juillet 2010 qui a fortement encadré les crédits à la consommation » précise l’étude. Ce recul du surendettement ne signifie donc pas que les ménages ont eu moins de difficultés. Il suffit d’ailleurs de consulter les statistiques, en amont de la crise, pour s’en convaincre et mesurer quels impacts risque d’avoir celle-ci sur les nombreux ménages déjà fragilisés. Et cela en sachant que moins d’un tiers des ménages qui connaissent des difficultés financières déposent un dossier de surendettement.
En 2019, les hommes seuls représentaient près de 27% des ménages surendettés en France, les femmes seules près de 22%, les familles monoparentales, près de 21%… Quelle est la situation professionnelle de ces ménages ? 60,5% sont des actifs et plus de la moitié avec un emploi. 39,5% sont dits « inactifs » dont près de 16% de retraités ou préretraités. Quant aux catégories socioprofessionnelles auxquelles appartiennent ces ménages, elles étonneront peu… 31,5% des surendettés sont des employés, 21,4% des ouvriers, 14,4% des retraités et près de 28% des personnes sans activité professionnelle. Bref, les ménages aux plus bas revenus.
Ainsi, 57% des personnes vivant dans de tels ménages ont des ressources mensuelles nettes sous le seuil de pauvreté, soit moins de 1055 euros. 34% ont des ressources comprises entre 1055 euros et 1759 euros (dit niveau de vie médian). En France, 49% des ménages surendettés « n’ont aucune capacité de remboursement » indique l’Insee. Et ça, c’était avant la crise…
Actuellement, les spécialistes évoquent la possibilité que douze milliards d’euros de crédits soient non remboursés cette année. Dès lors, comment les ménages en difficulté, en situation de surendettement, déclaré ou non, pourraient-ils consommer sans avoir recours aux crédits ?
Ces derniers ont fortement augmenté à la sortie du confinement, dès le printemps 2020 (+7,5% en juin, +1,8% en juillet, +5% en août). Différentes études d’organismes spécialisés indiquent que 27% des français ont eu recours au crédit à la consommation en 2020. La moitié de ces crédits ont un montant maximum de 1000 euros. Pour 47% des personnes contractant un crédit, soit près de la moitié, il s’agit de pouvoir s’alimenter et faire face aux charge fixes mensuelles (loyers…). Pour 21%, une situation devenant précaire (chômage, temps partiel…) est exprimée.
Si 26,5% des français a au moins un crédit à la consommation en cours, on octobre dernier, un organisme de crédit révélait par son enquête que 48% des personnes interrogées (+14 points par rapport à février 2020) envisageaient d’en souscrire un pour préserver son épargne. Pour une personne sur cinq, il s’agit de faire face à une baisse de pouvoir d’achat. Et 29% de celles-ci sont des « catégories socio-professionnelles les moins favorisées » note l’étude précisant que quatre français sur dix se déclarent « être touchés » par les conséquences de la crise économique liée à l’épidémie.
En 2020, le mode d’épargne des plus modestes, le livret A (affublé d’un taux de rendement de plus en plus faible à 0,5%) a multiplié par deux sa collecte, à 26,4 milliards d’euros. « C’est une épargne qui est vraiment forcée, qui est contrainte » déclarait récemment le directeur général de la Caisse des dépôts. Les ménages modestes craignent l’avenir et ceux qui parmi eux qui ont encore une petite capacité d’épargne, tentent de la conforter, en cas de coup dur à venir, dans ce contexte de crise.
Tous les ménages, loin s’en faut, n’ont pas participer au gonflement de l’épargne, autour de 100 milliards en 2020. En octobre dernier, le Conseil d’analyse économique (CAE) indiquait ainsi dans une étude que « près de 70% du surcroît de l’épargne » engrangée sur les comptes au printemps et à l’été 2020, soit 50 milliards d’euros provient des 20% des ménages les plus aisés. Et ce sont les 10% des ménages les plus riches qui ont concentré la moitié du surcroît d’épargne en 2020. A contrario, indique le CAE, « les 20 % des ménages les plus modestes n’ont pas épargné et ont même dû s’endetter pour consommer puisque leurs dépenses se concentrent sur les biens essentiels. » En octobre 2019, donc avant la crise, le baromètre Odoxa-RTL indiquait que 16% seulement des français épargnait plus de 200 euros par mois tandis qu’ils étaient 50% à ne pouvoir épargner plus de 50 euros.
Dès la fin 2020, le gouvernement, et depuis le Medef, ont pointé les bas de laine trop garnis en France, appelant les citoyens à consommer pour relancer l’économie. Certes la consommation des ménages -qui représentait 52% du PIB en 2019 et même 72% en comptant les dépenses effectuées par des administrations et instituts au service des ménages- est le principal moteur de la croissance économique, permettant notamment la création d’emplois.
Mais encore faut-il avoir les moyens de consommer. Cela passe non pas comme actuellement par la quasi-stagnation du Smic, des pensions et minima-sociaux mais par leur revalorisation substantielle. C’est ce que revendique FO et en toute logique.