>Histoire

6 / 04 / 2024

Note de lecture :  « histoire de la médecine, de l’Antiquité à nos jours ».

Par Roger Dachez qui a enseigné l’histoire de la médecine à l’université Paris-Diderot.

Le 25 avril 2023, le président de la Vème république du coup d’état permanent a osé ceci :

« On est en train de réinventer un modèle. C’est plus dur de réinventer un modèle quand on n’a pas tout détruit  … » (1).

Tout détruire ? C’est en effet leur programme.

Au centre, y figure en France comme partout, la remise en cause des conquêtes ouvrières d’après-guerre ; ces conquêtes qui n’ont pas été généreusement octroyées par le Conseil National de la Résistance comme on voudrait nous le faire croire, mais arrachées de haute lutte par l’action indépendante des travailleurs exploités, contre le patronat, la CFTC et les mutuelles, comme par exemple, la sécu (2).

Tout détruire, notamment l’hôpital. Si le marché est roi, il n’y a plus de place pour un hôpital public ni pour un système de soins gratuits. On sait que Bruno Le Maire veut mettre fin « à la gratuité de tout pour tous ».

De patients, nous deviendrions clients.

Ce n’est pas seulement un recul social, c’est un recul de civilisation, en marche vers la barbarie (3).

Extraits. 1 / à l’époque de la Renaissance : « La prouesse chirurgicale … fut largement reconnue ». Mais, « elle fut condamnée par l’Eglise qui voyait dans cette intervention une tentative inacceptable de modifier l’œuvre de Dieu. On ne la reprendra qu’au début du XIXème siècle ». Quatre siècles de recherches sacrifiés aux superstitions …

2 / « En pleine période révolutionnaire (1789) et de laïcisation de la France, l’Hôtel-Dieu de Paris, dont le nom fleurait trop la superstition, s’appelait désormais : Grand Hospice de l’Humanité ».

Roger Dachez écrit :

« Depuis ses balbutiements, 3500 ans avant notre ère jusqu’à la révolution du XIXème siècle et l’avènement de la médecine moderne aux XXème et XXIème siècles, l’art de soigner et de soulager les souffrances n’a jamais cessé d’évoluer. A travers ses progrès parfois chaotiques et ses bouleversements, avec ses praticiens brillants – Hippocrate, Ambroise Paré ou Bichat – comme avec ses docteurs obscurs, l’histoire de la médecine est une affaire faite de convictions, de doutes et de passion ».

L’auteur dresse un état des lieux de la médecine depuis Babylone, l’Ancienne Egypte, la Grèce, Rome …

Il en découle un constat ; ceux qui tout au long de la préhistoire de la médecine s’intéressent au bien-être des populations ne sont pas tenus de rendre des comptes au puissants du moment quant au montant des « dépenses de santé ». De ce point de vue, ces civilisations anciennes sont plus avancées que la nôtre. Pour autant, tout n’est pas rose.

En Grèce, « le praticien bénéficiait de quelques aides et notamment d’esclaves sommairement instruits par leurs maîtres ». L’auteur cite Platon : « Le médecin libre soigne et examine habituellement les maux des gens libres … »  il fait preuve, souvent « d’une arrogance de tyran ».

Hippocrate.

« Il serait né en 460 avant notre ère … l’enseignement qu’il laissait allait dominer la médecine occidentale pendant plus de vingt siècles».

Aujourd’hui, le « serment d’Hippocrate » gêne ceux qui veulent tout détruire.

En affirmant que le médecin doit, sans se préoccuper des « coûts », soigner tous les patients sans se préoccuper de la place occupée dans l’ordre social, de la couleur de peau, de la religion ou pas, Hippocrate adopte un point de vue révolutionnaire.

Ce n’est pas son seul mérite. Avec Hippocrate « un trait s’impose : les causes des maladies sont désormais exclusivement naturelles et plus aucune magie, plus aucune intervention divine n’est sollicitée, ni même envisageable … la santé de l’homme dépend désormais des rythmes de la nature et non plus des caprices de dieu ». Vingt-quatre siècles plus tard, il reste bien du chemin à parcourir.

Enfin, « luttant contre les préjugés de son temps, il souhaita associer les femmes à la pratique médicale » ce que la bonne bourgeoisie « évoluée » du XIXème siècle n’envisageait pas encore.

Chapitre « Ombres et lumières de la médecine au Moyen-âge ».

« Les livres étaient très rares, puisque la faculté en 1395 ne possédait pas plus de neuf volumes » et que l’action des praticiens était sans cesse placée sous le contrôle tatillon des fanatiques de l’inquisition.

Tandis qu’en « occident » les progrès de la médecine sont pour le moins « chaotiques », en Orient réputé « barbare », « l’apport majeur du monde arabo-musulman semble surtout résider dans l’organisation de la pratique et de l’enseignement de la médecine ».

Ce descriptif de Bagdad au XIème siècle mérite d’être connu :

« Vers le XIème siècle à Bagdad, on trouvait environ un médecin pour trois cents habitants, ce qui était une proportion remarquable.

( … ) Dans le Proche-Orient arabe, on enseignait les sciences islamiques, juridiques, théologiques, administratives auxquelles s’adossèrent bientôt les riches bibliothèques.

Dans ce même mouvement, les hôpitaux devinrent des lieux électifs de transmission des connaissances (et non pas des superstitions). La profession y était contrôlée, les compétences médicales supervisées par un haut fonctionnaire – al-muhtsasib – et l’exercice de l’art soumis à la prestation d’un serment inspiré d’Hippocrate (4).

A l’hôpital, chaque malade était examiné par un jeune médecin puis, selon la gravité ou la difficulté de son cas, par un praticien plus expérimenté, jusqu’à ce que le maître du lieu – Rhazès ou Avicenne – vînt trancher les problèmes les plus sévères ou disserter devant les étudiants sur les signes observés et sur les traitements qu’on pouvait leur opposer». (5).

Pendant ce temps, en « occident », on prépare les croisades et les guerres sans fin.

Chapitre : à l’époque de la Renaissance : l’ « Ordre chaotique ».

Tandis qu’à Bagdad s’affirme une volonté de sortir de l’ordre barbare, en « occident » le chaos succède au chaos. Roger Dachez explique :

« L’université de Paris avait d’abord été dédiée à la théologie, puis, aux arts, mais vers 1275, la faculté de médecine était dotée de statuts bien particuliers … elle fit interdiction aux juifs d’exercer la médecine. Cette première proscription en annonçait d’autres … dès cette époque, à Paris les étudiants en médecine étaient considérés comme des clercs et à ce titre, astreints au célibat … »

Stratégie de la terreur : ou, comment garder le « troupeau » (comme on dit dans les encycliques) en laisse.

Les populations sont terrorisées par les actes vengeurs du Seigneur, toujours prêts à punir par la maladie, les épidémies, les famines et les guerres sans fin le manque de piété et de soumission de ceux « qui ne sont rien », les « gens de peu », les gueux …

Les épidémies.

« En proie à une détresse sans égale, les populations manifestent parfois des comportements irrationnels et violents. Ici, des cohortes de flagellants s’automutilent en processions pour implorer la pitié du Ciel, tandis qu’ailleurs, les juifs, éternels boucs-émissaire sont massacrés, à moins qu’il ne s’agisse des lépreux … Les manifestations mystiques communautaires prennent souvent l’aspect d’une véritable folie collective … la peste de 1348 avait entraîné des pogroms qui exterminèrent ceux des lépreux (environ 600 000 au début du XIVème siècle) qui n’avaient pas eux-mêmes succombé à la maladie ». Des processions, autour de Perpignan subsistent mais … pour faire pleuvoir. Et sans flagellant, ce qui rend la chose moins réjouissante.

Les « élites » participaient et surtout organisaient l’instauration de l’ordre barbare. Les choses n’ont pas vraiment changé.

Dès le début de la « crise COVID », En France, les choses sont allées très loin avec l’instauration de ce Conseil de défense semi clandestin composé d’une dizaine d’individus, chargé presque quotidiennement d’évaluer dans la population le niveau d’« acceptabilité » des mesures gouvernementales, c’est-à-dire l’état d’exception permanent.

Le « toucher royal ».

Roger Dachez rappelle : « La cérémonie du toucher royal se met en place au cours du XIIème siècle … des centaines de scrofuleux étaient présentés au roi qui les touchait en disant :

Le roi te touche, Dieu te guérit.

Louis XV, Louis XVI toucheront encore plus de 2000 patients à l’occasion de leur couronnement ; l’infortuné Charles X, en 1825, voulut même le ressusciter dans l’incompréhension générale lors de l’ultime sacre de Reims … les rois d’Angleterre revendiquent aussi ce pouvoir de guérison ». On ne sait pas si d’autres y ont songé depuis. On sait qu’il y a au « sommet » de l’Etat, des nostalgiques de l’ordre ancien.

Henri IV en pleine action.

En conclusion.

Il n’est pas possible de résumer, même brièvement, près de 700 pages.

Notons seulement que dans le chapitre de fin consacré à « l’envol de la médecine au XXème siècle », Roger Dachez signale qu’ « entre 1895 et 1910, le nombre des étudiants en médecine étaient passés de 16 000 à 45 000. Cela promettait pour l’avenir une bien plus grande densité médicale en France ».

Avec le numérus clausus, loi de 1971,, le « budget global » (1982), les lois réactionnaires – CFDT-Juppé (1995 – etc, les gouvernements ont planifié les déserts médicaux et la mise à mal de l’hôpital.

Ils sont responsables et coupables.

  1. Les plans de guerre en Ukraine et ailleurs prévoient aussi de tout détruire pour mieux « reconstruire ». C’est le big business … les hôpitaux, les écoles aussi, tout doit disparaître. Il est vain de prétendre « moraliser » la guerre.

  2. Rappelons aux plus étourdis que le « programme » du CNR prétend imposer « une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général », autrement dit poursuivre dans le cadre d’une nouvelle mouture d’union sacrée dont la CGT serait partie prenante (en réalité partie subordonnée), la politique de Vichy. Il s’agit autour du « programme » d’unité nationale de reconstruire l’Etat autour de forces de l’ordre performantes (création des CRS), avec la bénédiction de l’Eglise pétainiste. C’est d’ailleurs par un te Deum à Notre-Dame que s’achève la fameuse procession sur les Champs – Elysées, de Gaulle devant, tous, derrière.

Quant au « programme » du CNR sur la sécu, ce n’est pas celui de G. Buisson. C’est même l’inverse : l’étatisation. Et ce n’est certainement pas notre « programme » comme le rappelle toutes les résolutions de congrès, tant de la confédération que de la fédération des services publics et de santé.

  1. En Palestine, les hôpitaux constituent la cible privilégiée des bombardements. Tout détruire, c’est aussi détruire jusqu’aux bâtiments, massacrer les personnels soignants ou les emprisonner pour qu’ils ne puissent plus soigner.

  2. Juin 1991 : Jean Louis Bianco est ministre des affaires sociales et de l’intégration. Il était précédemment secrétaire général de l’Elysée depuis la « parenthèse de la rigueur ». Avant lui, il y a eu Evin, après lui, Teulade (de la mutualité). Bianco profère cette énormité :

« Nous avons un système d’irresponsabilité, le malade consulte qui il veut, le médecin prescrit en toute liberté et l’assurance maladie paie à guichets ouverts ». Ce ministre a déclaré la guerre à tous les principes du serment d’Hippocrate. Il remet en cause vingt-cinq siècles de civilisation. Au même moment, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie se met à parler de carte à puces pour « maîtriser les dépenses ». Une mécanique infernale dont on n’a pas fini de subir les effets désastreux.

(5) Médecins sans frontières notait en 2014 : « En Irak,  des hôpitaux et des structures médicales, dont certaines soutenus par MSF ont été touchés par d’intenses bombardements … ces destructions privent les civils de l’accès aux soins dont ils ont besoin … »

Des croisés du XIème et XIIème siècle aux guerres sans fin pour le pétrole des XXème et XXIème siècles, 1000 ans d’obscurantisme, de barbarie guerrière … et de crimes de guerres, toujours impunis.

JM 6-04-2024

chaud ! chaud ! chaud !

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