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28 / 03 / 2020

Médecine de ville : face à l’ennemi invisible, le manque visible de moyens

© Pierre GLEIZES/REA

 

La médecine de ville est en première ligne face à l’ennemi invisible, le Covid-19. La guerre, selon les termes réitérés au plus haut niveau de responsabilités, s’annonce difficile car les moyens manquent cruellement. Cette « pénurie endémique » est dénoncée de longue date par la SPS-FO, la Fédération FO des personnels des services publics et des services de santé.

Une certaine confusion gêne les combattants. Les consignes sont mouvantes, voire contradictoires. « Les personnes qui ressentent les symptômes du Coronavirus ne doivent pas se rendre au cabinet de leur médecin de ville », prescrit le site gouvernement.fr, qui conseille plutôt : « Appelez votre médecin ou privilégiez la téléconsultation ». Faut-il encore que les personnes ressentent ces symptômes… et ne soient donc pas asymptomatiques.

Une fiche des ARS (agences régionales de santé), datée du 20 mars, indique, quant à elle, « qu’en phase épidémique, comme lors d’une épidémie de grippe, les patients présentant une forme simple ou modérée devront pouvoir être pris en charge en ville en utilisant les ressources médicales et paramédicales du territoire et en mobilisant l’ensemble des acteurs » (extrait des « Lignes directrices pour la prise en charge en ville des patients symptomatiques en phase épidémique de Covid-19 »). Ces patients croisent ainsi ceux qui sont autorisés, dans le cadre des règles de confinement (au mardi 24 mars, 20h), à se rendre dans le cabinet d’un médecin pour des consultations et soins ne pouvant être assurés à distance et ne pouvant être différés, ou parce que  atteints d’une affection de longue durée.

Les médecins de ville sont donc obligés de prendre un maximum de précautions mais avec les moyens du bord. Car les moyens sont limités :  « Pour les médecins généralistes et les infirmiers, la délivrance est limitée à dix-huit masques chirurgicaux ou aux normes FFP2 selon les indications et les disponibilités, par semaine et par professionnel », rappelait l’Assurance maladie le 20 mars…

Des trous dans la raquette ! 

Déjà le 7 mars dernier, le Dr Olivier Varnet, secrétaire général du SNMH-FO, le Syndicat national des médecins hospitaliers, avait alerté : « Les mesures sanitaires demandées aux hôpitaux, aux médecins de ville ne permettent pas de prendre en charge les malades correctement. Pas de masques ou des masques inadaptés pour les médecins de ville, des consignes médicales qui changent toutes les 48h […]. »

C’est un dispositif sanitaire qui a « des trous dans la raquette » !, déplore par exemple un médecin généraliste d’un cabinet médical en Bretagne, à Ploufragan (22), le Dr Yvon Le Flohic, également représentant du collectif médical des Côtes-d’Armor. Il dénonce « le manque de masques, les lourdeurs administratives et l’absence d’un dépistage massif ». La pénurie de masques, dont, selon l’OMS, la Chine assurait près de la moitié de la production, constitue l’un des principaux handicaps dans la lutte contre la propagation du virus.

Et, dans le cadre de cette lutte, le gouvernement a dû ainsi réquisitionner par décret, le 3 mars, tous les stocks de masques détenus par « toute personne morale de droit public ou de droit privéafin d’en assurer un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients ».

Le journal Le Monde vient de rappeler, le 24 mars, que le Secrétariat général de la Défense et de la Sûreté nationale (SGDSN) avait pris en 2013 la décision de transférer la responsabilité d’une partie du stock de masques aux employeurs, chargés de « déterminer l’opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger leur personnel ». Et le quotidien de commenter : « Cette décision est excellente sur le plan financier, et permet à l’État de transférer les coûts de stockage […]. »

Reste qu’en l’état des choses, les généralistes sont en première ligne. Le 26 mars, l’agence Santé publique France estimait qu’ils avaient diagnostiqué « 41 836 nouveaux cas de Covid-19 du 16 au 22 mars », dans le cadre d’une surveillance mise en place le 17 mars. Le président de la Fédération des médecins de France (FMF), qui a été contaminé par le Coronavirus, s’est insurgé, lui aussi, contre le manque de moyens des professionnels de santé en reprenant la thématique guerrière lancée au plus haut : » Nous les médecins, on n’est pas de la chair à canon » !

Un territoire national sous-doté

Cinq médecins étaient décédés, au 26 mars, après avoir contracté le Covid-19. Ces décès ont souligné, s’il le fallait encore, l’insuffisance du nombre de médecins, un phénomène qui a contraint beaucoup de praticiens à reprendre du service, et cela à un âge les plaçant eux-mêmes dans les profils à risque.

Selon une étude de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), le nombre de personnes vivant dans un territoire sous-doté en médecins généralistes a augmenté de 1,3 million entre 2015 et 2018. Elle note que pour la seule Île-de-France, 1,8 million de personnes sont concernées. En 2019, selon le ministère de la Santé, il manquait ainsi des médecins généralistes dans 11 329 communes de France, soit une commune sur trois.

Ce manque d’effectifs ne relève pas du hasard. Le numerus clausus, qui limitait le nombre d’étudiants en médecine, a certes été annoncé comme « supprimé » à la rentrée 2020, mais il a été maintenu d’une autre manière, les ARS étant, en fait, chargées de fixer le nombre d’étudiants (loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé, votée en juillet 2019).

Alors pour faire face au manque de médecins de ville et à l’engorgement hospitalier dû à la propagation actuelle du virus, des médecins généralistes ont mis en place, dans certains départements, des espaces entièrement réservés à la prise en charge des patients susceptibles d’être contaminés.

Ainsi dans le Gard, il en existe une douzaine. En Indre-et-Loire a été annoncée le 24 mars l’ouverture de cinq centres, où un médecin généraliste l’assure :  « Nous avons la protection maximale envisagée, c’est-à-dire combinaison intégrale, charlotte, sur-bottes, lunettes, masques (FFP2 ou FFP3) ». Cette initiative, inspirée d’une autre à Angers, « émane de la communauté professionnelle territoriale de santé du Sud de l’Eure-et-Loir (CPTS Sud 28, qui regroupe entre 250 et 300 médecins, infirmières, kinés, etc.). Elle a proposé ce dispositif à la préfecture du département et à l’Agence régionale de santé du Centre-Val de Loire (ARS), qui l’ont validé et qui ont accompagné sa mise en place ».

La SPS-FO alerte depuis des années

Dans une lettre adressée au président de la République, le 23 mars, la Fédération FO des personnels des services publics et des services de santé faisait part de sa colère et rappelait qu’elle a depuis bien longtemps tiré la sonnette d’alarme : « Avec cette épidémie, la pénurie endémique de personnels et de moyens sur laquelle nous alertons depuis tant d’années s’expose aux yeux de tous, en termes de manque criant de lits de réanimation, de respirateurs, de masques, de protections, de gel hydro-alcoolique, de tests de dépistage… Le véritable état de notre système de santé ne peut plus être dissimulé sous le tapis et les difficultés pour y faire face coûtent et coûteront malheureusement encore bien des vies ».

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