>Histoire

4 / 11 / 2023

Les syndicats et la guerre (4).

Le soi-disant Comité Confédéral National du 20 juillet 1940.

Le maréchal Pétain détient les pleins pouvoirs. Dans le chaos de la défaite militaire, les militants n’ont plus de boussole.

Une nouvelle charte, celle du travail va remplacer la Charte constitutive de la CGT, celle d’Amiens.

Les militants syndicalistes doivent résister ou disparaître. Les staliniens qui militent à la CGT doivent se prosterner devant le pacte Hitler-Staline.

Une minorité confédérale se réunit à Toulouse le 20 juillet 1940. Il y avait là, semble-t-il, 24 fédérations d’industrie et 23 unions départementales, de la zone sud, surtout. Admettons. Mais mandatées par qui ? La plupart viennent bien sûr de la fraction politique corporatiste, partisane de l’ « association Capital-Travail » regroupée au sein de la « tendance » syndicats. Cette fraction rassemble avant-guerre près d’un tiers des mandats.

Ni Jouhaux, ni Bothereau (qui occupe déjà une place importante dans la confédération comme l’a montré la discussion sur les statuts au moment de la réunification CGT-CGT.U d’avant le Front populaire) ne sont présents. Evidemment.

Ni l’un ni l’autre ne sont partisans de co-construire des consensus avec Vichy.

« Les cohues dangereuses ».

La  « une » du journal de fraction de « syndicats » de juin 1944 (collection consultable sur : rétro news). Le secrétaire général de l’UD du Nord, Dumoulin y écrit le 11 avril 1940 un édito intitulé : « patrons ». Il distingue trois catégories de patrons. « Les bons patrons plus nombreux qu’on ne le croit qui voient d’un œil favorable la constitution de syndicats ouvriers ». Deuxièmement, « les patrons sordides … qui ont la préoccupation exclusive d’augmenter leurs gains ». Ceux-là, manifestement, ne tiennent aucun compte des recommandations des encycliques sociales. Enfin, « les patrons vindicatifs, qui ont souffert dans leur amour-propre plus que dans leur intérêt … » des excès revendicatifs des travailleurs. Dumoulin nous informe que les deux dernières catégories « obéissent à des impulsions irréfléchies » et qu’ « ils ont pourtant intérêt à ce que se reconstituent au plus tôt des syndicats à l’armature solide, ayant le sens de leur responsabilité plutôt que de laisser subsister des cohues dangereuses ».

Une résolution est adoptée :

Le prétendu CCN affirme : « L’engagement de collaborer pour mettre toutes les forces de l’économie au service de la patrie gravement menacée ne saurait être annulé par la défaite militaire. L’immense désastre subi par la France fait à toutes les forces économiques l’obligation de contribuer au relèvement du pays, d’associer immédiatement toutes les énergies pour résoudre les problèmes qui se posent d’urgence : ranimer l’activité économique, remédier aux misères qui assaillent les populations laborieuses, redonner à notre pays sa force et sa grandeur dans le monde. La collaboration loyale de toutes les forces de la production est indispensable à cette heure ».

Ce discours de soumission à l’ordre nouveau est celui de Belin qui explique dans ses mémoires d’après-guerre pourquoi, « moi, un homme de gauche », (j’ai participé) à l’élaboration de la Charte du travail et procédé à la dissolution de la CGT. « C’était la guerre », il n’y avait pas d’autres solutions, dit-il.

C’est dès lors logiquement que le CCN des soumis décide :

1 / de supprimer les articles 28 et 33 des statuts sur la grève et de les remplacer par des articles empruntés à la législation sur la conciliation et l’arbitrage (1).

Rappelons que le gouvernement de « gauche » de Front populaire dirigé par Chautemps avait dès 1937 enclenché ce processus lancé aux EU par Roosevelt dans le cadre du New Deal (Nouvelle Donne … ).

2 / Le « CCN » décide de renoncer purement et simplement à l’article 1 des statuts. Comme le Vatican, Mussolini, Franco, Hitler et Pétain, nos « syndicalistes » rénovés estiment que la « lutte des classes, c’est fini ».

L’article 1 supprimé proclamait ceci :

« La CGT a pour but de regrouper sans distinction d’opinions politiques philosophiques ou religieuses toutes les organisations composées de salariés conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat, et désireux de défendre leurs intérêts matériels et moraux, économiques et professionnels ».

En opposition à cette position de principe, le nouveau texte prétend :

« La CGT se donne pour but de défendre les droits sacrés du travail, d’accroître le niveau de vie des travailleurs, de protéger la famille de ces derniers et de collaborer à la prospérité nationale. ( … ) Elle déclare que la défense des intérêts ouvriers ( … ) ne doit jamais s’exercer au détriment de l’intérêt général des professions et du pays ».

Les penseurs de la CFTC pourraient préciser : et du bien commun.

C’est le ralliement au travail, famille, patrie des vichystes.

D’ailleurs, le « CCN » adopte la formule : « le syndicat libre dans la profession organisée » et revendique, si l’on peut dire, l’instauration d’ « une Communauté française du Travail »

Belin est nommé ministre de la production et du travail – ironie de la date ! – le 14 juillet 1940 (2).

Concernant Belin, voir :

RENÉ BELIN, MINISTRE. (1898-1977).

 Peut-on parler de trahison ?

Depuis le tout début des années 1930, ceux que l’on appelait à l’époque les « néos », (le néo « socialiste » Marcel Déat, par exemple) voulaient un état fort. « Ordre, autorité, nation ! » était leur mot d’ordre. L’objectif était d’imposer une Chambre des corporations, « co-constructive », disciplinée, soumise …

Ceux qui militaient dans la CGT essayaient de faire prévaloir les conceptions « néo » ce qui était bien sûr incompatible avec la défense des revendications.

A la défense des intérêts spécifiques des salariés, des exploités, ils opposaient l’intérêt général.

Ils ont trouvé à Vichy la concrétisation de leurs idées.

1 Ce qui réjouit l’économiste François Perroux dont les « œuvres » seront recommandées par le service de propagande du IIIème Reich. L’individu publie pendant la guerre une série de brochures de propagande dans la collection « renaître ». Voir notamment celle intitulée, « la révolution en marche ».

2 Il y aura une nouvelle réunion des ex syndicalistes le 6 octobre 1940 à Nîmes regroupant vingt-neuf unions départementales et onze fédérations. Les « délégués » sont invités à collaborer « sans réserve, presque les yeux fermés » avec le nouveau régime (source : JP Le Crom).  Une motion de soutien à Belin est adoptée à l’unanimité, lui adressant toute « confiance pour continuer au sein du gouvernement l’œuvre de progrès social » et remerciant « le maréchal Pétain d’avoir appelé au ministère de la Production l’un de nos amis », tout ceci – nous dit Georges Lefranc, fervent partisan de Belin – au nom de la politique « de présence ».

C’était un peu gonflé

JM. 4 novembre 2023.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

>Suite

Calendrier de l’UD : cliquez sur les jours

<< Avr 2024 >>
lmmjvsd
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 1 2 3 4 5