>Histoire

24 / 08 / 2024

Les syndicats et la guerre (11).

« Le choc des civilisations » (parution en 1996) ; Samuel Huntington.

« Les américains veulent identifier dans chaque conflit les forces du BIEN et les forces du MAL puis s’aligner sur les premières ». (Page 437).

De quels américains s’agit-il ? Veut-il nous faire prendre plus de 300 millions d’américains pour des imbéciles à moitié analphabètes ?

« Le choc des civilisations », c’est la bible des « libéraux », c’est-à-dire des capitalistes.  500 pages pour fournir aux « élites » les « éléments de langage » justifiant la poursuite des politiques coloniales ou néocoloniales et les guerres sans fin qui en découlent.

Comme toujours, des militants syndicalistes pourront penser (ou faire semblant) : « ceci ne nous concerne pas ». Vraiment ? Quand toutes les économies du monde « libre », dit « occidental, basculent dans l’économie de guerre, pour la « guerre totale » (1), selon l’expression de 1940 ou « la guerre de haute intensité », expression plus moderne, ceci ne nous concernerait pas ?

Qu’en penserait Jean Jaurès ?

« La grande démocratie » US est confrontée à un problème. Avec la chute de l’URSS, les EU prétendent assumer seuls le rôle de gendarmes du monde. Une tâche qui s’avère bien compliquée. Dans l’immédiat, les EU tentent via l’OTAN de préparer, de planifier les guerres à venir, notamment, la plus importante celle qui vise à réintégrer la Chine dans le marché de la « concurrence libre et non faussée » (2). Vaste programme. 

Les chefs de guerre US prétendent « embarquer tout le monde » dans leur Titanic. Il faut savoir dire : « NON ! ».

Huntington à Davos.

Huntington n’invente rien.

Dès la page 23, l’auteur donne le ton : 

« Dans ce monde nouveau, les conflits les plus étendus, les plus importants et les plus dangereux n’auront pas lieu entre classes sociales ».

Tiens donc ! Mussolini, pour ne citer que lui, disait la même chose il y a plus d’un siècle : la lutte des classes, c’est fini ! Marx, c’est fini ! Les syndicats ? ça ne sert à rien ! D’ailleurs en 500 pages, notre croisé de la finance n’en parle jamais des syndicats, comme si c’était un gros mot. 

Certains, (adeptes des l’encyclique LAUDATE SI et de TUTTI FRUTTI « tous frères, sur l’amitié sociale » de monsieur Bergoglio)  ont modernisé cette doctrine en affirmant en substance : il subsiste malgré tout deux « classes », la « classe » les « défenseurs de la planète », toutes classes sociales confondues – ceux-là sont partisans d’un mystérieux « capitalisme inclusif » qui ne peut évidemment pas exister –  et l’autre « classe », c’est-à-dire tous les autres, les non convertis, toutes classes sociales confondues, aussi. C’est le néo-corporatisme vert, à l’échelle mondiale, une sorte de « Vatican III », une  version actualisée du « BIEN » contre le « MAL ».

Huntington poursuit : 

« Les conflits auront lieu entre peuples appartenant entre différentes entités culturelles. Les guerres tribales et les conflits ethniques feront rage à l’intérieur même de ces civilisations ».

Selon ce schéma, à l’intérieur du « bloc » dit « occidental », il n’est pas permis de se singulariser. Les syndicats (comme les ONG ou autres « corps intermédiaires ») sont priés de s’intégrer à la « gouvernance », autrement dit, de se saborder. C’est le syndicat mode Mussolini, le « syndicat » parfait, celui « qui ne bloque pas la production » lorsqu’il organise la « grève ». (Mussolini, mars 1919).

Pour étayer ses propos, Huntington croit judicieux et sans doute, très intelligent, d’évoquer « l’affrontement sanglant entre tribus (sic) au Rwanda… »

C’est un grand classique des colonialistes. Les « peuples inférieurs », les « civilisations inférieures » (en général non chrétiennes) seraient incapables de se gérer sans « l’aide » bien sûr désintéressée du « monde libre ». Et tout irait de mal en pis depuis les  indépendances. Les « sauvages » n’auraient que ce qu’ils méritent.

Dans le cas présent, Huntington se garde bien de rappeler que le Rwanda a subi le joug colonial de l’Allemagne puis de la Belgique avant d’être convoité par les patrons de Wall Street (3). 

Jacques Delors, en sauveur.

Toujours page 23, Huntington invoque un père de l’Europe communautaire, Jacques Delors. 

« Les conflits à venir seront provoqués par des facteurs culturels plutôt qu’économiques ou idéologiques ». (Déclaration de Delors du 10 septembre 1993).

Fort de ce précieux parrainage, l’auteur déroule des thèses sans cesse rabâchées par l’armada des perroquets et roquets médiatiques des « élites ».

Les falsifications, les mensonges, les mensonges par omission surtout, sont si nombreux – presque chaque phrase est un mensonge – qu’il n’est tout simplement pas possible de tout remettre en ordre.

Notons cette grossière affirmation :

« L’occident a pratiqué cette politique (coloniale) pendant quatre cents ans jusqu’à ce que certaines colonies se rebellent et livrent des guerres de libération contre les puissances coloniales, lesquelles avaient peut-être aussi un moindre désir d’hégémonie ». Un moindre désir d’hégémonie … il faut oser.

 Tout cela serait du passé. Du passé, la colonisation de la Palestine par l’état sioniste depuis 75 ans ? Vraiment ? 

« Au lieu d’opposer l’Orient et l’occident, on devrait plutôt dire l’occident et le reste du monde ». Mon dieu ! Nous sommes encerclés ! Depuis l’invention miraculeuse de l’enfer, puis du purgatoire au XIIème siècle, toujours ce besoin de terroriser pour mieux tenir les peuples en laisse.

Parfois, un demi aveu.

Page 265 : « L’occident est la seule parmi les civilisations à avoir eu un impact important et parfois dévastateur sur toutes les autres … les droits de l’homme représentent un problème en Chine, mais pas en Arabie Saoudite, les prétentions à l’universalisme n’empêchent pas l’hypocrisie.» C’est certain.

Mais, selon Huntington, ce n’est pas une raison pour changer de politique. Les « terres rares », les métaux rares de Chine indispensables au développement des nouvelles technologies et notamment au perfectionnement des armes les plus sophistiquées doivent revenir aux multinationales à capitaux US ; les autres, allemandes, japonaises ou autres pourront toujours se partager les restes, s’il y en a.

La Chine dans le viseur.

Page 344 : « Le plus dangereux serait pour les EU de ne pas faire de choix clair et d’entrer en guerre avec la Chine – le principe ne se discute pas – sans s’être demandé si c’est vital pour la nation (c’est-à-dire pour les profits des multinationales) et sans s’y être préparés pour se battre efficacement ».

« Se battre efficacement » passe par un « effort d’armement » jamais vu dans toute l’histoire de l’humanité. Les docteurs Folamour du Pentagone ou d’ailleurs peuvent se réjouir …

Le sinistre docteur Folamour dans le film de Stanley Kubrick, 1964.

C’est toujours au nom de la « démocratie » que se préparent les crimes de guerres.

« ( …)  Etre une grande puissance implique un rôle subtil … et parfois même cynique ». Cynique, c’est certain ; subtil ? c’est plus discutable.

« Les sociétés européennes ont connu une phase d’absolutisme mais elles n’ont pas eu à subir les empires bureaucratiques et les despotismes orientaux qui ont dominé l’Asie pendant la plus grande partie de son histoire … » Des siècles de monarchie absolue, les croisades,  l’inquisition, les guerres permanentes, le servage, la mise en esclavage des trois quarts de l’humanité … ça ne compte pas ?

Les tourments d’Huntington : la résistance des peuples.

« La présence de forces américaines nombreuses suscite de plus en plus le rejet ».

Encore faut-il que ce rejet trouve son expression organisée dans les organisations de classes censées défendre les intérêts particuliers des travailleurs exploités. Ce devrait être le rôle des organisations telles que la Confédération Syndicale Internationale ou la Confédération Européenne des Syndicats de centraliser et d’organiser la résistance des classes exploitées aux politiques « d’ajustements structurels » et de remise en cause des droits syndicaux.

Elles sont, l’une et l’autre placées devant cette alternative :

  • Ou bien poursuivre dans la voie de l’intégration à la « gouvernance mondiale ».

  • Ou bien, revenir au rôle du syndicat : défendre partout dans le monde les droits des travailleurs sans se préoccuper des élucubrations des Huntington d’hier et d’aujourd’hui. 

Prenons un exemple récent : 

Le journal THE GUARDIAN du 3 juillet 2024 révèle :

« Les travailleurs chinois d’une entreprise en Israël ont été forcés d’accepter de ne pas avoir de relations sexuelles ni de se marier avec des israéliennes comme condition pour obtenir un emploi. Il est également interdit de se livrer à toute activité religieuse ou politique. (Le journal de la bourgeoisie britannique (4) ne le dit pas, mais il n’est évidemment pas question non plus de droits syndicaux).

Le contrat stipule que les contrevenants seront renvoyés en Chine à leurs frais ». 

Cette législation ouvertement discriminatoire et raciste a une longue histoire. En Israël même, bien sûr, mais aussi en Afrique du sud, en Australie, et surtout aux EU. 

Dans les années 1920, des lois racistes de ce type furent adoptées dans une trentaine d’états, surtout du sud américain. (Les plus éminents juristes du IIIème Reich y avaient trouvé une large source d’inspiration pour élaborer les lois de Nuremberg). Il s’agissait de préserver la « pureté » de la race blanche et d’assurer de confortables profits. Dans certains états, les contrevenants pouvaient écoper jusqu’à 10 ans de prison.  

Il est évident que les organisations syndicales devraient intervenir pour contraindre les Etats qui pratiquent toujours l’apartheid et toutes formes de discriminations de respecter le droit international, de respecter les règles édictées par le Bureau International du Travail.

Mais si la préoccupation principale de la CSI est d’être toujours plus « associée » à la « gouvernance », alors, il ne reste plus qu’à fermer les yeux et accompagner les plans des élites guerrières quitte à critiquer, modérément, les « excès » de la finance internationale.

Quant à la CES, le mieux est de laisser la parole à son ancien secrétaire général de 1991 à 2003, Emilio Gabaglio. Rappelons que ce curieux syndicaliste fut responsable de l’ACLI, l’équivalent italien de « notre » Action Catholique Ouvrière ; ça campe un personnage … il écrit :

« A la différence des syndicats nationaux, l’évolution de la CES ne relève pas de la lutte des classes mais de l’institutionnalisation de la politique européenne », celle de Delors et de ses successeurs. (Source, son livre, « qu’est-ce que la CES ? » paru en 2002).

Ce n’est pas notre conception de l’action syndicale.

Marc Blondel disait qu’il nous fallait savoir conserver toujours « notre liberté de comportement ». Plus que jamais !

1)  Dans son livre de mémoires politiques « le mémorial de Roosevelt », Robert Sherwood (admirateur inconditionnel de Roosevelt) écrit : (en 1940), « le Président était le seul à comprendre vraiment le sens de l’expression guerre totale » Un génie ! « ( … ) Libre de toute idée préconçue et de toute entrave légale, il n’était par ailleurs pas le moins du monde embarrassé par le respect des traditions ». Sherwood précise : « Roosevelt créa les organismes centraux pour la production de guerre, le Service de la main d’œuvre de guerre, celui du contrôle des prix, du ravitaillement et des transports etc sans avoir besoin d’en référer au Congrès ». (Page 68 et 72, tome un).

Dans cette logique pour le moins anti démocratique, il n’y a pas de place pour un syndicat digne de ce nom, c’est-à-dire indépendant du pouvoir politique. Les syndicats sont autorisés à se taire, à ne pas revendiquer, à ne pas faire grève. Et s’ils peuvent chanter les louanges du chef de guerre génial du moment, c’est encore mieux … en attendant de fournir leur contingent de chair à canons pour l’armée US … qui pratiquait par ailleurs la ségrégation raciale.

La direction de l’AFL avait pris l’engagement de ne déclencher aucune grève, autrement dit de se saborder.

Ce n’était pas une fatalité. Aujourd’hui, sept syndicats américains qui représentent neuf millions de syndiqués réclament la fin des livraisons d’armes à l’Etat sioniste d’Israël et le cessez-le-feu immédiat. L’indépendance syndicale, ce n’est pas un vœu pieux.

2) Dans cette perspective, des exercices militaires se sont déroulés depuis le 26 juin jusqu’au 2 août. Vingt-neuf pays étaient engagés. : 25 000 soldats, 40 navires de guerre, 3 sous-marins, 150 avions de combats … ce qui n’empêche pas les domestiques habituels, LE FIGARO, LE MONDE, LIBERATION,  LES ECHOS … de dénoncer les plans expansionnistes chinois. La palme revient à CHARLIE HEBDO qui vient de dénoncer, sans rire, « l’impérialisme chinois ». 

3) Page 33, Huntington consacre un chapitre à : « la civilisation africaine (si possible) ». Ce si possible est à lui seul tout un programme … impérialiste.

Huntington ment. Essentiellement, par omission. Il ne dit pas que ce qu’il appelle les « guerres tribales » ont été préparées, minutieusement, par l’état colonial belge dès 1930. A compter de cette date, Il était obligatoire d’indiquer sur sa carte d’identité à quelle ethnie on appartenait.

4) C’est dans ce « journal » que Churchill écrit en 1919 : « Je suis profondément favorable à l’utilisation de gaz-poison à l’encontre des tribus barbares ». 

J.M   24-08-2024

 

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

>Suite

Calendrier de l’UD : cliquez sur les jours

<< Oct 2024 >>
lmmjvsd
30 1 2 3 4 5 6
7 8 9 10 11 12 13
14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27
28 29 30 31 1 2 3