L es régimes spéciaux sont nés de la rencontre d’une volonté économico-étatique et d’une demande de plus en plus pressante du monde du travail et de la classe ouvrière naissante. Les premiers servis sont les marins de la Royale (mesures Colbert, 1673) puis une partie des militaires.
Mais c’est Napoléon III qui en juin 1853 réglemente la retraite pour ses fonctionnaires. Mesures très en avance pour l’époque : un fonctionnaire peut percevoir une pension dont le montant correspond aux trois quarts de son traitement, à 60 ans et après trente ans de service. De même à 55 ans pour les travaux pénibles, après vingt-cinq ans de service. Peu après les employés de l’Opéra de Paris, ceux des postes impériales puis les ouvriers du tabac et les allumettiers en bénéficient.
Les municipalités vont suivre l’exemple de l’État en créant leurs propres caisses de retraite pour leurs employés (cent trente villes en 1891). Paris est en pointe avec, en 1899, celle de la Compagnie du chemin de fer métropolitain, l’ancêtre de la RATP. Les chemins de fer, aux mains de compagnies privées, ont dès l’origine leurs caisses de retraite, mais elles sont réservées aux cadres et aux employés qu’ils ont formés.
La loi du 27 décembre 1890 les oblige à y inclure les cheminots et ouvriers mécaniciens. En 1909, le gouvernement unifie tous les régimes des différentes compagnies et fixe l’âge du départ : 50 ans pour les roulants, 55 pour les autres cheminots et 60 pour les administratifs.
Il faudra attendre 1945…
À la fin du XIXe siècle certaines entreprises du privé organisent leur propre système de pension pour stabiliser une main-d’œuvre qualifiée dont elles ont grandement besoin : métallurgie, textile, chimie, verrerie ; soit, en 1895, environ 100 000 salariés. Dès la fin des années 1880, la question d’un système général est posée. La CGT, fondée en 1895, pousse à la roue dans cette direction.
Trois ans plus tard, le Parlement adopte la « Charte de la mutualité » (loi du 1er avril 1898), accordant toute liberté aux Sociétés de secours mutuels pour créer leurs propres régimes spéciaux. La première tentative d’un régime général voit le jour avec la loi du 5 avril 1910, qui aurait dû bénéficier à 18 millions de travailleurs, mais qui n’en touchera que 2,5 millions. Les cotisations ne sont pas obligatoires et le patronat ne veut pas jouer le jeu, souhaitant garder la main sur ses œuvres sociales
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Léon Jouhaux, qui vient de prendre la direction de la CGT, dénonce la retraite des morts
. En effet, la loi prévoit l’âge du départ à 65 ans… La deuxième tentative a lieu en 1928. Nouvel échec à cause de la résistance du patronat et de la paysannerie. L’obligation de cotisations obligatoires est finalement votée par le Parlement le 30 avril 1930. Mais il s’agit d’un régime mixte (capitalisation-répartition) ne touchant pas tous les salariés.
Ce sont les ordonnances du 19 octobre 1945 qui posent les fondations de notre système actuel de sécurité sociale, système voulu par le CNR, le vrai, le Conseil national de la Résistance. Et ces ordonnances avaient pris soin de sauvegarder et de protéger les régimes spéciaux, acquis sociaux de près d’un siècle.