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30 / 01 / 2023

Les régimes spéciaux, pionniers des retraites

Si les retraites en général et les régimes spéciaux en particulier sont dans le collimateur du gouvernement, il ne faut pas oublier que les régimes spéciaux ont été les pionniers des retraites.

L es régimes spéciaux sont nés de la rencontre d’une volonté économico-étatique et d’une demande de plus en plus pressante du monde du travail et de la classe ouvrière naissante. Les premiers servis sont les marins de la Royale (mesures Colbert, 1673) puis une partie des militaires.

Mais c’est Napoléon III qui en juin 1853 réglemente la retraite pour ses fonctionnaires. Mesures très en avance pour l’époque : un fonctionnaire peut percevoir une pension dont le montant correspond aux trois quarts de son traitement, à 60 ans et après trente ans de service. De même à 55 ans pour les travaux pénibles, après vingt-cinq ans de service. Peu après les employés de l’Opéra de Paris, ceux des postes impériales puis les ouvriers du tabac et les allumettiers en bénéficient.

Les municipalités vont suivre l’exemple de l’État en créant leurs propres caisses de retraite pour leurs employés (cent trente villes en 1891). Paris est en pointe avec, en 1899, celle de la Compagnie du chemin de fer métropolitain, l’ancêtre de la RATP. Les chemins de fer, aux mains de compagnies privées, ont dès l’origine leurs caisses de retraite, mais elles sont réservées aux cadres et aux employés qu’ils ont formés.

La loi du 27 décembre 1890 les oblige à y inclure les cheminots et ouvriers mécaniciens. En 1909, le gouvernement unifie tous les régimes des différentes compagnies et fixe l’âge du départ : 50 ans pour les roulants, 55 pour les autres cheminots et 60 pour les administratifs.

Il faudra attendre 1945…

À la fin du XIXe siècle certaines entreprises du privé organisent leur propre système de pension pour stabiliser une main-d’œuvre qualifiée dont elles ont grandement besoin : métallurgie, textile, chimie, verrerie ; soit, en 1895, environ 100 000 salariés. Dès la fin des années 1880, la question d’un système général est posée. La CGT, fondée en 1895, pousse à la roue dans cette direction.

Trois ans plus tard, le Parlement adopte la « Charte de la mutualité » (loi du 1er avril 1898), accordant toute liberté aux Sociétés de secours mutuels pour créer leurs propres régimes spéciaux. La première tentative d’un régime général voit le jour avec la loi du 5 avril 1910, qui aurait dû bénéficier à 18 millions de travailleurs, mais qui n’en touchera que 2,5 millions. Les cotisations ne sont pas obligatoires et le patronat ne veut pas jouer le jeu, souhaitant garder la main sur ses œuvres sociales.

Léon Jouhaux, qui vient de prendre la direction de la CGT, dénonce la retraite des morts. En effet, la loi prévoit l’âge du départ à 65 ans… La deuxième tentative a lieu en 1928. Nouvel échec à cause de la résistance du patronat et de la paysannerie. L’obligation de cotisations obligatoires est finalement votée par le Parlement le 30 avril 1930. Mais il s’agit d’un régime mixte (capitalisation-répartition) ne touchant pas tous les salariés.

Ce sont les ordonnances du 19 octobre 1945 qui posent les fondations de notre système actuel de sécurité sociale, système voulu par le CNR, le vrai, le Conseil national de la Résistance. Et ces ordonnances avaient pris soin de sauvegarder et de protéger les régimes spéciaux, acquis sociaux de près d’un siècle.

Les régimes spéciaux dynamités

© F. BLANC

 

Élément explosif, la réforme prévoit la « fermeture » des principaux régimes spéciaux. Hormis certains petits régimes (marins, Opéra de Paris, Comédie-Française), tous les grands autres (les industries gazières et électriques, la RATP, soit environ 185 000 salariés sous statut), ou encore les clercs de notaires seront concernés par la fameuse clause du grand-père, déjà effective à la SNCF depuis 2020 (selon le « Pacte ferroviaire » de 2018).

Et au plus vite : à partir du 1er septembre 2023, les nouvelles recrues seront affiliées au régime général de retraite si la loi passe. Une extinction à terme de ces régimes. Pour l’exécutif, « L’existence de ces régimes spéciaux de retraite n’apparaît plus justifiée au regard des principes d’équité et d’universalité au cœur de notre modèle social ».

Une provocation pour FO : « C’est une atteinte inadmissible au contrat social. Si les électriciens et les gaziers ont eu un statut calqué sur la fonction publique, ce n’est pas pour rien : ils assurent une mission de service public fondamentale », martèle Alain André, secrétaire général de la fédération FO-Énergie et Mines.

Touchés par le recul de l’âge

Et ce n’est pas tout. Chez EDF, Engie ou la RATP, les personnels actuels devront aussi travailler progressivement jusqu’à 64 ans. La mesure entrera en vigueur à partir de 2025. Exit donc la possibilité de partir plus tôt, entre 56 et 60 ans selon les régimes.

Pour FO, cette casse des régimes spéciaux, après la réforme Woerth de 2010 qui a déjà rallongé de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, notamment pour les catégories actives du secteur public et pour les régimes spéciaux, est inacceptable. « Nous avons des contraintes de service public, des horaires décalés. Conduire des métros, c’est un métier pénible. Déjà, certains conducteurs partent à la retraite vers 57 ans. Les faire travailler plus longtemps ? Pour nous, c’est inadmissible » !, s’emporte Laurent Djebali, secrétaire général de FO-RATP

chaud ! chaud ! chaud !

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