>Histoire

22 / 05 / 2021

Le « rassemblement populaire » (Front populaire) et la question coloniale. La CGT dans la tourmente.

La DEMOCRATIE antique reposait sur l’esclavage. La démocratie impérialiste repose sur le pillage des colonies.

« La politique coloniale de la France  … a contribué à créer l’état de chose horrible où nous sommes ». (Jaurès, dernier discours avant son assassinat).

Le programme du Font populaire soutenu par la CGT est très vague. Des quatorze « revendications politiques » on peut extraire ces deux affirmations : le Front populaire défend  « la liberté » et se prononce « pour la paix ».

Le septième point évoque tout de même la situation des territoires coloniaux. En voici le texte complet :

Il sera instauré « une commission d’enquête parlementaire sur la situation politique, économique et morale dans les territoires d’Outre-mer, notamment en Afrique du Nord française et dans l’Indochine ». C’est concis. Cette commission d’enquête fut remplacée par une simple « commission d’études ».

Un ministre « socialiste » – quelle dérision ! – est nommé ministre des colonies : Marius Moutet. Il déclare fièrement en 1937 : « ( … ) Il faut prendre conscience de notre devoir d’éducation coloniale … nous engager pour défendre et justifier notre action devant les peuples que nous protégeons … »

Pendant toute la période du Front populaire l’exploitation de 100 millions de « sujets » continue de plus belle. C’est le règne du « travail forcé », c’est-à-dire la continuation de l’esclavage, ni plus, ni moins.

 Pourtant, l’arrivée du nouveau gouvernement présidé par Léon Blum (1), avait suscité « aux colonies »  quelques espoirs … vite déçus. Le journal « le TEMPS » (« la bourgeoisie faite journal ») ne cache pas ses inquiétudes : « Alger a fêté la victoire électorale du Front populaire […] 15 000 manifestants environ ont parcouru le centre de la ville. Plusieurs milliers de manifestants, y compris des femmes arabes voilées, figuraient dans le cortège. [Mais que] dans la grande banlieue algéroise les déprédations et les attaques contre les colons continuant, le préfet a envoyé la garde mobile pour rétablir l’ordre … et traduisant l’inquiétude grandissante] des colons français qui, isolés dans le bled, ne se sentent plus en sécurité au milieu d’indigènes que des meneurs excitent à la rébellion… »

 

En 1936, l’impérialisme français est sur le déclin, ce qui le rend terriblement « démocratique » et passionné par la « paix universelle ». Léon Blum n’hésite pas à proclamer que les démocraties veulent la paix, alors que les dictatures veulent la guerre. En réalité, les « démocraties » veulent conserver ou accroître si possible, leur « Empire », tandis que les dictatures (Allemagne, Italie) veulent imposer un autre partage du monde. Les congrès, les séminaires « pour la paix » se succèdent. Les adeptes de Staline, quelques dames patronnesses bien intentionnées et même des dirigeants de la CGT rivalisent d’intentions purement pacifistes. L’un d’eux déclare : « nous nous sommes réunis contre le fascisme, pas contre l’impérialisme » ; autrement dit, « nous, démocrates », poursuivons tous ensemble le pillage de « nos » colonies.

Quelques bons sentiments.

A « gauche », on affiche publiquement un « soutien » toujours très « moral » aux populations indigènes victimes des « excès » des colons.

Mais passer d’un soutien « moral » à une politique anticolonialiste sérieuse supposerait rompre avec le parti radical, parti représentant l’impérialisme français.

L’historien Charles-André Ageron a étudié l’attitude de la presse. Il prend l’exemple de la guerre du Rif au Maroc (1921-1926). L’Ere Nouvelle est l’organe de « l’Entente des Gauches ». Le 11 juin, une tribune d’ « intellectuels de gauche » proclame :

« Ce n’est plus dans les champs de Poitiers, c’est dans la plaine de l’Ouergha, au pied du Massif rifain qu’il faut recommencer Charles Martel ». Charles Martel plutôt que Marx ou Jaurès ! Et de dénoncer la « barbarie » des musulmans « fanatisés ».

Pétain pour « la France », Franco  pour l’Espagne monarchiste au service de la dictature de Primo de Rivera mènent la guerre. Nos « intellectuels de gauche » bavardent, bien à l’abri, des mérites de la « paix universelle », s’émeuvent des prétentions du « tyran sauvage » Abd-El-Krim (2) à l’indépendance ; Certains commencent aussi à s’émouvoir des prétentions d’un autre tyran, qu’ils ne qualifient pas de « sauvage », celui-là, B. Mussolini, à tailler quelques croupières dans « notre » Empire Africain.

Les positions de ces « élites » ont bien sûr quelques conséquences néfastes dans la CGT.

Charles Martel, modèle « des gauches ». Symbole de la « résistance » de la chrétienté menacée  d’ « envahissement ».

 « L’assimilation » contre l’indépendance et la souveraineté.

Le sinistre Jules Moch, « socialiste » SFIO,  a rédigé en 1971 un livre : « le Front populaire, grande espérance ».

Il y résume « les bonnes intentions » du Front populaire. Pour que « la France » conserve « ses colonies » et tout ce qui va avec, il fallait être assez intelligent, pense-t-il, pour s’appuyer sur les « élites  indigènes » en leur accordant quelques droits et surtout quelques avantages bien matériels. Moch explique :

« Un projet de loi connu sous le nom de projet Blum-Violette voté par la Chambre (du Front populaire) accordait les droits de citoyens français, à certaines catégories d’Algériens (anciens combattants, titulaires du certificat d’études). Il eût pu jouer un rôle important et permettre l’assimilation à laquelle aspiraient alors les élites algériennes. Il a été malheureusement repoussé au Sénat, et la dernière chance de maintenir au moins temporairement l’Algérie dans le cadre français a été ainsi perdue ». « Certaines catégories … » ? En réalité, 21 000 algériens sont concernés, soit, 1 % du corps électoral. Pour les colons, 1%, c’était encore trop.

Le PCF n’est pas en reste. La revue « théorique » du PCF intitulée curieusement « les cahiers du bolchévisme » affirme : « Le peuple d’Algérie a salué avec un enthousiasme unanime la décision du gouvernement de mettre à l’étude le projet de loi Violette ».

Un député PCF, un certain Gabriel Péri, vante en novembre 1937 les mérites de la « force noire », garante de paix, de stabilité et de prospérité. Le lobby colonial ne peut rêver meilleur propagandiste de l’Empire.

Tout ceci n’est pas sans conséquences sur les prises de positions – ou l’absence de prises de positions – de la CGT.

Que fait la CGT ?

Un congrès confédéral a lieu en 1936. L’intervention du délégué Abdelkader est révélatrice de l’état des lieux :

« Camarades, il est regrettable de constater que tous les orateurs qui m’ont devancé ont, tour à tour, défendu la cause des ouvriers des pays voisins en citant les ouvriers allemands, d’Autriche, d’Italie, d’Espagne du Japon etc alors que, à quelques heures de Marseille seulement, il est un pays dont les ouvriers sont livrés entièrement aux méthodes abjectes d’exploitation, de division et d’asservissement ignobles … » Il détaille ses conditions que nul congressiste ne peut ignorer.

Il conclut malgré tout :

« Vive la CGT unifiée (Les trois tendances : « réformiste », « communiste » et néo-syndicalistes sont alors « rassemblées ») pour la défense des travailleurs et de leurs frères indigènes ! ».

Le délégué est applaudi. Bien. Mais quelques mois plus tard, le gouvernement de Front populaire dissout l’Etoile-Nord-Africaine qui se prononce depuis une dizaine d’années déjà pour l’indépendance de l’Algérie (et donc, sa pleine souveraineté) et non pas pour l’illusoire « assimilation ». La CGT ne proteste pas.

Indépendance syndicale ou « co-construction » ?

La direction de la CGT a emprunté, il est vrai, une voie dangereuse. Tout en réaffirmant la fidélité de la confédération à l’indépendance syndicale, le Comité Confédéral National du 19 mai 1936 « revendique sa place dans les organismes techniques, sociaux et économiques, d’études et de préparation que le gouvernement sera appelé à créer ou à rénover ; la CGT demande, pour l’application de son PLAN, des pouvoirs de décisions et de contrôle ». Bref, on entend co-construire et gérer au mieux les conséquences de la crise économique de 1929.

Les néos, Belin, Dumoulin et d’autres, s’orientent vers la « troisième voie », celle de la « co-construction ».  Dumoulin, ex SG de l’UD du Nord résume : « Quant à nous, nous ne voulons plus nous en tenir au seul syndicalisme revendicatif d’autrefois. Nous nous engageons dans la voie d’un syndicalisme constructif qui n’exclut pas la collaboration avec le patronat ». Constructif … co-constructif … nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes.

Juin 1936 : les ouvriers se battent pour les meilleures conventions collectives. Les patrons préfèrent au contraire en 1936 comme en 2021, une forme de « contrat » individuel de louage de service qui est la règle dans les colonies de 1936.

Certes, ni Maurice Jouhaux, ni Benoît Frachon, ni René Belin ne seront ministres du Travail du Front populaire. (Pour Belin, il faudra attendre la « divine surprise » pétainiste).

Liée aux objectifs politiques du soi-disant Front populaire, la direction confédérale, toutes tendances confondues, mais avec, certes quelques nuances, ne pouvait apporter les réponses que le délégué Abdelkader attendait certainement.

Comment mettre fin à la grève ?

La direction confédérale, les trois tendances unies, réunie le 21 juin exhorte patronat et travailleurs, à la « modération ». La résolution de la CA affirme :

« ( … ) La CA déclare qu’il appartient aux organisations patronales par une prompte application des accords Matignon et une large compréhension de la situation présente d’éviter l’éclatement de conflits nouveaux et de faciliter la fin des grèves en cours ». Concernant les services publics la CA déclare :

« La CGT signale que les efforts du cartel des services publics et du gouvernement ne doivent pas être gênés par des mouvements inconsidérés, qui seraient de nature à affaiblir le Rassemblement populaire et à faciliter ainsi les tentatives de redressement des factieux ».

Le parti stalinien en rajoute : « la grève est l’arme des trusts » ! en métropole comme aux colonies. Les grévistes seraient des « provocateurs ».

(René Belin en rajoute : « toute grève des services publics, c’est une grève contre le gouvernement » qui remet en cause la « paix sociale »).

Pour comprendre l’attitude des chefs staliniens, il faut savoir qu’à ce moment, en URSS, Staline prépare les grands procès pour liquider la « vieille garde militante » du parti, celle qui en 1917 a fait la révolution russe … qu’au même moment, en Espagne, la police politique du petit parti stalinien espagnol traque et assassine les militants ouvriers, syndicalistes et politiques qui n’appliquent pas les consignes du parti … et on pourrait poursuivre.

Les « indigènes » en grève !

Indifférents aux consignes de soumission des dirigeants du PCF et encouragés par le développement de la grève générale en France, « nos » indigènes s’organisent. Trois exemples : Sénégal, Indochine, Madagascar.

Le congrès confédéral de 1938. « Unissez-vous ». Bien. Mais dans quels buts ? Derrière qui ? Pour la grandeur et la pérennité de l’Empire ?

Au Sénégal, en septembre 1938, les cheminots de la ligne Dakar-Niger se mettent en grève. Ils réclament les mêmes salaires que leurs collègues européens et l’égalité des droits.  La « France »   les met en garde : « vous ne devez pas ignorer que les démocraties périssent par le désordre ». (Déclaration de Marcel de Coppet. L’individu est nommé en septembre 1937 gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française ; il sévira aussi à Madagascar.

 La population soutient les grévistes. Les partisans pluriels de l’Empire avec ou sans « réformes », s’affolent.

Pour tenter de contenir les premières réactions ouvrières, le Front populaire avait adopté quelques décrets qui égratignaient l’ordre colonial. (Source : congrès confédéral de la CGT en 1938) : décrets sur les accidents du travail, sur la protection de la femme et de l’enfant (août et septembre 36). Un autre décret (septembre 1936) prétend réglementer le contrat de travail individuel. Il faut attendre le 20 mars 1937 pour qu’un décret concernant la convention collective soit promulgué (commerce et industrie).

Et, on l’aurait parié un décret du 20 mars 37 relatif aux procédures de conciliation et d’arbitrage encadre un peu plus l’action syndicale autorisée seulement pour les « indigènes » qui sont « capables de comprendre le syndicalisme ».

Pierre Monatte avait fondé en 1925 une revue syndicaliste : « la révolution prolétarienne » ; la page ci-dessus est extraite de la revue. Ce n’est pas un hasard si, dans nombre de Bourses du Travail de la CGT-FO, dont celle de Nantes, on trouve une salle P. Monatte.

En Indochine : La société Michelin y est installée depuis le début des années 1920 et y exerce sa toute puissance. Les plantations d’hévéas sont de véritables bagnes. Personne en 1936 ne peut l’ignorer. A propos des usines Michelin de Clermont-Ferrand, l’historien Eric Panthou note très justement : « Le paternalisme Michelin visait à introduire chez les salariés en métropole le sentiment d’un intérêt commun entre personnels et patrons … » Aux colonies, pas de paternalisme, on ne bavarde ni de bien commun, ni d’intérêt général ; seule compte, la trique. (Source, Eric Panthou : « Les plantations Michelin au Viet-Nam »)

Les militants indochinois qui résistent, ceux qui cherchent à s’organiser sont transférés au bagne, à Poulo Condore, où on les laisse mourir à petit feu (3).

Il y eut d’abord l’intérêt pour l’or, le diamant et les esclaves, puis le caoutchouc et les bois précieux ; aujourd’hui, le pétrole, l’uranium, le coltan et toutes sortes de métaux rares attisent toutes les convoitises.

Résistance ouvrière.

En novembre 1936, 20 000 mineurs sont en grève pour l’augmentation des salaires et pour « la fin des sévices corporels, coups de rotin, de nerfs de bœuf … ». Le 4 décembre, 1200 coolies de l’arsenal de Saigon sont en grève pour l’augmentation des salaires.

Toute l’année 1937 est marquée par la généralisation des grèves  (source : Ngo Van, « révolution et contre-révolution sous la domination coloniale », 1920-1945). Souvent, « quand la grève éclate, elle a déjà son comité de grève et son cahier de revendications ». Les adeptes de Staline tentent bien de faire reprendre en chœur le slogan : « vive le Front populaire » ! Mais le gouvernement Blum-Moutet « n’octroya même pas les libertés républicaines dites démocratiques, liberté de presse, de réunions, d’association, de manifestations … » (Ngo Van).

Le riz et les denrées de première nécessité ont subi une hausse de 85 % d’octobre à décembre 1936. Les grèves pour l’augmentation des salaires se multiplient, 242 grèves ouvrières selon Ngo Van. La législation de 1930 prévoit pour les grévistes une peine d’emprisonnement de deux ans.

Sous la pression, le gouvernement de Front populaire doit faire des concessions : « Un décret réduit la durée légale du travail à 9 heures pour l’année 1937 et à 8 heures pour 1938 et accorde 5 jours de congés payés par an, qui deviendraient 10 jours à partir de 1938 ». (Ngo Van). En principe, le travail est limité à 6 jours par semaine mais le repos hebdomadaire obligatoire pouvait n’être pas payé aux journaliers, c’est-à-dire, la grande majorité des travailleurs. Officiellement, le travail de nuit est interdit aux femmes et aux enfants. Officiellement, le travail obligatoire est interdit mais son « travestissement en travail prestataire rachetable permet de le maintenir. Les ouvriers licenciés ne trouvèrent pratiquement aucune aide auprès de l’inspection du travail. La Sûreté continua à arrêter les grévistes les plus combatifs et les tribunaux continuèrent à les condamner pour entrave à la liberté du travail ».

Zélé parmi les plus zélés, un dirigeant PCF, un certain Marcel Gitton, veille à la bonne application des directives du « programme » du Rassemblement Populaire (6).

L’espoir de voir mettre un terme à la dictature des colons s’évapore.

Pourtant, le congrès confédéral de 1938 déclare :

« Une œuvre assez considérable a été accomplie pour apporter à tous les éléments de la population indigène le bénéfice du Code du travail … » jugement optimiste tempéré par cette constatation :

« Les syndicats d’indigènes ne peuvent se grouper en organisations professionnelles centralisées ; ainsi, ils ne pourront avoir aucune action réelle, étant absolument isolés les uns des autres et soumis d’autre part à des autorisations et à une surveillance de la part des services … »

A quoi bon dans ces conditions crier « vive le Front populaire ! » ?

Le congrès déplore « l’insuffisance » de l’œuvre  législative que les colons savent d’ailleurs fort bien « contourner ». Ainsi le décret du 30 octobre 1936 qui pose le principe de l’interdiction du travail obligatoire n’est absolument pas suivi d’effets.

A Madagascar, 300 bateliers se mettent en grève le 24 février 1937 suivis en juillet 1937 par les dockers de Tamatave, et par des ouvriers agricoles. En décembre, les « enfants ouvriers » cessent le travail pour exiger une augmentation de salaire. D’autres grèves éclatent en 1938 et jusqu’au déclenchement de la guerre. Et puis, Madagascar passe sous contrôle de Vichy pour la plus grande joie da la quasi-totalité des colons

L’historien malgache, Solofo Randrianja note « la parfaite organisation du mouvement (gréviste) avec l’existence de délégués élus ». (Source : S. Randrianja, société et luttes anti coloniales à Madagascar, 1896-1946).

Les statuts de l’Union départementale des syndicats ouvriers et employés de Madagascar avaient été déposés le 3 octobre 1937. Les militants s’exposaient à la répression des autorités coloniales. Pourtant Le syndicat fut en mesure de publier son journal, le phare des travailleurs en octobre 1938. Selon Randrianja, « les syndicats affiliés à la CGT tentèrent de se débarrasser de leur image négative … (et d’afficher) leur indépendance vis à vis du PCRM » (parti communiste) que le parti frère de métropole, le PCF, refuse de reconnaître (4).

Quant à l’Eglise, pilier indéfectible de l’ordre colonial, elle milite pour le développement des syndicats CFTC (5).

On pourrait compléter par les grèves en Algérie au Maroc.  A Metlaoui, en Tunisie, la police tire sur des mineurs en grève. Bilan : 17 morts.

Ces grèves pour la survie, brutalement réprimées, ne furent presque nulle part organisées par les syndicats mais eurent un caractère spontané. Elles furent largement inconnues du grand public. La presse se tait.

Le journal l’Humanité, pourtant, se distingue encore par la violence de ses propos à l’encontre des peuples opprimés qui se battent. Les militants indépendantistes sont assimilés à des agents de Hitler et Mussolini. Seul compte alors le drapeau bleu-blanc-rouge ; il faudrait serrer les rangs autour du gouvernement de Front populaire : « C’est l’intérêt de la France tout entière ! » de défendre notre Empire. (Mai 1937).

A la veille de la guerre, Thorez écrit dans la « lutte sociale »  : « L’intérêt du peuple d’Algérie est d’être uni autour de la démocratie française », c’est-à-dire d’accepter de subir encore la politique barbare des colons. (La plupart pétainistes acharnés). Notons qu’à ce moment, le chef de la « démocratie française », le radical de « gauche » Daladier, l’ex allié chéri du PCF pendant la courte durée du Front populaire, venait de réprimer brutalement, sous l’œil goguenard des chefs du parti national-socialiste, (7) les grévistes du 30 novembre 1938. La CGT avait appelé à la grève, qualifiée de « générale » pour protester contre la remise en cause des acquis de juin 36.

Dans ses mémoires « afin que nul n’oublie (publiées après-guerre), itinéraire d’un anti-colonialiste, Algérie, Cameroun, Afrique (Madagascar) », l’instituteur stalinien Gaston Donnat missionné par la « commission coloniale » du PCF, n’en dit pas un mot. Un silence éloquent …

Dans ses mémoires, G. Donnat nous apprend qu’il n’a pas lu Marx. On ne peut donc pas en conclure qu’il ne l’a pas compris.

Dans le CAPITAL, livre I, section VIII, K. Marx écrit : « La découverte des contrées aurifères et argentières de l’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage (béni dès l’origine par le pape Nicolas V, Bulle du 8 janvier 1454) leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage des Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques d’accumulation primitive qui signalent l’ère du capitalisme à son aurore ». Pour mettre un terme au désordre, au chaos du capitalisme.

Conclusion :

Même si l’histoire officielle ne l’a pas noté, l’ordre colonial a été vivement contesté.

 Le gouvernement de Front populaire, en loyal gestionnaire de l’ORDRE, l’ordre capitaliste (8), a concédé quelques réformes qui ne remettaient pas en cause le système de domination esclavagiste.

Les partisans d’une politique « assimilationniste » ont vu nombre de leurs illusions s’écrouler.

L’impérialisme français ne peut être réformé pour le rendre acceptable. Pas plus en 2021 qu’en 1936.

(1)  En 1945, Blum n’a pas peur d’écrire dans son livre, « l’histoire jugera » : « La France ne prétend imposer à aucun autre peuple les principes de gouvernement qu’elle croit les plus sages et les plus justes. Elle respecte leur souveraineté comme elle entend faire respecter la sienne ». Ce joli conte pour des petits enfants naïfs est démenti par les faits.

Un commentateur moins naïf pourrait au contraire indiquer : la démocratie est (déjà en 1938), la forme la plus aristocratique de gouvernement. Seuls peuvent conserver la démocratie, d’ailleurs toute relative, ceux qui ont des esclaves dans le monde, comme la Grande Bretagne où chaque citoyen en a neuf, la France où chaque citoyen en a un et demi, les Etats-Unis, Combien ? Mais c’est presque le monde entier, à commencer par l’Amérique latine, sa chasse gardée. Les pays les plus pauvres comme l’Italie ont abandonné la démocratie au profit du corporatisme-fasciste où les syndicats deviennent des rouages de l’Etat totalitaire. En Allemagne nationale-socialiste, le général Von EPP – ministre des colonies et « collègue » de Moutet – a présenté immédiatement après l’accord de Munich « l’exigence du retour à l’Allemagne de ses anciennes colonies … » et bien plus encore.

(2)  Pendant la guerre du Rif, Léon Jouhaux se rend en Tunisie (« protectorat » français) où il rencontre les militants syndicalistes tunisiens engagés dans de grandes grèves. Ces camarades lui expliquent la nécessité de construire une grande centrale ouvrière non subordonnée à la CGT de la métropole. La discussion tourne court.  Léon Jouhaux assène : « cette entreprise ne réussira jamais, vous n’avez qu’à rejoindre notre Confédération ». L’histoire lui a donné tort. Voir à ce sujet : Tahar Haddad : « la naissance du mouvement syndical tunisien ».

(3)  Voir à ce sujet : Frédéric Angleviel, « Poulo Condore, un bagne français en Indochine ». Et, sous forme romancée, « riz noir » d’Anna Moï. C’est le récit de deux très jeunes filles, considérées comme des séparatistes-terroristes par l’Etat français, abominablement « radicalisées », enfermées dans les « cages à tigres » plusieurs années, mais et qui y ont survécu.

Ici règne l’ORDRE barbare. Une inscription orne les murs du bagne N°3 : « Etre en prison est aussi facile que prendre son repas ordinaire. Etre guillotiné est aussi doux que sommeiller ».

Le bagne. Y sont incarcérés militants syndicaux et politiques et délinquants de droit commun.

(4) Un journal des ultra colonialistes, l’Union franco-malgache note avec satisfaction en février 1937 : « Depuis que le PCF ne crache plus sur le drapeau français … depuis qu’il est devenu national, l’atmosphère a évolué ». Autrement dit, le tournant des PC vers la constitution de Fronts populaires est, pour ces gens-là, un immense soulagement.

Mais pour les colons, l’attitude constructive, selon eux, du PCF, ne règle pas tout. Une autre feuille réactionnaire, Madagascar, s’interroge : « Comment faire travailler les Malgaches qui sont soit paresseux, soit se contentent de cultiver pour eux ? » (Cité par Randdianja).

(5)    Le leader nationaliste kenyan Jomo Kenyatta tire ce bilan après-guerre : « Lorsque les blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés. Lorsque nous les avons ouverts, les blancs avaient la terre, et nous, la bible ».

(6) Après la signature du pacte germano-soviétique, Gitton se convertit à l’ordre national-socialiste. Il écrit dans le journal pro Nazi de Doriot, (ex N°2 du PCF) le cri du peuple, Doriot qui lui aussi défend l’Empire à sa façon collaborationniste.

(7) L’ambassadeur de France à Berlin, Robert Coulondre, a écrit ses mémoires politiques qui couvrent la période 1936-1939. Il relate une entrevue avec Hermann Goering le 29 novembre 1938, la veille de la grève « générale ». Goering lui confie :

« Demain est un jour grave pour votre pays. Si le parti de désordre venait à l’emporter la révolution qui bat déjà vos portes pourrait entrer chez vous. J’ai confiance dans votre chef (Daladier). Je suis certain qu’il aura le dessus. Mais surtout, qu’il ne cède pas d’un pouce ! C’est à cette condition qu’il matera les mutins. J’en parle par expérience. Nous (les nationaux-socialistes) n’étions qu’une poignée au début. , et nous avons eu des moments difficiles. J’ai toujours fait reculer la canaille en la regardant en face et en marchant sur elle. Voulez-vous transmettre cet avis à monsieur Daladier avec tous mes souhaits de succès ? ».

Voici la réponse de notre démocrate-ambassadeur :   « Désireux de ne pas être en reste avec lui, et pour reconnaître sa bonne manière, je lui fis porter cinquante bouteilles de Pommery 1928 ». (Page 207).

Tous les admirateurs du Front populaire et de tout ce qui lui ressemble, ne devraient-ils pas s’imprégner de cet aimable échange ?

Comment ne pas remarquer en outre que le pouvoir NAZI traite « ses sujets »  coloniaux avec autant de délicatesse que les « démocraties » impérialistes ?

(8) En ex AOF notamment, les récents développements de la lutte des classes, Mali, Sénégal, Tchad, etc montrent clairement que nos camarades syndicalistes ont toujours fort à faire avec « leurs » régimes autoritaires – autoritaires, pour le moins – installés et soutenus avec constance par « nos » gouvernants.

Avril 2021 : Tchad. Grève et manifestation pour la démocratie, contre la dictature militaire et la « FRANCAFRIQUE » pour les droits syndicaux, pour les revendications. Le lendemain de la très amicale visite du président de la Vème République au dictateur du moment (et ses 15 généraux), en avril, les militaires répriment. Bilan : 650 arrestations ; au moins 9 morts

JM mai 2021

 

 

 

r  

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

>Suite

Calendrier de l’UD : cliquez sur les jours

<< Avr 2024 >>
lmmjvsd
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 1 2 3 4 5