>Histoire

25 / 06 / 2022

Le congrès de Nantes ; 3/6 . Suite des interventions. Mardi 15 novembre 1938.

Séance du matin.

Alexandre Delobelle : textile.

Il attaque d’entrée Serret « qui a tenu la tribune plus d’une heure alors qu’il représente tout au plus quelques milliers d’adhérents ».

Si Serret a parlé plus d’une heure, cela signifie que le compte rendu est incomplet.

Delobelle se félicite que : « (…) En l’espace de quelques mois, quatre millions d’adhérents nouveaux ont permis à la CGT d’avoir sa position offensive pendant toute l’année 1936 et pendant plus de six mois de l’année 1937 ».

Concernant les décrets-lois, la CGT doit dire : « nuls et non avenus ». Ce qui signifie peut-être : il n’y a rien à négocier, mais ce n’est pas dit si clairement.

« En ce qui concerne la loi sur l’arbitrage, qui a été acceptée par la CGT, mais dont il faut bien reconnaître que nous sommes bien souvent les victimes, nous avons dans la fédération de nombreuses sentences qui ne sont pas acceptées » et il donne des exemples pour conclure :

« Voilà camarades des raisons que l’on aurait pu apporter ici pour expliquer la baisse des effectifs ».

Delobelle présente en conclusion une motion d’action au sujet des décrets-lois :

« Le congrès  ( … ) repousse catégoriquement le plan de réaction et de régression sociale que les décrets-lois constituent.

Mandate fermement le Bureau confédéral et la CA pour prendre dès le lendemain du Congrès toutes dispositions d’action pour faire échec à ce plan, par tous les moyens sans exclure la grève générale ».

André Delmas : enseignement.

Au congrès d’unification CGT, CGTU de mars 1936, à Toulouse, Delmas s’était aventuré à évoquer la Charte d’Amiens parlant de « nécessaires adaptations audacieuses … » Il se livrait à une apologie des « idées généreuses » de Roosevelt. Il fallait disait-il « mettre la banque à la raison ».

Delmas est un membre éminent de la tendance néo de Belin.

« Moi aussi, je me réjouis encore des profondes transformations  qui ont marqué la période s’étendant entre le congrès Confédéral (de réunification) de Toulouse et ce congrès de Nantes ». Mais,

« J’avais noté à Toulouse l’insuffisance du programme du rassemblement populaire et j’avais personnellement demandé qu’il fût corrigé, augmenté, rendu plus cohérent par l’adjonction des dispositions essentielles contenues dans le PLAN de la CGT ».

Léon Jouhaux avait laissé le soin à Belin et ses « collaborateurs » de rédiger un PLAN de la CGT. Le PLAN prévoyait la nationalisation de certains secteurs de l’économie … sans préciser lesquels, tout en promettant de grasses indemnisations.

La fraction PCF n’y était pas favorable. Il ne fallait pas « effrayer » les « classes moyennes » par des propositions trop « révolutionnaires ».

Au congrès de Toulouse, l’un des penseurs des ex « unitaires », Racamond, n’avait pas eu peur de proférer cette ineptie : « Comment vaincre la timidité du parti radical ? ». La réponse était toute simple : d’abord en renonçant aux revendications. Ensuite, en se proclamant les plus ardents défenseurs de l’Empire ».

Le militant du POB de Belgique H. de Man qui évoluait vers le fascisme (avec une préférence marquée pour la version nationale-socialiste) avait tenté de  vendre son PLAN à la CGT et à la SFIO, sans beaucoup de succès.

A la suite de quoi, Delmas se dévoile :

« Tout n’est pas mauvais dans l’exemple que nous offrent certains Etats totalitaires et certaines démocraties plus actives que les nôtres ».

Quels Etats totalitaires ? L’Allemagne nazie, l’Italie fasciste …

Quelles « démocraties actives » ? Les Etats-Unis de Roosevelt, avec ses lois sur l’arbitrage obligatoire …

L’idée d’un « PLAN » politico-syndical est régulièrement repris, encore aujourd’hui, par les cléricaux, bien sûr, mais pas seulement. Ainsi, c’est à l’occasion de notre récent  congrès confédéral que des feuilles anonymes ont circulé prônant la nécessité d’élaborer PLAN et programme « syndicaux ».

Revenons-en à Delmas.

Que faire des résidus de Front populaire ?

« La CGT va-t-elle, elle aussi, se retirer du Rassemblement populaire et dire que ce panier de crabes ne l’intéresse plus ? Je réponds NON ».

Il faut que « ce soit autour de nos mots d’ordre (chez Delmas, le mot revendication n’existe pas), de nos décisions de congrès  que s’effectue cette fois le rassemblement ». Et sur cette orientation de liquidation de la CGT de la Charte d’Amiens, Delmas en appelle à une « résolution unanime »

Puis viennent d’interminables commentaires sur la nécessité de « désarmer » pour « sauver la paix ».

Au passage le néo Delmas regrette le temps béni où la « France pouvait être le gendarme de l’Europe ». C’est peut-être ce qui le rend sympathique aux staliniens.

A la fin d’un discours interminable, le Congrès se sépare. C’est la pause du midi.

Séance de l’après-midi.

Maurice Chambelland : Correcteurs de Paris.

« Le quotidien confédéral – le peuple – n’a publié sur les deux questions dominantes du rapport moral, sur les questions de l’indépendance du syndicalisme et sur la question de la guerre, que les motions émanant de tendances organisées et il a refusé ses colonnes aux résolutions votées par les syndicats ». C’est le congrès des tendances et non des syndicats.

Il poursuit :

« Seuls ont pu avoir l’imprimatur (du Bureau confédéral) les camarades qui ont délibérément violé les statuts et les résolutions des congrès de la CGT et qui se sont organisés en tendances ».

Indépendance syndicale :

« En ce qui concerne le rassemblement Populaire, nous croyons que la CGT n’a plus de temps à perdre dans cet organisme ».

Les décrets-lois :

( … ) « Si nos patrons s’avisent jamais de toucher, en application des décrets-lois, à ce qui fait notre statut depuis de longues années, eh bien, nous organiserons la grève générale de notre industrie, c’est le mandat  du syndicat des correcteurs et des syndicats du livre, soit 300 000 salariés. ».

Refus de l’arbitrage :

« Je suis persuadé que vous considérez, dans la plupart des cas, que la législation sur l’arbitrage obligatoire … est arrivée à ce que certains camarades avaient prévu : elle est arrivée à nous ligoter, à nous préparer à subir d’une façon passive l’attaque qui s’est déclenchée contre nous ».

Il présente une courte motion :

« La CGT, objet de l’attaque gouvernementale décide de se refuser désormais à l’application de procédures d’arbitrage obligatoire qu’elle répudie solennellement, pour redonner à l’action syndicale toute son efficacité nécessaire à la défense énergique des travailleurs ».

Porteur du mandat de syndicats, Chambelland fait une intervention courte assortie d’une proposition claire et nette ce qui tranche avec le comportement des « chefs » de tendances.

Il est vrai que Chambelland a longtemps partagé le combat de Pierre Monatte et a bénéficié de nombreuses discussions avec Alfred Rosmer, pas forcément toujours bien comprises, d’ailleurs.

Pierre Sémard : cheminots. Membre de la fraction PCF.

Il n’y aura pas de surprise.

Au congrès de mars 36, l’ultra stalinien Sémard avait mené l’offensive pour que les instances confédérales soient élues par le congrès et cela, au nom du respect de la « base ». Au fédéralisme de Pelloutier, il opposait une forme de « bonapartisme » contraire à toutes les traditions de la CGT.

Robert Bothereau avait remis les pendules à l’heure.

Concernant les décrets-lois, Sémard déclare : « On annonce une diminution d’effectifs de 40 000 cheminots … Notre Fédération dans sa souveraineté décidera des mesures d’action propres à défendre les lois sociales et ce ne sont pas les cheminots qui seront en dehors de l’action que décidera la CGT ». Et c’est tout.

Puis, « camarades, pour ne pas tenir cette tribune plus qu’il ne faut … » c’est de bon augure … pourtant Sémard se lance dans un long discours sur la paix dont on peut extraire cette phrase :

« C’est l’Empire français qui est menacé par l’hitlérisme ». C’est l’Empire français qu’il faut défendre. Est-ce bien le rôle de la CGT ?

Cet étrange syndicaliste ose dire ceci :

« Je reviens d’un voyage en Algérie et au Maroc ; nos camarades de l’Afrique du Nord vous diront quelle campagne font actuellement les Etats fascistes en Tunisie, en Algérie et au Maroc, de quelle façon cette campagne est menée actuellement par les fascistes du PPF, du PSF et du PPA … ils vous diront quel est l’état de sécurité des Européens, actuellement en Afrique du Nord ».

Le PPF de Doriot est un parti dirigé par l’ex N° 2 du PCF, Jacques Doriot, partisan du national-socialisme.

Le PSF, parti de la droite de la droite rassemble beaucoup d’anciens combattants de 14-18. Le chef suprême du PSF, « Casimir », le colonel de La Rocque a été déporté par les Nazis. De retour de captivité en 1945, il a le temps, juste avant de disparaître, de passer cette consigne à ses adeptes (en substance) :

 Puisque nous n’avons pas réussi à imposer le corporatisme (ou association Capital-Travail, ou autogestion …)  par la droite ou l’extrême droite, il n’y a pas d’autre choix que de tenter de le faire passer par le gaullisme ou par l’intermédiaire de mouvements divers comme celui de Mitterrand. Ce colonel n’était pas aussi idiot que certains ont voulu le faire croire.

Le PPA est le parti indépendantiste Algérien, partisan de l’indépendance depuis 1927 dont le leader incontesté est Messali Hadj qui concentre sur sa personne toute la haine des staliniens.

Sémard se livre à l’amalgame habituel des staliniens de l’époque.

Il semble bien que personne ne réagisse à cette énorme provocation y compris les représentants du syndicalisme dit « révolutionnaire ».

Poussant l’avantage, beaucoup plus loin, Sémard déclare, sans rire : « Vous me rendrez cette justice qu’à cette tribune, je n’ai insulté personne ».

Après une interminable péroraison, il lâche enfin la tribune sans avoir parlé de la moindre revendication. Quant aux décrets-lois, il n’y pense plus.

A ce stade, Jouhaux demande aux congressistes qui n’ont pas encore renoncé à leur temps de parole de s’accorder entre eux …

Le stalinien de choc Semard est mort sous les balles des NAZIS.

Robert Doury : métaux ; Région parisienne.

Il fait état des télégrammes des syndicats qui s’alarment des dispositions liberticides des décrets-lois et qui interrogent la Confédération. Que faire ?

Il cite ce passage des décrets :

« Le refus d’effectuer les heures supplémentaires autorisées ou ordonnées dans l’intérêt de la défense nationale, en vertu des lois et règlements sur la durée du travail, constitue, de la part du salarié, un cas de rupture injustifiée du contrat de travail, entraîne, indépendamment de tous dommages-intérêts, la perte du droit aux indemnités de congédiement et congés payés ».

Tout est prévu pour terroriser le salarié :

« Le salarié dont le contrat a été rompu dans les conditions susvisées, ne pourra pendant un délai de six mois, être admis au bénéfice des allocations versées par des fonds publics ou des caisses de chômage. Il ne pourra, pendant les mêmes délais, être présenté par l’Office public de placement pour être embauché ou réembauché dans un autre établissement travaillant pour la défense nationale ».

C’est un programme de guerre sociale. Quelle riposte ?

( … ) On a parlé de grève générale. Camarades, nous n’avons pas peur de la grève générale … mais la grève générale c’est un moyen, elle se prépare, elle s’organise. »

Ce qui signifie ?

«  S’il est décidé une action énergique (?), s’il est organisé une campagne publique par notre CGT, … si cette campagne est faite de façon méthodique, je suis convaincu que tous les syndicats s’emploieront à sa réussite … »

Doury affirme, contre toute vraisemblance : « Juin 36 … fut le résultat de l’organisation méthodique à l’intérieur des usines de la résistance à l’exploitation patronale ».

Jean Mathé : Fédération postale.

« Camarades, je m’efforcerai de parler en un peu moins d’une heure. ».

Front populaire :

Il déclare : « On demande à la CGT, qui doit être un mouvement plein de vie de s’accrocher à un moribond, sinon à un mort …

« Nous devons reprendre notre liberté et essayer autre chose ». Quoi donc ?

« Nous avons lancé le mot d’ordre de : « Tout pouvoir aux syndicats ».

«  Ne tirez pas de cette formule cette conclusion que nous considérons dès maintenant le mouvement syndical apte à diriger toute l’économie. Considérons par là marquer la volonté de nos organisations, après avoir accéder au contrôle des entreprises, d’accéder à leur gestion ». Voilà qui peut faire très « à gauche ». Mais enfin, est-ce bien le rôle du syndicat de se charger de la gestion de l’économie ? Et s’il le fait, le syndicat est-il encore un syndicat ?

C’est une question qu’il ne se pose pas :

« Demain, lorsque nous aurons fait la révolution, la gestion appartiendra au mouvement syndical ». N’est-ce pas ouvrir la voie au corporatisme d’entreprise ?

Après avoir proclamé qu’« il faut débarrasser la France des puissances d’argent et des trusts qui la dominent » il conclut : « (Il faut) créer des institutions libres, pour des travailleurs libres, gérant d’une économie libre (?) dans l’intérêt général ».

Donc le syndicat endosse une fonction d’Etat.

Mathé dit : « il faut faire comme en Russie en 1917 ». Il semble ignorer que lors de la discussion sur les syndicats en 1920, Lénine expliquait qu’en aucun cas, les syndicats ne devaient abandonner leur fonction de défense de la classe ouvrière.

Ce n’est qu’ensuite, sous l’ère de la dictature stalinienne qu’il en a été tout autrement.

Daladier (Empire Français), Chamberlain, (Empire Britannique) Mussolini et Hitler à la recherche d’un repartage du monde ; impossible à « l’amiable ». La CGT se divise en « pro » et « anti munichois », en « pacifistes » ou « bellicistes ». Les intérêts particuliers de la classe ouvrière passent au second plan.

La pression est forte pour que les syndicalistes renoncent à leurs revendications et se rallient, cette fois encore à l’Union sacrée.

JM 25 juin 2022

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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