>Édito

22 / 10 / 2015

LA FRANCE S’ENNUIE (1)

N ’en déplaise à François Hollande, l’accord sur les retraites complémentaires, signé vendredi dernier, conduit inévitablement à reculer l’âge de départ à la retraite d’un an pour tous les salariés du privé (2), et prépare ainsi, au nom de « l’équité », une nouvelle « réforme » qui touchera l’ensemble des salariés et fonctionnaires.

Une fois de plus, le MEDEF a obtenu ce qu’il voulait. Soutenu par le gouvernement et conforté par une frange « syndicale » de plus en plus collaborationniste, le patronat se sent décidément pousser des ailes. La CFDT est à nouveau montée en première ligne pour justifier l’inacceptable. Il est vrai que cette organisation revendique « un changement culturel » fondé non plus sur la défense des salariés, mais sur la participation à la gouvernance des entreprises, des collectivités et de l’État (3).

« Boostés » par toutes ces attaques contre les garanties collectives de la classe ouvrière, les représentants les plus zélés des « partis institutionnels » de gauche comme de droite se relaient dans la presse et sur les ondes pour dénoncer les « sacrosaints droits acquis, destructeurs d’emplois et de croissance ». Ils rêvent tous, avec Denis Kessler, de voir balayer toutes les conquêtes sociales issues de 1936 et de l’après-guerre.

Oui mais voilà, à force de « cogner » et de désigner l’action syndicale à la vindicte populaire, ces fanatiques partisans d’un retour au 19ème siècle et au contrat de louage de service, qui se présentent sans scrupule comme des amoureux du modernisme, renforcent l’exaspération qui monte dans le pays. La mésaventure du DRH d’Air France est révélatrice de cette situation où le désespoir laisse place à la colère et à la révolte. L’interpellation, au petit matin du 12 octobre, de plusieurs syndicalistes à leur domicile, placés en garde à vue, puis déférés devant le parquet a provoqué une vague d’indignation chez tous les travailleurs.

Nous appuyons sans réserve l’appel des syndicats d’Air France, sans la CFDT, à manifester le 22 octobre devant l’Assemblée Nationale, au côté des cinq salariés « mis à pied sans solde », pour dire non aux licenciements, non à la répression anti-syndicale et à la « violence patronale » (4) .

Les « voyous » à Air France, ce sont ceux qui organisent licenciements et sacrifices pour la majorité et provisionnent 150 millions pour les retraites « chapeaux » d’une minorité de dirigeants. Alexandre De Juniac, PDG d’Air France, n’a sans doute rien à envier à Denis Kessler. Son discours provocateur sur les acquis sociaux, sur le travail des enfants et sur les grévistes que son « collègue du Qatar aurait vite fait de mettre en prison » mérite le détour (5) . (voir video ci-contre)

Certains commentateurs avisés s’inquiètent à juste raison de cette tension qui règne dans le pays. La cote de popularité du président de la République est au plus bas et les leaders politiques d’opposition n’ont pas non plus le vent en poupe, ce qui fait craindre une forte abstention à l’occasion des prochaines élections régionales. Le mécontentement touche maintenant tous les secteurs. Au gouvernement l’inquiétude est palpable et la ministre des transports propose même de suspendre le plan de 2 900 licenciements à Air France pour « reprendre le dialogue ».

Le premier ministre n’a par contre aucun état d’âme et encourage ses ministres à la plus grande fermeté dans la mise en œuvre du pacte de responsabilité et des « réformes nécessaires ». La ministre de l’Éducation Nationale s’entête par exemple à maintenir sa réforme du collège, rejetée par la majorité, et refuse de recevoir les organisations syndicales, en raison de « contraintes dans son agenda » !

Dans ce contexte, nous n’avons pas d’autre issue que de cultiver l’axe de la résistance initié le 9 avril dernier et de préparer, au niveau interprofessionnel, les conditions d’une riposte d’ampleur, pour bloquer cette      offensive. C’est ce qu’a décidé le Comité Confédéral National réuni les 7 et 8 octobre derniers. Si nous ne le faisons pas, si nous ne prenons pas nos responsabilités, la colère qui monte dans le pays, et bien au-delà des seuls salariés, prendra des formes que personne ne pourra maîtriser.

(1)Quand la France s’ennuie… Dans son édition du 15 mars 1968, Le Monde publie un article dans lequel le journaliste constate que dans toutes les couches de la société française « on s’ennuie ». Cet article devenu célèbre de Pierre Viansson-Ponté précède les événements qui secoueront la France au printemps 1968.

(2) Un salarié qui voudra partir à 62 ans aura une décote de 10% pendant 3 ans. Il devra travailler un an de plus pour éviter ces abattements. Un salarié ne disposant de la totalité de ses annuités qu’à 64 ans à titre d’exemple devra également travailler un an de plus pour éviter toute décote. Interrogé sur RTL le lundi 19 octobre, quelques heures avant la conférence sociale, François Hollande a martelé qu’il ne s’agit pas là d’un report de l’âge de départ à la retraite. En fait, l’accord fait peser 90% des efforts sur les salariés !

(3)Le quotidien Ouest France du 8 octobre dernier nous informe que la CFDT participe, pour deux millions, à un nouveau fonds d’investissement dédié aux PME en croissance. « Un virage » et un « changement culturel » concède Jacques Bordron, président de l’Union Régionale CFDT des Pays de Loire, la Cfdt devenant « co-actionnaire » de ces PME.

(4) A la Chambre, mi- juin 1906, plusieurs débats opposent le Ministre de l’Intérieur, Georges Clémenceau, dont Manuel Valls est un fervent admirateur, et Jean Jaurès. L’un de ces débats porte sur cette « violence ouvrière » que le ministre, garant d’un ordre sanglant, se plaît à souligner. L’occasion pour Jaurès de rappeler d’où vient cette violence et quelle autre violence, beaucoup plus insidieuse, porte le capitalisme : « Ah ! Messieurs, quand on fait le bilan des grèves, quand on fait le bilan des conflits sociaux on oublie étrangement l’opposition de sens qui est dans les mêmes mots pour la classe patronale et pour la classe ouvrière. Ah ! les conditions de la lutte sont terriblement difficiles pour les ouvriers ! La violence, pour eux, c’est chose visible (…) Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses. Quelques hommes se rassemblent à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour d’un tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers, ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus ».

(5) Entretien de Royaumont – 16 décembre 2014 : Vidéo: ci-contre en haut à droite

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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> 7 / 10 / 2015

« M. de Juniac, PDG d’Air France

les grévistes, on les aurait envoyés en prison »

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