>Histoire

17 / 07 / 2022

La fin du Congrès de Nantes. 6/6.

La parole est à Lacoste, rapporteur de la commission des réformes de structure.

« ( … ) Il ne faut pas qu’après ces décisions, quelqu’un ait la malhonnêteté de dire que la classe ouvrière française refuse son concours à un redressement véritable du pays et qu’elle n’entend prendre que des positions négatives. C’est ce que la commission chargée des réformes de structure m’a chargé de vous dire.

 Ces réformes de structure ont été prévues dans le plan de la CGT. ( … ) La commission estime que la CGT doit rester fidèle aux aspirations et à l’idéal du Front populaire.»

Une motion est proposée.

« Le congrès proclame l’impérieuse nécessité d’un rapide redressement de l’économie et des finances françaises …

Le PLAN de la CGT (doit permettre)

De vaincre le marasme des affaires…

D’utiliser au maximum le potentiel économique de la nation.

De répartir avec équité les richesses

(Le congrès) en appelle à « tous les esprits honnêtes » pour cette oeuvre de « rénovation ».

« Fidèle à l’esprit et à l’idéal du Front populaire, le congrès donne mandat à la CA et au Bureau de s’adresser à toutes les organisations compétentes du Rassemblement populaire, à toutes les forces organisées, qui, dans un but désintéressé (?), veulent s’associer à l’œuvre nécessaire … pour la constitution d’un véritable Front de redressement économique, social et moral du pays … »

Pas de discussion. Une voix contre : Gilbert Serret.

La parole est à Chevalme, (Métallurgie) rapporteur de la Commission sociale.

« Aux conventions collectives, se lie la question de la conciliation et de l’arbitrage … une institution qui aurait pu, qui devait tout au moins éviter les conflits inutiles (les grèves) par des conciliations et arriver en fait à faire respecter les clauses contractuelles sur lesquelles les organisations s’étaient mises d’accord ». Mais explique Chevalme, ça n’a pas fonctionné parce que le patronat n’a pas joué le jeu.

Quelles conclusions en tire ? La Commission estime que,

«  (Il faut) renforcer le pouvoir des arbitres et surarbitres ».

La résolution proposée à l’approbation du congrès indique :

Droit syndical.

« Le Congrès réclame au premier chef la reconnaissance du droit syndical pour tous les travailleurs, fonctionnaires, auxiliaires et agents des services publics, lesquels, sans aucune exception doivent bénéficier de tous les avantages fixés par l’expérience acquise depuis 1936 ».

Arbitrage.

« Le congrès dénonce l’interprétation donnée trop souvent au caractère des conflits pour éliminer l’intervention de l’organisation ouvrière et rendre inopérante la législation en vigueur.

( … ) Pour rendre opérantes les décisions arbitrales, et surarbitrales,  le Congrès demande que les arbitres et surarbitres soient habilités à fixer dans leur sentence une astreinte contre l’employeur qui se refuserait à appliquer la sentence … »

La résolution n’évoque pas le cas inverse – le plus courant selon plusieurs orateurs pourtant favorables au dispositif – où la sentence convient au patron.

Main-d’œuvre coloniale.

« ( … ) Le Congrès constate que l’Algérie et l’ensemble des colonies et des protectorats  subissent presque en permanence une législation d’exception. ( … ) Pour mettre un terme à cette situation déplorable, le Congrès réclame que toutes mesures législatives soient étendues aux protectorats et à l’Afrique du Nord ».

Retraites des vieux

« Le Congrès rappelant la position arrêtée par la CGT lors du CCN du 4 août 1937 et par laquelle elle proclamait la nécessité d’assurer une retraite à tous les vieux travailleurs, constate que malgré les promesses faites à ce sujet par les Pouvoirs publics, aucune solution n’a été apportée à une si légitime revendication. Le Congrès réclame à nouveau pour les vieux travailleurs la réalisation des promesses qui leur ont été faites … »

Bien d’autres points sont abordés. La motion est adoptée à l’unanimité sans discussion.

Léon Jouhaux conclut les travaux en revenant sur l’urgence, selon lui, d’une conférence internationale pour la paix.

Et il remercie les camarades de la Loire-Inférieure d’avoir travaillé au bon déroulement matériel du Congrès.

Le CCN se réunit le lendemain.

Léon Jouhaux. Dès 1919, il participe aux travaux de l’OIT dans la commission : législation internationale du travail.

Quel bilan pour un curieux congrès ?

Insistons sur un point. Ce congrès n’a pas été le congrès des syndicats comme l’a été par exemple notre dernier congrès confédéral de Rouen où plus de 200 militants, porteurs d’un mandat ont pu rappeler les revendications générales et précises et dire ce que leur syndicat pensait qu’il fallait faire.

A ce congrès de Nantes, ce sont les « chefs » de tendances (pour ne pas dire, de fractions) qui monopolisent la parole et donnent le ton. Un militant, Chambelland a nettement exprimé son désaccord avec cette méthode. C’est peu. Les chefs staliniens l’ont insulté.

Une résolution d’action a été prise pour une « journée de protestations » le 26 novembre. Elle n’a pas eu lieu et a été remplacée par la journée « des bras croisés » le 30 novembre. La direction confédérale s’engageant à ce qu’on en reste là.

Le gouvernement mené par les radicaux, ex alliés « démocrates » de la SFIO et du PCF ont eu tout le loisir de préparer, sans pression, la répression. Elle fut terrible.

Selon l’un des principaux organisateurs de la défaite, Maurice Thorez – on a vu comment ses envoyés sont intervenus tout au long du congrès – il y a eu 40 000 licenciés dans l’aviation, 32 000 lock-outés chez Renault, des dizaines de milliers de licenciés dans la région parisienne, 100 000 à Marseille, 80 000 mineurs dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais, 100 000 dans le textile. De nombreux fonctionnaires, enseignants notamment, furent mutés d’office et il y eut beaucoup de condamnations pour « atteintes à la liberté du travail ».

Quant aux « réformes de structure » qui ont tant passionné le congrès, les gens « malhonnêtes » du gouvernement Daladier s’en moquaient éperdument, uniquement intéressés à prendre leur revanche après la grande peur de juin 36. Après cette journée du 30 novembre, les effectifs de la CGT vont s’effondrer.

Pour être plus précis quant aux responsabilités de l’organisation de la catastrophe annoncée, voyons le communiqué du Bureau confédéral qui appelle au 30 novembre :

« Le travail reprendra le 1er décembre quelques soient les circonstances et les évènements ».  Il n’y aura ni manifestation, ni occupation, ni réunion publique.

Après le 30 novembre la répression anti syndicale atteint des sommets.

Le 30 novembre vu de l’étranger. Les conseils de Goering.

Les lecteurs réguliers de ce site ont peut-être déjà lu le point de vue du chef national-socialiste Goering sur cette journée du 30. Il bavarde aimablement avec un certain monsieur Coulondre, ambassadeur de notre « démocratie » à Berlin. C’est Coulondre qui raconte dans un livre de « souvenirs » riche d’enseignements.

Goering : « Demain est un jour grave pour votre pays. Si le PARTI du DESORDRE venait à l’emporter, la révolution qui bat déjà à vos portes pourrait entrer chez vous. J’ai confiance dans votre chef (c’est-à-dire, Daladier). Je suis certain qu’il aura le dessus. Mais surtout, qu’il ne cède pas d’un pouce.  C’est à cette condition qu’il matera les mutins. J’en parle par expérience. Nous n’étions qu’une poignée au début et nous avons eu des moments difficiles. J’ai toujours fait reculer la canaille en la regardant en face et en marchant sur elle. Voulez-vous transmettre cet avis à monsieur Daladier avec tous mes souhaits de succès ? »

Le « démocrate » Coulondre et le totalitaire Goering se comprennent. Tout va bien. Coulondre en parfait gentleman confie : « Désireux de ne pas être en reste avec lui,  et pour reconnaître ses bonnes manières, je lui fis porter 50 bouteilles de Pommery 1928 ». Pour madame, on ne sait pas …

Dans un autre entretien avec Hitler, Coulondre s’alarme :

Coulondre : « La guerre provoquera inévitablement la révolution ! »

Hitler : « Je le sais ! ». 

C’est pourquoi pendant de longs mois, les « alliés » menés par Roosevelt et Churchill, chef et sous-chef des « démocraties » font bombarder les villes ouvrières d’Allemagne, en 1944 et 1945, pour terroriser un peu plus la population et rendre la révolution impossible.

Les capitalistes, de France, d’Allemagne ou d’ailleurs ont leur « état-major ». Quant aux exploités, qui sont pourtant de très loin les plus nombreux …

Un ambassadeur habitué aux missions délicates. Edifiant …

Réflexion sur la question de l’arbitrage ».

Source : « Corporatismes d’hier et d’aujourd’hui ». (Page156).

Patrick Hébert : « Nous avons pu remarquer que malgré leur volonté de préserver l’indépendance des organisations ouvrières, les dirigeants du Front populaire introduisirent les éléments permettant par l’intermédiaire de l’Etat de limiter la liberté d’action des syndicats … la participation des socialistes au gouvernement les entraîne inévitablement  à considérer que leur présence est une garantie suffisante pour préserver les intérêts des travailleurs. Ils oublient simplement que l’Etat n’est pas neutre, et que, Front populaire ou pas, il ne change pas sa nature. Il reste l’instrument privilégié de la classe dominante pour maintenir son pouvoir politique et économique.

( … ) Le projet de Statut Moderne du travail est caractéristique de cette politique : vouloir maintenir l’indépendance des organisations de la classe ouvrière tout en développant la collaboration entre les classes ; c’est risquer à tout moment de passer de l’autre côté du cheval, c’est-à-dire sur le terrain du corporatisme … »

A ceux qui auraient encore un doute, Patrick Hébert cite cette analyse édifiante de l’un des papes du corporatisme, le professeur François Perroux, inspirateur d’Uriage, complice de Mounier, Perroux dont la lecture des « œuvres » fut recommandée par le service de propagande du IIIème Reich, Perroux maître à penser de feu le « meilleur économiste de France », Raymond Barre et … du « socialiste » Michel Rocard :

Perroux : « (…) Plus significatif encore est l’exemple de la France actuelle. Depuis juin 1936, l’organisation du marché du travail et de l’économie a été dotée d’instruments juridiques depuis longtemps connus mais qui jusqu’à ce jour n’avaient pas été chez nous largement employés. Au terme de la législation de 1936, travailleurs et employeurs désignent des représentants au Conseil national économique dont le statut a été remanié et l’activité élargis.

Partisan de la « RENAISSANCE», Perroux et son collaborateur Urvoy (exécuté par la résistance à la Libération), parce que collaborateur dans tous les sens du terme, prêchent pour un corporatisme façon national-socialiste, tandis que le corporatiste personnaliste chrétien Mounier (fondateur de la revue Esprit) ne cache pas, surtout depuis 1935, son attirance pour le fascisme mussolinien, alors qu’un autre idéologue d’une « révolution nationale » radicale, Beuve-Méry (fondateur du Monde) penche vers le Portugal fascisant de Salazar … on pourrait poursuivre. Cinquante nuances de corporatisme …

« Des commissions mixtes avec des représentations paritaires des deux parties sont crées pour l’élaboration des conventions collectives du travail.

Bien mieux, selon la loi du 1er janvier 1937, les différents collectifs du travail dans l’industrie et le commerce sont obligatoirement soumis à la conciliation et l’arbitrage.

S’il n’y a pas de convention collective qui en organise les règles, l’article 4 de la loi prévoit que le gouvernement désigne un surarbitre parmi les membres en activité ou à la retraite des grands corps de l’Etat.

( … ) Ces procédures sont sans doute dans l’esprit des dirigeants actuels de la France un acheminement vers une socialisation ultérieure ; elles constituent une phase de transition. Mais le franchissement de la dernière étape ne dépend pas d’eux.

Les partis socialiste et communiste ont  bel et bien et bon gré mal gré accepté et contribué à promouvoir une législation qui dans l’immédiat implique :

La renonciation à la lutte des classes pure et simple.

La renonciation à la socialisation pure et simple.

Cette législation peut être selon les préférences doctrinales, interprétée comme un ensemble de mesures pré-socialistes, ou avec autant de raisons, comme un ensemble de mesures pré-corporatistes.

( … ) On étonne et on afflige beaucoup un socialiste français en lui disant que ses représentants ont plus fait dans la voie, dans la préparation d’une voie corporative (en fait : corporatiste)  que tous les gouvernements antérieurs … »

Et oui !

JM.  16-07-2022.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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