>Histoire

4 / 09 / 2021

L’ « autonomie » des universités. Et la tarte à la crème de la « participation » …

C’est bientôt la rentrée universitaire. Le ministre Blanquer entend poursuivre et, s’il le peut, accélérer le rythme des « réformes ». La pandémie constitue de ce point de  vue une « opportunité » qu’il ne veut pas laisser passer. Il poursuit la politique de ses prédécesseurs.

« Nos universités enfin autonomes s’ouvrent et se modernisent comme jamais elles ne l’ont fait dans le passé». C’est par cette affirmation que le Président de la République avait ponctué ses vœux pour l’année 2010. Depuis l’adoption de la loi sur les Libertés et Responsabilités des Universités (dite Loi LRU) en 2007, les établissements d’enseignement supérieur avaient pour vocation, jusqu’en 2012, à acquérir une autonomie dans les domaines budgétaires et de la gestion du personnel, et à accéder ainsi aux « responsabilités et compétences élargies » dans ces même domaines.

En 2020, sur le site du ministère, on lit ceci :

« L’autonomie (des universités) c’est plus de libertés et plus de responsabilités pour les universités françaises. Instaurée par la loi du 10 août 2007, l’autonomie libère leurs énergies, renforce leur réactivité et leur donne plus de légitimité face à leurs partenaires : elles peuvent bâtir un projet d’établissement, faire des choix stratégiques, mener une véritable politique de recrutement, gérer un budget global, assurer une nouvelle mission d’insertion professionnelle des étudiants… Le passage à l’autonomie est un véritable tournant et représente un transfert sans précédent : leur budget double et inclut la gestion des emplois et la masse salariale ».

Cette politique de démantèlement, de privatisation du service public vient de loin. C’est ce que nous verrons plus loin.

L’Institut Montaigne estime pourtant que « La France reste toujours très en retard en matière d’autonomie des universités, par rapport à ses voisins européens ». (Source, le Monde, juillet 2021) Autrement dit, il faudrait taper plus vite et plus fort.

Pour y parvenir, le gouvernement doit s’assurer de la complicité de « ses » corps intermédiaires habituels.

Notre syndicat FO ESR (Enseignement Supérieur et Recherche) avait mobilisé les personnels le 6 juillet. Voici de brefs extraits de la déclaration FO :

« ( … ) nous voulons signifier que nous n’acceptons pas la destruction de l’université et de la recherche publique, nous n’acceptons pas la destruction de nos statuts.

Après la promulgation de la loi de programmation de la recherche en décembre, le gouvernement utilise le contexte de la pandémie pour faire passer à marche forcée tous les textes d’application de cette loi, qui détruisent nos statuts et nos missions.

( … ) Le gouvernement … veut porter un coup majeur aux universités avec l’enseignement à distance.

Le ministère prétend que la rentrée sera une rentrée « normale ».

Mais la réalité, c’est que l’objectif est de pérenniser le distanciel … (*)

Cette attaque est aussi une attaque contre le droit de se rencontrer, de se réunir en AG, de s’organiser pour combattre toutes les contre-réformes en cours, celles qui nous concerne spécifiquement dans l’ESR, mais aussi les attaques contre tous les salariés comme celle qu’on nous annonce contre les retraites… »

L’autonomie des universités ? Déjà en 1968, le ministre du gouvernement Edgar Faure prétendait l’imposer, lui aussi, pour « libérer » l’université … il y a plus d’un demi-siècle !

Certes, des coups ont été portés, mais les gouvernements de « droite » ou de « gauche », ou de cohabitation, ne sont pas parvenus à leurs fins. Ils doivent compter avec la résistance des personnels et des étudiants toujours soutenus par les syndicats FO.

Retour 53 ans en arrière.

« Grenelle et ses suites ».

Extraits de la brochure éditée par l’UD FO 44 : « Mai-juin 68, 10 ans, ça suffit ! » et quelques compléments.

( … ) Par crainte de tout perdre, le patronat a lâché du lest sur les salaires. Certains plans de licenciements massifs – dont les 15 000 de Sud-Aviation – sont différés. Et si la force de la grève de millions de grévistes n’a pas permis d’arracher l’abandon des ordonnances, il est clair que les bases du régime sont minées. De Gaulle doit « abdiquer » dès avril 1969, après le référendum. Tels sont les faits. Mais un bilan honnête doit inclure « les faux acquis » au premier rang desquels, la loi d’autonomie des universités.

La loi d’autonomie des universités. Le 24 mai, De Gaulle annonce l’organisation d’un référendum en juin car il y a « un risque de guerre civile ». Outre la « modernisation » de l’entreprise, se poserait l’urgence de la « démocratisation » de l’université : « Reconstruire l’université non pas en fonction de ses habitudes séculaires mais des besoins réels du pays » … définis, on l’a vu, par le Plan. La méthode ? la sacro-sainte « participation ». Le référendum de juin tombe à l’eau mais pas le projet. C’est le ministre Edgar Faure qui est chargé de superviser l’affaire. Ce bref échange révélé par Yves Marek, favorable aux « réformes » suffit à qualifier le personnage (Source, E. Faure, l’optimiste) :

« Un député : cher collègue, vous n’allez pas réussir à vous concilier toute cette jeunesse, vous êtes beaucoup trop réactionnaire.

E. Faure : Je suis peut être réactionnaire mais je suis encore plus démagogue ».

Donc, aucune illusion n’est possible. Et pourtant …

Cinquante collaborateurs travaillent dans son cabinet. ( … ) En juillet 1968, E. Faure expose sa politique devant l’Assemblée nationale. Autonomie, le grand mot est lâché : « Les universités doivent avoir une personnalité, elles doivent aussi avoir une âme … » Le démagogue s’enflamme : « ce n’est pas sans raison que l’on a comparé la condition et l’aspiration des jeunes à celle des peuples colonisés … » le cynisme est sans limite. E. Faure était président du Conseil en 1955-1956 … (C’est la guerre d’Algérie, les pouvoirs spéciaux aux militaires …).

On retrouve dans les propos d’E. Faure la petite musique des personnalistes chrétiens de la revue Esprit qui consacre un numéro spécial à « l’insurrection de la jeunesse ». La revue dénonce les prolétaires qui ne pensent qu’à leurs salaires ainsi que la « société de consommation » (au moment où le chômage s’envole) et exige « une nouvelle répartition du pouvoir et de la parole ». Marek note : « l’hémicycle applaudit longtemps l’orateur ». La farce comble d’aise le quotidien le Monde : «  ( … ) des solutions en dehors des sentiers battus, hardiesse mais aussi bon sens ».

Le vote, acquis le 10 octobre réalise l’UNION SACREE. Aucune voix contre ! 39 abstentions ; comment peut-on s’abstenir ? 33 votes PCF et 6 UDF (le parti gaulliste).

( … ) Notre démagogue a tiré ce premier bilan en 1970 dans un livre intitulé « pour un nouveau contrat social ». On y lit :

« ( … ) On peut sans doute déceler dans le mouvement de mai, en leur partie ouvrière, autre chose que des revendications matérielles tenant à la rémunération ou aux conditions de travail. ( … ) Par la suite, on n’a pas observé dans la classe ouvrière, à l’exception de l’accord sur la section syndicale d’entreprise, le signe d’un intérêt actif en vue de plus de participation en vue d’une rénovation de l’entreprise … En ce qui concerne l’enseignement, j’ai compté sur le soutien sans complaisance mais sans éclipse de la FEN et du SGEN-CFDT ». (Page 263).

Sans complaisance ? C’est un peu vite dit. Dans le livre consacré à l’histoire du SGEN, « le SGEN des origines (1937) à nos jours » (livre publié en 1993) un chapitre est consacré à la loi Faure. Le titre ? : « Le Sgen appuie la loi Edgar Faure, qui, en 1968, réorganise l’université ». E. Faure y est qualifié de « réformateur résolu ».Après son départ du ministère (remplacé par l’ex vichyste Pierre Messmer), « le courant réformateur, qui avait atteint son apogée avec Faure, commence à refluer ». (Page167). L’auteure, Madeleine Singer, militante et historienne du SGEN est entièrement favorable à l’action de cette organisation).

Même son de cloche du côté de la FEN, même si parfois, on sent poindre, timidement, quelques réticences. Ainsi, ses propos du SG James Marangé : « En ce qui concerne les facultés, seule l’autonomie permet le dialogue sur place. ( … ) Mais la définition de cette autonomie, son contenu devrait être sérieusement étudiés, ceux-là mêmes qui l’ont voulue risquant parfois d’être surpris de certaines de ses conséquences … ».

Plus tard, ces deux organisations soutiendront toutes les contre-réformes des gouvernements pluriels de gauche, notamment la loi Jospin de 1989.

On peut noter qu’en juillet 2021, la CFDT et l’UNSA ont constitué un bidule politico-« syndical » intitulé : « ambition-éducation » dans la perspective des élections de mai 1922. La direction nationale de la FSU a pris la décision de s’y associer. Il est clair que dans ce cadre-là, il n’y aura pas de place pour la moindre revendication syndicale un peu sérieuse. Par contre, on pourra certainement y réfléchir à ce que serait une bonne autonomie … de « gauche » … On pourra aussi s’interroger gravement : comment les syndicats doivent-ils s’impliquer dans la « co-construction » des « réformes » ?

Toutes ces contre-réformes, notre confédération, la CGT-FO, les combat.

Citons cet extrait de résolution du Comité national FO ESR d’octobre 2019 :

«  ( … ) Refuser les « concertations » porteuses de reculs des droits des salariés, porter en toute indépendance les revendications FO ESR refuse de s’engager dans des « concertations » qui sont d’emblée placées sous le signe de la régression des droits des salariés, agents titulaires comme contractuels, comme on l’a vu au niveau national avec le projet de loi de transformation de la fonction publique, comme on le voit avec le projet de réforme des retraites ou, dans notre secteur, avec la préparation de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Il en va de même au niveau départemental ou dans les établissements, où sont souvent proposés des « pactes sociaux » (projet « Université-cible » de Lyon), « conférences sociales » (Université Clermont-Auvergne) ou autres « groupes de travail » qui n’ont d’autre but que de tenter d’associer les organisations syndicales à des mesures porteuses de reculs pour les salariés. FO ESR entend, au niveau national comme départemental ou dans les établissements, porter en toute indépendance les revendications des personnels ».

Pour notre syndicat, les choses sont très claires : c’est NON à la « participation-co-construction » des plans gouvernementaux !

   L’appel à « participer » lancé par le pouvoir gaulliste sème la division dans l’UNEF. Les « autogestionnaires » frétillent d’impatience et sont disposés à brader l’indépendance du syndicat. A l’inverse, les militants qui comprennent le danger de l’intégration se battent pour préserver l’indépendance du syndicat.

Quelques notes en complément à la brochure de l’UD.

Un colloque réunit à Amiens tous les partisans de la « rénovation ». Dans le viseur, l’école de la République, l’école qui instruit. En mars 2018, le SGEN-CFDT, nostalgique, écrit :

« Tout le monde, y compris le ministre s’accorde alors pour dire qu’il faut tout changer dans l’enseignement … » ce qui signifie :

«  … parce que la classe est un cadre trop étroit pour que les innovations puissent y prendre sérieusement, accorder une autonomie raisonnable aux établissements conçus comme ensembles socio-culturels et non plus comme une simple juxtaposition de salles de classe… » Le « syndicat » clérical s’exprime ici avec une relative modération. 

Est-ce un hasard si l’on retrouve au colloque d’Amiens aux côté du leader du SGEN-CFDT, Alain Prost, les « pédagogues » de l’école de formation des cadres de Vichy, « l’école »   d’Uriage ?

Parmi eux,

l’un des plus fanatiques, un certain Gilles Ferry qui est passé par le PPF (Parti Populaire Français pro NAZI de Doriot) avant de se convertir à Vatican II et de militer au PSU puis au PS « modernisé » de l’après congrès d’Epinay. Pour l’un des idéologues de la CFDT, Philippe Meirieu, Ferry est le prototype de « l’homme modeste, profondément engagé … » Il lui rend hommage dans les colonnes du Monde.  Certains y voient aussi le champion d’ « un humanisme moderne du XXIème siècle ».

A la Libération (2ème trimestre 1945), Gilles Ferry avait publié dans la collection Esprit : « la vie neuve, une expérience de formation des chefs (Uriage) ». Nostalgique inconsolable de « l’expérience » uriagiste interrompue en décembre 1942, il livre tout de go : « En dehors des écoles militaires, le seul effort digne d’attention qui ait été fait pour la formation des élites, c’est l’Ordensburg national-socialiste. L’ordensburg est un séminaire laïque dont le caractère sévère rappelle à la fois le monastère et l’ordre de chevalerie. Cette institution qui vit le jour en 1936, a innové toute une pédagogie du chef …» (pages 32 et 33) … L’individu assume ! Mais, hélas, Hélas, « ses méthodes, (celles de l’Ordenburg) ne sont pas transposables » à Uriage. C’est que, pour Ferry, la révolution nationale du CHEF, Pétain, n’était pas assez « révolutionnaire », pas assez « populaire » … Un document étonnant !

… Ou encore B. Cacéres, co-fondateur avec Joffre Dumazedier du mouvement Peuple et Culture. Dumazedier, lui aussi idéologue d’Uriage qui rêve toujours en 1998, comme feu le maréchal Pétain, « de plus de solidarité entre les classes sociales … » ; Philippe Meirieu, le qualifie de « visionnaire exceptionnel ».

La fiche de présentation de Peuple et Culture observe un pieux silence quant à l’origine de ses fondateurs. Dommage …

Noëlle Monin a consacré un article à ce colloque d’Amiens (Source : revue l’idée libre ; décembre 2020).

Elle note ces propos de Ferry qui disqualifie « une conception intellectualiste et encyclopédique » de l’école, propos repris par d’autres intervenants estampillés « deuxième gauche ». Il y aura sans doute encore longtemps des naïfs pour s’en étonner …

Olivier Véran et JM Blanquer chargés d’ « évincer » les patients des hôpitaux et les élèves des écoles, de fermer des lits et des services, de fermer des classes et des écoles. Les deux jurent qu’ils veulent « sauver » l’hôpital et « sauver » l’école.

« Les deux mentent tellement qu’on ne peut même pas croire le contraire de ce qu’ils disent ». (Anonyme).

Voir ici : O. Véran jeune meneur gréviste, en 2007. Amusant. Il semble qu’il n’y a pas d’équivalent pour son complice et compère, Blanquer.

https://www.youtube.com/watch?v=DwVGUvXwMjk

  • Avec le projet d’une sorte de RSA-jeunes, le gouvernement cherche-t-il à décourager des étudiants de poursuivre leurs études ? Selon le journal financier l’Opinion, Le jeune de moins de 25 ans  s’engagerait à « effectuer un parcours qui l’amènerait aux portes du marché du travail, et, en échange, il recevrait une aide de près de 500 euros ». Le journal des milliardaires « libéraux » commente : « ce serait une ligne de plus dans l’interminable catalogue des allocations et des subsides publics ». Près de 500 euros : un pognon de dingue !

JM août 2021.

 

chaud ! chaud ! chaud !

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