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Histoire 25 / 04 / 2015

Juin 36 « Le pays bloqué ».

Le 11 juin 1936 « toute l’économie française est paralysée par les grèves ». (Source : Danos et Gibelin, juin 36 tome II. Edité chez Maspéro). « Tout est possible » écrit Marceau Pivert, dirigeant de la « gauche » socialiste SFIO.

La grève générale, nul ne l’avait prévue. Le stalinien Marcel Cachin avoue : « Nous sommes les uns et les autres devant le fait de la grève ». La CGT n’y a pas appelé.

Le patronat s’affole : « Il s’agit avant tout de rétablir l’ordre ». Léon Blum, figure emblématique du Front populaire, a le même souci.  Devant la Cours de Riom et l’Etat vichyste, il rappelle, en 1942, que le patronat attend de lui qu’il fasse cesser la grève.

La commission administrative de la CGT (réunifiée)  en appelle au respect de l’ordre et à la reprise du travail.

Au PCF, on proclame : « Il faut savoir terminer une grève » ; le stalinien Monmousseaux prétend : « Il ne s’agit pas pour les travailleurs de contester le droit de propriété des entrepreneurs ». Les militants PCF de la CGT qui se soumettent à cette orientation tentent de briser la grève en agitant le spectre du « fascisme ».

Les accords Matignon sont signés en catastrophe. Le patronat s’en tire à bon compte et prépare sa revanche.

 le peuple Le journal de la SFIO mène campagne pour le respect de « l’ordre » et de la « propriété privée des moyens de productions ».Les militants syndicalistes doivent respecter ce cadre. La classe ouvrière ne l’entend pas ainsi et se mobilise pour faire valoir ses revendications.La première vague de grèves, débonnaire est suivie de nombreux conflits que les « historiens » passent généralement sous silence.

Les lois sociales concédées par le patronat (pour ne pas tout perdre) sont connues : les 40 heures, les congés payés, notamment, et les augmentations de salaires, doivent permettre la reprise du travail.

En réalité, les salariés qui ont dans un 1er temps rejoint massivement la CGT, continuent jusqu’à l’échec de la journée d’action du 30 novembre 1938, de tenter d’arracher les revendications.

La question du pouvoir.

La grève générale de juin 36 qui a mis en mouvement des millions de salariés a par la force des choses, posé la question du pouvoir.

Blum avait dès 1935 indiqué sans fard sa conception de l’action socialiste. Dans « front populaire révolution manquée », Daniel Guérin note :

« Blum avait imaginé un subtil distinguo entre l’exercice du pouvoir et la conquête révolutionnaire du pouvoir. L’exercice ne serait qu’une simple occupation des organismes gouvernementaux. Le gouvernement socialiste se placerait dans la situation loyale qui s’efforcerait de tirer du régime le maximum de justice sociale compatible avec les institutions, mais qui – grands dieux ! – ne pourrait porter la main sur elles et devrait toujours être prêt à les rendre en l’état où il les avait trouvées … »

Blum se prononce pour « une autre répartition  plus équitable du revenu national ». Mais cette seule exigence, si modérée qu’elle soit, ne peut convenir aux deux cents familles.

L’affrontement est inévitable.

L’appel à l’Etat. La question de l’arbitrage.

Léon Jouhaux explique : « L’attitude à l’égard de l’Etat ne saurait être la même que naguère ».  L’affirmation peut surprendre. L’Etat n’a pas changé de nature avec l’arrivée d’un président du conseil qui indique nettement sa volonté de rester dans la cadre du régime capitaliste, certes, amendé. C’est logiquement que le Comité confédéral de la CGT (avec le plein accord des staliniens) « revendique » une procédure de conciliation pouvant aller jusqu’à l’arbitrage obligatoire.

René Belin, dirigeant de la tendance des néos, (tendance dite syndicat de la CGT) justifie la position de la Confédération :

« La conciliation et l’arbitrage, acceptée par la CGT ne sont pas des idées fondamentales de notre syndicalisme. Ils sont commandés par la nécessité de la pause … » Belin finira ministre du travail de Vichy et sera  l’un des rédacteurs de la Charte du travail.

Contre les procédures d’arbitrage – Danos et Gibelin montrent qu’elles sont édictées presque toujours en défaveur des travailleurs – les grèves « sauvages » se multiplient (« l’expérience » du Front populaire est terminée), en particulier dans la métallurgie, du 24 mars au 19 avril 38. Le 13 avril, on dénombre 170 usines occupées et 160 000 grévistes. Si le Front populaire est mort, l’action de classe continue … mais sans état-major.

Une loi de mars 1938 institue une Cours supérieure d’arbitrage. La loi est votée par tous les députés de « gauche ». Le stalinien Ambroise Croizat intervient à la chambre pour assurer : « La classe ouvrière veut l’ordre ». Son compère Benoît Frachon qui codirige la CGT avec L. Jouhaux, a évidemment un point de vue identique.

Les effectifs de la CGT fondent comme neige au soleil. Les déceptions sont immenses. Le patronat tient déjà – presque – sa revanche. Vichy n’est pas loin …

Il n’y aura pas eu « de « victoire sur la misère ».

L’avis d’un expert.

L’économiste François Perroux dont les « œuvres » ont été recommandées par le IIIème Reich, écrit ces quelques lignes qui méritent d’être méditées :

( … ) Ces procédures (d’arbitrage) sont sans doute dans la pensée d’une partie des dirigeants actuels de la France un acheminement vers une socialisation ultérieure ; elles constituent une phase de transition. Mais le franchissement de la dernière étape ne dépend pas d’eux. Les partis socialiste et communiste* ont bel et bien et bon gré malgré accepté et contribué à promouvoir une législation qui dans l’immédiat implique :

  • La renonciation à la lutte des classes pure et simple.
  • La renonciation à la socialisation pure et simple.

 Cette législation peut être selon les préférences doctrinales, interprétée comme un ensemble de mesures présocialistes, ou, avec autant de raison, comme un ensemble de mesures pré corporatistes. La décision finale appartient à l’avenir et à la volonté traduite en actes de l’ensemble de notre peuple. On étonne et on afflige beaucoup un socialiste français en lui disant que ses représentants ont plus fait dans la voie de la préparation d’une solution corporative (corporatiste) que tous les gouvernements antérieurs. On énonce pourtant une vérité certaine. Les techniques sont prêtes. Les institutions sont forgées. Les réactions politiques d’un futur prochain détermineront qui les emploiera et comment elles seront finalement employées ». (F. Perroux : capitalisme et communauté de travail. 1938).

Ces questions demeurent, dans un tout autre contexte, parfaitement d’actualité.

  1.      J. M ; 24-04-2015.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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