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Histoire 7 / 05 / 2015

Juin 36, deuxième partie

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Pratique contractuelle contre arbitrage obligatoire.

On a vu que loin de répondre aux revendications de la classe ouvrière, le Front populaire a, sous prétexte de « pause », mis le doigt dans l’engrenage de « l’arbitrage ». Le ministère Chautemps (radical) qui succède au gouvernement Blum poursuit la même orientation.

La grande affaire du gouvernement Chautemps, c’est de faire voter le « statut du travail », gage de « paix sociale ».

Dès 1900, le socialiste Millerand et Waldeck-Rousseau avaient tenté de faire adopter des lois sur l’arbitrage obligatoire. La résistance de la classe ouvrière d’une part, le refus d’une fraction du patronat d’autre part, avaient fait échouer le projet.

La multiplication des grèves culminant dans la grève générale de juin 36, amène leurs successeurs à se reposer le problème.

Le temps où le patronat pouvait encore se passer de mesures coercitives semble bien révolu. Il s’agit maintenant de briser toute représentation collective de la classe ouvrière.

Le capitalisme à bout de souffle, n’a d’autres solutions que de s’engager dans une logique qui mène, qu’on le veuille ou non, à l’Etat fort et au corporatisme.

Le journal le temps qui reflétait en toutes circonstances les intérêts du patronat l’avait fort bien compris :

« La conclusion logique de cette théorie, c’est que l’arbitrage obligatoire est incompatible avec un régime démocratique. ( … ) Si l’Etat après avoir favorisé la formation de puissantes organisations syndicales, veut les obliger à soumettre à l’arbitrage leurs différents, il faut qu’il soit assez fort pour leur imposer cette paix… »

Débat à la CGT.

La question fait débat au sein de la CGT. Léon Jouhaux plaide devant le CCN pour l’application de la « réforme » :

« Quand on examine les résultats obtenus par les arbitrages avec les résultats obtenus par les autres méthodes, on est obligé de constater que très souvent, le résultat des arbitrages est souvent supérieur aux résultats obtenus par les méthodes antérieures ; mais il semble qu’il se soit créé un état d’esprit, celui de s’opposer à toute application d’arbitrage rendu, à moins que cet arbitrage ne donne satisfaction intégrale. Nous l’avons dit lorsque nous avons discuté cette loi : l’arbitrage ne peut apporter 100 % de satisfaction aux travailleurs engagés dans l’action syndicale pour leurs revendications ».

1er mai 1936 CGT La réunification CGT et CGT-U (dirigée par Le PCF) crée les conditions d’un afflux jamais vu de nouveaux syndiqués. Les couches salariées les plus éloignées du syndicalisme –par exemple, les employés des grands magasins – s’organisent.Dans la grève, notamment avec l’élection de comités de grève, de nouveaux dirigeants ouvriers s’affirment.
Ils se heurtent parfois à la routine des « vieilles » équipes dirigeantes.La CGT aura plus de 5 millions de syndiqués.

Nombre de syndicats ne partent pas des mêmes considérants. Le syndicat CGT des techniciens, employés et assimilés de la métallurgie parisienne tire le bilan des grèves en cours (mars-avril 1938) :

«  ( … ) L’expérience du rassemblement populaire au pouvoir confirmait que dans le cadre du régime existant, aucun gouvernement ne peut mener d’autre politique que celle s’inclinant devant les intérêts vitaux des oligarchies financières et industrielles, puis, en définitive, sauvegardant ces intérêts ». (Source : Danos et gibelin, Juin 36).

A la police des salaires qui découle de l’arbitrage, ce syndicat préfère sans tenir strictement à la pratique contractuelle.

Incapable de convaincre les grévistes du bien fondé des sentences arbitrales, le gouvernement a recours à la contrainte. Il décide le 13 avril – la grève de la métallurgie a débuté le 19 mars – d’appliquer jusqu’au bout la procédure d’arbitrage « étant rappelé que la mise en jeu de la procédure entraîne de plein droit, pour toutes les parties, l’obligation de reprendre le travail ».

Ce n’est pas encore l’Etat totalitaire de Mussolini. Le patronat ne joue pas (encore) cette carte. Mais la logique y conduit tout droit. D’ailleurs, le patronat à la recherche d’un point « d’équilibre » dans le conflit qui oppose les classes, ne cache pas sa satisfaction :

« L’horizon semble se dégager » écrit l’usine, organe du Comité des forges (secteur métallurgie). La sentence arbitrale allonge de cinq heures la semaine de travail pour les besoin de « la défense nationale » ; les salaires sont bloqués. C’est déjà la politique du partage du travail et des revenus chère à la CFDT.

L’acceptation de l’arbitrage obligatoire n’est pas « un moindre mal » comme le proclament certains de ses défenseurs.

Bien au contraire, cette concession décisive offerte sur un plateau au patronat ouvre la voie à la victoire ultérieure du corporatisme, y compris, peut-être, sous sa forme fasciste comme en Italie.

Dans l’immédiat, l’inflation galopante appauvrit toujours plus la classe ouvrière mais aussi les classes moyennes qui se sentent flouées par les promesses non tenues du Front populaire.

Vers l’Union sacrée.

Pour imposer l’arbitrage, Léon Blum préconise « l’union nationale ».

8 mars 1938 : le gouvernement dirigé par Chautemps, réclame les pleins pouvoirs pour mener une politique « d’assainissement financier » toujours plus … radicale … il échoue.

12 mars : Blum obtient du Conseil national de la SFIO qu’il se porte candidat à un « rassemblement populaire autour du Front populaire » une Union sacrée de « gauche » afin d’éviter dit-il une « union nationale sans nous ».

Blum englobe la CGT comme une composante naturelle de l’opération. La Confédération est sommée d’accepter une politique de « coercition financière », c’est-à-dire : le blocage des salaires des fonctionnaires et le refus de toute pratique contractuelle pour le secteur privé.

C’est le dirigeant SFIO Paul Faure qui est chargé de mettre les militants qui résistent au pas. Paul Faure que l’on retrouve peu après à Vichy, ainsi que la plupart de ses comparses …

L’opération union sacrée échoue. Les capitalistes après la grande peur de juin 36, s’estiment suffisamment forts pour se passer des services de celui qui a fortement contribué à leur sauver la mise en juin 36

Les militants syndicalistes qui ont jusqu’au bout soutenu « l’expérience » Blum, au nom de la lutte contre le « fascisme » ont, certains d’entre eux tirer partiellement quelques bilans.

C’est le cas de Daniel Guérin, curieusement partisan d’un « Front populaire de combat » censé répondre aux aspirations des travailleurs d’en finir avec l’exploitation capitaliste.

Il avoue (page 144 de son Front populaire, révolution manquée) : « Incorrigibles Pénélope, nous recommencions tous les jours de tisser, pour nous-mêmes et pour ceux qui avaient le tort de nous prêter l’oreille, la toile de nos trompeuses illusions ».

J. M. 30-04-2015

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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