>Histoire

17 / 12 / 2022

Italie : 30 ans de contre-réformes « structurelles ». 1 / Bilan…

«C’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner». W. Buffet, multimilliardaire américain.

(5 Octobre 2012.)

En Italie, la contre-réforme des retraites, c’était il y a presque trente ans, déjà. Certains stratèges syndicaux plus préoccupés de l’ « intérêt général » que de la défense des acquis ouvriers avaient imaginé tout un processus (« dans la durée ») de journées d’actions disloquées censées faire barrage.

L’Etat italien, lui aussi garant de l’intérêt général avait envoyé ses CRS en protection de ces étranges stratèges.

Ainsi conformément aux souhaits des gouvernements italiens successifs, du patronat, de l’UE, du FMI etc la contre-réforme a été imposée.

Mieux vaut ne pas l’oublier.

1992 : Les « recommandations » du Fonds monétaire International : 

« ( … ) Il faut mettre en œuvre une politique très déterminée reposant sur un consensus politique et social fondamental. ( … ) Le FMI attire l’attention du gouvernement italien sur l’urgence de réformes structurelles dans le domaine de la santé, des retraites et de l’emploi dans la fonction publique … »

« Consensus politique et social … » ? L’essentiel tient en ces quelques mots. La « nouvelle gouvernance » mondiale qui découle de l’effondrement de l’ex URSS, c’est d’abord la recherche effrénée du « consensus ». Cette politique bêtement néo-corporatiste n’est ni de « droite » (ou d’ « extrême droite »), ni de « gauche », ou plutôt, elle est les deux à la fois comme le montre si bien l’ « exemple » italien.

Mussolini, issu de la gauche, voire de la gauche de la gauche, avait imposé son corporatisme fasciste en passant par la droite, et plus précisément par l’extrême droite.

Dans le cadre de cette politique, y a-t-il encore une place pour une confédérale syndicale libre et indépendante ?

Ces contre-réformes, partout les mêmes. 

La très réactionnaire et très pro Union Européenne fondation Schumann les a ainsi résumées ; la contre-réforme des retraites, la « mère de toutes les « réformes » était évidemment déjà la première préoccupation :

  • Augmenter les cotisations.
  • Augmenter la durée de cotisations. (Saul les amnésiques profonds, personne n’a pu oublier le « pacte » Jospin-Chirac et réciproquement, qui prétendait augmenter de cinq ans la durée de cotisation.
  • Accorder une place décisive au système par capitalisation.
  • Modifier, voire supprimer les régimes spéciaux.
  • harmoniser (par le bas) la législation entre secteur public et secteur privé.

Et puis, il y avait le « deuxième front », celui de la destruction du code du travail et des conquêtes de 1944-1945-1946 ; ces conquêtes ouvrières que le patronat italien et français veulent maintenant liquider.

En Italie, il fallait faire sauter le « verrou » de l’article 18 du code du travail qui interdisait aux patrons de licencier selon leur bon vouloir.

Nous avions dans ce véritable laboratoire des contre-réformes qu’était l’Italie, un projet cohérent de guerre sociale à la Warren Buffet.

A ce moment-là, comme aujourd’hui, les gouvernements de l’Union européenne étaient tenus d’accompagner les politiques guerrières des Etats-Unis.  De l’argent pour la guerre, toujours plus mais pas pour les travailleurs ! Pour eux, toujours moins ! (1).

Contre la guerre ! : novembre 2022. Des dizaines de milliers de travailleurs italiens manifestent. NON à l’union sacrée pour la guerre ! OUI aux revendications ouvrières !

La CGIL, objet de toutes les convoitises.

Nous sommes en 1992 :

La première confédération syndicale italienne, la CGIL, subissait toutes les pressions pour la contraindre à se placer sur le terrain du « consensus » et donc de l’acceptation de la guerre.

 » C’était d’abord la CISL Confédération Internationale des syndicats Libres, (l’ancêtre de la CSI) « demande aux leaders du G20 la convocation d’un sommet d’urgence pour prendre l’initiative de réguler les marchés et éviter une débâcle économique » qui menace notamment l’Italie.

On ne parlait pas encore de capitalisme « inclusif » (ni de « résilience ») qui serait nous assure-t-on aujourd’hui,  moralement acceptable, mais il fallait un « pacte social » mondial qui transformerait les syndicats en « partenaires », en « corps intermédiaires », c’est-à-dire, pour dire les choses clairement, en domestiques des intérêts capitalistes (2).

La normalisation de la CGIL se heurta à la mobilisation des travailleurs. La direction confédérale avait adopté un plan de « marches » sans mots d’ordre clairs.

Contre les grèves qui pourraient déboucher sur une grève reconductible jusqu’à l’abandon des contre-réformes, la direction confédérale parvint à imposer le morcellement des « luttes » par une succession de manifestations-processions qui jouaient sur l’épuisement et donc le découragement des travailleurs. Les bureaucrates de l’UE appréciaient et firent de l’Italie un modèle à suivre, partout. On voit où cela a mené, « la lutte dans la durée … ».

 Mais la destruction de la CGIL par la voie de l’intégration à la « gouvernance » n’est pas si facile comme l’atteste ce commentaire désabusé du quotidien la Stampa en janvier 2014 :

« La CGIL, malgré la bonne volonté maintes fois affichée par la secrétaire nationale, madame Camusso, peine à intégrer complètement l’union sacrée voulue par les marchés ».

L’union sacrée ? l’expression nous renvoie à la première guerre mondiale, (la 1ère « der des ders »). Les « marchés » n’emploient pas le terme à la légère …

En France, droite et gauche, à moins que ce ne soit gauche et droite, copains comme cochons (comme en Italie) … Au sommet de Lisbonne, les deux compères, Jospin et Chirac,  ou si l’on préfère, Chirac et Jospin, prêchent pour 5 années de boulot de plus ! 

La CES, fidèle à elle-même. 

La CES (Confédération européenne des syndicats) organisait des manifestations sans réelles revendications. Les gouvernements Monti, puis Draghi, zélés serviteurs du patronat italien favorable à « une thérapie de choc » – le fameux « choc de compétitivité » – tentaient d’entrainer les syndicats pour « plus de flexibilité » et des « négociations au niveau de l’entreprise et non plus de la branche ».

La bonne presse italienne, avait noté la réaction de la SG de la CGIL: « une moue dubitative … » 

2 / … et perspectives.

1992 … 2022 : continuité …

 Recommandation du FMI (novembre 2022) : « Le FMI recommande une réduction progressive des dépenses tant que la conjoncture économique demeure favorable ». (Source les ECHOS). Faire payer ceux qui n’ont rien et achever le sage des services publics. Ce n’est pas original.

Italie : sur fond d’inflation, l’aggravation de la précarité sociale. Article publié dans   INFO militante :

 « À Milan, le 20 octobre 2022, une manifestation (se déroule) devant les bureaux d’Eni contre la hausse des prix du gaz, due à la crise énergétique internationale et à la spéculation. 

Alors que la perte de pouvoir d’achat s’accentue toujours plus, les manifestations se multiplient en Italie, où une journée de grève générale est envisagée pour début

En octobre, l’inflation, sur un an, y a atteint son plus haut niveau depuis 1984, à 11,9 %. Les prix de l’énergie ont quant à eux bondi de 73,2 %, en octobre (sur un an), après une hausse de 44,5 % en septembre.

En additionnant toutes les pertes de pouvoir d’achat,  tout se passe comme si les ouvriers et employés italiens ne recevaient pas de treizième mois, a souligné dans un communiqué la Confédération générale italienne du travail (CGIL). Une situation encore plus grave pour les retraités, les intérimaires, les jeunes indépendants et les chômeurs.

De plus en plus d’Italiens manifestent leur colère en brûlant publiquement leurs factures d’énergie. ( … ) Par ailleurs, les syndicats italiens envisagent une journée de grève générale le 2 décembre pour faire entendre le cri d’alerte de la population. FO soutient pleinement leur initiative et essaiera de produire un effet boule de neige en France, expose Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO au secteur international.

La CGIL alerte sur l’aggravation de la précarité dans le pays : 5,6 millions de pauvres, le pic le plus élevé des quinze dernières années, et 14,9 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit 25,4 % de la population ».

Mario Draghi.

Comme dans les années 1990 et dans la continuité du gouvernement « progressiste » de Mario Draghi, l’actuel gouvernement italien réclame aux salariés, aux jeunes, aux retraités, aux millions de « précaires » ubérisés toujours plus d’ « efforts » pour la guerre et toujours plus d’efforts pour « sauver » l’économie, c’est-à-dire les profits capitalistes.

Mauricio Landini, secrétaire général de la CGIL a établi ce constat :

« Les bombardements en Ukraine, la situation des migrants en Méditerranée, la pauvreté qui progresse dans nos villes procèdent d’une seule et même réalité, d’un système que nous devons combattre ». (Source : le Monde).

Il a raison. N’est-ce pas pour cela que toute forme de consensus (ou « co-construction » des « réformes ») est non seulement inacceptable mais tout simplement illusoire ?

  1. Draghi, le petit protégé « progressiste » de l’UE, de la banque mondiale, du FMI …« dégagé » lors des récentes élections ; dégagé, enfin ! mais pourquoi diable ? Ici, en 2021, en grande conversation avec M. Bergoglio ; on cause de problèmes de natalité avec sa sainteté. Et c’est du sérieux … de natalité et de bien d’autres sujets … la conversion verte, les sacrifices qu’elle implique, la résilience, le bien commun moderne du XXIème siècle et toutes ces belles choses …

La résistance s’organise.

Malgré la propagande officielle et les mensonges des « autorités », malgré la misère qui frappe toujours plus les travailleurs et la jeunesse, la résistance s’organise. Le 3 décembre.  A l’appel de plusieurs syndicats, des milliers d’italiens en grève ont réclamé des augmentations de salaire alors que l’inflation dépasse les 10 %.

Ces manifestations pour l’instant modestes en annoncent sans doute de bien plus importantes.

NON à l’union sacrée, augmentation des salaires !

Pour bloquer les contre-réformes actuelles, il ne faudra pas se contenter de « moues dubitatives ».

1) « Le sacrifice auquel la nation américaine est prête à consentir pour la liberté des autres … n’est pas un cadeau de l’Amérique au monde, mais un cadeau de Dieu à l’humanité». (Selon l’ex président Bush).

Message reçu 5/5 par Michel Rocard – l’homme de la CSG et de vingt-huit 49-3 –  qui déclare fièrement le 14 janvier 1991 :

« Je ne suis pas de ceux qui ont souhaité la guerre, même si j’entends, comme premier ministre pour la part qui est la mienne, la conduire avec détermination ».

 Des centaines de milliers d’irakien(NE)s massacré(ES), écrasé(E)s sous les milliers de tonnes de bombes des « démocraties » ;  pour la défense de la démocratie ? ou pour le pétrole ? Poser la question, n’est-ce pas y répondre ?

2) Le récent congrès de la CSI tenu en Australie « revendique » un nouveau « pacte social » mondial et plus de « résilience ». C’est un Italien Luca Visentini qui a été élu secrétaire général de la CSI.

 Malheureusement, il semble bien que le sacro saint « pacte social » s’accommode fort bien de la guerre …

Ce n’est pas nouveau ? C’est une évidence.

Mais est-ce une raison suffisante pour se soumettre ?

JM 17 décembre 2022.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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