>Histoire

30 / 04 / 2021

Il y a quarante ans. mai 1981, l’indépendance syndicale en question. (2ème partie).

C’est pour beaucoup, le triste évènement du jour : ce 11 mai 1981, Bob Marley n’est plus. Peut-être une première  conséquence dramatique du 10 mai ?

Le 10 mai, F. Mitterrand, chef du néo parti socialiste* constitué à l’occasion du congrès d’Epinay dit « d’unité des socialistes » en 1971, est élu selon ses propres mots « 1er président socialiste de la Vème République ». L’auteur du « coup d’état permanent » (1964) se coule avec délice dans le cadre des institutions anti démocratiques de De Gaulle, ce qui ne présage rien de bon. (Voir la première partie de cette réflexion parue en juillet 2018) :

http://force-ouvriere44.fr/10-mai-1981-lindependance-syndicale-question/

Mitterrand aura pour 1er ministre Rocard qui s’exprime ainsi à propos de la Charte d’Amiens : évoquant les « handicaps » qui font qu’ « il n’y a jamais eu de vraie social-démocratie en France », il écrit : « Notre deuxième handicap, c’est le divorce d’avec le monde syndical. […] Ce handicap trouve son origine dans la charte d’Amiens, signée en 1906 ». (Source : Rocard, « si la gauche savait », 2005).

Les deux postulants au rôle de Bonaparte, Giscard et Mitterrand, l’un de « droite » et l’autre de « gauche », ont en commun l’hostilité au syndicalisme confédéré, libre et indépendant que représente notre CGT-FO. Et s’ils ont quelque chose à voir avec une « Charte », ce n’est certainement pas celle d’Amiens …

* Les néos socialistes des années 30, conduits par Marcel Déat, avaient été expulsés de la SFIO en 1933. Ils avaient entamé une longue marche jusqu’au fascisme. En 1936, le PCF de Thorez avait tout fait pour les faire intégrer le rassemblement dit du « Front populaire », avec succès, si l’on peut dire.

Du sortant, Giscard, Alexandre Hébert écrivait ceci (extraits) :

GISCARD: «MARÉCHAL, ME VOILA!»… 1er mars 1981

Notre organisation, fidèle à Ia tradition de la C.G.T. qu’elle continue, a, en toutes circonstances, réaffirmé sa totale indépendance, notamment à l’égard des partis politiques. Mais indépendance – et André Bergeron a raison d’insister sur ce point – ne saurait se confondre avec apolitisme… Au cours de son histoire, chaque fois que les circonstances l’ont exigé, le mouvement syndical est sorti de sa réserve… Ainsi en a-t-il été le 12 février 1934 où, à l’initiative de notre C.G.T., fut organisée la puissante manifestation qui devait, au moins momentanément, stopper l’offensive des «lignes factieuses» qui rêvaient d’instaurer, en France, un régime à l’image de ceux qui sévissaient alors en Allemagne et en Italie.

Plus près de nous, en 1969, la C.G.T.F.O. appelait, la première, au double NON au référendum de De Gaulle qui prétendait instaurer, dans notre pays, un régime néo-corporatiste.

Enfin et, chaque fois que les intérêts des travailleurs étaient directement menacés, la C.G.T.F.O. n’a pas hésité à se prononcer publiquement, qu’on se rappelle, par exemple, en 1956, la prise de position courageuse du C.C.N. d’Amiens pour l’indépendance de l’Algérie.

Giscard a donné une interview au Figaro magazine. Il y fustige, à la suite de Charles Maurras, les tenants de l’anti-France » et se pose en sauveur.

( … ) « Si on en croit M. Giscard d’Estaing, la SEULE garantie de la démocratie réside dans «les grandes responsabilités [que] la Constitution de la Ve République donne au Président de la République».

  1. Giscard d’Estaing croit, pouvoir déceler «certains signes encourageants». (1) Il semble que, pour l’instant, ces signes encourageants se limitent à deux, ce qui, assurément, est peu… Mais c’est toujours mieux que rien, alors apprenons de la bouche auguste du Président de la République de quels signes il s’agit.

Premier signe: «Un renouveau spirituel et culturel [dont] le voyage qu’a accompli, au printemps dernier, le Pape dans notre pays, représente un signe positif».

Deuxième signe: «La vitalité démographique et biologique qui s’affirme dans la jeunesse française»… Tel quel! Que signifie ce jargon? Qu’est-ce que cette «vitalité biologique» qui s’affirmerait dans la «jeunesse française»? Faut-il en déduire que la jeunesse des autres pays en serait dépourvue?… Enfin, faut-il penser que la «jeunesse française» constituerait une race à part et, bien entendu, bénie sinon des dieux, du moins par M. Giscard d’Estaing? Voilà des propos qui ne sont pas sans évoquer chez certains d’entre nous de bien fâcheux souvenirs! Il est vrai que pendant l’hiver 1944-1945 et c’est lui qui éprouve le besoin de le préciser, Giscard d’Estaing: «Alors que beaucoup de personnages – dont certains sont encore aujourd’hui des dirigeants politiques – discutaient entre eux à Paris, des jeunes gens, dont moi-même, se battaient aux frontières pour libérer des provinces encore occupées par l’ennemi. Car des provinces encore occupées, cela nous était, d’instinct, insupportable». On pardonnera cette longue citation, mais elle est lourde de signification. Giscard nous rappelle que «lui, il se battait aux frontières» et uniquement pour libérer le territoire national de «l’occupation ennemie». Le reste, c’est-à-dire le nazisme et Vichy (dont peut-être certains personnages discutaient entre eux à Paris) ne l’intéressait absolument pas. On s’en serait douté! ». Alexandre Hébert.

Des millions de travailleurs espèrent que les plans réactionnaires des années fin 70, les plans Barre I, Barre II,  « Barre toi ! » (2) ne seront plus que de mauvais souvenirs.

Mais les amis CFDT de Rocard envahissent les ministères. Ce sont eux, avec la complicité bienveillante des ministres « communistes » qui vont impulser une politique diamétralement opposée aux intérêts des salariés.

La « une » du JO officieux.

La CGT-FO prend ses responsabilités.

« DÉCLARATION D’ANGOULÊME…

Le Comité Confédéral National de la CGT-FO, réuni à Angoulême les 9 et 10 septembre 1981, mesure toute l’importance des changements intervenus après le scrutin du 10 mai 1981.

 Dans une conjoncture économique difficile marquée notamment par un accroissement continu du chômage qui frappe de plein fouet des couches de plus en plus larges de salariés, le CCN-FO (réunion des secrétaires d’UD et de fédérations) réaffirme avec force la nécessité pour la classe ouvrière de disposer d’une organisation syndicale totalement indépendante, notamment du Patronal et de l’État. Seule une telle organisation est capable de défendre efficacement les intérêts des salariés et, au-delà, d’apporter une contribution décisive au nécessaire et toujours actuel combat pour la défense des libertés démocratiques.

Le CCN rappelle que la sauvegarde de la démocratie politique et des libertés démocratiques suppose le maintien de la confiance de la classe ouvrière dans ses organisations. Celles-ci doivent faire en sorte que les «intérêts particuliers» des salariés ne soient pas sacrifiés au nom d’idéologies d’autant plus dangereuses qu’elles sont mal définies.

Le Comité Confédéral National réaffirme solennellement sa volonté de s’opposer à toute tentative de remettre en cause la place et le rôle des organisations syndicales et notamment des prérogatives qu’elles tiennent de la loi du 11 février 1950** qui permet le libre exercice de la pratique contractuelle, c’est-à-dire la possibilité pour les syndicats de négocier avec le patronat, privé et d’État, des conventions et accords permettant de sauvegarder les intérêts des travailleurs.

La CGT-FO ne saurait accepter la mise en place d’une «politique des revenus» (3) qui, sous couvert de solidarité nationale, tendrait à remettre en cause les conditions de vie et de travail de larges couches de salariés. La mise en œuvre d’une telle politique impliquant par ailleurs la mise au pas des syndicats assurant la défense des intérêts de toutes les catégories des salariés. C’est pourquoi, le CCN invite les syndicats et organisations confédérées à demander l’ouverture à tous les niveaux de négociations afin d’obtenir par voie d’accords et de conventions le maintien du pouvoir d’achat remis en cause par la hausse considérable du coût de la vie.

Le CCN rappelle que la CGT-FO s’est constituée pour faire face aux menaces qui pesaient alors sur les libertés et qui imposaient à chaque militant ouvrier l’impérieux devoir d’assumer pleinement ses responsabilités. Fidèle à son passé, la CGT-FO continuera son combat de toujours pour la défense de la démocratie, combat inséparable de celui qu’elle mène pour défendre les intérêts matériels et moraux ».

André Bergeron, SG de la CGT-FO : « ( … ) Nous jugeons un gouvernement à ses actes ». La CGT choisit  une autre voie. Source : « histoire de la CGT en publié par la CGT en 2015, page 149 : « En 1981, la CGT déclare vouloir apporter un soutien crique au gouvernement ». Une confédération ouvrière n’a pas à « soutenir » oui à « ne pas soutenir » par principe un gouvernement, quel qu’il soit, sinon ce n’est plus un syndicat.

Aucun secteur n’échappe à la furie « contre-réformiste » des idéologues de la CFDT rocardienne.

Prenons le cas des « comités locaux pour l’emploi ». C’est à juste titre que la confédération alerte les travailleurs le 15 janvier 1982 :

CONTRE LES COMITÉS LOCAUX POUR L’EMPLOI… « ( … )  le C.C.N. de FORCE OUVRIÈRE se montre particulièrement circonspect sur le rôle et l’utilité des comités locaux ou de bassins de l’emploi qui, à partir de structures nouvelles composées des élus locaux, des interlocuteurs sociaux et des représentants d’associations, ne peuvent que se substituer aux organismes publics ou paritaires chargés de l’emploi, et par extension se former en comités économiques et sociaux locaux, préparant la planification démocratique et l’autogestion. Le C.C.N. de FORCE OUVRIÈRE CONFIRME son hostilité à toute déviation conduisant à la mise en place de structures néocorporatistes se substituant, donc s’opposant, aux syndicats et organisations politiques, parties constituantes de la démocratie. Le C.C.N. RAPPELLE, une nouvelle fois, qu’il est hostile à ce que, sous prétexte du droit d’expression des travailleurs, soient mises en place des structures diverses comme les conseils d’atelier qui conduiraient à écarter le mouvement syndical. En matière, l’opposition du C.C.N. de FORCE OUVRIÈRE ne se limite pas au secteur public, nationalisé ou non, c’est ainsi qu’il CONFIRME son refus de voir créer des conseils d’atelier, de bureau, de service, d’établissement, d’entreprise». COMITÉ CONFÉDÉRAL NATIONAL 15.01.1982.

Rappelons qu’il aura fallu attendre la loi du 23 décembre 1946 pour que les conventions collectives supprimées par Vichy, soient partiellement rétablies. Seulement très partiellement même, car la loi précise que la négociation par branche sur les salaires et les grilles hiérarchiques restent du ressort du ministre du Travail. Autrement dit, les partis MRP, SFIO et PCF ont agi pour que la pratique contractuelle soit le plus longtemps possible, différée. Tels sont les faits et les faits sont têtus.

C’est l’action syndicale de notre CGT-FO qui, par la grève, a imposé la loi la loi du 11 février 1950.

En marche : Séguy (CGT), Maire (CFDT), Marchais (PCF) Rocard (PS), la sainte alliance … contre les revendications.

Aucun soutien à l’ordre Néo-socialiste, CFdétiste, rocardien ! C’est ce qu’exprime clairement cette fois encore notre camarade, Joachim Salamero :

« Lorsque Michel ROCARD propose la conclusion d’un «pacte social» en même temps qu’il prépare de nouvelles méthodes de planification auxquelles les syndicats seraient étroitement associés, localement, régionalement et nationalement, les choses sont définitivement claires. Au nom de la valorisation de l’idée de «nouvelle citoyenneté», il s’agit de fondre les «citoyens» dans des institutions communautaires, il s’agit d’associer les «personnes» (que sont les patrons, les salariés, les commerçants, les agriculteurs, etc…) à la gestion du bien commun, sous l’œil tutélaire de l’Etat.

En un mot, il s’agit de combattre la notion de classes sociales aux intérêts antagonistes. Obligé de gérer la crise capitaliste, le gouvernement socialo-communiste-C.F.Détiste, doit mettre en pratique des formules compensatoires aux sacrifices matériels exigés. Faire accepter l’idée que l’austérité est inévitable et que chacun doit en accepter sa part, entraine obligatoirement à mettre en place un nouveau système de relations sociales.

C’est pourquoi le ministre du travail tente de nous convaincre «qu’il ne faut pas avoir une vision mythique des avantages acquis» et déclare, au mépris de la plus élémentaire vérité «que nous avons pris le pouvoir dans une société ankylosée ou la négociation était atrophiée».

A partir de quoi, la modification prévue de la loi de 1950 privilégiera la négociation d’entreprise au détriment de la convention collective. Dans le même ordre d’idée, la tentative d’instaurer des conseils d’ateliers est à rapprocher des déclarations de J. Delors (3) annonçant la possibilité de créer dans les entreprises des «comités pour l’amélioration de la productivité». Pour ne pas être en reste, et de plus en plus unitaire sur le chemin du consensus, Georges Marchais appelle à «une attitude responsable» explique qu’il faut passer «d’un stade quantitatif à un stade qualitatif», tout en insistant sur la nécessité de produire! Ce qui fait écrire à un hebdomadaire que cela «rappelait le Thorez de l’immédiat après-guerre». (Mars 1982).

1981, c’est aussi l’heure de la « décentralisation » et du « respect » de « l’Etat fort » comme le dit si bien le mitterrandolâtre Charasse (source : Institut F. Mitterrand) «  La réflexion sur la décentralisation a commencé bien avant 1981 et ceux qui o­nt sensibilisé le Parti socialiste à ce sujet sont François Mitterrand et Gaston Defferre rejoints ensuite par Pierre Mauroy. Le Parti socialiste était plutôt jacobin, il était vraiment républicain, et il se méfiait de tous les corps intermédiaires, de tout ce qui pouvait diviser le pouvoir. Mais progressivement, à partir de 1970-1971, est venue l’idée de décentralisation qui a évidemment explosé avec l’arrivée en 1974-75 de toute une frange qui a rejoint le PS venant des milieux chrétiens … » c’est-à-dire la CFDT et les rocardiens.

  • En réalité, le gouvernement de Giscard venait de subir une lourde défaite comme l’explique bien Joachim Salamero, une défaite qui en appelait d’autres :

« En juillet 1980, le CNPF a subi une défaite quand les confédérations syndicales ont refusé de signer son accord sur «l’aménagement de la durée du travail», dont l’objectif était l’individualisation du contrat de travail, voie royale pour «l’expression directe des salariés». Cette défaite a été possible parce qu’il s’est trouvé assez de militant ouvriers capables de faire front, d’expliquer largement les dangers de la proposition patronale, de créer un courant suffisant pour freiner les tentations de ceux qui étaient près d’accepter, notamment la CFDT ».

  • Le ministre de l’économie Raymond Barre avait pour modèle François Perroux (1903-1987) qui pendant la guerre vantait les mérites de l’économie dirigée, façon nationale-socialiste, Perroux miraculeusement converti, avec son compère et complice dominicain, L. Lebret aux joies de « l’économie humaine ». L’individu avait pour les procédures d’arbitrage obligatoire une véritable passion. Il y voyait le moyen de mettre un terme à la lutte des classes ; des « chamailleries » comme dirait l’actuel tout petit Bonaparte …

Notons que Rocard, bien sûr, ne tarissait pas d’éloges pour l’ex Nazi Perroux. Ainsi, en 2002 lors d’un colloque où quelques grands de ce monde – dont Gattaz, le patron des patrons ou encore l’ex vichyste Mesmer – bavardaient sur l’avenir de l’Afrique, il déclare :

« Quant à François Perroux, nous serons vite d’accord. C’est un immense économiste ». Rocard, le rassembleur …

  • Le 9 mai 1981, Jacques Delors, ancien conseiller « social » de Chaban-Delmas, militant CFTC, puis CFDT, personnaliste chrétien, « européiste » convaincu … avait jugé utile de mettre les points sur les I. J. Salamero explique :

Delors : «C’est un joli mot, la participation… Entre le pur idéal de la participation et le pur idéal de l’autogestion, il y a peu de différence…».

Jacques DELORS, qui écrivait ces lignes dans le journal «Le Matin» le 9 mai 1981, a au moins le mérite de la franchise. Nous savons à quoi nous en tenir: «il faut recréer un système de relations sociales»,

car, précise J. DELORS dans le même article, «en France, la négociation est un cas minoritaire, c’est l’anarchie la plus complète, personne n’est capable de décrire le système de détermination des salaires». J. DELORS continue en nous expliquant que «le fond du tableau étant valable pour un Gouvernement de gauche comme pour un Gouvernement de droite, nous devrons aussi maîtriser l’évolution de l’ensemble des revenus et des prix».

Nous étions en effet prévenus.

Document vidéo : archives INA. 1996 obsèques de F. Mitterrand :

https://www.bfmtv.com/politique/quand-la-france-enterrait-francois-mitterrand_AN-201909260111.html

Un grand moment d’union sacrée au plan international …

JM 28 avril 2021.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

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