>Histoire

Historique de la CFDT. 1/2

À propos d’une certaine histoire de la CFDT. 1/2

Frank Georgi à la recherche de « l’identité » de la CFDT …
La CFDT de Loire-Atlantique a mis en ligne une vidéo de 45 minutes de Frank Georgi, spécialiste de l’histoire de la CFTC-CFDT. Georgi est maître de conférences à l’université de Clermont-Ferrand II. Il a soutenu une thèse sur l’histoire de la CFDT intitulée de la déconfessionnalisation à l’autogestion. Il est aussi l’auteur de : l’invention de la CFDT. (1957-1970), ouvrage préfacé par Antoine Prost. En 600 pages,* il s’évertue à tenter de démontrer – sans succès – que la CFDT est une confédération comme une autre et, il faut bien le dire, mieux que les autres, démocratique et moderne … C’est évidemment une mission impossible. Toutes ses recherches, toutes ses citations, tous ses commentaires se retournent invariablement contre sa thèse de départ.
Ce document, toujours bienveillant vis-à-vis de la centrale chrétienne, n’en demeure pas moins un livre intéressant et souvent révélateur de ce qu’est vraiment la CFDT.
Dans la préface, A. Prost note que « les turbulences de la déconfessionnalisation passées », la CFDT cherche l’accord avec la CGT ; autrement dit ce sont les débuts, chaotiques, du syndicalisme rassemblé.

Mais, et il le regrette, l’opération se heurte à une difficulté majeure :
« La revendication de la section syndicale d’entreprise constitue dès cette étape un point de désaccord ».**

Prost a raison de souligner cette question centrale. La CGT s’est constituée, sur la base de la Charte d’Amiens, comme confédération ouvrière capable de centraliser l’action de la classe ouvrière contre l’Etat bourgeois. Avec la CFTC, puis la CFDT, il s’agit d’une toute autre logique, radicalement opposée, étrangère, hostile, au mouvement ouvrier.
On le voit bien aujourd’hui avec la loi El Khomri qui prétend inverser la hiérarchie des normes, (avec l’objectif de mettre à mal les conventions collectives, pour le plus grand profit du MEDEF) ; point que ne conteste nullement la CFDT, puisqu’elle correspond très exactement à l’idéologie véhiculée depuis les origines par la CFTC-CFDT.
Les notes qui suivent ne reprennent évidemment que quelques éléments des questions soulevées par Georgi.

CFDT - PSLa CFDT prétend que l’abandon de la loi El Khomri, c’est-à-dire la loi CFDT-Valls (soutenue par le MEDEF) serait préjudiciable aux salariés. Quand la CFDT annonce sa journée d’actions* pour expliquer ça au bon peuple, même une partie des permanents du syndicat préfèrent – prudemment – s’éclipser. Question de bon sens.
*Le samedi 12 mars.

« Les rapports à la CGT et la CGT-FO »

Georgi explique :
« Ce qui les sépare fondamentalement c’est cette conception du syndicalisme, les cégétistes regroupés autour de Léon Jouhaux étant très hostiles à un syndicalisme fondé sur la conception religieuse, ça n’a strictement pour eux aucun sens, et, en sens inverse, les militants de la CFTC sont très hostiles à une CGT qu’ils jugent sectaire et anti cléricale. Et on retrouve au lendemain de la guerre ce type de relation avec la CGT-FO …  »
Notons que Georgi préfère parler de CGT-FO, plutôt que de FO. C’est un bon point. Comme il n’y en pas pas beaucoup d’autres, autant le souligner.
Mais, encore faut-il préciser que la référence à la religion ramène précisément la CFTC à l’encyclique rerum novarum de 1891 du pape Léon XIII.
Cette référence à l’encyclique qui officialise la ligne « d’ouverture » de l’Eglise catholique a, pour les militants syndicalistes, contrairement à ce qu’affirme Georgi un sens très précis. L’Eglise prétend partir à la conquête de la classe ouvrière en prenant, au moins en apparence, quelques distances avec l’ordre monarchique ancien, mais toujours dans le cadre limité du syndicalisme chrétien. C’est pour elle une question de survie. C’est ce que note Jaurès dans sa monumentale « histoire socialiste de la révolution française ».

«  L’Eglise aime mieux évoluer que disparaître, elle finit par se résigner à ce qu’elle n’a pu détruire et par rajuster ses principes à ce qui existe ».
On ne saurait mieux dire.

Georgi ne veut pas le voir ce qui le conduit, inévitablement à une multitude d’erreurs d’appréciations.
« Incompatibilité culturelle » ?
Il poursuit :
« Dans un 1er temps, la CGT-FO est regardée avec intérêt, notamment par la gauche de la CFTC, les militants de reconstruction, puisque cela permet d’ouvrir une brèche dans la CGT totalitaire comme on l’appelait en ce temps-là ».
Georgi croit pouvoir distinguer une « gauche » de la CFTC qui serait donc opposée à une « droite ». Georgi devrait relire, ou lire Jaurès.
Cette « gauche », ce sont les militants de la JOC qui seront à l’origine de la constitution de la CFDT en 1964 qui rentrent en masse, en fraction dans la CFTC pour faire comprendre que le C de chrétien est un obstacle au développement du « syndicalisme » fondé sur la défense de la propriété privée des moyens de production, et de la « conciliation des classes », les deux piliers de la doctrine sociale de l’Eglise.
« Il y a dès 1948-1950, des tentations de regroupements entre une CGT-FO qui s’ouvrirait plus largement à une CFTC qui abandonnerait pour partie ses références religieuses. Ce rapprochement ne s’est jamais produit entre syndicalisme de convergence réformiste. Derrière des circonstances différentes qui expliquent à chaque fois ces échecs, il y a une constante qui est – je crois – une incompatibilité culturelle entre la CGT-FO et la CFDT héritière de la CFTC ».
C’est un fait que quelques-uns ont, à certains moments, rêvé de la constitution d’un « petit axe » CFDT-FO. Peu de temps avant le XXIIème congrès confédéral de la CGT-FO, en 2011, le quotidien patronal les échos écrit :
« Le ministre de l’Emploi et du Travail, Xavier Bertrand, est soucieux de retisser des liens avec les syndicats. Si les contacts téléphoniques restent réguliers avec Bernard Thibault, (CGT) il ne se fait pas d’illusions et mise surtout sur le binôme FO-CFDT. Un petit axe se dessine, sur l’emploi notamment. Plus ils se parlent, mieux c’est », explique la Rue de Grenelle, qui aimerait avancer sur la qualité de vie au travail (stress…) ».
Ces prétentions toujours mises en échec, l’Union départementale CGT-FO 44, avec l’écrasante majorité de la confédération, les a toujours combattues.

Patrick Hébert y consacre une partie de son intervention :

« ( … ) Effectivement, eux, c’est la doctrine sociale de l’Eglise, nous, nous sommes les héritiers de la Charte d’Amiens. ( … ) Si un jour, il devait y avoir un axe, puisque la formule est la mode, ( … ) ce serait l’axe que l’on pourrait constituer avec tous les militants, y compris ceux qui se retrouvent à la CGT, et, avec eux, peut-être pourrait-on essayer de reconstituer la vieille CGT, celle qui est fondée sur la Charte d’Amiens … »

Depuis, le « syndicalisme rassemblé » derrière la CFDT a pris des coups. Il n’est pas mort. On peut s’attendre à d’autres tentatives, d’autres manœuvres pour tenter de le ressusciter. Mais les militants syndicalistes ont largement tiré les bilans des plans Notat-Juppé, Fillon-Chérèque et aujourd’hui, Berger-Valls***. Il est de plus en plus difficile de ne pas vouloir admettre que la CFDT ne « trahit » mais qu’elle fait, méthodiquement, avec constance et sans état d’âme, ce pour quoi elle a été constituée : servir les intérêts de la classe capitaliste.

C'est Fini De TrahirRégulièrement, certains découvrent les « trahisons » de la CFDT. On peut aussi découvrir que la terre n’est pas plate…
En 1966, Séguy (CGT) et Descamps (CFDT) bavardent des vertus de l’unité d’actions. Séguy parlent d’augmentation de salaires. Descamps rétorque : « dans une société socialiste, nous serons exigeants à l’égard de couches sociales, y compris les travailleurs ». (Source : l’invention de la CFDT, page 330). Surtout –presqu’exclusivement – les travailleurs !

Quant au « front des syndicats réformistes » parfois évoqué, ce n’est qu’une grossière mystification dès lors qu’il inclut la CFDT. La « réforme », cela ne peut avoir d’autre signification que la négociation, via la pratique contractuelle, d’améliorations, même minimes en faveur des salariés.
La CFDT y oppose – et Georgi le sait – la « politique contractuelle » – qui signifie en clair, la prise en charge par l’appareil syndical des « questions sociétales » qui concernent le soi-disant « intérêt général » : exploiteurs-exploités tous frères en JC ; et puis quoi encore !
La CFDT est un « syndicat » contre-réformiste. Comme le disait P. Hébert à Montpellier, en plaisantant (à moitié), il y a « incompatibilité génétique ».
Peut-être peut-on accorder à Georgi, qu’il y a également une « incompatibilité culturelle ». Après tout, ça ne peut pas faire de mal …

Jean Claude Mailly met encore une fois, les points sur les i.
Extrait d’une tribune paru dans le monde le 1-04 2016, intitulée : « pour un syndicalisme réformiste ».
Il met en évidence « une vision quelque simplifiée, voire simpliste, l’opposition réformiste/contestataire » qui, à l’évidence « ne peut pas décrire le syndicalisme ». Il poursuit :
« Si une opposition entre deux termes a existé, c’est entre réformiste et révolutionnaire, entre syndicalisme de classe et syndicalisme du bien commun en tant que corps intermédiaire », entre la Charte d’Amiens et la Charte du Travail. Ceux-là, modernisés, (comme le dit Jaurès, ils ont su s’adapter) « sont porteurs d’un projet de société, impliqués dans la gestion de l’entreprise ou de l’Etat, autogestionnaires hier, cogestionnaires aujourd’hui », ils prônent « la négociation au niveau de l’entreprise » et pour maquiller leur projet totalitaire « revendiquent » sans rire, « de nouveaux droits pour les travailleurs ». La manipulation pour être grossière, n’en est pas moins bien réelle. Leurs « revendications » peuvent – le risque n’est pas écarté – recouper les projets de ceux qui, avec des mouvements anti-syndicaux « citoyens » revendiquent un code du travail « modernisé » pour le XXIème siècle.
« L’antonyme de réformiste c’est réactionnaire » écrit Mailly. Il a raison. Comme il a raison de conclure :
« Etre réformiste militant impose l’indépendance du syndicat. Etre réformateur, non ».

J M avril 2016.

2ème partie : une CGT dominatrice ; quand la CFDT évoque Alexandre Hébert et l’UD CGT-FO 44 … actualité du syndicalisme d’entreprise.

*pour plus de détails, voir : corporatisme d’hier et d’aujourd’hui, édité par l’UD CGT-FO 44 notamment le chapitre X consacré à la CFDT ; et, sur le site de l’UD (rubrique histoire : 1964, CFTC, CFDT, le congrès de l’évolution ; quand les « moutons noirs » de la centrale cléricale gobent la fable de la déconfessionnalisation. Un document étonnant …
**Une loi de décembre 1968 instaure la section syndicale d’entreprise. Le pouvoir gaulliste qui mijote l’intégration corporatiste des deux confédérations ouvrières – CGT-FO et CGT – par la grâce d’un sénat rénové et participatif, y voit un moyen privilégié, d’arriver à ses fins. Pour la CFDT, c’est évidemment une grande « victoire ».
***Manuel Valls a participé aux festivités organisées à l’occasion du cinquantenaire de la CFDT. Un grand moment d’émotions citoyennes.

chaud ! chaud ! chaud !

leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre

>Suite

Calendrier de l’UD : cliquez sur les jours

<< Avr 2024 >>
lmmjvsd
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30 1 2 3 4 5