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25 / 09 / 2023

Frédéric Souillot : « La hausse des salaires, c’est une urgence vitale »

© F. BLANC
 

■ Pourquoi FO maintient au premier plan sa revendication d’une hausse des salaires ?

Frédéric Souillot : La hausse des salaires, c’est une urgence vitale. Et c’est dès l’an dernier qu’il aurait fallu les augmenter, dès le début de l’inflation. Et il fallait remettre l’échelle mobile des salaires [indexation des salaires sur l’inflation, dispositif introduit en 1952, NDLR], arrêtée en 1982. Alors que la consommation des ménages prend part pour 62 % dans le PIB, nombre d’entre eux ne peuvent plus consommer, ils sont contraints de gérer des priorités. Concernant le Smic, indexé sur l’inflation, il faut croire qu’Emmanuel Macron est d’accord avec nous sur la nécessité d’un coup de pouce au Smic puisque la prime d’activité a été étendue. Mais ce n’est donc pas un coup de pouce par le salaire. Or, on ne fait pas la manche quand on travaille ! Un coup de pouce au Smic, un vrai, est de la responsabilité de l’État. De même que le blocage des prix. Si l’État veut intervenir demain matin, il peut bloquer les prix, baisser les taxes, par exemple la TVA de 20 % sur la TIPCE (taxe sur le carburant). La TVA, c’est l’impôt le plus injuste de la République.

■ Quels sont les effets des allégements de cotisations sociales patronales ?

F. S. : Avec l’exonération totale de cotisations patronales jusqu’à 1,6 Smic, dit le « tunnel des exonérations », il y a de plus en plus de gens qui gagnent 1,6 fois le Smic, maximum. Et comme l’État doit compenser ces allégements, il en ressort un discours sur la dette qui grossit. Oui, effectivement, car il y a de plus en plus de travailleurs qui sont à 1,6 Smic, pas plus ! Et l’exonération de cotisations ne crée pas plus d’emplois. Cette politique d’exonérations prétendait participer à remettre à niveau la balance du commerce extérieur. C’est un plantage. Elle est toujours déficitaire [de 54 milliards d’euros au premier semestre 2023, NDLR]. Il faut rompre avec cette politique des allégements. Quant aux patrons qui se plaignent de leurs difficultés à recruter… Cela renvoie à l’attractivité des métiers, par le salaire et les conditions de travail.

■ Que penser des thèmes de la conférence sociale qui se tiendra le 16 octobre ?

F. S. : Il est entre autres prévu un thème de discussion sur le « fiscalo-social ». Mais de quoi va-t-on parler ?! Des revenus des ménages ? C’est avec la paie qu’on remplit le frigo et c’est avec le salaire différé qu’on cotise pour notre protection sociale collective. Abaisser la fiscalité, étendre peut-être à 1,7 Smic les allégements ? Pour après nous ressortir le discours sur la dette ? Pour dire à tous les travailleurs vous devez travailler encore plus longtemps et si vous êtes malade, on va revenir sur les jours de carence ou sur la partie que vous devez payer quand vous consultez le médecin ? Un autre atelier porterait sur la « pauvreté laborieuse », terme inadmissible. Le temps partiel, ce n’est pas un temps partiel voulu mais subi. Autre exemple, faire l’égalité salariale entre hommes et femmes induirait 6 milliards d’euros de recettes en plus dans les caisses des comptes publics.

■ Pourquoi FO insiste-t-elle sur la nécessité de conditionner les aides publiques ?

F. S. : La conditionnalité des aides publiques, appliquée aux entreprises qui délocalisent, et qui donc participent à la désindustrialisation, c’est exiger un remboursement des aides. Aux entreprises qui font des profits et qui versent des dividendes aux actionnaires, il faudrait dire vous n’aurez pas d’aides publiques. Plus largement, il faut conditionner les aides publiques – lesquelles représentent 167 milliards d’euros par an, voire plus de 200 milliards en comptant tout – à l’emploi, aux conditions de travail, aux salaires. Quand certaines entreprises, tel TotalEnergies, usent des aides publiques pour racheter les actions de leurs filiales, c’est inadmissible. Pour l’instant, le gouvernement ne veut pas entendre parler de la conditionnalité. Donc on va passer le braquet supérieur, être à l’initiative. On va réitérer notre revendication de conditionnalité des aides publiques. On va étudier aussi la manière dont on peut attaquer ces aides, y compris juridiquement, et notamment sur la question de l’égalité. Troisièmement, pourquoi pas une initiative populaire avec mobilisation, manifestations.

■ L’axe actuellement suivi est-il un axe d’austérité ?

F. S. : C’est une politique d’austérité. C’est la transformation d’une prévision politique voulant remettre en cause toute notre protection sociale collective, les services publics et revenir sur les droits des travailleurs, en une politique d’austérité. La Banque centrale européenne/BCE dit « maintenant le quoi qu’il en coûte, c’est terminé, vous devez rembourser », et cela se transforme en politique d’austérité ! Or, faire peser l’austérité sur les travailleurs, c’est comme une fuite en avant. C’est prendre le risque de nouvelles vagues de protestation sociale. C’est dire aux citoyens, aux salariés : ce que vous pensez, on s’en moque. On l’a vu avec les passages en force, à coups de 49.3. Les attaques visant les droits, c’est à l’image de la ligne du président de la République : ordonnances travail, fusion des instances, Assurance chômage, réforme des retraites… Or, actuellement, il y a par exemple des groupes parlementaires qui nous entendent sur la conditionnalité des aides publiques. Concernant le cadrage de la négociation sur l’Assurance chômage, les organisations patronales et syndicales, mais pas pour les mêmes raisons, sont d’accord pour bousculer le cadre. Si l’on parvient à signer une convention – signée majoritairement par les organisations syndicales ou par toutes les organisations syndicales et le patronat –, je voudrais bien voir l’exécutif dire qu’il refuse la convention car elle sort du cadre ! S’il ne prenait pas la convention signée par les organisations syndicales, cela se jouerait alors devant le Parlement, avec l’absence de majorité absolue à l’Assemblée…

■ L’urgence est-elle aussi au retour d’un État stratège ?

F. S. : Un haut-commissariat au Plan a été remis en place, mais à quoi sert-il ! Et ce n’est pas avec un Conseil national de la refondation que l’on va arriver à se projeter dans l’avenir ! Il faut une rupture, que l’on revienne à la cohésion sociale dans notre République, avec notre protection sociale collective, le paritarisme et en redonnant la place qui est la sienne à la négociation collective, à la pratique contractuelle et conventionnelle. Certains veulent continuer de rogner les acquis sociaux des travailleurs, au titre d’une dette qu’ils construisent eux-mêmes avec notamment les allégements de cotisations, et cela pour que soient toujours versés des dividendes. Il faut changer complètement ce système et revenir à la philosophie du Conseil national de la Résistance/CNR, avec des prévisions, des planifications. Oui, il faut un État stratège. Il faut stopper le financement des bas salaires car c’est le serpent qui se mord la queue au plan de la dette. Et qui plus est, ce financement est une trappe pour les bas salaires et conduit à l’écrasement de la totalité des grilles. Et il est inadmissible que l’on demande à ceux que l’on ne paye pas correctement de rembourser la dette, en travaillant par exemple plus longtemps, en revenant sur les statuts, sur les 35 heures…

Propos recueillis par Valérie Forgeront

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