>Histoire

23 / 09 / 2023

Espagne 1931-1938. Troisième partie. ¾.

Indépendance syndicale ou collaboration.

Alors que les ouvriers cherchent à se mobiliser sur leur propre terrain, au « sommet », les directions anarchistes, POUM et socialistes du courant Caballero ne renoncent pas à un accord politique avec les staliniens. Un ministre anarchiste, Juan Peiro, résume cette catastrophique politique de subordination, le 23 février 1937 :

« Notre victoire dépendait encore de l’Angleterre et de la France, mais à condition de faire la guerre et non la révolution. La voie à suivre est celle-ci : faire la guerre et, tout en faisant la guerre, nous limiter à la préparation de la révolution ». Cette formulation, d’une hypocrisie digne des jésuites ne peut que désarmer ceux qui, à la C.N.T. ou à l’U.G.T. n’entendent pas abdiquer et se « contenter » d’être la chair à canon de la police politique du Kremlin.

Même constat du côté de Caballero qui, malgré des discours enflammés, reste sur le terrain de la combine entre appareils. Les conséquences dans l’U.G.T. et dans la C.N.T sont immédiates ; c’est la confusion, voire, la démoralisation. Les témoignages de militants qui étaient en première ligne tels que, Orwell, Stein et même Gorkin, concordent sur ce point.

Dans les faits, ni les dirigeants socialistes du PSOE ou ceux de l’U.G.T. ni les anarchistes de la Fédération Anarchiste ni ceux de la C.N.T. n’ont eu le cran de s’opposer à la chape de plomb du stalinisme. Pourquoi ? Sans doute parce qu’ils ne voulaient pas s’engager dans la voie de la rupture complète avec l’ordre établi.

Cela ne les a pourtant pas mis à l’abri de la répression qui a frappé indistinctement tous les opposants et opposants potentiels à la politique dite d’ « unité contre le fascisme ».

Le mot d’ordre creux : « unité contre le fascisme » signifiait en réalité, unité des exploités avec leurs exploiteurs … en attendant d’hypothétiques temps meilleurs dans un lointain futur … peut-être. En réalité, jamais.

Et si le PCE et le PSUC sont parvenus à concentrer tous les pouvoirs de l’appareil d’état, et à agir avec leur propre police parallèle, c’est certainement en grande partie du fait de l’inconséquence – pour rester modéré – des « états-majors » de « gauche », syndicaux et politiques.

Quelques « démocrates » ou plutôt charlatans ont tenté après la défaite de l’expliquer ainsi :

  • Ce sont les « démocraties », la France et l’Angleterre, (ils oublient les Etats-Unis. On ne se fâche pas avec le grand patron) qui ont « trahi » la cause républicaine, ce sont eux les responsables de la défaite. Comme si on pouvait attendre autre chose des « démocraties ». Ou,

  • C’est l’intervention militaire du fascisme allemand et italien qui a permis la victoire militaire de Franco.

Les états-majors fascistes se sont montrés beaucoup plus conséquents que les « démocrates républicains ». Ils ont agi en fonction de leurs intérêts avec les méthodes qui sont les leurs, celles de la guerre impérialiste qui bombarde les populations, puisque la guerre n’est que la prolongation de la politique par d’autres moyens. Mais la « France » et l’ « Espagne » aussi venaient de bombarder les populations civiles du Rif au Maroc, n’hésitant pas à utiliser des armes chimiques. La France encore venait de mener une guerre dévastatrice au Congo (1928-1933) restée presque totalement dans l’oubli …

Quoi d’étonnant ? Les « démocraties » et les « totalitaires » emploient fréquemment les mêmes méthodes !

Juillet 1936.

Des critiques plus sérieuses.

« Le Versailles de Thiers ou le Paris de la Commune … »

Parmi les documents publiés par François Godicheau figure la lettre d’un militant anarchiste italien, Berneri, adressée aux ministres anarchistes et plus particulier à Federica Montseny, ministre de la santé du gouvernement Caballero.

C’est un document qui par bien des aspects conserve une actualité brûlante puisqu’elle pose la question toujours centrale de l’indépendance du mouvement ouvrier par rapport à toutes les fractions de la bourgeoisie, « progressiste » ou pas.

Camilo Berneri a été assassiné à Barcelone par les staliniens. Il écrit :

«  Dans ton discours du 3 janvier, tu disais :

( … ) Les anarchistes sont entrés au gouvernement pour empêcher que la révolution déviât et pour la poursuivre au-delà de la guerre, et encore pour s’opposer à toute éventualité de tentative dictatoriale d’où qu’elle vienne.

( … ) Eh bien camarade, en avril, après trois mois d’expérience collaborationniste, nous nous trouvons en présence d’une situation où se produisent des faits graves, tandis que d’autres, pires encore, se dessinent déjà.

  • ( … ) la contre-révolution opprime et menace de tout écraser. Le gouvernement (d’union républicaine) est (réfugié) à Valence et c’est de là que partent les gardes d’assaut destinés à désarmer les noyaux révolutionnaires formés pour la défense.

  • ( … ) Tu participes à un gouvernement qui a offert à la France et à l’Angleterre des avantages au Maroc, tandis que, dès juillet 1936, il aurait été nécessaire de proclamer officiellement l’autonomie politique marocaine (1).

Berneri poursuit :

La Dépêche de Toulouse du 17 janvier écrivait : « la grande préoccupation du ministère de l’intérieur (c’est-à-dire du PCE) est de rétablir l’autorité de l’Etat sur celle des groupes et sur celle des incontrôlables de toute provenance ». Berneri poursuit :

( … ) l’heure est venue de décider si les anarchistes sont au gouvernement pour être les vestales d’un feu qui menace de s’éteindre, ou bien s’ils y sont désormais seulement pour servir de bonnet phrygien à des politiciens flirtant avec l’ennemi ou avec les forces de restauration de la République de toutes les classes. (Allusion à la république de 1931).

Le dilemme guerre ou révolution n’a plus de sens. Ou bien la victoire sur Franco grâce à la guerre révolutionnaire, ou bien, la défaite.

Le problème pour toi et pour les autres camarades est de choisir entre le Versailles de Thiers et le Paris de la Commune, avant que Thiers et Bismarck ne fassent l’union sacrée … »

La critique est rude mais justifiée.

A plusieurs reprises, des dirigeant de la FAI ou de la C.N.T. comme Garcia Oliver avaient plastronné : « Nous aurions pu prendre le pouvoir en juillet 36, nous aurions pu prendre le pouvoir en juillet 37 … » ce qui amène Morrow à écrire :

« C’est ainsi que les anarchistes imploraient Negrin et Staline de reconnaître et récompenser leur trahison de la révolution. Tableau repoussant … » (Morrow, page 304).

Plus les « sommets » des organisations se prosternent devant le Front populaire, et plus la répression frappe les militants.

La demande polie des ministres anarchistes d’une « réforme » de la police, donc de l’Etat bourgeois qu’ils étaient censés combattre est d’autant plus dérisoire.

5 novembre 1936, Berneri polémique contre les partisans du « vaincre Franco d’abord ». Il écrit :

« Gagner la guerre est nécessaire, cependant, on ne la gagnera pas en restreignant le problème aux conditions strictement militaires de la victoire mais en les liant aux conditions politiques et sociales de la victoire ». Et il alerte de façon prémonitoire, ses camarades anarchistes qu’il juge bien « naïfs » : « l’ombre de Noske se profile … » (Noske : « socialiste » allemand ; politiquement responsable de l’assassinat de Rosa Luxembourg et Karl Liebnecht) ».

En mai 1937, à Barcelone, un petit groupe de militants regroupés autour des militants Durruti et Berneri résistent au terrorisme de la police stalinienne. Ces militants deviennent la cible privilégiée des agents du PSUC. Ils sont exclus de la C.N.T.

La victoire contre le franquisme était-elle possible ?

Lorsque George Orwell se rend sur le front d’Aragon, il est aux côtés de ses camarades du POUM et de nombreux militants syndicalistes espagnols, ou venus de toute l’Europe. Sa colonne est dirigée par un syndicaliste britannique, Bob Edwards, futur leader de la fédération des industries chimiques des Trade-Unions ; ils veulent conserver leur indépendance même dans ces circonstances périlleuses, c’est-à-dire ne pas obéir au PCE.

Orwell constate :

D’abord, « Il fallut attendre le troisième jour pour que les fusils arrivent ». Orwell récupère un Mauser allemand qui portait la date de 1896 ! 

Les staliniens mènent à ce moment une campagne de diffamation sur le thème : « à l’arrière, la Vème colonne – « les agents hitlériens du POUM » – gardent les armes pour favoriser la victoire militaire des « fascistes », (c’est-à-dire des franquistes).

A cette calomnie, Julian Gorkin, dirigeant du POUM à Barcelone au moment de la provocation du PSCUC en mai 37, indique que les militants de la C.N.T. présents pour défendre le central téléphonique qu’ils contrôlaient, disposaient en tout et pour tout de vingt–six fusils. Il précise : « Nous n’ignorions pas que pour le maintien de l’ordre public, les organismes officiels comptaient sur onze mille hommes environs : sept mille gardes d’assaut, quatre mille gardes civils. Une partie de ses forces étaient sous le contrôle du stalinisme dont les agents possédaient la technique d’infiltration et de puissants moyens de corruption. Ils disposaient par ailleurs des armes ». (Julian Gorkin, « les communistes contre la révolution espagnole », page 60. Parution en 1978).

Gorkin oublie cependant l’essentiel. Si la « base » C.N.T-F.A.I. et P.O.U.M. était mobilisée pour défendre les acquis révolutionnaires, les « sommets » de ces organisations, ne comprenant sans doute pas bien ce qu’était le stalinisme – Gorkin écrit toujours : communiste sans guillemets – étaient à la recherche d’un illusoire accord avec « l’arc républicain » de gauche : PSUC-gouvernement « républicain ».

C’est un peu comme si des ouvriers en grève pour des augmentations de salaire voulaient constituer une alliance avec des jaunes dont la fonction unique est évidemment de briser la grève.

Orwell est plus lucide que Gorkin lorsqu’il affirme : « Avec la chute du gouvernement Caballero, les communistes (sans guillemets non plus) étaient nettement arrivés au pouvoir ; la charge de l’ordre intérieur étaient à présent aux mains des ministres communistes et il ne faisait de doute pour personne (pour personne ? Pas si sûr !) qu’ils écraseraient leurs rivaux politiques dès que la moindre occasion leur en serait fournie … le parti communiste, avec la Russie soviétique derrière lui, s’était jeté de tout son poids à l’encontre de la révolution … comprenez bien qu’en parlant ainsi, ce n’est pas contre les communistes de la base que j’en ai et encore moins contre les milliers de communistes qui moururent héroïquement pour la défense de Madrid. Mais ce n’est pas eux qui dirigeaient la politique de leur parti. Quant aux communistes haut placés, comment croire qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient ! … les seuls à parler en révolutionnaires, ce furent les amis de Durruti ».

Et pour enfoncer le clou, Orwell note à juste titre : « ( … ) C’est que, parmi les partis du côté gouvernemental, les communistes ne se trouvaient pas à l’extrême gauche, mais à l’extrême droite. Rien là d’ailleurs qui dût surprendre, puisque la tactique du parti communiste dans les autres pays, particulièrement en France, a clairement montré que le communisme officiel doit être tenu, actuellement en tout cas, pour une force antirévolutionnaire ».

André Marty, l’un des principaux responsables du meurtre de centaines de militants ouvriers, un dirigeant parmi les plus « haut placés » fut pourtant en 1952-1953 évincé du PCF sous l’accusation d’être un « flic infiltré ». Misère de la servitude …

Sur le front.

Orwell note ce fait capital : « la principale distraction, c’était l’arrivée des déserteurs fascistes qui descendent du front sous bonne garde. Dans ce secteur, une bonne part des troupes du côté adverse n’étaient pas du tout fascistes, mais composées de malheureux conscrits qui étaient en train de faire leur service militaire au moment où la guerre avait éclaté et qui n’étaient que trop désireux de s’échapper. De temps à autre, par petites fournées, ils risquaient à se glisser jusqu’à nos lignes. Sans doute eussent-ils été plus nombreux à le faire si leurs parents ne s’étaient pas trouvés en territoire fasciste … ce qui me frappa, c’est que la seule chose qui permît des les distinguer de nous, c’était le fait qu’ils portaient une salopette kaki ».

Autrement dit, ces embrigadés de force – plusieurs centaines de milliers – ne soutiennent pas le franquisme. Une politique nette de rupture avec l’ordre ancien – socialisation de l’industrie, distribution des terres … – n’aurait-elle pas abouti à la dislocation de l’armée franquiste ? et donc à sa défaite militaire ?

Julian Gorkin a noté : « Nous observions non sans étonnement que de nombreux officiers de tradition et de mentalité réactionnaires, tombaient plus facilement que les autres sous l’implacable discipline communiste ».

Pourquoi s’étonner ? La très nombreuse et parasite caste des officiers nostalgiques de l’ordre ancien obscurantiste et monarchique – quelques milliers – avait le choix entre servir Franco, directement, ou se placer sous la direction des « communistes » garant du maintien de l’ « ordre ».

Mais pourquoi le PCE et PSUC ont-il agi ainsi ? Staline et ses courtisans voulaient prouver aux gouvernements anglais et français, notamment, qu’il était le plus apte – parce que parlant au nom de 1917 – à contenir et même écraser tout mouvement révolutionnaire, partout dans le monde.

La victoire était possible à condition de répondre aux revendications sociales du « peuple » espagnol.

Gorkin raconte comment le PSUC s’est emparé de tous les leviers de l’Etat « républicain ». Un décret, non validé par le « parlement » a été adopté le 23 juin 1937, permettant de « réduire à l’impuissance, voire de liquider tous les opposants (même potentiels) au gouvernement Negrin, d’imposer les mesures de guerre et de faire régner la terreur sur le front comme à l’arrière ».

Il s’agissait de donner à l’état d’exception une apparence de légalité républicaine.

C’est P. Togliatti, l’homme de confiance du Kremlin qui était à la manœuvre.

Gorkin précise : « Des tribunaux pour espionnage ou haute trahison furent créés en application de ce décret et les cinq magistrats qui y siégeaient – trois civils et deux militaires – furent nommés directement par le gouvernement ». En réalité, ce sont les agents de la police politique dite « soviétique » qui prennent les décisions. Les potiches républicaines « modérées » font parfois mine de protester, puis se taisent. Il ne faut pas fâcher Moscou qui « fournit des armes » ! … que l’on sait datant d’un autre siècle. Le scénario est bien rôdé. En réalité, les « personnalités » bourgeoises du gouvernement « républicain » sont ravies d’avoir un corps franc de militants « communistes » sans état d’âme, bien organisé, et capable de réprimer toute tentative de « débordements » (2).

Le décret vise de nombreux « délits » qui permettent l’emprisonnement, voire l’exécution de toute personne ayant sous une forme ou sous une autre exprimé un peu de vue non conforme à la doctrine officielle.

Le décret pointe : «  le fait de se rendre coupable d’actes hostiles à la République, à l’intérieur ou hors du territoire national ».

Une simple grève pour l’augmentation des salaires peut devenir un acte hostile. Quand s’instaure un régime antidémocratique, les militants syndicalistes constituent toujours une cible privilégiée de l’Etat.

Un article mettant en doute le génie du petit père des peuples, Staline, rentre dans la catégorie des actes criminels parmi les plus odieux. Le gouvernement « républicain interdit la circulation des journaux étrangers dans la zone républicaine, à l’exception des organes communistes ». (Gorkin n’emploie toujours pas les guillemets. Ce n’est pas une erreur, mais bien une orientation).

Le décret pointe « les actes ou manifestations tendant à affaiblir ou à miner la discipline collective ». Dans ce cas, les peines prévues oscillent entre six ans de prison et la peine de mort, valables aussi bien pour les délits que « pour les tentatives avortées de conspirations ou intention de conspirations ». Avec la police de Staline, on arrive vite dans le monde de Kafka.

Aggravant le tout, le décret a prévu « un caractère rétroactif au délit ».

C’est l’arbitraire le plus complet, celui des procès de Moscou. Les mêmes mots, les mêmes actes. José Diaz, chef stalinien servile s’il en est, en rajoute : « le peuple demande que le peloton d’exécution fonctionne contre les traitres ».

Notons que la secte des dominicains qui pendant des siècles a traqué dans toute l’Europe les hérétiques, les juifs et les maures, laissait aux supplicié(e)s une chance de survie en renonçant publiquement à leurs « erreurs ». Avec la police de Staline, ce n’était pas possible.

Pitoyables sont les jérémiades des chefs républicains. Juan Negrin, « chef » du gouvernement, qui fait semblant de s’inquiéter de la « disparition » d’Andres Nin : « Qu’avez-vous fait de Nin ? » s’interroge-t-il ?

Negrin remarque après coup : « La police soviétique agissait à Barcelone comme chez elle, sans même prévenir les autorités du pays ; elle arrêtait les citoyens espagnols et les transférait de ville en ville et de cachot en cachot sans autorisation ni mandat ». Le constat est exact. Le paillasson Negrin était-il seulement un mélange de sot utile et de cynique, de frivole ou d’ambitieux, placé et exploité par les staliniens ?

Negrin, farouche partisan du maintien de la propriété privée des moyens de production, hostile viscéral aux « excès » des revendications ouvrières se couche, en permanence. Etait-il raisonnable d’en attendre autre chose ?

Juan Negrin, « socialiste », l’homme de paille du PSUC, avait remplacé Largo Caballero. Caballero avait eu le mauvais goût de ne pas accepter le meurtre des militants du POUM. Negrin préside le gouvernement « républicain » d’ « union » d’avril 1938. Ce rassemblement hétéroclite des résidus de la bourgeoisie, (un observateur attentif utilise l’expression, « l’ombre de la bourgeoisie ») dirigé par le NKVD, adopte un « programme » en treize points accepté par les ministres anarchistes. Le point 7 proclame : « garantie de la propriété légitime et protection des moyens de production … »

Quant aux ministres anarchistes, ils ont eu des mots très durs pour condamner l’assassinat de Nin … Il est vrai qu’en mai 1937, la C.N.T. refuse de rentrer « dans le gouvernement Negrin. Il n’y a pas de ministre « anarchiste » au moment du meurtre de Nin. Mais, pas encore rassasiés, ils y retournent en avril 1938, dans un gouvernement Negrin II remanié. (Broué, Témine, page 488).

Le PCF s’illustre.

La publication par la BnF de la collection complète de l’Humanité de la période (pauvre Jaurès !) permet de suivre de jour en jour les prises de position des staliniens. Quelques morceaux choisis :

L’Humanité, 5 mai 37. Le quotidien titre : « la fête du travail au pays du socialisme … » La fête du travail à Vichy, on connaissait, mais à Moscou …

Le 6 mai, le quotidien en appelle à « un parti unique du travail … » (comme notre franchouillard Roussel national). Un travail d’approche a été effectué en direction des « camarades » socialistes. N’oublions pas qu’il y a peu, les « camarades » socialistes étaient traités de « social-fascistes », plus dangereux encore que les fascistes. C’est cette géniale doctrine qui a été appliquée en Allemagne jusqu’en 1933.

Le 19 mai, Le journal titre très sérieusement : « le gouvernement Négrin, une crise de croissance du Front populaire … » L’ignoble Marcel Cachin, qui ne mérite en cette année 1937 aucun prix de « la révélation politique de l’année », tant il sévit depuis de longues années déjà, déclare : « Les organisations syndicales doivent aujourd’hui, plus que jamais, reconnaître la nécessité du Front populaire » et se placer sous l’autorité du gouvernement.

Le 19 mai, l’Humanité crie victoire. « Claridad, l’organe officiel de l’U.G.T. donnera son soutien, inconditionné au gouvernement Négrin ».

A l’arrière du front, le gouvernement établira l’ « ordre ». « L’ordre, l’ordre, l’ordre » ! Plus simple à retenir que le « ordre, autorité, Nation » du déjà presque fasciste Marcel Déat de 1933 ».

Le 20 mai, L’Humanité claironne : « les deux organisations syndicales, U.G.T. et C.N.T. donnent leur appui sans condition au nouveau gouvernement ! ».

L’Humanité donne la parole à Négrin.

Question : Nous demandons si la collaboration de l’U.G.T. et de la C.N.T. sera un jour possible.

Réponse : « Nous pouvons compter maintenant sur la collaboration externe. J’espère qu’un jour prochain, l’U.G.T. et la C.N.T. comprendront la nécessité de modifier leur position et collaboreront avec nous à l’intérieur du cabinet ».

Pendant ce temps, dans les prisons privées des policiers staliniens, les interrogatoires et meurtres de militants mal pensants s’accélèrent.

Négrin n’oublie pas de rassurer les lecteurs inquiets : « En catalogne, le gouvernement actuel pourra empêcher les ennemis de la République introduits dans certaines organisations de nuire ». Les « nuisibles », ça ne date pas d’aujourd’hui.

Les militants anarchistes et poumistes sont en danger. Lorsque que les staliniens veulent se débarrasser de l’un d’entre eux, c’est tout simple, le militant est qualifié de « trotskyste ». Qu’il le soit ou pas, aucune importance. Il pourrait l’être. C’est le meilleur moyen de terroriser les militants y compris ceux du PCE ou les syndicalistes qui pourraient être tentés de réfléchir par eux-mêmes.

D’autre part, leur complicité bien sûr « évidente » avec les espions nazis ou fascistes, ou les deux à la fois, permet de justifier les procès de Moscou.

Les bons ministres bourgeois du Front popu sont ravis. Il semble que certains même soient surpris par tant de duplicité. Mais, en politique, ce qui compte avant tout, c’est l’efficacité (3).

Les militants anarchistes ont été soumis à toutes les pressions, les menaces et pire encore. Certains ont cédé. Pas tous.

Affiche conforme à la doctrine de la C.N.T. 1933. Ne votez pas !

Federica Montseny, C.N.T. ministre de la Santé et de l’Assistance sociale. En 1936 madame la ministre se distingue par des discours nationalistes franchement réactionnaires. En France la revue, la révolution prolétarienne, dénonce à juste titre « une sorte de glissement vers l’union sacrée ». « Une sorte de … » est d’ailleurs de trop. Selon, Montseny, par la grâce du Front populaire, les différences de classes et de partis seraient abolies. Unies, les différentes composantes du front populaire défendraient une Espagne « grande », « productrice » et « rénovatrice » contre « les Maures ». Elle proclame : «  Nous sommes unis sur le front et dans la lutte, union magnifique qui fait disparaître toutes les classes, tous les partis politiques, toutes les tendances qui autrefois nous divisaient  ». Difficile de concentrer plus de bêtise en si peu de mots. (Source : la révolution prolétarienne N°230, septembre 1936).

Après la défaite, l’Etat corporatiste franquiste a misé sur l’intégration de la C.N.T. à la « gouvernance ». L’idée n’était pas absurde quand on voit ce que madame la ministre était capable de dire en 1936. Le ministre anarchiste Juan Peiro a refusé de collaborer à la mise en place des « syndicats » verticaux franquistes. Pour cette raison, il a été fusillé en 1942.

1 A ce moment le gouvernement de Front populaire dissout en France l’E.N.A, l’Etoile Nord-Africaine de Messali Hadj qui se prononce pour l’indépendance de l’Algérie. Le PCF s’illustre par ses propos diffamatoires, assimilant les militants indépendantistes à des hitlériens.

A ce moment, des militants de l’E.N.A « sont en train de se battre dans les rangs des brigades internationales ». (Temine, Broué, page 241). Sous Vichy, en 1940, les militants indépendantistes algériens sont pourchassés, certains déportés dans les camps de concentration, pendant que le PCF négocie, (sans succès, malgré l’avis favorable d’Otto Abetz, « ambassadeur » nazi à Paris), la parution légale de l’Humanité.

2 De retour à Moscou, après la défaite organisée, beaucoup sont réduits au silence. Ils en savaient trop.

3 Parmi les chiens de garde du stalinisme, une mention particulière pour les « chrétiens personnalistes » de la Revue Esprit En 1938, le N° 66 publie un article tout entier consacré à calomnier les membres du P.O.U.M. et de la F.A.I.

Extrait : « L’anticommunisme des trotskystes du P.O.U.M. ressemble malheureusement par trop à l’anticommunisme de M. Goering. Les phrases révolutionnaires dont ils enveloppent leur marchandise ne doivent pas nous rendre dupes et nous cacher leurs véritables intentions … »

Victor Serge, sorti des camps staliniens suite à une vigoureuse campagne internationale, remarque que « le style est exactement, en l’occurrence celui du procureur Vychinski », l’organisateur des procès de Moscou. Bien vu.

Par contre, Serge « trouve déplorable que des intellectuels qui se revendiquent du personnalisme, leur facilitent la besogne en les aidant à déshonorer les victimes passées et futures des répressions » staliniennes. Victor Serge avait un côté profondément naïf.

Quatrième et dernière partie : l’ordre monarcho-corporatiste établi par Franco et les tentatives d’intégrer la C.N.T … la rencontre de Gaulle-Franco etc. Et documents. Joachim Salamero et la CNT de l’après franquisme.

JM 23 -09- 2023

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