économie 13 / 03 / 2016
Comité de suivi des aides publiques : Fin annoncée du CICE, et après ?
Le Comité de suivi des aides publiques aux entreprises s’est réuni le 15 février, présidé par le Premier ministre et en présence de la ministre chargée du Travail et de celui des Finances. Pour le gouvernement, cette réunion constituait un point d’étape global portant à la fois sur le calendrier de travail du comité, l’avenir du CICE, et l’avancée des négociations dans les branches professionnelles.
Pour mémoire, le Premier ministre avait présidé l’installation de ce comité le 4 novembre 2014 qui consacrait l’élargissement du comité de suivi et d’évaluation du CICE à l’ensemble des aides publiques. Il s’était alors engagé à en faire un « observatoire des engagements » pris par les entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité, en matière d’emploi, de formation professionnelle et de qualité de l’emploi [1].
La ministre du travail a fait le point sur l’avancement de la négociation dans les 50 branches suivies. A ce jour, 16 branches professionnelles ont signé un accord soi-disant dans le cadre du pacte et seules trois d’entre elles ont pris des engagements en termes de créations nettes d’emplois.
Le Premier ministre a considéré ce bilan insatisfaisant et y a vu le signe que les engagements pris par les employeurs en contrepartie des aides n’étaient pas respectés. Force est de constater que le ton adopté et le discours de l’exécutif étaient plus fermes devant les médias à l’issue des échanges que lors de la réunion pour ce qui est de l’hypothèse d’un conditionnement des aides ou de leur réorientation. Du reste, il n’a pas été précisé sur quelle catégories d’aides et à quelle échéance une telle menace pourrait s’appliquer…
A priori, il pourrait s’agir des abattements de C3S [2] (4,5 milliards) et de l’impôt sur les sociétés [3] (2,5 milliards) et uniquement en 2017 ! Soit un hypothétique redéploiement de 8 milliards d’euros selon l’évolution des négociations de branche sur les 41 milliards d’aides qui seront attribuées aux entreprises l’année prochaine dans le cadre du pacte de responsabilité, CICE compris.
Et cette menace relative ne concerne aucunement, selon toute vraisemblance, le CICE qui représente le plus grosse part du gâteau (27,4 milliards déjà consentis aux entreprises à ce jour dont 17,5 milliards en 2015 et selon les projections gouvernementales un coût budgétaire de l’ordre de 20 milliards par an [4] à terme) auquel l’exécutif réserve un autre sort, des plus conforme aux attentes de l’ensemble des composantes patronales.
Le Premier ministre a qualifié le « pacte » de pierre angulaire de la politique économique du gouvernement, considérant que les 40 Milliards d’euros accordés annuellement aux entreprises avaient déjà permis à leurs marges de rebondir. Confirmant la transformation du CICE sous forme d’exonérations de cotisations sociales, conformément au discours du Président de la République le 18 janvier, il a ajouté que ce basculement devrait intervenir le plus vite possible et au plus tard en 2018.
Il a souhaité que les interlocuteurs sociaux nourrissent cette discussion au cours de l’année 2016 et demandé aux ministères compétents et à leurs administrations de produire des scénarios d’évolution et des évaluations, si possible en lien avec le Haut conseil du financement de la protection sociale.
Une nouvelle réunion de suivi devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année.
D’ici là, le comité va poursuivre ses travaux et son vice-président, le commissaire général à la stratégie et à la prospective, a souligné que le plus difficile était encore à venir avec la véritable phase d’évaluation dont les premiers éléments consolidés pour les années 2013 et 2014 devraient figurer dans le prochain rapport en septembre 2016, sous réserve que les données soient disponibles dans les délais imposés par la loi.
Pour ce qui est d’un basculement du CICE en exonérations, le commissaire a également pointé l’importance des difficultés et des questions compte tenu de la structure actuelle des prélèvements sociaux selon le niveau de salaire (absence de cotisations employeurs au niveau smic, gestion de l’année transition, impact des allègements sur la structure productive…).
En réaction, Force Ouvrière [5] a rappelé que concernant les branches, il n’apparaît pas possible d’établir un partage entre de véritables accords et de simples relevés décisions. Par ailleurs, l’essentiel de ce qui est assimilé au pacte de responsabilité ne relève en fait que de la négociation classique qui fait partie intégrante de la négociation de la branche, de sa « respiration naturelle ». Autrement dit, on observe au mieux un effet accélérateur du calendrier des négociations mais en aucun cas une dynamique vertueuse de dialogue et encore moins des créations nettes d’emplois au niveau des branches professionnelles du fait du pacte.
Pour ce qui est du comité de suivi, Force Ouvrière a souligné son utilité et la qualité de son fonctionnement qui permet jusqu’à présent un débat contradictoire. Du reste, il apparaîtrait souhaitable et nécessaire d’intégrer le Crédit Impôts Recherche (CIR) au champ d’investigation du comité compte tenu de son poids budgétaire et des multiples interrogations qui entourent son efficacité au regard des objectifs visés. La sanctuarisation dont il fait objet n’est pas compatible avec la volonté affichée de procéder à une évaluation rigoureuse et impartiale de toutes les aides publiques.
Concernant plus spécifiquement le CICE, nous avons ensuite rappelé qu’à l’origine, suite au rapport Gallois sur la compétitivité de l’industrie fin 2012, FO avait fait part d’une préférence relative pour une aide de nature fiscale, dans la mesure où elle pouvait s’accompagner d’un ciblage, d’un conditionnement et d’un contrôle, à l’image des financements octroyés par la BPI [6]. De fait, le gouvernement avait finalement retenu l’outil fiscal mais sans le cadre contraignant indispensable, ce que nous déplorons et condamnons toujours.
Dès lors que le gouvernement s’oriente désormais vers une transformation du crédit d’impôt en exonération générale de cotisations sociales, FO réitère son opposition ferme à une telle évolution.
Il nous paraît essentiel de réaliser en amont une étude de faisabilité au sein du comité en 2016 afin d’envisager tous les effets potentiels et toutes les conséquences concrètes. Il s’agira en effet de déterminer en pratique quelles cotisations seraient concernées par une baisse de l’ordre de 6 points si le transfert d’allègements s’opère avec un taux équivalent à la ristourne fiscale du CICE et jusqu’à quel seuil de salaire.
Si cette évolution devait néanmoins aboutir, FO sera particulièrement attentive aux modalités de compensation des exonérations pour la sécurité sociale et plus généralement pour les finances publiques.
Cette approche repose sur un présupposé libéral des plus éculés établissant un lien systématique entre emploi et coût du travail. Or cette relation est loin de faire consensus au niveau académique. En estimant « les effets sur emploi a priori plus directs » avec des exonérations, le Premier ministre ne fait que reprendre à son compte un cliché libéral et un vœu patronal.
Cette stratégie enfoncera un peu plus le clou d’une politique qualifiée de choc d’offre qui est pourtant en échec complet et accentue la spirale déflationniste de l’économie au détriment de la demande et au prix de restrictions sans précédent en matière de dépenses publiques.
Le patronat n’exhibe plus ses pin’s annonçant la création d’un million d’emplois grâce au pacte de responsabilité mais semble prêt à entonner le refrain du « pour 100 milliards t’as plus rien ! ».
Fin 2017 ce seront en effet pas moins de 107,5 milliards d’argent public – 65,2 milliards de CICE et 42,3 milliards liés au pacte de responsabilité – qui auront été alloués aux entreprises.
Force Ouvrière contestait le CICE tant dans sa philosophie que dans sa mécanique dépourvue d’un care explicite de contreparties mais force est de constater qu’un nouveau palier serait franchi avec la logique brute des exonérations qui doit théoriquement lui succéder.
Achevé de rédiger le 11 mars 2016