Quelle évolution pour la dépense publique d’ici 2022 ?
Elle devra être en recul et fortement vient d’indiquer en substance le gouvernement, façon de confirmer que l’axe qui a été choisi pour 2018 et traduit par la loi de finances aura un prolongement. Le gouvernement a ainsi présenté le 11 avril dernier en conseil des ministres la trajectoire budgétaire qui présidera au « programme de stabilité » que la France transmettra d’ici la fin du mois à la Commission européenne à Bruxelles. Le document est accompagné comme chaque année d’un « programme national de réforme ». Ce 18 avril, l’Assemblée nationale a approuvé le programme de stabilité tandis qu’au Sénat avait lieu un débat, sans vote.
Au plan des données macroéconomiques soutenant la trajectoire des finances publiques pour 2018-2022, le gouvernement a revu ses prévisions à la hausse. Il compte ainsi sur une croissance à 2% en 2018 (comme en 2017) et à 1,9% en 2019. Cette reprise devrait être portée par « la poursuite de la reprise en zone euro, l’accélération de la demande mondiale, l’investissement des entreprises et le dynamisme du pouvoir d’achat des ménages ».
Le gouvernement indique toutefois que les « aléas autour de cette prévision sont importants ». Des aléas qui pour l’économie française peuvent être positifs ou négatifs telle l’ampleur encore inconnue du Brexit, la mise en place de possibles mesures protectionnistes par les États-Unis…
Après ce « rebond » de la croissance sur 2017-2019 l’activité « ralentirait légèrement mais resterait soutenue estime le gouvernement jugeant ses prévisions « prudentes ».
Au nom de l’engagement européen…
Dans ce cadre, le déficit public (État, collectivités locales et sécurité sociale) devra accélérer son recul « conformément aux engagements européens » avertit le gouvernement. Ce déficit devra ainsi passer de 2,6% du PIB (produit intérieur brut) en 2017 à 2,3% cette année. Le gouvernement précise sa « stratégie » au-delà de 2018. Elle consistera à « maintenir les objectifs d’amélioration structurelle du déficit retenus dans la loi de programmation des finances publiques à l’horizon 2022 ».
Concrètement, le déficit public devrait s’établir à 2,4% du PIB en 2019 puis à 0,9% en 2020 puis à 0,3% en 2021. En 2022, le solde des comptes publics devrait présenter un excédent à hauteur de 0,3% du PIB prévoit le gouvernement.
Dans le détail, cet abaissement du déficit public à un rythme de pas de charge s’appuiera notamment sur un recul de la dépense publique. Ce recul sera de plus de 3 points de PIB d’ici 2022. Cela équivaut à un plan d’économies de 60 milliards d’euros (cela après un plan de plus de 40 milliards d’économies entre 2015 et 2017).
Pour 2018, un objectif de quinze milliards d’euros d’économies est d’ores et déjà prévu, validé par la loi de finances. Sept milliards seraient supportés par l’État, trois milliards par les collectivités locales et cinq milliards par la sécurité sociale.
Ainsi l’évolution de la dépense (hors crédits d’impôts et hors transferts aux autres sous administrations publiques) passera pour l’État de 3,7% en 2017 à 0,4% en 2019. Pour les administrations de sécurité sociale, cette évolution de la dépense passera de 2,1% en 2017 à 1,6% en 2019. Pour les administrations publiques locales, elle passera de 2,5% à 2,2%.
Action publique 2022 : l’outil à craindre
Le gouvernement qui prévoit une baisse de la dette publique « à compter de 2018 », dette qui passerait « sous le seuil des 90% du PIB en 2022 » annonce par ailleurs qu’il va « intensifier ses efforts » pour une « montée en puissance du programme Action publique 2022 ».
Mis en place à l’automne, le programme auquel participent notamment des personnalités qualifiées (dont des personnes du secteur privé et des étrangers) -mais qui exclut la voix des syndicats- a eu pour mission de balayer les possibilités de réformes structurelles dans la sphère publique, y compris par « une privatisation et un abandon » de certaines missions. Cette philosophie appliquée au programme dès sa mise en place a été contestée par FO. Très prochainement, le gouvernement devrait annoncer des mesures de réformes, émanant directement du « Comité d’action publique 2022 ».
D’ores et déjà le gouvernement annonce la couleur dans le cadre de sa présentation de la trajectoire budgétaire d’ici 2022. Ainsi assure-t-il « sur la période 2020-2022, le taux d’évolution en volume de la dépense sous norme de dépenses pilotables (tout ce qui est prévisible par l’État, Ndlr) sera de -1 % par an. Cette évolution sera rendue possible notamment par les réformes documentées dans le cadre du processus Action Publique 2022 ».
Ce processus consiste à « permettre d’identifier des économies structurelles, notamment sur la sphère État mais également pour la sphère sociale, en lien avec les réformes structurelles engagées dans les secteurs concernés ». Action publique 2022 « examinera le périmètre et le fonctionnement de l’action publique afin de dégager des économies structurelles à moyen terme ».
Pour le gouvernement, « la stratégie de transformation de l’action publique permettra d’assainir les finances publiques en diminuant le déficit public et de réduire nettement l’endettement public tout en réorientant les ressources publiques en fonction de leur efficacité et des besoins. ». Nombre de services publics pourraient-ils être supprimés ou privatisés ? Comme le souligne FO, le programme Action publique 2022 est donc au service des restrictions budgétaires.
La fonction publique dans le collimateur
Le recul de la dépense publique d’ici 2022 se fera donc dans la douleur et pour tout le monde. Ainsi « tous les sous-secteurs des administrations publiques, État, collectivités locales, administrations de sécurité sociale, contribueront à ce ralentissement de la dépense ». Ce qu’indiquait déjà la loi de finances pour 2018. Pour cette année « la maîtrise des revalorisations salariales permettra notamment une nette décélération de la masse salariale publique : +0,3 % en 2018 en volume, après +1,2 % en 2017 ».
Le point d’indice (base de calcul du traitement indiciaire de tous les fonctionnaires) a été gelé pour 2018. Cela fait suite à une revalorisation de 1,2% mais en deux temps : +0,6% en juillet 2016 et +0,6% en février 2017. Cette revalorisation, modeste, avait été décrochée par les agents au prix d’une forte mobilisation. Cette augmentation générale des salaires avait eu lieu après six années de gel des salaires.
Actuellement, dans le cadre d’une mobilisation qui s’est déjà traduite par une grève nationale le 22 mars et une autre programmée le 22 mai prochain à l’appel des neuf organisations de fonctionnaires dont l’UIAFP-FO, les agents publics revendiquent des augmentations de salaires, rappelant qu’ils ont perdus 16% de pouvoir d’achat depuis 2000. Le gouvernement prévoit par ailleurs la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici 2022 dont 1 600 dès cette année. Les agents subissent de plein fouet les mesures sévères programmées par le gouvernement.
Un risque pour les dépenses d’investissement
Ce dernier confirme toutefois d’autres mesures austères. « L’Ondam (l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, Ndlr) sera contenu à 2,3% » rappelle le gouvernement ajoutant que l’échelon territorial devra réaliser lui aussi des économies sur sa dépense. « Le Pacte financier entre l’État et les collectivités locales, visant à contenir la croissance de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2% par an sur l’ensemble du quinquennat, sera mis en œuvre pour la première année. »
Ce pacte fait l’objet déjà d’une grande contestation chez les élus des Régions, des Départements et des villes. A la mi-mars l’association Régions de France, l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’association des maires et des présidents d’intercommunalité (AMF) ont alerté sur les conséquences qu’auraient ces pactes basés sur le plafonnement de l’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités.
Pour ces associations, il y a un risque de « nouvelles réductions des investissements et des services à la population : la mise en place de ces contrats risque de conduire à une réduction des services à la population et à renoncer aux investissements ». Or, le rôle des collectivités territoriales dans l’investissement public national est d’importance. Par leurs dépenses –déjà en recul depuis 2014- elles assurent en effet les trois quart environ de cet investissement.
Le gouvernement demande néanmoins aux collectivités territoriales de réaliser des économies de dépenses à hauteur de treize milliards d’euros d’ici 2022. « Cette réduction des dépenses publiques est essentielle non seulement pour faire gagner en efficacité l’action publique, mais aussi pour crédibiliser les baisses de prélèvements obligatoires et maximiser ainsi leur impact sur l’investissement et l’embauche des entreprises » explique le gouvernement.
Les entreprises toujours à la fête
Il prévoit un recul d’un point des prélèvements obligatoires d’ici 2022. Cela passera, explique-t-il, par la réforme de taxe d’habitation (TH), soit l’exonération totale de TH de 80% des ménages d’ici 2020 ce qui inquiète les collectivités territoriale au plan de la perte de recettes et de l’insuffisante compensation par l’État. Le gouvernement rappelle aussi qu’il y aura une « transformation du CICE (le crédit d’impôt pour la compétitivité, Ndlr) et l’emploi en un allègement pérenne de cotisations à partir de 2019 » et « la poursuite de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés visant à atteindre 25% en 2022 ».
En tout, rappelle le gouvernement les ménages et les entreprises bénéficieront d’une baisse des prélèvements à hauteur de 10 milliards. Reste que les grands gagnants sont à l’évidence les entreprises et les ménages les plus aisés.
Confirmé à l’automne dernier le « basculement » en 2019 du CICE en allègements de cotisations patronales poursuit un objectif : il devra « produire une plus grande profitabilité pour les entreprises ». Depuis son entrée en vigueur en 2013, il leur a déjà été pour le moins profitable.
Ainsi à la fin 2018, le CICE -dont le taux a été ramené de 7% en 2017 à 6% pour cette année- aura pesé pour près de 100 milliards sur les caisses de l’État en cinq ans. Cela sans pour autant démontrer sa prétendue finalité qui consistait notamment à créer des emplois ou augmenter les salaires. Il aura permis en revanche aux entreprise m’améliorer leurs marges.
Ménages aisés, ménages choyés…
Les entreprises bénéficieront donc aussi de la politique de poursuite de la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés (IS). Le gouvernement estime que « la charge fiscale pesant sur les entreprises » via l’IS « diminuera de onze milliards » d’ici 2022. Par la suppression de la contribution de 3% sur les dividendes (les revenus distribués) les entreprises verront aussi la « charge fiscale » reculer de deux milliards en 2018. Elles profiteront par ailleurs de mesures contenues dans le projet de loi PACTE qui vise à les soutenir notamment dans leur développement et financement.
Du côté des ménages, 75% de la baisse d’impôts annoncée pour 2018 concerne les ménages les plus aisés. La loi de finances a ainsi acté la suppression de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) et sa transformation en impôt ne taxant désormais que le patrimoine immobilier (IFI) et non plus aussi les valeurs mobilières. Elle a aussi acté la création du « prélèvement forfaitaire unique » (PFU) de 30% appliqué désormais aux revenus de l’épargne. Pour l’État, le manque à gagner de ces deux mesures devrait avoisiner les cinq milliards.
Le gouvernement a assuré que la réforme de l’ISF va permettre aux plus aisés de soutenir l’économie en injectant leur capital dans le financement des entreprises. Reste à le prouver. Parallèlement, le gouvernement a décidé aussi d’une hausse de la fiscalité appliquée à l’énergie diesel ou encore taxe carbone… Ces augmentations impactent directement les ménages les plus pauvres. Il a décidé aussi d’une hausse du taux de la CSG, appliquée notamment aux retraités, à partir du revenu modeste de 1 200 euros par mois.
Les conflits contrecarrent déjà les réformes
A ce « programme de stabilité », le gouvernement a adjoint un Programme national de réforme qui vise en toute modestie à « moderniser le modèle économique et social français et construire une croissance juste et durable ». Pour cela, explique-t-il, il s’appuiera d’ici 2022 sur quatre axes de réformes chargées de divers éléments dont la réforme du droit du travail, la loi Pacte, diverses réformes structurelles, la « réforme du système social et fiscal » via notamment la « réforme systémique des retraites »…
Selon le gouvernement « pour déverrouiller la croissance et la création d’emplois » il faut « repenser le fonctionnement du marché du travail, de la fiscalité et de l’environnement des affaires ».
Il dresse déjà un bilan. Les ordonnances travail « ont été adoptées en 2017 », la « fiscalité a commencé à être allégée et simplifiée afin de stimuler la montée en gamme de l’économie », le Plan Pacte prendra sa part pour « faire grandir les entreprises »…
Reste que toutes ces réformes en vigueur ou à venir entraînent de l’inquiétude et de la contestation chez les plus modestes, les salariés et les retraités notamment.
Les nombreux conflits en cours dans le secteur public ou le secteur privé attestent du malaise.