17 / 02 / 2023
Par des grèves toujours importantes et des cortèges toujours très fournis ce 16 février, les travailleurs ont montré, une fois de plus, combien ils sont résolus à obtenir le retrait de la réforme des retraites voulue par l’exécutif et dont le projet est devant le parlement. Le débat sur le texte a lieu jusqu’à ce vendredi 17 février à l’Assemblée. Le projet sera ensuite transmis au Sénat. Alors que le gouvernement reste sourd face à la contestation massive qui depuis un mois ne cesse de s’étendre, soutenue par les trois-quarts de la population, l’intersyndicale a appelé à durcir le mouvement, en mettant la France à l’arrêt le 7 mars. Dans la manif parisienne, comme en province, tel à Albi où les huit « numéros un » des organisations syndicales manifestaient ce jeudi, cette date était dans toutes les têtes. Et les travailleurs préparent déjà à construire cette mobilisation.
Certains commentateurs voient déjà dans cette journée interprofessionnelle du 16 février, à l’appel de l’intersyndicale (huit organisations de salariés, dont FO et cinq organisations de jeunesse) une sorte de « baisse de régime » de la mobilisation. Pour le moins, elle est légère ! Pour preuve : 300 000 manifestants à Paris, 80 000 à Marseille, 5 000 à Epinal, 12 000 à Montpellier, 2 300 à Sète, 10 000 à Foix dans l’Ariège, 25 000 à Grenoble, 2000 à Dignes les Bains, 70 000 à Toulouse, 1600 à Aurillac, 4 500 manifestants en Dordogne, 4 000 à Mulhouse, 5 500 à Avignon, 1 800 à Dole dans le Jura, 5 000 à Perpignan, 10 000 à Clermont-Ferrand, 3 500 à Châteauroux… 40 000 à Albi, ville de 50 000 habitants où les secrétaires généraux des organisations –dont Frédéric Souillot pour FO– avaient choisi de manifester…
Les taux de grévistes seraient moins marqués ? Là encore tout est relatif et ce 16 février (se déroulant par ailleurs sur une période de vacances pour deux zones) constituait la 5e journée d’actions. Or, la grève impacte lourdement les porte-monnaie des salariés, ceux du public comme du privé. Autre paramètre d’importance, beaucoup de salariés ont dans le viseur le 7 mars, pour un durcissement du mouvement et mettre la France à l’arrêt.
Car pour l’instant, le gouvernement ne semble pas vouloir entendre la contestation concernant son projet retraite, débattu jusqu’à vendredi minuit à l’Assemblée, avant que le texte soit transmis au Sénat (qui aura quinze jour pour l’examiner, soit jusqu’au 12 mars). Au total, le gouvernement ayant fait le choix d’adosser le projet à un projet de loi de finances rectificative sur la sécurité sociale (PLFRSS), ce qui permet un calendrier d’examen réduit, le parlement n’a que cinquante jours pour se prononcer sur le texte.
D’ores et déjà, l’Assemblée qui examine le texte depuis le 6 février a adopté l’article un, soit la suppression des régimes spéciaux. Elle a rejeté l’article 2 relatif à l’index sénior. Les observateurs s’interrogent sur la possibilité, dans le temps qui reste d’ici ce vendredi soir, que l’examen du texte aille jusqu’à l’article 7, élément central de la réforme puisqu’il concerne le recul à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite.
Dans un long courrier qu’elle vient d’adresser aux députés et aux sénateurs, l’intersyndicale leur demande solennellement de voter le rejet de ce projet de loi et plus particulièrement son article 7. Rappelant aussi à la représentation nationale les arguments repris par l’immense majorité des médias, des expertes et experts et qui conduisent à contester ce projet, l’intersyndicale souligne le drame : parce que le gouvernement reste sourd à une argumentation technique solide, ancrée dans la réalité du travail. Le gouvernement reste sourd à cette volonté populaire et l’incompréhension a laissé place à l’indignation, ainsi qu’à la colère dans un contexte d’après-pandémie, de guerre en Europe, de baisse du pouvoir d’achat et de crainte généralisée pour l’avenir.
Ce 16 février comme lors des précédentes journées d’actions, il suffisait de parler avec les manifestants pour mesurer toute la légitimité de la contestation. Pour mesurer la détermination de salariés à lutter contre ce projet injuste et infondé, cela au prix de journées de salaire en moins, et donc d’une baisse de pouvoir d’achat. Alors, s’ils ne font pas toutes les grèves et toutes les manifs, ils s’organisent et sont résolument dans le mouvement.
Fatia en est un exemple. 50 ans, salariée de la Sodexo à Pontault-Combault en Seine-et-Marne, la militante FO est déléguée conventionnelle territoriale dans l’entreprise. J’ai fait une journée de grève et une manif indique Fatia, petit bout de femme tenant son drapeau FO dans le cortège parisien. La réforme avec son recul de l’âge, son accélération du calendrier d’allongement de la durée de cotisation, la non-prise en compte de la pénibilité ?
La militante est totalement contre. Rien d’étonnant. Pour être en retraite, avec tous mes trimestres, il faut déjà que j’attende jusqu’à 67 ans. Carrière hachée, j’ai eu des enfants explique-t-elle. Quant au sujet de la pénibilité, la quinqua en connaît un rayon. Depuis quelques temps, je suis chauffeur-livreur, c’est beaucoup de stress. Et avant d’exercer ce métier, j’étais préparatrice de commandes dans un entrepôt, au froid en permanence. Bilan, j’ai des restrictions médicales car j’ai développé une maladie de Raynaud (trouble de la circulation du sang, Ndlr). Serais-je capable d’aller jusqu’à 67 ans ?
Près de là, Patrick, Jean-Michel et Sabine arborent leur drapeau FO PSA-Hordain. Pour ces nordistes, c’est la première manif à Paris. Lors des précédentes journées d’actions, ils ont participé aux manifs de Cambrai, Valenciennes, Lille et Maubeuge. Pourquoi de tels déplacements ? On veut être la vitrine, représenter tout le site indique Jean-Michel. Et pour ces salariés du secteur de la métallurgie, les mots acérés ne manquent pas pour qualifier la réforme. Le projet est incohérent, inadmissible. Reculer l’âge de départ à la retraite alors qu’à 56 ans, on vire des salariés ?! On comprend le projet : c’est l’appauvrissement pour tous !. La question de la pénibilité non reconnue du travail ne fait pas non plus débat. Nous on connaît très bien la pénibilité, lancent-il en chœur. Il y a celle du travail de nuit (en horaires décalés) mais il y a aussi tout simplement celle des postes, du caractère même du travail. Alors l’allongement de la durée de cotisation n’a aucun sens !
Fabienne, 60 ans est fonctionnaire chez Orange business service. Elle travaille selon un « temps partiel senior » depuis août et pourra être en retraite en 2025. Je suis protégée mais je me bats pour les jeunes. Les gens qui conçoivent ces textes, comme le projet retraites qui est contesté par des économistes, ne sont vraiment pas dans la réalité ! Car y compris dans le tertiaire, il y a des métiers pénible. Nous vivons du stress en permanence. Adhérente FO, si Fabienne dit timidement être protégée, cela ne veut pas dire privilégiée. Son mari est malade, il est en retraite avec une pension modeste. J’ai fait deux manifs mais toutes les grèves. Ça fait mal au porte-monnaie, la période est très difficile, mais c’est important d’être là. Et Fabienne qui se tient près du ballon de la fédération FO Com évoque ses camarades postiers. On est avec eux. Ils n’ont pas lourd de salaires et c’est difficile. Certains jeunes dorment même dans leur voiture.
Dominique, elle, est venue à la manif parisienne avec des collègues, toutes sont infirmières psychiatriques dans la région. On a fait toutes les manifs depuis le 19 janvier indique-t-elle, portant sa blouse blanche. Je pourrais partir à la retraite à 62 ans, j’ai tous mes trimestres. Ce ne serait plus le cas si cette réforme passait. Mon boulot me plait toujours autant, mais beaucoup moins les complications dues à l’organisation de l’administration !. Et Dominique entre humour et colère… Si je me souviens bien, le président avait annoncé il y a quelques années qu’il ne toucherait pas aux retraites !…
Tous ces travailleurs soulignent leur détermination à ne pas lâcher. Le projet de réforme des retraites, ils n’en veulent pas. Ils préparent donc le 7 mars pour une mobilisation visant à mettre la France à l’arrêt. Dans les différents secteurs FO, les militants dressent déjà des listes des entreprises qui prévoient des débrayages ce jour-là. A titre d’exemple, dans le secteur du Bâtiment, travaux publics et bois, le secrétaire général de la fédération, Frank Serra, évoquait dans le cortège les entreprises dont les salariés ont déjà prévu d’être dans la grève : Eurovia à Angoulème, Blue Paper à Strasbourg, la cartonnerie Saica (sept usines en France), Sofidel (produits d’hygiène) à Nancy… Quant aux salariés du bâtiment et travaux publics on va lancer des appels au débrayage sur les grands chantiers dès le lundi 6 mars, afin que les salariés ne soient pas engagés dans de longs déplacements professionnels le 7 mars. On pourrait avoir 600 000 salariés du bâtiment avec nous indique-t-il.
Et ce n’est qu’un des nombreux secteurs professionnels en France…
chaud ! chaud ! chaud !
leurs revendications concernent la réforme des retraites: Appel à la grève dès le 5 décembre
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