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6 / 09 / 2020

Accords de performance collective : des négociations « dos au mur »

Fruits de la réforme du code du travail de 2017, les accords de performance collective se sont multipliés sous le coup de la crise sanitaire.

Les accords de performance collective (APC) ont été créés par l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, pour, stipule le code du travail, répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi. (article L.2254-2).

Fin mars 2019, soit un an et demi après leur création, on en comptait 142 (dont une centaine dans des PME), selon le cabinet Sextant Expertise. En juin dernier, sous le coup de la crise sanitaire, il y en avait 371, soit 229 de plus en deux mois, et dans des secteurs très variés, selon un bilan intermédiaire du comité d’évaluation des ordonnances travail, auquel participe la confédération FO, et publié par France Stratégie fin juillet.

L’APC plus « attractif » pour les entreprises que ses prédécesseurs

Toutefois constate le rapport, si la crise sanitaire a accentué la tendance, l’APC a eu d’emblée beaucoup plus de succès que ses prédécesseurs : accords de maintien de l’emploi (AME) et accords de mobilité interne (AMI) créés en 2013, accords en faveur de la préservation et du développement de l’emploi (APDE) de la loi travail de 2016. En comparaison, seuls dix AME par exemple ont été signés au total.

Et pour cause. L’application directe aux contrats de travail, l’ouverture du champ des possibles en termes d’objectifs et la possibilité offerte de négocier des sujets substantiels rendent le dispositif attractif pour les responsables d’entreprise, indique le rapport. Et de préciser beaucoup plus concrètement : Cet accord remplace les anciens accords de maintien de l’emploi avec un régime juridique moins contraignant.

Un APC peut en effet « aménager » la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération. En clair, il peut augmenter le temps de travail et baisser le salaire. Ces nouvelles règles se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Enfin, en cas de refus du salarié, celui-ci peut être licencié pour cause réelle et sérieuse.

La réponse doit être globale et pas au niveau de chaque entreprise

Les APC ont été signés dans l’industrie (alimentaire, automobile, chimie), la distribution (commerce de gros ou de détail), l’ingénierie, les transports, les services. Trois branches sont particulièrement concernées : les bureaux d’études, la plasturgie et la métallurgie. La majorité des accords signés l’ont été au sein de TPE et PME. Le thème du temps de travail est largement majoritaire, mais certains accords, précise aussi le rapport du comité d’évaluation des ordonnances, vont au-delà du champ réservé aux APC en insérant des dispositions sur la période d’essai, le préavis de licenciement.

Il faut bien comprendre que souvent, on ne donne comme alternative aux syndicats qu’un PSE ou des plans de départ. Ce sont des négociations dos au mur où il faut choisir entre des licenciements massifs ou un APC, dénonçait le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, dans Les Echos du 4 juin. S’opposant à cette doctrine qui consiste à vouloir réduire absolument le coût du travail en cas de crise alors qu’il existe d’autres options, il soulignait : La réponse doit être globale et pas au niveau de chaque entreprise, le véritable enjeu c’est la relocalisation de certains secteurs. Et s’agripper à une modération salariale dès que le contexte économique devient difficile, c’est prendre le risque d’aggraver la récession, puisqu’en France, l’économie est d’abord tirée par la demande intérieure.

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Voir également la contribution de Marguerite Fabre parue sur Ouest syndicaliste de juin ci-dessous

Qu’est-ce que l’accord de performance collective ?

ISSU des ordonnances Macron, applicable depuis septembre 2017, l’Accord de Performance collective (APC) apparaît au jour avec le chantage au « maintien de l’emploi ». Ce nouveau dispositif change la donne.

« La particularité de l’accord de performance collective réside dans son articulation avec le contrat de travail » indique le Ministère du travail et de l’emploi. Plus précisément, cet accord modifie le contrat de travail, mais dans le sens des intérêts de l’entreprise en établissant le « principe de défaveur ». 

En effet quel que soit son contenu (durée du travail, rémunération ou mobilité interne à l’entreprise), dans tous les cas les clauses de l’APC « se substituent aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail », et s’il est bien précisé « avec l’accord du salarié », y a-t-il pour autant accord du salarié ? D’une part, l’employeur peut mettre en œuvre l’APC « que l’entreprise soit à des difficultés confrontée ou non économiques conjoncturelles ou non ». Par contre, la conclusion de l’APC s’impose à tous les salariés de l’entreprise ou du groupe.

Si un salarié manifeste « son refus de modification de son contrat de travail » il est automatiquement licencié sans les garanties d’un licenciement économique ; il sera dans les conditions de base de la convention d’assurance chômage dont les droits devraient fortement se réduire dans le cadre de la contre-réforme.

Ce salarié licencié verra cependant son Compte Personnel de Formation (CPF) abondé d’un montant minimal de 3 000 euros, lui-même augmenté d’une somme d’un montant égal par son employeur. Pas vraiment une aubaine au regard du montant low cost du crédit du CPF : 500 € par année de travail dans la limite d’un plafond de 5 000 €. D’autre part, la durée de l’APC est déterminée entre les parties mais ne peut excéder 5 ans, l’accord « cessant de produire ses effets lorsqu’il arrive à expiration ». À ce moment-là, que se passe-t-il ? On n’en sait rien.

Par exemple, si l’APC porte sur un gel ou une réduction de salaire pendant 5 ans (bien sûr, « dans le respect, des salaires minimas hiérarchiques définis par convention de branche »), la perte de revenu peut-être considérable mais à la signature de l’accord, le salarié n’a aucune garantie de retrouver le niveau de rémunération qu’il avait avant l’APC.

Et l’espoir du maintien dans l’emploi n’est pas plus garanti, l’employeur n’ayant aucune obligation d’engagement sur ce point.

L’accord de performance collective est donc une perte sans profit pour le salarié et un profit sans perte pour l’employeur parce qu’au-delà des diverses atteintes aux conditions de travail dans l’entreprise, il rompt sur le fond la nature du contrat de travail bilatéral et l’égalité juridique des parties.

L’APC est-il un tremplin vers le Compte Personnel d’Activité (CPA), ce compte « d’assistanat durable » cher aux tenants de la doctrine sociale chrétienne ? 

chaud ! chaud ! chaud !

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