>Histoire

1 / 06 / 2015

1964 (CFTC-CFDT) : « le congrès de l’évolution »

«  Négocier un PSE pour un syndicaliste, ce n’est pas le truc le plus kiffant, mais il faut assumer nos responsabilités, cela fait partie du job (…) en Loire-Atlantique, les industriels qui conçoivent des produits élaborés tournent bien et la redistribution s’opère ».
Ainsi s’exprime (dans les colonnes de Marianne), Laurent berger, secrétaire général de la CFDT. Berger est le digne continuateur de ses illustres prédécesseurs dont :

n°1 Le brave homme converti au « socialisme »

En 1964, Eugène Descamps, leader de la CFTC, (ici à la tribune du congrès CFTC-CFDT), formé à la JOC comme la quasi-totalité des dirigeants de la CFTC-CFDT, devient à une large majorité secrétaire général de la CFDT.


Eugène Descamps est élu secrétaire général de la CFTC en 1961. Il fait partie de ceux qui pensent que pour devenir « majoritaire », la centrale chrétienne se doit d’être discrète sur ses origines comme sur ses objectifs. De cette idée centrale découle le ralliement au « socialisme démocratique ». Certains y ont cru, et y croient peut-être encore ! C’est déjà pardonné !

 

Il déclare au congrès : « Il dépendra de la volonté du peuple que coïncident socialisme et démocratie ». Voici donc un dirigeant historique de la CFTC miraculeusement converti aux vertus du « socialisme ». La fable n’est-elle pas trop belle pour être vraie ? Il poursuit :

« Avec Emmanuel Mounier*, on ne dénoncera jamais assez le mensonge démocratique en régime capitaliste ».

Diable ! Que voilà des paroles téméraires ! Il est vrai que la Démocratie et le régime de « l’exploitation de l’homme par l’homme » (le capitalisme)  ne font pas bon ménage. Mais s’agit-il de cela ?

Descamps a ce mérite de ne pas masquer ses objectifs. Il poursuit :

« La politique ne saurait rester à l’écart des préoccupations syndicalistes. Il faudra bien trouver un jour, le moyen de résoudre le moyen de réelles convergences des actions politiques et syndicales pour la réalisation d’objectifs communs de transformation de notre société, ou alors que le syndicalisme abdique toute prétention à s’occuper des affaires et de l’économie du pays : le pire serait qu’il s’érige en contre-parti politique pour contester uniquement les partis en refusant d’assumer lui-même la moindre responsabilité politique » (Discours au congrès).

Comment peut-on être plus clair ? Descamps, avec Mounier revendique, au nom du « socialisme démocratique » (et du « Plan démocratique »  qui l’accompagne) l’ordre corporatiste ; il applique à la doctrine sociale de l’Eglise.

Ces thèses d’inspiration nettement fascisantes ne sont-elles pas étrangement ressemblantes à celles véhiculées par la commission Bartolone ? (Lire à ce sujet l’OS N° 654 de mai 2015 : un projet de « réforme du Sénat » qui dynamite les syndicats). (Page 2).

 

n°2 La bénédiction « gauchiste »

Pierre Cours-Salies tendance « mouton noir » de la CFDT (adhérent du SGEN) a, fin des années 80, publié un livre sous le titre étonnant : « La CFDT, un passé porteur d’avenir ». Eugène Descamps lui a accordé une préface, le leader JOC-CFTC puis CFDT, Gilbert Declercq, chef historique de la CFTC-CFDT 44, une postface ; c’est du lourd, c’est du du sérieux …

Dans un long chapitre intitulé « de profondes racines, un projet socialiste », on apprend :

« Nous pouvons apprendre deux choses de la lecture des orientations des minoritaires CFTC au début des années cinquante ( … ) d’abord, ils étaient socialistes … »

Non de dieu ! Pourquoi nous l’a-t-on caché ?

Et surtout, « leur argumentation se fait en référence à Emmanuel Mounier, à partir du syndicalisme révolutionnaire ». Là, on ne rit plus.

A « gauche » de la CFTC, notre « mouton noir » nous informe que les gens du courant « reconstruction » et ceux du SGEN défendaient  «  une orientation laïque, socialiste, de gauche » … en préparation du « grand service public unifié », décentralisé … et privatisé concocté par le titulaire de la francisque, François Mitterrand. Cours Salies est bien élevé : de la nature précise du projet « socialiste », pas un mot. Silence … silence complice.

Silence tout aussi éloquent concernant le référendum gaulliste de 69, visant à transformer les syndicalistes en sénateurs intégrés à la gouvernance. L’axe CGT-FO et CGT provoque la chute du général … mais les gouvernements qui suivent (auxquels s’associe J. Delors) entendent maintenir le cap des réformes gaullistes. Cours Salies réussit cette performance de ne pas y consacrer la moindre ligne dans un ouvrage pourtant de 500 pages … (Pour plus de précisions, voir : corporatismes d’hier et d’aujourd’hui publié par l’UD CGT-FO 44).

A l’inverse, l’auteur consacre de nombreuses pages à philosopher sur « l’autogestion » (LIP etc) et le pouvoir économique à conquérir entreprise par entreprise.

Cours- Salies n’invente rien. Bien d’autres avant lui – notamment le leader des néos socialistes des années 30, le Belge De Man ** – opposaient déjà, pouvoir politique et pouvoir économique, pouvoir économique bâti autour d’un Plan miraculeux qui laisse intacte la propriété privée des moyens de production et évite de poser la question du pouvoir d’Etat. Le principe du Plan est assez simple : procéder à quelques nationalisations de banques et d’entreprises, sans préciser lesquelles, ne rien faire pour y parvenir et surtout rassurer les capitalistes en leur offrant de royales indemnisations.

n°3 Les capitalistes s’en fichent de la morale

Cours-salies, éternel indigné, dénonce avec Declercq « notre monde capitaliste  où les possédants dirigent effectivement la vie des nations ».

Pas de quoi s’enflammer. Ce n’est qu’un copié-collé de toutes les encycliques sociales …

Mais surtout, le mouton noir fait sienne cette profession de foi de Declercq :
« Avec Emmanuel Mounier, on ne dénoncera pas assez le mensonge démocratique en régime capitaliste ».

La ficelle n’est-elle pas un peu grosse ? Ceux-là, qu’ils soient de « gauche » ou « d’extrême gauche » plaident pour une réforme des institutions qui transforment les syndicalistes en « corps intermédiaires » , désignés ou élus (selon les tendances) au sénat « refondé », (ou au CESE rénové) afin, comme il se doit, de défendre « l’ intérêt général » – on ne sait toujours pas précisément de quoi il s’agit, sauf s’il s’agit, bien sûr, des super profits des exploiteurs – contre les abominables « égoïsmes corporatistes », autrement dit, les revendications ouvrières, les revendications syndicales.

n°4 Qu’on laisse Pelloutier en paix !

« Dès 1956 », Gilbert Declercq*** oppose aux partisans du maintien affiché du C de cftC, la « tradition syndicaliste pure ». Cours-Salies n’hésite pas à invoquer le combat de Pelloutier :

« Point n’est besoin de grandes références pour sentir (dans les diatribes anti capitalistes des dirigeants de la CFDT), des réflexions de Fernand Pelloutier, grand syndicaliste-révolutionnaire nantais de la fin du XIXème siècle ».

Et notre mouton noir de service prêche avec la « gauche » de la CFDT qu’il ne s’agit pas de se « scléroser dans des formules anciennes » et qu’il faut « tourner le dos délibérément au type de société conçue par l’anarcho-syndicalisme… »

Tout ceci n’est guère ragoûtant : invoquer Pelloutier pour se rallier à Mounier, De Man et compagnie …

On notera pour conclure que le « gauchiste » Cours-Salies considère que le bilan des « reconstructeurs » – minorité CFTC – est très largement positif, d’où un titre (la CFDT, un passé porteur d’avenir), titre qui, bientôt trente ans plus tard, peut quand même paraître, même aux plus naïfs, totalement surréaliste.

L’année1964 semble bien lointaine. Pourtant, les enjeux fondamentaux n’ont pas changé. La lutte des classes reste plus que jamais « le moteur de l’histoire ». Les héritiers des thèses de Mounier, de Descamps (et accessoirement de Declercq) n’ont pas renoncé – certes dans un contexte différent – à tenter de nous imposer au nom d’un bon, d’un vrai dialogue social de « gauche » , « citoyen » et « durable », les recettes éculées des corporatistes de jadis. Ils se heurtent fort heureusement aux réalités de la lutte de classes.

En 1982, c’est Maire qui dévoile le plan de rigueur de son ami Delors. Ce n’est pas très « kiffant », mais il faut bien faire le « job » …
J. M 31-05-2014.

* Le « philosophe » personnaliste Mounier a été jusqu’en décembre 1942 l’inspirateur de l’école des cadres de Vichy, l’école d’Uriage. C’est aussi l’une des grandes figures de l’histoire contemporaine, selon son excellence, Jacques Delors.
** Le belge De Man finira par se rallier au national-socialisme.
*** Leader historique de l’UD CFTC, puis CFDT de Loire-Atlantique. Généralement présenté comme un opposant de « gauche » à la ligne « réformiste » d’Edmond Maire.

 

chaud ! chaud ! chaud !

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