23 / 03 / 2024
« Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre ». (Karl Marx).
1ère partie : les guerres des « années folles »
2ème partie : une des guerres de Syrie (1925-1927).
Première partie. Les guerres des « années folles ».
1918-2024 : Plus d’un siècle de guerres coloniales. La « France » (1) est au premier rang … toujours.
Le 11 novembre 1918, le chef de guerre civile et impérialiste, G. Clémenceau proclame bien haut : « Nous avons gagné la guerre. Maintenant, il va falloir gagner la paix et ce sera peut-être encore plus difficile ». Le programme de guerres permanentes de l’impérialisme français s’avère en effet plutôt chargé.
Le 8 janvier 1918, le président US W. Wilson avait fait connaître ses vues sur ce qu’il appelait, la paix. On sait que depuis la proclamation de l’indépendance, les EU ont été pratiquement toujours en guerre.
Le quatorzième point de la déclaration Wilson annonçait : « la création d’une Société générale des nations ayant pour objet de fournir des garanties réciproques d’indépendance politique à tous les Etats petits ou grands ».
En réalité, la Société des Nations, (c’est-à-dire les EU et la Grande-Bretagne), distribue des « mandats » aux puissances impérialistes qui placent sous tutelle les peuples jugés pas « mûrs », trop « attardés » ou encore « sauvages » sous « protection » des militaires, gendarmes et prêtres civilisés. Il y a ceux de la catégorie A, comme la Palestine qui « pourraient accéder immédiatement à l’indépendance ». (cf Laurens, « la question de Palestine », tome II, page 496). On mesure toute l’hypocrisie des « démocraties ». Il y a ceux qui relèvent du mandat B ou C. Pour ceux-là, l’accession à l’indépendance – sans même parler de souveraineté réelle – il ne faut même pas y songer ; surtout si les réserves de pétrole s’avèrent considérables.
Rares sont ceux qui mettent en cause la supercherie y compris dans les milieux dits socialistes ou socialisants. N’était-ce pas la responsabilité des militants syndicalistes que d’être au premier rang de ces quelques courageux lucides indifférents aux vociférations plurielles des va-t-en guerre ?
Aujourd’hui, les syndicats américains s’organisent et coordonnent leurs actions pour le cessez le feu à Gaza et en Cisjordanie. Ce ne serait pas stupide de les imiter en France …
Brève chronologie :
En 1895 : « Le XIIIème Congrès national du P.O.F. (Parti ouvrier français) s’élève de toutes ses forces contre les flibusteries coloniales pour lesquelles aucun socialiste conscient ne votera jamais ni un homme, ni un sou ».
1909 : le pacifiste socialisant Sébastien Challaye résume assez bien le point de vue de nombre de socialistes français. : « La colonisation est un fait social nécessaire … Mais la justice exige que la domination des Blancs n’entraîne pas pour les Noirs les pires conséquences, esclavage, vol, torture, assassinat (la liste est loin d’être complète). La justice exige que les indigènes tirent quelques avantages de notre présence parmi eux ».
24 septembre 1911 : Jaurès en tant que dirigeant de la SFIO, Section Française de l’Internationale Ouvrière, appelle avec la CGT à l’occasion de la crise d’Agadir à une manifestation de masse contre la guerre impérialiste au Maroc. L’HUMANITE annonce 60 000 manifestants.
La question du Maroc avait failli déboucher sur une guerre entre la France et l’Allemagne impérialistes.
22 avril 1912 : Jean Jaurès écrit un article dans l’HUMANITE intitulé : « L’ordre sanglant au Maroc et au Libye … » Le 30 mars 1912, le sultan Moulay Hafid avait été contraint de signer un traité de « protectorat » avec la France impériale. Cette nouvelle provoqua des soulèvements notamment à Fèz et au Moyen-Atlas. Jaurès explique : « ( … ) L’invasion, la brutalité de la conquête provoquent une émeute. D’infortunés officiers et sous-officiers français sont égorgés. La répression commence. La capitale marocaine est bombardée. Les cadavres français sont recouverts d’un monceau de huit cents cadavres marocains … un milliers d’indigènes sont capturés … nous allons les fusiller … » Il dénonce la « politique de rapine et de conquête » et interroge : « Mais si les violences du Maroc et de la Tripolitaine (envahie par les troupes italiennes) achèvent d’exaspérer en Turquie et dans le monde la fibre blessée des musulmans, si l’Islam répond un jour par un fanatisme farouche et une vaste révolte à l’universelle agression, qui pourra s’étonner ? Qui aura le droit de s’indigner … ? »
novembre 1917 : le pouvoir révolutionnaire russe révèle la réalité des accords de rapine impérialiste Sykes-Picot-Sazonov.
1918-1920 : la 1ère der des ders s’achève par la défaite militaire du concurrent allemand. Mais le fait majeur, c’est bien sûr, la chute du tyran en Russie.
Les armées coalisées des « démocraties » prétendent poursuivre la grande boucherie et rétablir l’ « ordre » en Russie. Les militants syndicalistes doivent-ils attendre passivement que « leur » bourgeoisie respective massacre quelques millions de russes supplémentaires par les armes, la famine et les épidémies, conséquences du blocus économique ? 12 000 soldats français sont mobilisés.
La bande des quatre chefs de guerre : Lloyd George, Vittorio Emmanuele, Georges Clémenceau, Wodrow Wilson à l’ouverture de la conférence «pour la paix ». A eux quatre, ils totalisent un nombre impressionnants de médailles et décorations de toutes sortes et un nombre tout aussi impressionnant de millions de morts.
29 décembre 1918 : Le ministre des Affaires Etrangères, Stéphane Pichon, déclare devant la Chambre des députés : « Nous avons dans l’Empire des Turcs, des droits imprescriptibles à sauvegarder ; nous en avons en Syrie, au Liban, en Cilicie, en Palestine. Ils sont établis sur des titres historiques, sur des accords, sur des contrats … mais nous considérons que ses accords établis avec l’Angleterre (secrètement en 1916, les accords Sykes-Picot) … ce sont des droits dès à présent acquis ».
Cette arrogance impérialiste conduira inévitablement lorsque les peuples se soulèveront à la guerre pour le respect de « nos » droit et le « prestige » de la France impériale.
Toute la question est de savoir si les organisations syndicales et politiques qui doivent défendre les intérêts des classes exploitées se soumettent, ou pas.
En 1918 : « Lloyd George demande à Clémenceau d’accepter que Mossoul qui fait partie dans les accords Sykes-Picot de la zone arabe d’influence française, soit rattaché à la zone anglaise et que la Palestine soit placée sous le mandat britannique. Clémenceau serait d’accord à condition que la France ait sa part de pétrole … » (Source : Lenka Bokova : « La confrontation franco-syrienne à l’époque du mandat, 1925-1927 »). Les deux maquignons finissent par s’entendre sur le dos des peuples.
Décembre 1918-octobre 1921 : certains l’appellent la « campagne de Cilicie ». Il s’agit de la guerre qui oppose l’armée française du Levant aux forces turques de la Grande Assemblée Nationale. Guerre annoncée par le ministre Pichon.
15 avril 1919-2 août 1919 : La « France » participe aux côtés de troupes roumaines, tchécoslovaques et serbes à l’écrasement du mouvement ouvrier hongrois, au profit du très fascisant Miklos Horthy.
Mars 1920-juillet 1920 : 1ère guerre de Syrie. Le sinistre général Gouraud s’y illustre. Il a été formaté tout jeune au fameux collège Stanislas. A son départ du « Levant », la France » croit la Syrie « pacifiée ». Les « désordres », les « troubles » seraient du passé. Les « difficultés » que rencontre l’Empire aussi. On passe d’un contingent de 70 000 hommes à 25 000. Officiellement, il n’y a pas de guerre au Moyen-Orient, même lorsque l’aviation bombarde villes et villages. On parle alors d’opérations de « pacification ».
Août 1920 : entrée des troupes françaises à Damas. Il ne semble pas que l’impérialisme français ait songé à un moment ou à un autre à expulser de Syrie le peuple syrien, comme les sionistes modernes entendent le faire avec les palestiniens de Palestine. Il n’y avait pas le projet visant à « transférer » des millions de colons venus de France pour remplacer la main-d’œuvre « indigène ». Les paysans pauvres et le prolétariat faible numériquement et surtout inorganisé constituaient une masse de travailleurs surexploités et cela suffisait à la « France ».
5 avril 1921 : le pouvoir mandataire reconnaît l’ « indépendance » du Jjebel Druze. Diviser pour mieux régner …
La propagande de l’Etat colonial fait rage. L’armée française interviendrait pour libérer les paysans pauvres de l’esclavage des féodaux. « L’administration française (qui) leur (aux grandes familles) enlève leurs privilèges, les prive de dîmes et des rançons qu’elles percevaient indûment ».
En 1920, les Druzes ne représentent qu’un peu plus de 4 % de la population totale de Syrie.
Avril 1922 : « émeutes » et grèves à Damas contre la présence française. C’est une société secrète, « le Parti de Fer » qui en est à l’origine. Le général Gouraud, Haut commissaire de la France voit dans ce groupe « la main de l’étranger ». Autrement dit, un complot ourdi par l’ « allié britannique ». Sévère répression des « fauteurs de troubles ».
Gouraud, surnommé, « le boucher Gouraud » écrit ceci : « Les souvenirs, les traditions, les intérêts qui lient la Syrie à la France sont une si belle et si ancienne chose … »
Janvier 1923 : 60 000 soldats français et belges envahissent la Ruhr.
Janvier 1923-août 1925 : c’est l’occupation militaire de la Ruhr. L’impérialisme français prétend organiser le pillage des ressources minières de la région la plus industrialisée d’Allemagne. Cette occupation militaire favorise les desseins des secteurs nationalistes allemands, notamment le national-socialisme. Les militants syndicalistes doivent-ils se ranger au garde à vous derrière les militaristes et capitalistes français ou organiser avec leurs camarades allemands la résistance aux plans de guerre des classes exploiteuses ?
L’impérialisme français utilise les services des tirailleurs sénégalais. Ce qui provoque cette réaction épidermique du futur führer qui s’alarme de « La contamination provoquée par l’afflux de sang nègre sur le Rhin, au cœur de l’Europe … un pêché contre l’existence de la race blanche … »
1925 : le gouverneur général de Damas, le général Gaston Valier déclare : « Pour son bonheur le peuple syrien doit comprendre que s’il bouge, il sera de nouveau frappé. Ce peuple doit être mené comme un cheval bien dressé … » On pourrait remplir des pages de citations du même type de tous ces galonnés toujours honorés par la « France ».
Les gouvernements qui emploie cette armada de généraux considèrent d’ailleurs que le « peuple » de France doit être dirigé selon les mêmes principes ; ceux que résume le maître à penser de l’ORDRE qui doit être immuable, Thomas d’Aquin : « la multitude est mieux dirigée par un seul (guide) que par plusieurs ». Principe réaffirmé par le patron du CNR, De Gaulle en 1958 : « « Il faut rendre à l’Etat la continuité dont il est privé depuis 169 ans ». (Sources : « Mémoires d’espoir » en 1958. 1958 – 169 = 1789. Ici s’exprime sans fard la nostalgie du temps béni de la monarchie absolue).
1921-1927 : c’est la guerre du Rif, au Maroc. L’Espagne colonialiste commence les hostilités. Ses chefs de guerre sont le dictateur fasciste Primo de Rivera et le colonel Franco. Les déboires de l’armée espagnole malgré l’utilisation massive du gaz moutarde (2), incitent la « France » à intervenir militairement. Pétain s’y illustre. La CGT, dite « réformiste » de Léon Jouhaux a bien du mal à se distinguer de la politique du gouvernement. La CGT-U dite « révolutionnaire » appelle, sans aucune préparation à une journée de grève générale. L’Etat réprime brutalement et licencie nombre de grévistes. C’est un demi-échec. Les bellicistes ont le champ libre.
Outre le « prestige » de la France impériale les gouvernements successifs visent le contrôle des mines de fer. La « tâche musulmane » selon le politicien Léon Barety, c’est la mainmise sur les mines de fer. On est loin de la « mission civilisatrice ». En 1940, ce Baréty vote les pleins pouvoirs à Pétain, son chef de guerre préféré et intègre le fantomatique Conseil national. Une trajectoire somme toute logique.
Guerre du Rif : l’ « internationale » des mercenaires.
L’odeur des charniers et des massacres sans risques attirent les mercenaires. L’ « escadrille Lafayette » est constituée de « volontaires américains qui appartiennent tous à la très bonne société américaine ». Ils vont bombarder les villages de musulmans « ennemis de la France » en toute tranquillité. Des Russes blancs s’engagent aussi. « Le colonel de l’armée impériale Dotzoff écrit à son Excellence, M. le ministre de la Guerre : A présent, j’ai le plus grand désir de servir la France. Je demande instamment à votre excellence l’autorisation de former une compagnie de cosaques d’au moins cent-cinquante sabres et de m’envoyer au Maroc combattre les Rifains ». Ils pourront couper les têtes et se faire photographier. De Bruxelles, le chef de la Légion Scout internationale offre ses services et ses compétences dans le renseignement …
Ces individus sont efficaces : « le journaliste français Hubert Jacques qui accompagne les troupes raconte que dans les petits villages, les maisons sont calcinées, vidées de leurs occupants … » (Source : Vincent Courcelle-Labrousse et Nicolas Marmié dans leur livre : « La guerre du Rif, Maroc, 1921-1926).
Le récit détaillé des exactions commises n’apporterait rien de plus. (Des mercenaires sévissent aujourd’hui, aussi bien côté des capitalistes ukrainiens que russes. Certains ont préféré être transféré à Gaza. L’un d’eux a expliqué dans la presse espagnole que là, « c’est plus tranquille » … et c’est mieux payé, 3900 euros par semaine). Les guerres coloniales, les guerres impérialistes, c’est la barbarie. Toujours.
A la fin de la guerre du Rif, Franco reçoit des mains de Pétain la légion d’honneur.
Franco et Pétain « ce grand soldat » selon Macron » chefs de guerre au Maroc.
Les démarches engagées par un militant républicain espagnol, Jean Ocana, rescapé du camp de Mauthausen, pour que la Légion d’Honneur soit retirée au bourreau du peuple espagnol, n’a pas abouti. Selon le quotidien le Monde du 30 mars 2021, un décret signé en toute discrétion le 21 novembre 2021 par le président Emmanuel Macron, et contresigné par Edouard Philippe, modifie le code de l’Ordre de la Légion d’Honneur et exclut toute action disciplinaire contre une personne décédée ».
Dans le même ordre d’idée, il faut savoir que Benito Mussolini est lui aussi heureux titulaire de la Légion d’Honneur. Elle lui est attribuée en avril 2023 .par un ministre de l’économie d’Aristide Briand puis de Raymond Poincaré, un certain Lucien Dior, formaté par les pieux pédagogues de Stanislas …
Janvier 1923 : Au IVème congrès mondial de l’Internationale communiste, le rapporteur sur la « question française » et les colonies déclare : « On ne peut tolérer (dans l’internationale) deux heures ou deux minutes des camarades qui ont la mentalité de possesseurs d’esclaves et qui souhaitent que Poincaré les maintienne sous les bienfaits de la civilisation capitaliste … » (Poincaré dirige à l’époque le bloc des « droites »).
24 octobre 1924 : Léon Jouhaux se rend à Tunis (la Tunisie est un « protectorat » français). Là-bas les grèves succèdent aux grèves. Les revendications corporatives s’imbriquent aux revendications plus politiques, contre la répression policière, contre l’impérialisme français. Les militants tunisiens se sentent mal à l’aise à l’UD CGT où les réflexes paternalistes, voire racistes ne sont pas l’exception. Ils s’engagent dans la construction de leur confédération, dirigée par eux-mêmes, La CGTT. Le dialogue avec Léon Jouhaux est difficile. Jouhaux part en déclarant : « Vous êtes libres du choix de votre organisation. Il n’est pas invraisemblable qu’avec le temps, vous réussissiez ». (Source : « Tahar Haddad, « la naissance du mouvement syndical tunisiens »).
En juillet 1925, Les druzes prennent les armes en Syrie et forment un gouvernement insurrectionnel clandestin. Le gouvernement fait bombarder Damas.
Octobre 1925 : Le PC de Syrie s’adresse au PC français : « « Il est temps pour l’ouvrier français de comprendre que c’est assez de sang, assez d’oppression, que ceux qui vivent dans les colonies sont aussi des hommes et que leur patience a une limite. Camarades, nous n’attendons pas de votre conférence uniquement de l’agitation et de la propagande en faveur de la libération des colonies, nous en attendons une aide réelle et concrète … les prolétaires, les paysans syriens, tout le peuple arabe attendent de vous non seulement des paroles, mais aussi de l’action ». (Source : Jacob Moneta, « le PCF et la question coloniale ».
25 décembre 1926 : La Société des Nations établit une convention interdisant le travail forcé « au service des intérêts privés ». Et donc, l’autorise lorsqu’il qu’il est proclamé au service de l’intérêt général (ou du bien commun). La « France », la France impérialiste s’en moque éperdument.
1925-1927 : la Syrie (et le Liban) avaient été placés par la S.D.N (Société des Nations, ancêtre de l’O.N.U.) sous mandat de la « France ». La CGT ne s’exprime pas. La CGT-U « bolchévisée » ombre de moins en moins agrandie du parti (PCF), selon l’expression judicieuse d’un observateur attentif à l’évolution du syndicalisme en France, décline fortement. Les gouvernements bellicistes ont le terrain libre.
10 juin 1927 : Léon Blum déclare à la Chambre : « ( … ) Nous aurons accompli notre mission civilisatrice le jour où nous aurons pu rendre les peuples dont nous occupons les territoires à la liberté et la souveraineté … » En juillet 1927, il précise : « Nous désirons que la législation coloniale s’achemine de plus en plus vers l’indépendance, vers le self-governement, comme les dominions … l’émancipation des indigènes sera l’œuvre de notre nation civilisatrice ».
Les fédérations SFIO des colonies sont plus « radicales » encore. Celle de Constantine proclame : « La colonisation est un devoir pour les peuples civilisés vis-à-vis des peuplades encore inorganisées et arriérées … en apportant aux indigènes attardés et ignorants les lumières de l’instruction … » Celle de Tunisie complète : « La colonisation est donc chose naturelle et bonne en soi, puisqu’elle est créatrice de richesses matérielles et morales ». Toutes prônent l’ « assimilation ».
Ce point de vue est globalement celui de la Ligue des Droits de l’Homme et contamine de larges secteurs du mouvement syndical.
La SFIO vote les crédits de guerre pour les « flibusteries coloniales ».
1929 : La XIIème conférence du Bureau International du Travail adopte une convention portant condamnation du système français. Le B.I.T. interdit le travail forcé (90 voix pour mais 50 abstentions, dont la « France ».) Le porte-parole de l’impérialisme français, un certain M.A. Fontaine déclare « avec un cynisme superbe » (Source : Jean Suret-Canale dans, « l’Afrique noire, l’ère coloniale », que « la France était partisan résolu de l’abolition du travail forcé » mais émettait des « réserves » :
Fontaine proclame : « Quoiqu’il advienne du projet de convention, la France qui en a déjà mis en application les principes, continuera sans hésitation son action dans le même sens …. Dans l’intérêt des populations ». Le travail forcé fut aboli, sur le papier, en 1946.
1930 : l’armée coloniale réprime en « Indochine » (mutinerie de Yen Bai). Bombardements et exécutions de « mutins » sont au programme des réjouissances. C’est la façon de préparer l’exposition coloniale de 1931 qui attire des millions de spectateurs, avides de frissons et sensibles au « prestige » de la France impériale. Rares sont les protestations, y compris dans les syndicats.
1928-1931 : c’est une guerre totalement passée sous silence, au Congo-Wara. Pour un colonialiste, un congolais, ça n’existe pas, de même que pour un sioniste, un Palestinien, ça ne doit pas exister. (Voir à ce sujet : « l’Afrique centrale insurgée. La guerre du Congo-Wara, 1928-1931 », par Raphaël Nzabakomada-Yakoma). « Entre 1898 et 1900, avant la conquête effective, le ministère des Colonies octroya pour trente ans près de 700 000 KM2 à une quarantaine de sociétés privées » (R.N.Y). « Celles-ci sont « souvent dirigées par des têtes brûlées, des indésirables en Europe » (Source : Catherine Coquery Vidrovich). Cette partie de l’Empire devient un vaste camp de concentration.
Les syndicalistes doivent-ils rester indifférents ou pire, se comporter en subsidiaires de l’Etat colonial, raciste et voleur ? Ce n’était pas le choix des fondateurs de notre CGT-FO, Robert Bothereau et André Bergeron.
Selon Suret-Canale, « Partout sanglante et inhumaine, la colonisation atteignit sans doute les limites de l’horreur dans ce bassin du Congo où elle prit franchement la forme d’un génocide et il s’en fallut de peu qu’elle n’ait abouti, comme en certaines contrées du continent américain, à l’extermination totale ».
Cette politique à caractère génocidaire que soutient la Société des Nations est portée par la hiérarchie de l’Eglise catholique partout présente sur le front colonial. A titre d’exemple, cette déclaration de Monseigneur Augouard, un des chefs de l’Eglise catholique sur le continent africain : « Le Noir ne travaillera que si il y est forcé … puisqu’il y a protectorat, il faut l’exercer résolument … les Noirs ne comprennent pas les demi mesures ». Et, comble du cynisme, à la manière des jésuites : « Si la France ne vient ici que pour se faire exploiter par les Noirs et faire tuer ses soldats, elle n’a qu’à abandonner ses colonies africaines ».
Chantier de construction de la ligne de chemin de fer du Congo reliant Pointe-Noire à Brazzaville. Le chantier dure plus de 10 ans. L’impérialisme français déporte des dizaines de milliers de travailleurs forcés. Beaucoup n’atteignent pas leur destination. Sur le chantier, l’espérance moyenne de survie est réduite à sa plus simple expression. C’est une des raisons de la révolte des populations du Congo. Les autorités coloniales ont utilisé la pratique des otages – femmes et enfants retenus prisonniers – pour contraindre les fuyards, des « paresseux », à travailler.
« Ces travailleurs forcés ne sont pas condamnés à une peine privative de liberté à laquelle s’ajoutent les travaux forcés, explique l’historien Olivier Le Cour Grandmaison. Il s’agit de l’ensemble de la population civile qui est concernée. A charge pour la société de construction des Batignolles de réunir ces travailleurs forcés et de les exploiter. De les réunir dans ce que l’on appelle à l’époque les » camps ferroviaires « , qui se déplacent au fur et à mesure de l’avancée du chantier. Les taux de mortalité dans certains » camps ferroviaires » sont de 57% ». Le « Congo-océan, un fleuron de la « mise en valeur » de « nos » colonies.
Trois remarques :
1920-1929 (début de la crise économique) : ces années recouvrent la période dite « des années folles », la paix bien méritée après le grand carnage ! Ce serait une sorte de fête ininterrompue. Pas pour tout le monde.
1920, c’est aussi la grève générale des cheminots. Le gouvernement réprime ceux qui résistent ; comme aux colonies. 18 000 cheminots sont révoqués. Les menaces contre le droit de grève se précisent. Les guerres coloniales, à l’extérieur impliquent la guerre des classes la plus brutale en « métropole ».
Toutes ces guerres ont opposé des millions de « révoltés » à quelques dizaines de milliers de soldats entrainés au meurtre de masse.
Les Etats bourgeois impérialistes ont façonné leur Etat, un instrument de domination de classe, et rien d’autre.
Par contre, les millions d’« émeutiers » ou d’ « indigènes » selon la terminologie officielle, les révoltés, ceux qui ne sont rien ou même moins que rien n’ayant pas les bonnes superstitions, qui veulent vivre dignement de leur travail ne disposent pas, la plupart du temps, des organisations dégagées de toute subordination à l’appareil d’Etat pour mener efficacement leur combat émancipateur.
La construction de ces organisations libres, notamment syndicales était et reste plus que jamais la priorité absolue.
Il faut distinguer la « France », celle des classes possédantes, avec ses banquiers, son armée, sa police, ses institutions « démocratiques » ou pas, ses valets de plume perroquets et roquets pluriels etc de la France laborieuse, celle des exploités qui en plus du nombre disposent (ou pas), de ses organisations de classes pour défendre ses intérêts particuliers synonymes de Démocratie et de civilisation.
L’utilisation de cette « arme » pour assassiner des milliers de civils posent parfois un problème de conscience aux « démocrates » si les victimes sont européennes. Mais quand il s’agit de « musulmans », c’est un don du Ciel.
Voyons ce que Churchill en pense : « Je ne comprends pas cette sensiblerie au sujet de l’utilisation du gaz (comme arme de guerre).Je suis très favorable à l’utilisation de gaz empoisonnés contre des tribus non civilisées … le gaz est une arme plus clémente que l’obus explosif (à ne pas confondre avec l’obus pas explosif) et oblige l’ennemi à accepter une décision après des pertes humaines moindres. (Source : Tariq Ali, « Churchill, sa vie, ses crimes » ; page 381).
Des combattants druzes dans le djébel.
JM. 23-03-2024