L’annonce faite ce 10 janvier par le ministre du Travail, à l’occasion de la présentation du projet sur les retraites par plusieurs membres du gouvernement, dont Olivier Dussopt, ne peut que satisfaire. La décision de l’annulation du transfert de l’Agirc-Arrco vers l’Urssaf du recouvrement des cotisations de retraites complémentaires met fin à un entêtement de plus de deux ans du gouvernement.
FO soulignait la confédération ce 12 janvier dans un communiqué « n’a jamais cessé de dénoncer ce projet jugé inutile, coûteux, et risqué, à la fois pour le service dû aux assurés (quelque vingt millions de salariés affiliés à l’Agirc-Arrco, Ndlr) comme pour l’avenir de l’emploi des salariés actuellement en charge du recouvrement dans les caisses de retraite complémentaire
, soit jusqu’à 2000 salariés concernés, laissés dans l’incertitude d’une perte d’emploi ou encore d’un transfert vers le réseau Urssaf, sans garanties sur leurs droits et lieux d’affection ». Par ailleurs, pour FO, « ce projet n’était qu’une première étape pour l’État de mettre la main sur les réserves de l’Agirc Arrco préfigurant la mise en place d’un système universel de retraite »
.
L’abandon d’un transfert à hauts risques
Pour son projet de transfert de recouvrement des cotisations Agirc-Arrco, le gouvernement avait globalement tout le monde contre lui… Ainsi, en juin dernier, le Sénat via sa commission des affaires sociales rapportait les conclusions d’un contrôle effectué dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss). Il indiquait tout le mal qu’il pensait du transfert, lequel était jugé inconcevable en l’état
, au risque d’erreurs et autres bugs dus à l’utilisation de la déclaration unifiée (DSN) qui a remplacé quarante-cinq formalités déclaratives
, et sur laquelle s’appuierait le versement automatique des prestations de retraites complémentaires
.
Pour le Sénat, Compte tenu de l’enjeu de sécurisation des droits à retraite complémentaire des 20 millions de salariés affiliés à l’Agirc-Arrco, il n’est pas envisageable de mener à bien le transfert aux Urssaf à l’échéance du 1er janvier 2023
Autre coup de banderille : Les capacités de fiabilisation des données individuelles de la déclaration sociale nominative (DSN) des Urssaf ont été développées trop récemment pour permettre la mise en œuvre du transfert, qui ne présente qu’un intérêt résiduel en termes de simplification des démarches des entreprises et d’économies de gestion
.
Le rapport indiquait que non seulement le transfert de recouvrement de cotisations n’est pas stratégique
mais que les risques qu’il fait peser surpassent le bénéfice potentiel d’une amélioration des taux de recouvrement
. Fermez le ban !
Un projet né en 2019…
De son côté, FO, à travers le secrétaire confédéral, Michel Beaugas, en charge notamment des dossiers de retraites complémentaires, confirmait de nouveau en août dernier l’impossibilité technique de cette réforme. Techniquement, ce n’est pas prêt ! Les tests effectués ne sont pas fiables
Et de rappeler le faible nombre de concepteurs de logiciels spécifiques à ces nouvelles tâches et le peu d’entreprises volontaires pour les tests
. Et Michel Beaugas de souligner aussi : Le réseau Urssaf qui est censé collecter les cotisations, ne sait pas les calculer dans le détail, salarié par salarié
. Bien sûr au-delà de cet aspect technique essentiel, un autre l’était tout autant : la réforme constituait une menace pour la gestion paritaire via cette centralisation visée du recouvrement des cotisations.
Selon le gouvernement, le projet qui avait d’ailleurs coïncidé avec la présentation en 2019 d’une réforme sur les retraites, visant un régime universel à points, puis avait été acté par la loi de finances sur la sécurité sociale pour 2020 (article 18), permettait de réaliser des économies de gestion
, l’unification
du recouvrement et une simplification
des démarches des entreprises qui n’auraient eu alors qu’un interlocuteur unique. Mais le projet était critiqué tous azimuts. L’été dernier, le 28 juillet, se joignant à cinq organisations syndicales, dont FO, deux organisations patronales (Medef et CPME) demandaient ainsi a minima
un nouveau report de la réforme, qui, devant entrer en vigueur initialement en 2022, avait déjà été reportée à 2023. Pour FO, la revendication restait toutefois l’abandon pur et simple de la réforme, porteuse d’une réforme des retraites qui ne disait pas son nom.
Un clap de fin de bon augure…
Le gouvernement s’est alors une nouvelle fois entêté. Cela s’est illustré cet automne à travers l’examen du projet de loi de financement 2023 pour la sécurité sociale (PLFSS). Alors qu’un amendement, en faveur de l’annulation du transfert avait été voté en commission des affaires sociales à l’Assemblée, le gouvernement a déposé le 20 octobre un amendement en faveur d’un report de la réforme, cette fois en 2024. Amendement adopté dans le cadre du PLFSS adopté à coup de 49.3.
L’annulation pure et simple annoncée ce 10 janvier constitue donc un renversement complet de situation, un clap de fin de cette réforme dangereuse. « D’après le Gouvernement, souligne FO dans son communiqué, l’abandon de ce transfert ne serait ni politique ni d’ordre technique mais il s’agirait de supprimer un sujet irritant pour les partenaires sociaux
. C’est donc bien la mobilisation
qui a mené à ce résultat. Mise en perspective de l’actualité sur les retraites, cette victoire par la mobilisation est de très bon augure ! Une victoire qui en appelle d’autres » !