>Édito

12 / 04 / 2018

Un cinglant démenti

Ce 9 avril au matin, les cheminots réunis en gare de Nantes ont à nouveau reconduit la grève à l’unanimité des 262 présents. À Nantes, mais aussi dans tout le pays, ils rejettent l’ouverture à la concurrence, le rapport Spinetta et l’éclatement de leur statut. En faisant grève, les cheminots défendent leurs intérêts particuliers mais aussi le service public républicain, dont la Société nationale des chemins de fer français, créée en 1937, est l’un des fleurons. Nous le savons tous, la privatisation de la SNCF aurait pour conséquences désastreuses la fermeture de 9 000 km de lignes, l’augmentation du prix des billets ou encore la fragilisation de la sécurité des infrastructures ferroviaires.

Cette grève des cheminots, très largement suivie – au-delà même des prévisions les plus optimistes – est l’expression la plus avancée du rejet de la politique du gouvernement. Au début de l’année, la révolte des «matons» et le puissant mouvement revendicatif des agents des EHPAD avaient déjà marqué tous les esprits. Les retraités avaient pris le relais le 15 mars pour exiger l’abandon de la hausse de la CSG de 1,7 point, puis les fonctionnaires le 22 mars contre la suppression de 120 000 postes, la sauvegarde du statut et l’augmentation du point d’indice.

Depuis, les conflits se sont multipliés et il n’y pas une semaine sans qu’une grève ne soit décidée. Le « ras-le-bol » des salariés de Carrefour et de Daher a même obligé les directions de ces deux entreprises à lâcher du lest, en particulier 500 € de participation – entre autres – pour les premiers et 1,2% d’augmentation générale des salaires pour les seconds. Les agents de Pôle Emploi Pays de Loire – en grève ce matin à hauteur de 50 % – ont pour leur part obtenu une première concession de la direction : le maintien de l’automaticité de la progression de carrière à l’échelon supérieur.

La situation est explosive, et pourtant Emmanuel Macron confirme qu’il ne lâchera rien. La campagne médiatique lancée pour tenter d’isoler les cheminots et de les opposer aux « usagers » est grotesque. Elle est à l’image de la panique qui gagne les sommets de l’État. Le Figaro du 3 avril dernier résume bien l’enjeu : « Emmanuel Macron et le gouvernement sont, bien sûr, en première ligne face aux cheminots. Ils jouent très gros. S’ils cèdent, ils pourront dire adieu, ou presque, au train de réformes qu’ils entendent conduire sur d’autres fronts ».

Libération du même jour précise : « Le gouvernement (…) a fait l’unité des syndicats contre lui et braque une grande partie des cadres de la SNCF (…). À l’automne, Emmanuel Macron avait remporté haut la main la bataille du Code du travail. Il veut rééditer l’exploit au printemps. Pas si simple… ».

La situation n’est effectivement plus la même. Le gouvernement est fragilisé (1) mais, malgré le risque d’explosion sociale, poursuit sa croisade contre les conquêtes ouvrières, afin n de satisfaire les marchés financiers. Combien de temps cela peut-il durer encore ?

Personne ne peut le prédire.

La victoire des cheminots constituerait un succès pour toute la classe ouvrière et provoquerait une crise sans précédent au cœur de l’État. Elle ouvrirait sans aucun doute la voie à une mobilisation interprofessionnelle, permettant de stopper la mécanique des mesures dévastatrices, dans l’hypothèse où le gouvernement déciderait malgré tout de poursuivre dans la même direction, en particulier sur la question des retraites.

Mais rien n’est encore gagné. Comme dans toute bataille, l’issue du conflit dépend souvent de la tactique mise en œuvre (2). La force de la grève à la SNCF, c’est le front uni et déterminé des cheminots et de leurs organisations syndicales, dont FO, qu’Emmanuel Macron tente bien entendu de fissurer.

Rien n’est encore gagné bien sûr. Mais la grève des cheminots – après celle des « matons », agents des EHPAD, retraités, fonctionnaires, étudiants, salariés de Carrefour et d’Air France, etc. – apporte un cinglant démenti à tous ceux qui ne sentaient aucune volonté de mobilisation de la classe ouvrière.

Nous pouvons désormais nous appuyer sur cette volonté de mobilisation. L’heure n’est pas au renoncement ou à l’accompagnement des contre-réformes pour « éviter le pire ». L’heure est à la résistance et à l’organisation du rapport de force pour imposer les revendications ouvrières.

(1) À tel point fragilisé qu’Emmanuel Macron demande désormais publiquement la collaboration de l’Église catholique à sa politique, confirmant par là ses visées corporatistes.

 (2) Il y aurait bien des choses à dire concernant la tactique syndicale. L’histoire nous a beaucoup appris et nous invitons les militants à lire les brochures éditées par l’Union Départementale, en particulier celle de Gérard Le Mauff sur la grève générale d’août 1953 et celle plus récente de Jacques Moisan sur la grève de mai-juin 1968. Juste une simple réflexion concernant la volonté de certains regroupements politiques ou syndicaux de constituer une «convergence des luttes». Celle-ci, alléchante en apparence, n’est nullement la convergence des grèves revendicatives, mais la convergence de «luttes» diverses – revendicatives, politiques ou sociétales. Cette « convergence des luttes » peut conduire à noyer la grève des cheminots, à la disloquer sous une somme de mouvements contradictoires et à lui faire perdre sa dimension revendicative. Elle constitue une fausse généralisation de l’action revendicative.

par Michel Le Roc’h,

secrétaire général de l’union départementale

CGT-Force Ouvrière de Loire-Atlantique

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