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France 8 / 01 / 2018

Le principe républicain relatif à la gestion des deniers publics serait-il menacé ?

Le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Gérald Darmanin, aurait-il dans l’idée de lancer bientôt une réforme impactant le mode de gestion des finances locales ainsi que le rôle de certains fonctionnaires des finances publiques ?

Les agents FO de la DGFIP (finances publiques) s’inquiètent d’une récente déclaration du ministre –devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale– prônant la suppression de la séparation ordonnateurs/comptables dans les grandes collectivités territoriales. Cela entraînerait une modification historique du mode de gestion national et républicain des deniers publics… Avec tous les risques de dérives que cela pourrait induire. L’hypothèse d’une telle réforme intéresse donc tous les citoyens.

Fin 2017, devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Gérald Darmanin a préconisé la suppression de la séparation ordonnateurs/comptables dans les grandes collectivités territoriales indique FO-DGFIP.

Est-ce inquiétant ?

Une telle réforme ne serait-elle pas finalement qu’un simple ajustement technique dans l’univers abscons de la comptabilité publique ?

Et en quoi peut-elle inquiéter les agents de l’État et plus largement les citoyens ?

Une suppression de la séparation ordonnateurs/comptables balayerait le principe républicain comptable relatif à la séparation des fonctions et du pouvoir entre le « comptable », celui qui paie les dépenses ou recouvre les recettes et « l’ordonnateur », celui qui engage une dépense ou une recette.

Une précaution dans la gestion des deniers publics

Mais quel est donc l’intérêt de ce principe acté à travers un décret datant de 1962 (modifié le 7 novembre 2012) ? C’est un principe de précaution essentiel à la gestion publique puisqu’il vise à protéger les deniers publics et leur utilisation.

La séparation des rôles permet en effet un meilleur contrôle en amont de l’utilisation des fonds publics. Elle permet aussi de s’assurer de la probité des personnes impliquées dans cette gestion de fonds publics. On trouve cette séparation des pouvoirs aussi bien au niveau de l’État (un ministre ou un préfet est ordonnateur mais pas comptable) que des territoires au sein des collectivités locales mais aussi dans les établissements publics (tels les hôpitaux) ou encore dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE).

Dans une collectivité territoriale (région, département, commune, groupements), l’ordonnateur (le maire, le président du conseil général, régional…) qui occupe une position statutaire (l’exécutif de la collectivité) est ainsi celui qui prescrit l’exécution des dépenses et des recettes. Il ne manie pas l’argent.

Le comptable est celui qui manie les fonds, l’argent. Ce dernier est un fonctionnaire de la DGFIP qui occupe la fonction de comptable public (non liée au grade) ce qui signifie entre autres que sa responsabilité pécuniaire est engagée. S’il est affecté à une autorité ordonnatrice, le comptable public n’est pas soumis à l’autorité de l’ordonnateur.

Au 1er janvier 2017 indique Jean-Paul Philidet pour FO-GDFIP, on comptait 2 200 comptables publics affectés au réseau des trésoreries spécialisées et trésoreries mixtes de la DGFIP et s’occupant plus spécialement des comptes des collectivités locales. Cet effectif qui ne cesse de diminuer au fil des restructurations pourrait encore reculer d’ici la fin de l’année 2018.

À chacun son rôle… et l’argent est bien géré

Alors que l’ordonnateur tient un compte administratif, le comptable public tient lui un compte de gestion. Ces deux comptes doivent bien sûr correspondre par leurs éléments à la réalité de gestion de la collectivité. La gestion du comptable public est soumise à examen et contrôle par un juge (Cour des comptes, chambres régionales des comptes/CRC). Ce contrôle peut entraîner une sanction en cas notamment de constatation d’un déficit (débet) dans le budget.

Ce système de séparation des pouvoirs, de responsabilité et de compétences entre l’ordonnateur et le comptable offre donc -notamment dans le cadre de la gestion financière des collectivités locales-, la garantie d’une protection des deniers publics. La garantie de la régularité de dépenses d’investissements par exemple ou encore d’encaissement de recettes provenant d’impôts.

Un principe régulièrement remis en cause

Si né au XIXe siècle (ordonnance du 14 septembre 1822) le système portant règlement général sur la comptabilité publique (RGCP) a fait ses preuves et a consacré le principe de séparation des pouvoirs ordonnateur/comptable, ce principe fait toutefois l’objet de remises en cause régulières depuis une dizaine d’années.

Dès 1999, le ministre M. Sautter entendait ainsi fusionner les fonctions d’ordonnateurs et de comptables à travers une réforme de modernisation. Au prix d’un long combat, FO a obtenu l’abandon de cette réforme.

En 2005, le ministre M. Dutreil jetait lui aussi un regard menaçant sur le rôle et les effectifs des comptables publics tandis qu’en 2006 le nouveau cadre budgétaire et comptable de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF remplaçant l’ordonnance de 1959) introduisait une référence à une logique de résultats (et non plus de moyens) de la gestion publique affublée ainsi d’un objectif de performance. La LOLF a néanmoins maintenu le principe de séparation des pouvoirs ordonnateurs-comptables.

En 2005, le lancement de l’administration fiscale unique pour les entreprises puis en 2007 du guichet fiscal unique pour les particuliers de même que la fusion en 2008 des entités ministérielles Impôts (DGI) et Trésor (DGCP) ont créé le trouble par la remise en cause de la séparation des missions d’assiette (calcul de l’impôt) et de recouvrement de l’impôt… Une séparation qui s’appuie sur le principe du rôle distinct des ordonnateurs et des comptables.

Expérimentation d’un compte financier unique et allégé

Dans les années 2010, la réforme/restructuration appliquée aux chambres régionales des comptes (CRC) et assortie d’une réduction de moyens et d’une réduction de voilure du contrôle des comptes locaux (tenus par les comptables publics) a compliqué l’exercice de ce contrôle… néanmoins maintenu.

En 2014, sans s’attaquer à la séparation de pouvoirs ordonnateur/comptable, le rapport de MM Martin Malvy et Alain Lambert portant sur le « redressement » des finances publiques prônait lui la mise en place dans les collectivités territoriales d’un « compte financier unique » regroupant le compte administratif de l’ordonnateur et le compte de gestion du comptable.

Argument du rapport ? La situation actuelle de comptes séparés ne permettrait pas d’avoir une vision d’ensemble de la gestion des collectivités territoriales, de leur situation patrimoniale, de l’état de leur dette, des engagements hors bilan, du reste à réaliser en recettes ou dépenses…

Ces arguments ont refait surface. Cela à travers un rapport/mission commandé le 25 février 2017 par le ministre de l’Economie, M. Michel Sapin, à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale de l’administration (IGA). Il s’agissait d’étudier les conditions de mise en place d’un compte financier unique dans le cadre budgétaire et comptable des collectivités territoriales.

Comme le précédent, ce rapport transmis au gouvernement en août dernier mais dont le contenu n’a été rendu public qu’en novembre souligne qu’il s’inscrit dans le respect du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables et du cadre budgétaire et comptable des collectivités locales.

Un nouveau partenariat ordonnateurs/comptables

Pour les auteurs du rapport le compte financier unique doit cependant « renforcer » les relations entre l’ordonnateur et le comptable. Ce compte qui fera l’objet de « simplifications » et « d’allègements » -par rapport aux éléments habituellement détaillés par les deux comptes distincts- devra garantir la convergence des informations détenues et transmises par l’ordonnateur et le comptable.

Le rapport indique encore que la maquette de compte financier telle que proposée prévoit de retenir une présentation de l’exécution budgétaire à partir des états rénovés qui figuraient dans l’ancienne partie du compte administratif, écartant, ce faisant, l’état de consommation des crédits issu du compte de gestion du comptable public. La fusion des informations relatives à l’exécution budgétaire rend alors d’autant plus nécessaire la coopération entre ordonnateur et comptable pour la fiabilisation des informations contenues insiste le rapport ajoutant que le compte unique permet de « renforcer le partenariat » ou encore la « coopération » entre l’ordonnateur et le comptable.

Le système du compte financier unique devrait faire l’objet d’une expérimentation de dix-huit mois à partir de 2019. Un bilan est prévu à l’été 2020 avant une possible généralisation du système.

Les comptables publics ne peuvent être « inféodés »

En s’exprimant à la fin 2017 devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Darmanin, semble, lui, désireux d’aller plus avant. Précisant qu’il s’agit que de sa simple opinion personnelle, il exprime clairement sa volonté d’une suppression du principe de séparation ordonnateur/comptable dans les grandes collectivités territoriales. Il estime aussi que la certification des comptes peut se faire indépendamment des agents de la DGFIP.

Les agents FO de la DGFIP craignent qu’une telle proposition de réforme prenne sa place dès le printemps prochain dans le cadre du programme de discussions « action publique 2022 » lequel, explique le gouvernement, doit viser la conception de « réformes structurelles » et accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques.

Pour le syndicat FO des agents de la DGFIP casser le principe de la séparation ordonnateur/comptable présente de grands dangers. Cela amènerait notamment à rentrer dans une logique d’emploi fonctionnel de chef de services financiers d’une grande collectivité, rémunéré par elle et donc inféodé à cette dernière, avec une seule responsabilité d’ordre managérial.

Que deviendrait la certification des comptes ?

En pulvérisant le principe actuel de séparation des pouvoirs le contrôle a posteriori (des comptes) par un organisme de certification privé deviendra la norme s’inquiète FO. Ce qui peut aussi inquiéter les citoyens, contribuables et usagers des services publics locaux.

En effet dès lors qu’un certificateur externe examinera annuellement les documents financiers et comptables, la question de la plus-value du comptable public dans son rôle de vérification de la régularité comptable se posera. La certification sera, dans ces conditions, la porte ouverte à une internalisation de la fonction de comptable par les collectivités indique FO-DGFIP.

Une telle réforme si elle était engagée ne se limiterait pas aux « grandes collectivités » analyse FO-DGFIP avec crainte. La suppression de la séparation des pouvoirs ordonnateur/comptable deviendrait alors un mode de gestion commun réduisant encore -et comme s’il en était besoin- la présence et les missions des agents de la DGFIP sur le territoire rural. Dès lors cela pourrait faire courir le risque de dysfonctionnements dans la gestion des deniers publics. De quoi appeler les citoyens à la vigilance face à tout projet de suppression du principe protecteur de séparation des pouvoirs entre ordonnateur et comptable public.

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