>Histoire

1 / 03 / 2018

Monsieur Barjonet, auteur de : « la CGT ». Après mai 68.

Barjonet, du bureau confédéral CGT, à  l’ordre nouveau dans l’entreprise …

Avant de rentrer dans le vif du sujet, notons dès la 1ère page, 1er paragraphe, 1ère ligne, cette affirmation grossière :

« La CGT, principale organisation syndicale française, est la seule à se réclamer officiellement de la lutte des classes et à inscrire dans ses statuts qu’elle œuvre pour la disparition du salariat et du patronat.

Ce monsieur Barjonet, auteur de cet énorme mensonge a en septembre 1968, lorsqu’il écrit ces lignes, un long passé militant. On voit qu’il a été bien formé.

Pour rétablir la vérité, voici l’article 1er des statuts de la CGT-FO :

Article premier :

La Confédération Générale du Travail Force Ouvrière régie par les présents statuts, a pour but de grouper, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques et religieuses, toutes les organisations composées de salariés conscients de la lutte à mener contre toutes les formes d’exploitation, privées ou d’État, pour la disparition du salariat et du patronat et désireux de défendre leurs intérêts moraux et matériels, économiques et professionnels.

Cet article s’inscrit bien sûr dans le prolongement de la Charte d’Amiens que Barjonet juge « dépassée ».

Barjonet … « Plan-Plan-Rataplan … »

Monsieur Barjonet fut de longues années, permanent CGT. Le 23 mai 1968, il démissionne du Bureau confédéral. L’affaire fit grand bruit. Le contexte était alors explosif. Barjonet a publié en septembre 1968 un livre. Il y justifie sa décision. L’essentiel du brûlot a pour fonction de dénigrer son ancienne organisation … et plus largement – et c’est ce qui est intéressant – tout syndicat qui défend les intérêts particuliers des salariés. La question concerne donc tous les militants syndicalistes.

Un chapitre entier est consacré à la question du Plan et à l’attitude de la CGT sur cette question à laquelle il attache une importance toute particulière. Il affirme (page 82) :

« A la libération, les communistes abandonnèrent quelque peu leur hostilité à priori et soutinrent même le premier Plan dit de modernisation et d’équipement plus connu sous le nom de Plan Monnet ».

Dans ses mémoires politiques, Jean Monnet confirme les bons rapports entretenus – discrètement – avec l’appareil confédéral. Les dirigeants CGT, membres du PCF, sont pleinement investis dans les commissions de « modernisation » où se décide la désindustrialisation au nom de la « modernisation » – bien sûr – du tissu industriel.

Revirement brutal.

Sur cette photo prise en 1966 : de gauche à droite, Saillant (CGT) ancien président du CNR, Duclos (dirigeant du PCF) et Benoît Frachon.

S’exprimant sur la nature du plan Monnet, Frachon aura cette analyse : « Après un brillant début, le plan Monnet a été complètement transformé sous l’influence du plan Marshall ».

Membre de la direction du PCF, B. Frachon doit s’adapter à chaque tournant de l’appareil stalinien.

Un exercice dont il s’acquitte avec un certain talent ; ce qui lui permet de traverser, à peu près indemne, toutes les crises.

Après la grève des usines Renault et l’explosion des revendications salariales qui se heurtent de front à la politique d’austérité du gouvernement MRP-SFIO-PCF, le PCF doit quitter précipitamment le gouvernement : Thorez, « rouge » quasi en pleurs devant le président « socialiste » Vincent Auriol a ce hoquet de dépit : « j’ai fait ce que j’ai pu – pour briser la grève – je suis au bout du rouleau ».

Les dirigeants cégétistes doivent s’adapter sans tarder au nouveau contexte politique.

Ce que Benoît Frachon explique à sa façon :

« Ainsi, après avoir bavardé des mois sur le plan Monnet, en avoir célébré politiquement les vertus, nos ministres lui tordent gentiment le cou … » (Source : brochure, les voies du redressement économiques ; éd CGT, avril 1951).

Puisque le Plan Monnet n’est plus le bon, la CGT décide de présenter le sien, un « contre-Plan », intitulé un peu pompeusement : programme pour une économie de paix, d’indépendance nationale et de progrès social ; un document de 220 pages …

A la manœuvre, les deux principaux rédacteurs : Barjonet et l’inévitable Pierre Lebrun, le chouchou de Monnet, l’admirateur – sans modération –  du pape rénovateur à gauche, le bon Jean XXIII.

A noter que la CFTC réfléchit elle aussi à l’élaborer d’un bon Plan … bien avant le « gauchiste » impénitent de Loire-Atlantique, Gilbert Declercq.

Nouveau revirement brutal.

1955, c’est le XXXème congrès de la CGT. Frachon se moque des adorateurs du « plan-plan-rataplan ». Stupéfaction parmi les délégués du congrès. Comment comprendre ce nouveau tournant ?

Barjonet fournit cette explication :

« Il n’est pas impossible qu’en torpillant le programme de la CGT, le PCF ait alors voulu forcer la grande organisation syndicale à adopter une attitude ultra gauchiste et carrément démagogique interdisant toute collaboration, même momentanée, avec l’ancien président du Conseil, Pierre Mendès-France ( … ) Obligé de se retirer en février 1955, victime d’une coalition gaulliste-communiste, PMF restait cependant aux yeux d’innombrables français (et de Barjonet !), l’homme d’une nouvelle politique ».

Mais la CGT doit-elle défendre les « intérêts matériels et moraux »  des « innombrables français » ou ceux des salariés ?

Quant à la « nouvelle » politique de Mendès ? Il faut oser. Mendès, ministre des finances en 1945 démissionna parce qu’il réclamait déjà une politique d’austérité beaucoup plus dure et qu’il ne l’obtint pas, selon lui … pas vraiment nouveau !

Barjonet-Lebrun contre Krasucki ?

 

Henri Krasucki est secrétaire général de la CGT de 1982 à 1992. 

En 1968, il est membre du bureau confédéral. 

 

 

 

Barjonet confie : « Pierre Lebrun et moi-même devons mener une très dure bataille quasi quotidienne pour faire admettre au Bureau confédéral un minimum de vérités concernant, par exemple, la réalité de l’expansion économique … »

Puisque le capitalisme a encore de beaux jours devant lui, qu’il joue encore un rôle « progressif » il convient de mettre en oeuvre des politiques de nature à lui permettre d’être toujours plus efficace, quitte à en aménager quelques aspects, notamment en développant la participation des travailleurs à la gestion de l’économie, via les « élites », dans les différents bidules intégrationnistes.

Ce n’est pas un hasard si les deux compères retrouvent leur maître à penser, l’ « économiste » chéri du IIIème Reich, François Perroux :

« Comme l’écrit François Perroux, les planificateurs et les comptables nationaux progressent dans leur art » Salazar n’aurait pas mieux dit …

Barjonet dénonce les obstacles à la réflexion commune au sein de la direction confédérale.

« La dénonciation qui fut faite par les principaux dirigeants de la CGT – Henri Krasucki – reste peu convaincante  ( … ) La CGT ne cesse de dénoncer la malfaisance du Plan (et cela dans tous les domaines) et, d’autre part, elle ne cesse de présenter la planification capitaliste comme une impossibilité absolue et le plan comme une chimère sans emprise sur la réalité … »

Notons tout de même que ceci n’empêche pas la CGT de déléguer des représentants dans les commissions au Plan … et de dénoncer presque quotidiennement dans l’Humanité, les représentants de la CGT-FO qui y siègent aussi.

Le 23 mai 1968, lorsque Barjonet démissionne avec fracas du Bureau confédéral de la CGT, applaudi par le Monde, et toute la « deuxième gauche », il rejoint évidemment les gens de Rocard et E. Maire, participe à l’opération avortée de Charléty, autour de l’apprenti Sauveur – PMF – et finit comme bien d’autres avant lui, dans les poubelles du mouvement ouvrier.

Il prétend refonder le syndicalisme, mettre une croix définitive sur la charte d’Amiens et mettre en œuvre une « politique totalement nouvelle » en rénovant l’entreprise. Haro sur les bêtes revendications « quantitatives », seul compte le « qualitatif », le « pouvoir ouvrier dans l’entreprise » communautaire comme aux plus beaux jours du national-socialisme.

Avec la commission Senard-Notat, placée sous l’aile protectrice du Collège des Bernardins, les questions soulevées ci-dessus ressurgissent dans un contexte certes, radicalement différent. Le quotidien catholique la VIE nous informe que le président Macron se rendra en avril au Collège des Bernardins, une occasion de peaufiner le dispositif corporatiste prévu autour de la « réforme » de l’entreprise.

Il n’y a pas 36 alternatives : ou bien accompagner … et finir comme Barjonet, ou bien résister et organiser la résistance en commençant par assurer le succès du 22 mars.

JM   mars 2018.

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Document :

Le point de vue d’Alexandre Hébert. Article publié dans l’Ouest-syndicaliste, en octobre 1968

( … ) Déjà, lors des dernières législatives à une réunion électorale qui se tenait à Rezé, M. Serge Mallet, son suppléant Lucas de la C.F.D.T., assistés de M. André Barjonet s’en étaient déjà pris aux «notables».

Notons en passant que M. André Barjonet qui, pendant 18 ans, fut économiste appointé de la C.G.T., s’était à cette réunion, taillé un joli succès de tribune en dénonçant les «permanents».

Fort heureusement, le gauchisme de M. André Barjonet ne peut faire illusion longtemps et le personnage se démasque chaque jour un peu plus. Après avoir adhéré à un mouvement de la communauté (sic) française voilà ce que, selon Le Monde du 25 septembre, il aurait déclaré au représentant de la presse étrangère :

«Affolement idéologique: Les critiques de M. André Barjonet ne s’adressent pas seulement à la C.G.T., mais aux différentes confédérations ouvrières.

Il y a, affirme-t-il, une crise du syndicalisme et, sur le plan politique, un «affolèrent idéologique». Comment sortir de cette crise? Il faut que les syndicats tiennent compte de l’expérience de mai, c’est-à-dire de «la grande volonté contestataire et participationniste» qui s’est manifestée dans les rangs de la classe ouvrière. Le général de Gaulle, a ajouté M. Barjonet, a beaucoup mieux compris que les dirigeants syndicalistes le désir profond des masses de contester et de participer.

Il ne s’agit pas, pour M. Barjonet, d’adhérer aux propositions du Président de la République qui ne constituent qu’une «manœuvre», mais d’innover en matière syndicale, en posant le problème du pouvoir ouvrier dans l’entreprise. Les syndicats, pour mener à bien cette tâche, doivent rester indépendants des partis politiques et limiter l’aspect politique de leur action au cadre de l’entreprise.

Ils ne doivent plus être des organismes bureaucratiques, mais l’émanation réelle de la volonté des ouvriers».

Après ce texte, on sait maintenant à quoi s’en tenir. André Barjonet s’engage résolument sur les traces de Marcel Déat et autre Doriot. Décidément, n’en déplaise à nos pseudo «modernistes» il n’y a rien de nouveau sous le soleil! Mais les voilà bien les notables … les vrais, ceux de la «révolution nationale» et de «l’ordre nouveau», ceux-qui, toute honte bue, se précipitent sur la mangeoire gaulliste. Il faut pourtant bien qu’ils se persuadent d’une chose: Les sinécures de la participation ne «supprimeront» pas, pour autant, la classe ouvrière. La lutte des classes continuera plus dure, plus âpre que jamais et les palinodies participationnistes n’y sauraient rien changer! Après 1940… 1945!!!

Alexandre HÉBERT.

chaud ! chaud ! chaud !

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