>Histoire

26 / 04 / 2019

« L’histoire refoulée, La Rocque, les Croix de feu et le fascisme ». (Editions du CERF, 380 pages).

L’historien Zeev Sternhell, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem, a publié une nouvelle étude consacrée aux origines du fascisme en France. A cet ouvrage ont été associés Didier Leschi, Caroline Campbell, Laurent Krestel, Chris Millington et Kevin Passmore.

D. Leschi note :

« La biographie de Larocque de l’historien J. Nobécourt, fait une présentation assez précise de la gêne historiographique et même politique symbolisée, darns les années 90, par le refus de F. Mitterrand d’admettre avoir été jeune partisan de Larocque ».

Ce à quoi l’intéressé répond : Si vous saviez ma capacité d’indifférence ! Histoire refoulée !

Samuel Kalman note que Messali hadj, leader historique du mouvement nationaliste algérien « multipliait les attaques incessantes contre Larocque ».

Le parti de Messali, signataire du « programme » du Front populaire fut interdit par le FP, Messali calomnié, traité par le parti stalinien d’agent du fascisme …

(Voir à ce sujet, la brochure de l’UD : « l’UD FO et la question coloniale »).

Il fait suite au fameux « ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France » publié en 1983.

Zeev Sternhell continuait d’y explorer les pistes ouvertes par le grand historien américain, Robert Paxton avec son « la France de Vichy » paru en 1973.

Didier Leschi note avec raison dans son introduction :

  « La France de Vichy » sonna le glas d’une histoire falsifiée … c’est la thèse des deux Vichy ; « le Vichy de Pétain paratonnerre de grands malheurs pour la France, le Vichy de Laval ayant sombré dans la collaboration ». C’est toute l’histoire de la fable : de Gaulle – « l’épée » et Pétain, « le bouclier ».

En cassant cette légende, Z. Sternhell s’est attiré les foudres des historiens de cours. Parmi eux, Michel Winock.

Les lecteurs attentifs de l’OS, (l’Ouest-syndicaliste le journal de l’Union départementale CGT-FO de Loire-Atlantique) se souviennent que la commission Bartolone-Winock avait en fin de quinquennat de monsieur Hollande planché sur une réforme des institutions.

Il ne s’agissait évidemment pas de remettre en cause, même partiellement, la validité de la Vème république (« le coup d’état permanent », selon F. Mitterrand) mais au contraire, d’en accentuer le caractère anti démocratique, bonapartiste, par l’instauration d’une Chambre des corporations, perspective qui réunit les corporatistes de toutes nuances, fascistes avérés compris.

Les deux compères redécouvraient avec joie, les projets gaullistes de 1969.

(Tout ceci est développé dans « corporatistes un jour, corporatistes toujours » publié par l’UD. …

voir ci-dessous:

Corporatistes un jour, Corporatistes toujours

 site de l’UD, rubrique histoire ; 25 mars 2016).

Comme l’indique Sternhell (page305) « le cas Winock nous apprend beaucoup de choses sur une époque, un milieu et ses mœurs ».

Explication : en 1983, M. Winock publie aux éditions du Seuil, ni droite, ni gauche … et ne tarit pas d’éloges pour l’ouvrage.

Puis les choses se gâtent. Winock enseigne à Sciences Po (1), « où règne René Rémond ». Conséquence, Winock change radicalement d’attitude.

Z. Sterhnell explique : « non seulement, il cédait aux pressions des anciens d’Esprit et de tout son milieu d’où étaient issues aussi les éditions du Seuil, mais prenait une décision stratégique pour son avenir : il décidait de ménager à tout prix l’institution où il commençait à faire carrière, Sciences Po de René Rémond ».

Evidemment chacun est libre de ses choix, même les pires. Il poursuit :

« Les échos des pressions qu’exerçaient les gens de la revue Esprit, qui occupaient rue Jacob le même bâtiment que les Editions du Seuil, étaient bien parvenus jusqu’à Jérusalem. Je savais que Winock avait vécu au sein de la communauté d’Esprit à Chatenay-Malabry et son livre sur la revue Esprit s’en ressentait.

( … ) On ne trouve dans son livre ni les textes de Mounier cités dans ni droite, ni gauche, ni aucune référence à Raymond de Becker, le personnaliste belge très proche de Mounier dont les sympathies pro hitlériennes s’affirmaient et avec qui le fondateur d’Esprit travaillait à Bruxelles ( … ) rien non plus sur les contacts amicaux de Mounier avec les Hitler-jugend … »

Comme l’écrit Sternhell, on pourrait multiplier les exemples.

Ces choses étant clairement précisées, le cœur de l’ouvrage est consacré à l’étude du mouvement Croix de feu puis PSF du colonel de La Roque et de ce que l’auteur nomme : « la banalisation universitaire de Vichy ». (Page 46).

Sternhell illustre sa démonstration à partir d’un colloque tenu en mars 1970, avant la parution du livre de Paxton, sous l’égide de la Fondation nationale des sciences politiques. ; ça semble sérieux, peut-être même scientifique ; voire …

Sont présents une centaine de participants dont plusieurs universitaires. « Le recueil des textes qui est issu de cette rencontre confirme l’autonomie dont jouissait le nouveau régime » dès le vote accordant à Pétain les pleins pouvoirs.

Autrement dit, l’accumulation des lois anti ouvrières – dissolution de la CGT … – et discriminatoires à l’encontre des juifs et des francs-maçons notamment, sont de la responsabilité exclusive du Vichy de la 1ère heure.

Autrement dit, tous les « ministres » de la période 1940-1942, celle qui correspond à l’existence de l’ « école » d’Uriage, qui tous, ou presque ont après 1945 rédigé leurs « mémoires politiques », mentent effrontément. (2).

René Rémond qui n’est ni ignare ni stupide le sait. Ce qui ne l’empêche pas de déclarer :

« Du régime de Vichy pris dans son ensemble, on pourrait dire qu’il est à la fois mal connu et mal aimé … » Le ton du colloque est donné.

Il y aurait donc un « bon Vichy » ? Acceptable ? Celui qui suspend les libertés démocratiques, celui qui procède à la dissolution de la CGT ?

Et il y aurait le côté plus obscur dont mieux vaut ne pas trop parler …

Sternhell met les points sur les i :

« Jacques Julliard (3) discourt sur la charte du travail comme si cela avait été un document signé Louis Blanc ou Gambetta ». Et puis, il y a ces « préfets de Vichy présents autour de qui on marche sur la pointe des pieds et à qui on ne pose jamais de questions gênantes … »

Zeev Sternhell n’affirme rien gratuitement ; il démontre.

Il en résulte qu’il n’y aurait finalement pas tant que cela à reprocher à Vichy.

D’ailleurs la récente « itinérance mémorielle » de notre Jupiter national ne fut-elle pas l’occasion – encore une fois ! – de tenter de réhabiliter la mémoire de ce « grand soldat » que fut Pétain ?

Il est probable que le chœur habituel des bien-pensants de tous bords se répandra en imprécations diverses contre un historien qui n’étant pas français (comme Paxton) ne pourrait pas comprendre …

Il n’est pas possible dans le cadre de cette courte note de présenter, même brièvement, au risque de déformer, toutes les contributions. Le mieux est de prendre le temps de les lire et de réfléchir à leur actualité.

Sommaire :

Au-delà des étiquettes une analyse comparée du PSF et du PPF (de Doriot). Par Laurent Kestel.

Laroque dans le champ politique du fascisme et de l’anti sémitisme. Par D. Leschi.

Les croix de feu et le Parti social français, une perspective transnationale. Par Kevin Passmore.

La politique sociale de Larocque et des Croix de feu. Par Caroline Campbell.

PSF et fascisme colonial. Par Samuel Kalman.

La violence des affrontements des années 1930. Par Chris Millington.

Et les contributions de Zeev Sternhell.

  1. « Au cœur de la bête » selon l’expression d’un responsable de l’association critique de la raison européenne. (dans le cadre d’une intervention d’Emmanuel Todd).

  2. Par exemple, les  mémoires politiques de Jérôme Carcopino, ministre de l’Education. Dans ses « souvenirs de sept ans », ce personnage indique qu’il n’y avait pas meilleur défenseur et plus efficace des juifs persécutés que … lui-même ! Il cite pour illustrer son propos ses interventions en faveur de quelques marquises … de l’audace, encore de l’audace …

Carcopino ne consacre aucune ligne à la charte du travail.

  1. Tête pensante de la CFDT pour qui le corporatisme vieillot à la mode de Vichy doit subir un sérieux lifting comme le prévoit d’ailleurs le dernier « PACTE » en 66 points soumis au « grand débat » – grand bla bla, par l’organisation cléricale.

Antonin Cohen montre que le corporatisme fasciste vient de loin et que ses adeptes sévissent encore.

Plus de 1000 pages consacrées à celui que Maurras avait surnommé : Casimir, par dérision, évidemment. Nobécourt y montre l’attirance de Larocque pour les régimes de Salazar et Dolfuss, tout en reconnaissant à Mussolini le mérite de constituer un rempart contre le « judéo bolchévisme ». Comme bien d’autres … Churchill, le pape, Beuve-Méry, Robert Schuman, le « père de l’Europe » éternelle, chrétienne … Mounier, évidemment.

En troisième choix, vient le général chrétien Franco : « son échec marquerait une défaite redoutable de la civilisation occidentale, spécifiquement, historiquement chrétienne. ( … ) Nous souhaitons le succès du général Franco, non pour lui mais pour nous-mêmes » et d’en appeler à « une circonspecte neutralité » de la France. Vœu pleinement exaucé.

C’est que ce pauvre colonel croit toujours, dur comme fer que « la révolution sanglante voulue pour Moscou est aux portes ».

Partisan d’une forme particulière d’ « association-capital-travail » qui plonge ses racines dans le vieux corporatisme du marquis de la Tour du Pin, Laroque « fit partie d’un convoi de 48 internés partis de Fresnes pour Eisenberg, le 31 août 1943 à l’aube. Ils étaient envoyés dans le Reich parce qu’ils avaient compromis les intérêts de l’Allemagne, mais y seraient traités en prisonniers d’honneur … » (Nobécourt, page 890). Il est ensuite retenu « otage » au château d’Itter où il retrouve Daladier, Gamelin … et Léon Jouhaux.

Au même moment, les fascistes Déat, Doriot et quelques autres n’envisagent pas encore leur repli sur Sigmaringen, au cœur de la bête.

JM. Avril 2019

chaud ! chaud ! chaud !

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