>Histoire

15 / 06 / 2024

Les syndicats et la guerre (10).

Alexandre Hébert : « les PEAUX-ROUGES ». L’Ouest-syndicaliste, février 1991 Union départementale CGT-FO de Loire-Atlantique.

« Tout un chacun a pu voir et entendre à la télévision cette femme irakienne crier sa colère devant sa maison dévastée par «l’opération chirurgicale» perpétrée contre son pays au nom du «droit» et de «l’ordre mondial». Ses paroles méritent d’être rapportées: 

«Vous êtes tous responsables… C’est ça la civilisation occidentale … Tout ça pour des puits de pétrole… Nous sommes des êtres humains!». Et enfin: «Nous ne sommes pas des Peaux-Rouges!». 

Hélas! Sur ce dernier point, il est permis de penser que cette femme se trompe. En effet, il est probable, qu’aux yeux de l’impérialisme américain, nous ne soyons que des «Peaux-Rouges», et on peut même se demander si Bush et ses complices n’ont pas, froidement, programmé le génocide du peuple arabe. Sinon comment expliquer cette accumulation monstrueuse de moyens de destruction contre un pays de 20 millions d’habitants et, de surcroît, en «voie de développement»? Sinon comment expliquer le visage haineux du «démo-chrétien» Jean Lecanuet regrettant «qu’on n’ait pas engagé le contingent dans la guerre»? Sinon comment expliquer les propos de Massu* justifiant le massacre des «femmes et des gosses» par la logique de guerre? 

Au moment même où notre télévision officielle consentait à nous donner un petit aperçu des résultats des bombardements massifs des croisés… pardon, des «coalisés», sur le peuple irakien, elle nous apprenait que François Mitterrand venait de décider d’autoriser le survol de notre pays par les bombardiers géants B52, décision, qui nous place, encore un peu plus sous la dépendance directe du gouvernement américain. 

Mais plus encore que la «logique de guerre» proclamée par le président de la 5ème République, l’hypocrisie dont font preuve nos gouvernants a quelque chose de positivement écœurant. Ainsi, «ils» auraient obtenu des «garanties». Les militaires américains se seraient engagés à n’utiliser que des «armes conventionnelles» et à «épargner les populations civiles» (sic). 

Personnellement j’ai le souvenir des «armes conventionnelles» utilisées par les américains pendant la dernière guerre mondiale. J’ai également un souvenir de la précision de leurs bombardements. En 1943, à Sotteville-lès-Rouen, petite ville de 25.000 habitants, plus de 3.000 morts en quelques instants. Faut-il également rappeler les centaines de milliers de civils allemands exterminés, notamment à Dresde, par l’aviation américaine… sans parler d’Hiroshima et de Nagasaki!

 Il faut également préciser que ceux qui, aujourd’hui, feignent de s’indigner du caractère dictatorial du régime de Saddam Hussein s’accommodent fort bien des régimes esclavagistes de l’Arabie Saoudite et n’hésitent pas à faire décerner le prix Nobel de la paix à leur compère et complice Gorbatchev. Dans ces conditions, mieux vaut ne point ruser… 

Personnellement, je suis du côté des travailleurs et des peuples du monde entier, victimes d’un ordre mondial qui condamne des millions d’hommes, de femmes et d’enfants – parce que «non solvables» – à mourir de faim.

«L’État de droit» qui, avec ou sans les bureaucraties néostaliniennes, garantit cet ordre là n’est pas le mien. Enfin, il me faut saluer le courage de Jean-Pierre Chevènement qui, quelles que soient par ailleurs ses motivations, a osé refuser de s’inscrire dans «l’Union sacrée». Il est vrai que, dans de telles circonstances, chacun a le droit et le devoir, individuellement, de prendre ses responsabilités. En ce qui me concerne, aucune hésitation n’est possible, comme au moment de la guerre d’Algérie: je suis, inconditionnellement, du côté des «Peaux Rouges». 

Alexandre HÉBERT, le 4 février 1991.

*Massu était un général putschiste, fanatique de l’Algérie française.

« L’art de la guerre »

Les doctrines de guerre de l’impérialisme US ont été exposées par un militaire, John Grenier, un officier de l’armée de l’air qui a  enseigné à l’Académie de la force aérienne des Etats-Unis.

L’historienne américaine Roxanne Dunbar-Ortiz a eu le mérite de lire sa prose. Certainement une pénible épreuve ! Dans son livre « contre-histoire des Etats-Unis » écrit après une série d’entretiens avec Howard Zinn, elle cite ce passage d’un livre de Grenier, the first way of war :

« Pendant les 200 premières années de leur histoire militaire, les Américains développèrent des arts militaires que les soldats professionnels étaient censés abhorrer : 

  • raser et détruire les villages et champs ennemis ;
  • tuer les femmes et enfants ennemis ; 
  • razzier les implantations humaines pour faire des prisonniers ; 
  • intimider et brutaliser les ennemis non combattants ; 
  • assassiner les chefs ennemis … **

Dans les guerres de la frontière, entre 1607 et 1814, les Américains créèrent les deux principes de leur premier art militaire : la guerre totale (devenue « guerre de haute intensité ») et la guerre irrégulière … » 

Cet « art militaire » a fait bien des émules. Ils sont si nombreux qu’on ne peut tous les citer.

Dans son édito, A. Hébert cite ce cri d’une femme irakienne : « nous ne sommes pas des Peaux-Rouges ! ».

En bon disciple des doctrines génocidaires US, le général William T. Sherman proclamait fièrement en 1876 : « Nous devons agir avec la diligence la plus agressive (il s’agissait d’exterminer les PEAUX-ROUGES) dussions-nous les exterminer, hommes, femmes et enfants. Pendant l’assaut, les soldats ne doivent pas s’arrêter pour distinguer entre hommes et femmes, ou même entre enfants ». Et c’est ce qu’ils ont fait.

Bien plus tard, pendant la guerre du Vietnam, les chefs de guerre US expliquaient que l’ennemi « viet », forcément « fanatique », pas vraiment humain,  était des « indiens » et qu’il s’agissait de les « ramener à l’âge de pierre » sous un déluge de bombes et de napalm, méthode expérimentée en Grèce par l’armée britannique contre les résistants grecs au fascisme, de 1946 à 1949. Plus récemment le ministre de l’économie de l’état sioniste d’Israël a déclaré vouloir ramener le Liban à l’âge de pierre. Continuité de la barbarie…

Il faut bien admettre que dans ces différentes circonstances, le mouvement syndical international n’a pas toujours été à la hauteur.

** Ce sont très précisément les méthodes employées par les milices et l’armée de l’Etat sioniste d’Israël en 1947-1948. Voir à ce sujet l’indispensable livre de l’historien Ilan Pappé : « le nettoyage ethnique de la Palestine ».

« L’art de la guerre ». Hier et aujourd’hui … du Vietnam à Gaza.

JM 15 juin 2024.

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