>Histoire

27 / 09 / 2020

Le plan contre l’indépendance syndicale. 2ème partie.

Nous avons vu comment le PLAN de Jean Monnet impliquait la participation des directions confédérales à la réalisation des objectifs politiques et économiques fixés par l’Etat.

L’offensive comportait un second volet. Avec la constitution de la CECA, (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, juillet 1952) l’Etat français s’engageait dans la voie de la construction de l’Europe communautaire. Monnet ne pouvait trouver de meilleurs collaborateurs que dans le vivier des idéologues de « l’école de formation » d’Uriage du régime de Vichy. Parmi eux, un certain Paul Reuter, aujourd’hui complètement passé aux oubliettes de l’histoire. Pourtant, cet homme et quelques autres issus du même milieu (tous adeptes de François Perroux) a joué un rôle déterminant dans la  construction européenne, « l’Europe vaticane » pour reprendre une expression d’Alexandre Hébert.

Cette fois encore, les deux confédérations ouvrières étaient invitées à « s’impliquer ».

La Vème république.

Le nouveau régime issu, faut-il le rappeler, d’un véritable coup d’état ne cache pas ses intentions. Un ministre gaulliste, Albin Chalandon, expose en 1961 les enjeux :

« Les commissions de modernisation : l’Etat voudrait encourager les organismes syndicaux, patronaux comme ouvriers à former des représentants qualifiés pour créer une véritable pépinière de cadres. ( … ) Le général de Gaulle souhaite que les syndicats, par l’intermédiaire du PLAN, de la Commission des Comptes de la nation, du Conseil économique, soient parties prenantes dans l’élaboration économique française. Il y aurait en quelque sorte un contrat ou une association entre le gouvernement et les syndicats ».

Il ne s’agit plus de simple collaboration de classes mais d’une tentative d’institutionnalisation des rapports Etat-confédérations ouvrières.

La CFTC s’inscrit tout naturellement dans cette logique.

La CGT.

Au niveau confédéral, c’est toujours le règne du double discours. Côté pile, Le SG, Benoît Frachon prend ses distances avec l’association Capital-travail mais côté face, la CGT participe aux divers organismes de planification (1).

Côté pile les thèses corporatistes de Le Brun sont condamnées mais, côté face Le Brun est élu au Bureau confédéral (2).

La mission du clérical Le Brun se résume ainsi. Il déclare, été 1961 :

 (La CGT doit) « apporter sa contribution, et d’abord sur le terrain économique et social à la préparation et à la réalisation d’un renouveau de la démocratie.

(La CGT doit faire siennes) « les bases de la planification démocratique ( … ) planification contrôlée avec consultation systématique des syndicats avec un Conseil économique démocratisé … » (aujourd’hui, on nous serine en prime, l’ardente obligation de la « planification écologique »).

C’est évidemment le point de vue de la CFTC, et, à partir de 1964, de la CFDT.

 L’encyclique préférée de Le Brun, MATER ET MAGISTRA, affirme : « Tous les individus et tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère au bien de l’ensemble ».

Une sentence digne de Mussolini ! qui est aussi celle de Le Brun …

L’UD FO de Loire-Atlantique combat l’ordre néo corporatiste.

Alexandre Hébert rappelle aux dirigeants de notre CGT-FO qui ne comprennent pas que l’UD 44 pratique – lorsqu’elle est possible – l’unité d’action avec la CGT 44, pour la stricte défense de revendications communes, que « notre bureau confédéral pratique l’unité d’action bien réelle avec les dirigeants de la CGT dans les organismes du plan ».

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Alexandre Hébert.

Et pour que les choses soient encore plus claires :

« La suprême habileté … car pour moi, vous savez, avec ou sans Staline la suprême habileté des staliniens, c’est de voter formellement contre le plan, tandis que dans même temps, Krasucki reste au Conseil supérieur du Plan ».

Et encore : « Intégration à l’appareil d’Etat, cela voulait dire quelque chose. Belin l’avait compris … Je sais qu’aujourd’hui, la tendance, la tentation plutôt de céder est grande. … nous avons connu d’autres périodes, avec d’autres hommes ; aujourd’hui, ils sont à l’écart dans l’égout du mouvement ouvrier. Je ne voudrais pas qu’aujourd’hui notre confédération connaisse un destin aussi peu honorable ».

A. Hébert martèle ce que certains, pris dans l’engrenage de la « participation », feignent d’ignorer :

« ( … ) Défendre et préserver les prérogatives ouvrières, cela passe par la lutte contre la politique du général de Gaulle qui considère le régime de Franco comme un régime de paix sociale en Europe ».

L’UD-FO 44 et d’autres militants se battent pour que la confédération se retire du Conseil supérieur du Plan et d’autres bidules d’intégration tel que la Commission nationale de l’intéressement.

En interne, les débats sont âpres. La tentation de céder aux sirènes de la « co construction » comme certains disent aujourd’hui, est grande, parce que toute la situation pèse énormément sur les militants. Ce n’est pas nouveau. Certains ont résisté ; Robert Bothereau, notamment : « Nous sommes dans un corporatisme dont le danger n’a pas à être souligné ». (Rapport moral devant le congrès confédéral).

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Robert Bothereau : « Nous continuons la CGT… »

A l’inverse, d’autres militants militent pour que la CGT-FO abandonne le terrain strictement syndical. C’est le cas d’un secrétaire confédéral, Gabriel Ventejol qui déclare :

« Nous avons demandé que les travaux du PLAN aient un caractère permanent. ( … ) En dehors de la permanence du PLAN, un autre problème se pose, celui de la participation à la Commission des comptes économiques de la nation … »

La discussion la plus libre a permis de clarifier. Le CCN de fin 1962 a pris cette position nette :

« Le plus grand danger qui nous menace aujourd’hui, c’est l’intégration du syndicalisme dans l’Etat ». N’est est-il pas de même aujourd’hui ?

Il restait à en tirer quelques décisions pratiques. L’UD-FO le fait en quittant les comités d’expansion économique. Mieux, elle obtient de la CGT 44 qu’elle agisse de même.

La  position nette du CCN de FO a été confirmée en avril 1969 avec le double NON à la tentative gaulliste d’imposer par voie de référendum, un néo corporatisme, à froid.

Plus tard, d’autres offensives n’ont pas manqué. Citons celle menée par l’ultra clérical, feu Jean Boissonnat avec son rapport issu du Commissariat général au PLAN en 1995, intitulé : le travail dans vingt ans. Il se proposait modestement d’exploser le code du travail, au profit, si l’on peut dire, d’un contrat d’activité personnalisé, et cela,  à l’horizon 2015. Des coups ont été portés mais ils n’ont pas achevé la sale besogne.

En guise de conclusion :

Le gouvernement a annoncé que l’ancien bidule intitulé «  France-Stratégie » sera « mis à disposition » du nouveau bidule, le « Haut-commissariat ».

L’Institut Supérieur (sic) du travail, encore un bidule inutile s’alarme. Et si les travailleurs – pas dupes – décidaient de prendre leur propre destin en mains ? L’IST constate : « 715 000 emplois ont déjà été détruits au seul 1er trimestre 2020 ».

Qui peut croire un seul instant que les bavardages des bidules du « sommet » pourront « calmer la grogne sociale » ? (Selon les termes choisis de l’IST).

Pendant qu’on amuse la galerie avec ces bêtises-là, les vrais plans, les plans de licenciements massifs continuent. Jusqu’à quand ? Evidemment, ce ne sont pas les processions sans lendemain qui y changeront quelque chose.

 Il nous appartient maintenant de prendre nos responsabilités et de retrouver le chemin de l’action interprofessionnelle pour donner les moyens aux salariés de résister et de combattre tous ensemble et non pas boîte par boîte. 

C’est ce que vient de faire le CCN en s’adressant aux autres confédérations. L’objectif ? Préparer la riposte au niveau interprofessionnel pour l’abandon des contre réformes.

(1)    Dans l’ouvrage collectif intitulé, « histoire de la CGT », réalisé par la CGT en 2015, aucune de ces questions n’est évoquée. Il n’est pas question non plus du référendum de 1969. Un silence éloquent !

(2)    Il quitte le BC en 1965. Il est remplacé par Jean-Louis Moynot, ancien dirigeant de la Jeunesse ouvrière chrétienne. Moynot avait côtoyé dans le mouvement « vie nouvelle » de Jacques Delors, les militants chrétiens adeptes du personnalisme chrétien d’Emmanuel Mounier. Mounier, encore un uriagiste qui a viré à « gauche » … il avait aussi côtoyé un certain M. Praderie, qui fut chargé de populariser auprès du patronat les bienfaits des lois Auroux ; notamment la partie qui incitait le patronat à « contourner » les conventions collectives. L’individu prétendait « pulvériser » – ce sont ses termes – les confédérations, c’est-à-dire la CGT-FO et la CGT.

JM. 26 septembre 2020

chaud ! chaud ! chaud !

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