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France 6 / 10 / 2018

Exercer son droit de grève, mode d’emploi

Le droit de grève est un droit fondamental, protégé par la Constitution. Chaque travailleur peut l’exercer, sous réserve de respecter certaines conditions.

Qui peut faire grève ?

Tous les salariés du secteur privé et tous les agents de la fonction publique, quel que soit leur statut, peuvent se mettre en grève, qu’ils soient syndiqués ou non. C’est un droit fondamental, protégé par la Constitution. Un salarié détaché dans une entreprise peut participer à une grève s’il est concerné par les revendications émises par les salariés de cette entreprise, par exemple sur les conditions de travail. Pour être licite, la grève doit réunir les trois conditions : une mobilisation concertée et collective, des revendications professionnelles et un arrêt total du travail.

Il existe de rares exceptions, pour certaines catégories d’agents de la fonction publique qui assurent le fonctionnement des services indispensables à l’action gouvernementale, à la garantie de la sécurité physique des personnes ou à la conservation des installations et du matériel : policiers, CRS, magistrats judiciaires, militaires, personnel pénitentiaire, personnel des transmissions du ministère de l’Intérieur. Ils doivent alors poser une journée de congé.

Faut-il déposer un préavis ?

Dans le secteur privé, la loi n’impose aucun préavis. Une convention collective ne peut limiter ou réglementer l’exercice du droit de grève. L’employeur doit cependant connaître les revendications des salariés au moment du déclenchement de la grève.

Dans la fonction publique et certaines entreprises en délégation de service public, un préavis doit obligatoirement être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, au moins cinq jours francs avant le début de la grève. Le préavis doit préciser les revendications, le lieu, la date et la durée envisagée de la grève. Durant ce délai de cinq jours, les directions et les organisations syndicales sont tenues de négocier.

Pour les enseignants des écoles maternelles et élémentaires, un préavis de grève ne peut être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives qu’à l’issue d’une négociation préalable entre elles et l’État. Les deux parties disposent pour cela de huit jours francs après la notification des revendications professionnelles et des personnels enseignants concernés.

À noter que pour les agents territoriaux, le dépôt d’un préavis n’est pas obligatoire dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Si je fais grève, est-ce que je dois avertir mon employeur ?

Il n’existe aucun délai de prévenance de l’employeur. En théorie, le salarié peut se déclarer gréviste une fois de retour au travail, à l’issue de la mobilisation. Ce délai peut cependant s’apprécier en fonction de l’activité ou de la nature des revendications.

Attention, pour les professions soumises à des restrictions ou à un service minimum (enseignants du premier degré, transports publics…), l’agent doit se déclarer gréviste au moins 48 heures à l’avance.

En cas de grève portant gravement atteinte à la continuité du service public ou aux besoins de la population, certains agents peuvent être réquisitionnés. La réquisition peut être décidée par les ministres, les préfets ou les directeurs des structures répondant à un besoin essentiel. Elle doit être motivée et peut faire l’objet d’un recours au tribunal administratif. Ce pouvoir de réquisition générale n’est pas limité aux seuls services publics et peut par exception concerner des grévistes d’une entreprise privée.

Puis-je faire grève tout seul ?

En cas d’un appel national, un salarié peut se mettre en grève tout seul sur son lieu de travail. Lorsque la mobilisation ne concerne que le périmètre de l’entreprise ou du service, il faut être au moins deux, pour respecter le caractère nécessairement collectif de la grève, à moins que l’entreprise n’emploie qu’un seul salarié.

Y a-t-il des règles à respecter ?

Pour rappel, durant une grève, l’arrêt de travail doit être total. La grève perlée, qui consiste à exécuter son travail de manière partielle ou ralentie, est illicite.

De même, dans la fonction publique, la grève tournante – une cessation de travail par intermittence ou roulement – est interdite.

Est-il possible d’occuper les locaux ?

La jurisprudence tolère certaines occupations purement symboliques ou limitées. Mais l’occupation arbitraire des locaux de l’entreprise, surtout si le but est d’entraver le travail des non-grévistes, n’est pas considérée comme légale. L’accès à l’établissement ne doit pas être bloqué. Mais il est par exemple autorisé de bloquer l’entrée principale si une entrée secondaire reste accessible. Tout acte de violence ou de dégradation est également prohibé.

En cas de trouble manifestement illicite, l’employeur peut saisir le juge des référés pour obtenir une ordonnance d’expulsion.

L’employeur peut-il me faire remplacer si je suis en grève ?

Il est interdit de faire appel à des intérimaires ou d’embaucher en CDD pour remplacer un salarié en grève. De même il est interdit d’augmenter le temps de travail des salariés intérimaires ou en CDD recrutés avant la grève afin qu’ils exécutent les tâches des grévistes. L’employeur qui brave cette interdiction s’expose à des sanctions pénales. En revanche, il peut demander aux salariés permanents non-grévistes de faire des heures supplémentaires. Il peut aussi procéder à des mutations internes, avoir recours à des bénévoles ou à la sous-traitance.

Comment est calculée la retenue sur salaire ?

Durant la grève, le contrat de travail est suspendu. La retenue sur salaire doit être proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail. Toute retenue supérieure est interdite.

Il existe une exception pour la fonction publique d’État où toute action de grève, même inférieure à une journée, donne lieu à une retenue forfaitaire d’1/30e de la rémunération mensuelle.

L’exercice du droit de grève ne doit pas être mentionné sur le bulletin de paie. Le non-paiement de ces heures est généralement spécifié par une absence non rémunérée.

Dans certains cas, si la grève a pour origine un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations ou si un accord de fin de grève le prévoit, l’employeur doit payer leur salaire aux grévistes.

Est-ce que je peux être sanctionné pour avoir fait grève ?

Non, aucun travailleur ne peut subir de sanction ou de discrimination pour avoir fait grève dans les conditions légales. Tout licenciement motivé sur ce fondement est nul. En revanche, l’atteinte à la liberté de travail des non-grévistes, une séquestration ou un acte de violence constituent une faute lourde justifiant un licenciement, même pendant la grève.

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Grève et service minimum dans les entreprises privées

 

Le service minimum peut être institué dans les entreprises privées sur demande de l’employeur ou en vertu d’un accord collectif (Cass. soc., 20-2-91, n°89-40280).
L’employeur doit toutefois trouver des salariés volontaires pour effectuer le service minimum.

Le juge des référés n’est pas compétent pour condamner un salarié gréviste à exécuter son travail même pendant la durée d’un service minimum (Cass. soc., 26-11-03, n°01-10847).

En l’absence de volontaires, il ne reste à l’employeur que la réquisition de personnel ou la fermeture temporaire de l’entreprise lorsque la grève entraine une situation contraignante rendant impossible la poursuite de l’activité normale, notamment pour des raisons de sécurité.

Sauf dispositions législatives contraires, l’employeur ne peut en aucun cas s’arroger le pouvoir de réquisitionner des salariés grévistes (Cass. soc., 15-12-09, n°08-43063), même lorsque l’entreprise fait partie des installations classées et qu’elle figure parmi les points sensibles pour le Défense nationale. Si l’employeur veut réquisitionner des salariés grévistes, il doit se tourner vers les autorités administratives. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a reconnu au préfet le droit de requérir des salariés grévistes (loi n°2003-239, art. 3).

Selon l’article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales :

[…] 4° En cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées.
L’arrêté motivé fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application […].
Le refus d’exécuter les mesures prescrites par l’autorité requérante constitue un délit qui est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende.

La mesure prise par le préfet ne doit pas présenter un caractère général (on ne peut réquisitionner l’ensemble du personnel) et être prématurée (CE, 9-12-03, n°262186).

Il est possible de contester l’arrêté prononçant la réquisition. Un recours en référé devant le tribunal administratif est, en effet, envisageable. Depuis la loi du 30 juin 2000, on peut, dans ces circonstances engager un référé en sauvegarde d’une liberté fondamentale (art. L 521-2 du code de la justice administrative). Le juge est alors tenu de statuer dans les 48 heures.

Une question demeure : s’agissant de la réquisition préfectorale, est-il possible de requérir des personnels grévistes relevant d’un employeur privé, quel qu’il soit ?

Selon le commissaire du gouvernement Stahl (conclusions rendues dans l’affaire Aguillon, Dr. Soc., 02/04, p.172 et s.), une réponse négative s’impose : il ne nous paraît pas acquis que ces dispositions puissent permettre de requérir des personnels grévistes relevant d’un employeur privé. Au contraire, il nous semble que l’on devrait plutôt considérer qu’en principe, ces dispositions ne peuvent servir à cela. Elles ont été conçues comme un complément du pouvoir de police du Préfet lorsque le rétablissement de l’ordre public exige des mesures de réquisition.

L’affaire, ayant donné lieu à ces conclusions, concernait pourtant des personnels d’une clinique privée (des sages-femmes en l’occurrence).

Pour ce type de salariés, la solution est un peu différente puisque entre en jeu un problème de santé publique, matière pour une intervention du Préfet au titre de la police administrative générale, selon le commissaire du gouvernement.

Ainsi, dès lors que l’entreprise privée exerce une activité particulière impliquant la santé, la salubrité ou la sécurité publique, une réquisition du personnel semble possible (ex : site Seveso).

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